Alahed
La Turquie,
principal soutien des
terroristes en Syrie
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Mardi 19 mai 2015
L’arrestation de plusieurs magistrats et
militaires turcs, accusés d’avoir
intercepté une cargaison d’armes à
destination des extrémistes en Syrie,
fait la lumière sur le soutien apporté
par la Turquie aux groupes terroristes
et sur son rôle dans la poursuite de la
guerre en Syrie.
En dépit de la montagne d’indices et
d’informations pointant le rôle de la
Turquie dans la guerre syrienne, Ankara
a toujours nié apporter un soutien
matériel aux groupes extrémistes, qui
sèment la mort et la désolation en
Syrie. Pourtant, depuis le début des
événements, le gouvernement syrien
dénonce le rôle de premier plan joué par
son voisin du nord dans la vaste
entreprise de déstabilisation qui vise
le pays. Selon Damas, ce rôle dépasse
largement le domaine politique et
englobe un soutien logistique, une
expertise militaire fournie par les
services de renseignements et l’armée
turcs, et des livraisons massives
d’armes de tout calibre.
En novembre 2014, un rapport établi par
l'Equipe d'appui analytique et de
surveillance des sanctions de l'Onu à
l'attention des membres du Conseil de
sécurité a affirmé que la plupart des
armes transférées clandestinement aux
terroristes de «Daech» et au «Front al-Nosra»
l'ont été via le territoire turc. «Les
armes et munitions viennent de dépôts de
matériel des années 1980 et 1990, ainsi
que de stocks plus récents. La plupart
des articles ont été soit pris aux
forces armées irakiennes ou (dans une
moindre mesure) syriennes, soit été
livrés clandestinement à Daech ou au
Front Al-Nosra, principalement par des
filières transitant par la Turquie»,
indique le rapport.
Appui militaire direct
Sans cette aide précieuse, les
extrémistes auraient depuis longtemps
été écrasés par l’armée syrienne. La
Turquie a même joué un rôle direct dans
la prise de la ville à majorité
arménienne de Kassab, au nord-ouest de
la Syrie, début 2014, et celles de Idleb
et Jisr al-Choughour, en avril dernier.
A Kassab, l’artillerie turque a assuré
une couverture aux terroristes, qui ont
utilisé le territoire turc comme point
de départ pour attaquer cette paisible
localité. A Idleb, les extrémistes
acheminaient des renforts des camps
d’entrainement installés en Turquie
même. Toute ces attaques sont
coordonnées par une salle d’opération
militaire, basé à Adana.
Damas a d’ailleurs accusé la Turquie
d’avoir aidé directement «al-Nosra» et
ses alliés «Ahrar al-Cham» dans leurs
offensives menées au nord de la Syrie.
«Les attaques qui ont visé dernièrement
la ville de Jisr al-Choughour et la
localité de Chtabrak (province d’Idleb)
et celles d’avant menées contre les
villes d’Alep, Kassab et Idleb, se sont
faites grâce à un soutien logistique
direct de la part de la Turquie», a
accusé le ministère syrien des Affaires
étrangères dans une lettre envoyée au
Conseil de sécurité des Nations unies et
au secrétaire général Ban Ki-mon.
Récemment, la Turquie a joué un rôle de
premier plan dans la création de ladite
«armée de la conquête» (Jaych al-Fateh),
une coalition de groupes extrémistes aux
obédiences
turco-saoudo-qataries, dont la colonne
vertébrale est le «Front al-Nosra», la
branche syrienne d’«Al-Qaïda».
En outre, la Turquie constitue le
principal pays par lequel transitent les
milliers de terroristes venus du monde
entier, et qui vont grossir les rangs
d’«Al-Qaïda», de l’organisation «Etat
islamique» et des autres groupes
extrémistes. Le nombre de terroristes
qui seraient passés par la Turquie pour
se rendre en Syrie ou en Irak
s’élèverait, selon des sources de
sécurité, à plus de vingt-cinq mille.
Même la presse occidentale, citant des
sources des renseignements européens et
américains, met en exergue le rôle de la
Turquie.
Malgré ces faits Ankara s’obstine à
nier, souvent avec véhémence, les
agissements qui lui sont attribués. Mais
après une affaire de saisie d’armes qui
défraie la chronique en Turquie, il n’y
a plus de place pour le doute.
Magistrats et soldats arrêtés
En effet, début mai, un tribunal turc a
ordonné l’arrestation de quatre
procureurs et d’un officier de l'armée
dans cette affaire de saisie de
livraison d'armes à destination de la
Syrie l'an dernier.
Les quatre procureurs avaient d’abord
été mutés puis suspendus après avoir
ordonné la fouille de plusieurs camions
et bus dans les provinces d'Adana et
Hatay, frontalières de la Syrie, en
janvier 2014, parce qu'ils les
suspectaient de contrebande de munitions
et armes à destination de la Syrie. Il
est apparu ensuite que les camions
saisis étaient en réalité des véhicules
de l'Agence de renseignements nationale
(MIT) livrant des armes aux extrémistes
syriens.
Embarrassé, le gouvernement turc a
imposé un silence médiatique, y compris
sur Facebook et Twitter, interdisant la
publication des documents concernant
l’affaire de la saisie d’armes.
La police a placé en garde à vue deux
des procureurs, Souleiman Bagriyanik et
Ozcan Sisman, dans leurs résidences
d'Antalya et Adana. Les deux autres
magistrats s’appellent Aziz Takci et
Ahmet Karaca. «Nous venons de vivre une
nuit qui a vu la loi bafouée et l'ordre
des choses renversé», a déclaré M.
Bagriyanik, ancien procureur général
d'Adana, alors qu'il était détenu par la
police. «Je suis détenu maintenant
uniquement parce que je n'ai pas suivi
les menaces et l'ordre de M. le
ministre: ‘Ne fouillez pas les camions’,
et n'ai pas empêché mes collègues de le
faire. Que puis-je dire de plus?»,
a-t-il poursuivi. «Les lois sont là.
C'est mon travail de faire appliquer les
lois».
Les services de sécurité ont également
arrêté le colonel Ozkan Cokay, parce
qu'il était le plus haut gradé dans la
région au moment de la saisie des
camions de contrebande d’armes.
Le 17 mai, nouveau rebondissement. Sept
militaires sont inculpés et placés en
détention provisoire.
Début avril, dix-sept militaires avaient
déjà été écroués dans le cadre de la
même affaire. Ils avaient été inculpés
de «complot contre le gouvernement»
uniquement pour avoir arrêté et fouillé
les fameux camions du service de
renseignement turc.
Au total, 55 personnes, des magistrats,
des soldats et des policiers, ont été
arrêtées dans le cadre de ce scandale,
uniquement parce qu’ils étaient en train
de faire leur devoir.
A travers ces agissements, le
gouvernement turc se rend coupable de la
violation de la résolution 2199 du
Conseil de sécurité et des résolutions
précédentes, interdisant tout soutien, y
compris financier, à «al-Nosra» et «Daech»,
qui sont nommément cités.
Le moment n’est-il pas venu de demander
des comptes à Recep Tayyeb Erdogan et à
son gouvernement?
Source: french.alahednews
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