Entretien
Fidel Castro, le « héros des
déshérités »
Salim Lamrani
Photo: RIA
Novosti
Lundi 28 novembre 2016
Stéphane Fontaine
Le Quotidien de La
Réunion
Enseignant à l’Université de La
Réunion, spécialiste de Cuba, Salim
Lamrani revient sur ce qu’a apporté
Fidel Castro et sur ce qu’il représente
à Cuba et dans d’autres pays.
- Il est
difficile de résumer en quelques mots ce
que représentait un homme d'une telle
aura et d'une telle longévité politique,
mais quelle image laissera selon vous
Fidel Castro chez les Cubains ?
Salim
Lamrani : Fidel Castro restera dans
l’Histoire de Cuba comme l’architecte de
la souveraineté nationale qui aura fait
de son île une nation indépendante et
qui aura défendu jusqu’aux ultimes
instants de son existence le droit des
Cubains à la dignité. Cuba est
aujourd’hui un symbole de résistance à
l’oppression et un vecteur de
l’aspiration des peuples du Sud à
l’autodétermination.
- Quelles
sont les réussites politiques de Fidel
Castro ?
SL : En plus
d’avoir conquis l’indépendance nationale
tant espérée et d’avoir réalisé ainsi le
rêve du héros national cubain José
Martí, Fidel Castro a mis en place un
système social qui est considéré par
toutes les grandes institutions
internationales comme étant l’exemple à
suivre pour les pays du Tiers-monde. En
universalisant l’accès à l’éducation, à
la santé, à la culture, au sport et aux
loisirs, en plaçant l’être humain au
centre du projet de société, le leader
de la Révolution cubaine a démontré
qu’il était possible d’édifier une
société plus juste malgré des ressources
limitées et l’état de siège économique
imposé par les Etats-Unis depuis plus
d’un demi-siècle.
Fidel Castro, en plus d’être un
réformateur social, a été un
internationaliste solidaire qui a
toujours tendu une main fraternelle aux
peuples du Sud, notamment aux peuples de
l’Afrique australe, l’Angola, la Namibie
et l’Afrique du Sud dans leur lutte pour
la liberté.
A une époque où le changement climatique
est devenu une urgence absolue, Fidel
Castro entrera dans l’histoire comme
ayant fait de Cuba le seul pays au monde
à avoir atteint un développement
durable, selon l’organisation de
protection de l’environnement Word Wild
Fund for Nature (WWF).
- Où
a-t-il échoué, et quelles sont ses parts
d'ombre ?
SL : Cuba a
vécu sous la menace constante du
puissant voisin étasunien depuis plus
d’un demi-siècle. C’est donc dans ce
contexte d’hostilité exacerbée que le
peuple cubain a mis en place son projet
de société, avec de grandes réussites
mais également des échecs. Comme dans
tout processus révolutionnaire, des
erreurs ont été commises à Cuba, qui a
traversé des périodes plus sombres,
notamment dans les années 1970, où des
intellectuels ont été victimes
d’ostracisme.
- Ils
avaient peu ou prou le même âge,
dirigeaient chacun un parti communiste
sur une île, s'étaient rencontrés et
sont morts à quelques jours
d'intervalle. Au-delà de ces points
communs, quel parallèle peut-on faire
entre Fidel Castro et Paul Vergès et où
s'arrête la comparaison ?
SL : Fidel
Castro et Paul Vergès ont tous deux été
de grands défenseurs de la dignité de
leur peuple, de leur identité et de leur
culture. Ils ont tous deux choisi de
revendiquer le droit des humbles à une
vie meilleure. Ils ont deux tous exprimé
une solidarité sans failles vis-à-vis
des peuples luttant pour leur
émancipation. Ils ont tous deux
contribué à l’édification d’une société
moins injuste en défendant l’idée
généreuse d’une meilleure répartition
des richesses.
- Cuba a
entamé, depuis le retrait de Fidel
Castro du pouvoir, un rapprochement avec
les Etats-Unis. Quelles sont les pistes
d'évolution du pays, dans ses relations
avec le grand voisin américain et le
reste du monde maintenant que le «Lider
Maximo» n'est plus ?
SL : La
disparition de Fidel Castro n’aura pas
de grande influence sur l’évolution des
relations entre Cuba et les Etats-Unis
car le leader de la Révolution cubaine
s’était définitivement retiré de la vie
politique depuis 2008.
- Raul
Castro, qui est aussi âgé, a-t-il les
moyens et la stature pour succéder
durablement à son frère ?
SL : Raúl
Castro a été élu à la Présidence de la
République en 2008 et réélu en 2013,
après un intérim de deux ans suite à la
maladie de Fidel Castro en 2006. Le
mandat de Raúl Castro s’achèvera en 2018
et il a annoncé à maintes reprises qu’il
ne se représenterait pas. Cuba aura donc
un nouveau Président en 2018.
- Après
près de soixante ans de règne d'un seul
homme puis de son frère, peut-on
envisager des élections à Cuba?
SL :
Contrairement à une idée reçue, Cuba a
connu pas moins de quatre Présidents de
la République depuis 1959 : Manuel
Urrutia de janvier 1959 à juillet 1959,
Osvaldo Dorticós de juillet 1959 à 1975,
Fidel Castro de décembre 1975 à 2006 et
Raúl Castro depuis 2006, dont la
présidence s’achèvera en 2018 suite à la
réforme constitutionnelle limitant le
nombre de mandats à deux. Il convient de
rappeler que des élections municipales,
provinciales, législatives et
présidentielles ont lieu à Cuba tous les
cinq ans depuis 1976.
- Quelles
figures montantes peuvent incarner
l'avenir dans la classe politique
cubaine ?
SL : Miguel
Díaz-Canel, homme politique né en 1960,
donc après le triomphe de la Révolution,
est l’actuel Vice-président de la
République. Il devrait être le principal
candidat à la succession de Raúl Castro
mais ce sera aux Cubains d’en décider.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel
Castro, héros des déshérités, Paris,
Editions Estrella, 2016. Préface
d’Ignacio Ramonet.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
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