Alahed
L’Arabie saoudite, un problème d’abord
pour ses alliés
Samer R. Zoughaib

Photo:
D.R.
Mercredi 9 septembre 2015
La
visite du roi Salman ben Abdel Aziz
d’Arabie saoudite à Washington, vendredi
4 septembre, et sa rencontre avec le
président Barak Obama, n’ont pas réduit
le fossé qui existe entre les deux
alliés sur de nombreux dossiers aussi
bien internes que régionaux.
L’Arabie saoudite et les
Etats-Unis sont des alliés depuis des
décennies. Mais la relation entre les
deux pays passe par des hauts et des bas
et les divergences sont remontées à la
surface avec le début des négociations
entre Washington et Téhéran sur le
dossier nucléaire, à l’automne 2013.
Effrayé par une éventuelle normalisation
des relations entre la République
islamique et l’Occident, Riyad a
publiquement affiché son hostilité à
l’égard de ces pourparlers et a pratiqué
un lobbying actif contre les
orientations de l’administration
américaine. Répliquant à l’attitude
inamicale des Saoudiens, le président
Barak Obama a tenu des propos
inhabituels, estimant que les dangers
auxquels sont confrontés les pays du
Golfe, avec à leur tête l’Arabie
saoudite, ne viennent pas de l’Iran mais
de l'intérieur de leurs sociétés
respectives. Il a invité ses alliés à se
pencher sur les problèmes rencontrés par
une jeunesse sans débouchée et privée
d'avenir.
Dans un article publié dans
The National Interest, le journaliste
américain Paul Pillar estime que
«l’anachronisme de l’Arabie saoudite
représente un problème majeur pour la
politique étrangère des Etats-Unis». Il
précise que les divergences entre les
deux pays ne sont pas réellement liées à
l’accord sur le nucléaire, que les
Saoudiens finiront pas accepter. Il
n’exclut pas, d'ailleurs, que le royaume
wahhabite rétablisse des rapports
normaux avec l’Iran. Ces désaccords sont
liés aux «caractéristiques fondamentales
du régime saoudien anachronique».
Une entreprise familiale
Parmi ces «caractéristiques
anachroniques», Paul Pillar souligne le
fait que l’Arabie saoudite ressemble
plus à une «entreprise familiale» qu’à
un Etat. Dans cette entreprise, la
répartition et l'exercice du pouvoir
politique sont de nature «moyenâgeuse»,
comme «un pays gouverné par la dynastie
des Plantagenêt». «Il n'y a pas de
liberté religieuse, les droits de
l'homme font cruellement défaut et les
femmes ne peuvent toujours pas vivre
comme des personnes indépendantes dans
de nombreux aspects de la vie
quotidienne, et elles ne sont pas
autorisées à conduire», écrit le
journaliste.
Sur le plan régional, les
objectifs et les priorités des
Etats-Unis et de l’Arabie saoudite
divergent sur la plupart des dossiers
chauds, même si parfois les deux pays
semblent être du même bord, poursuit
Paul Pillar.
Selon lui, dans la Syrie
déchirée par la guerre, Washington et
Riyad ne sont jamais parvenus à un
accord sur ce que devrait être
l’objectif principal: le renversement du
régime Assad ou la lutte contre
l’organisation terroriste «Daech».
Le journaliste explique que
les «priorités de l’Arabie saoudite sont
basées sur une série de considérations
qui lui sont propres et qui ne
correspondent pas forcément à celles des
États-Unis, dont, par exemple, la haine
vis-à-vis du président Bachar al-Assad
pour le rôle présumé «qu'il a pu jouer
dans l'assassinat de l’ancien Premier
ministre libanais Rafic Hariri, un ami
proche des Saoudiens». Les divergences
dans les priorités se traduisent par des
«désaccords sur les groupes de rebelles
syriens dignes d’être soutenus» par
l’Occident.
En Irak, les priorités
saoudiennes sont influencées par les
mêmes considérations sectaires qui
façonnent la politique saoudienne à
l'égard de la Syrie. «Une fois de plus,
ces considérations sont assez
différentes des intérêts américains»,
affirme Paul Pillar avant de poursuivre:
«Au Yémen, les Etats-Unis se sont
associés à une expédition militaire
saoudienne destructrice et injustifiée,
et, par conséquent, à la tragédie
humanitaire que l'opération a entraînée.
Le principal objectif de Riyad est de
montrer qu'il est le patron de la
péninsule arabique, un objectif que les
États-Unis ne partagent pas. A travers
son offensive contre le Yémen, l'Arabie
saoudite a montré, plus que ne l'a fait
l'Iran, ses intentions déstabilisatrices
sur son entourage».
Le
fléau du wahhabisme
Dans l'un de ses récents
articles, le journaliste américain Tom
Friedman identifie ce qu'il estime être
le facteur saoudien le plus inquiétant
pour les intérêts américains: «Les
milliards et les milliards de dollars
que les Saoudiens ont investis depuis
les années 1970 pour détruire le
caractère pluraliste de l'islam -le
soufisme, les sunnites modérés et les
branches chiites -, afin d'imposer à
leur place la version salafiste-wahhabite
hostile aux femmes, à la modernité et à
l'Occident, promue par l'establishment
religieux saoudien.
Friedman note que les
groupes extrémistes que les Etats-Unis
considèrent comme une menace
sécuritaire, notamment «Al-Qaïda» et «Daech»,
sont «la créature idéologique du
wahhabisme propagé par l'Arabie saoudite
dans les mosquées et les madrasas du
Maroc au Pakistan, en passant par
l'Indonésie».
Paul Pillar s'étonne du
fait qu'un pays comme l'Arabie saoudite,
ayant «des valeurs tellement éloignées
des principes démocratiques et libéraux
de l'Amérique, sans parler des
divergences au niveau des objectifs
régionaux, soit considéré comme un
proche partenaire des Etats-Unis».
Pour Friedman l'explication
réside dans la dépendance des Etats-Unis
à l'égard du pétrole saoudien, «qui
empêche les décideurs américains de dire
la vérité aux Saoudiens».
Mais les deux auteurs
pensent que l'attitude complaisante des
élites américaines vis-à-vis du royaume
wahhabite disparaitra lorsque les Saoud,
incapables de répondre aux demandes de
changements de leur peuple, seront
confrontés à une révolution.
Source :
French.alahednews
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Le
dossier Arabie saoudite
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