Amérique latine
La Chine a toujours « apporté
son soutien au gouvernement de La
Havane ».
Salim Lamrani

© Salim Lamrani
Dimanche 24 avril 2016
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Salim Lamrani, Docteur ès études
ibériques et latino-américaine de
l’Université Paris-Sorbonne et Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, travaille sur les relations
entre Cuba et les États-Unis. Ce dernier
a répondu aux questions de
Chine-Magazine sur les relations entre
la Chine et Cuba.
Son dernier livre s’intitule « Cuba,
parole à la défense », préfacé par
André Chassaigne, Président du Groupe
d’amitié France-Cuba à l’Assemblée
nationale. Il s’agit d’un ouvrage de
conversations avec dix personnalités
cubaines et internationales sur Cuba,
son histoire, son système, sa société,
ses défis, ses relations avec les
États-Unis et son futur.
– Quels
sont les liens entre la Chine et Cuba ?
Et que représentent les échanges
économiques et politiques entre les deux
pays ?
Salim
Lamrani : La Chine et Cuba sont deux
pays amis, alliés d’un point de vue
politique et économique. Dès le triomphe
de la Révolution cubaine en 1959, la
Chine a exprimé son soutien et sa
solidarité au peuple de José Martí. Dès
son arrivée au pouvoir, Fidel Castro a
rompu les relations diplomatiques avec
Taïwan et a décidé d’établir des liens
avec la Chine.
Cet évènement
historique est inscrit dans la « Déclaration
de La Havane », document fondamental
de l’histoire politique de l’Amérique
latine du XXe siècle. Les deux nations
ont ainsi instauré des liens officiels
en 1960. Cette même année, le Che
Guevara a réalisé une visite historique
en Chine.
Les relations
se sont ensuite distendues pendant près
de vingt ans durant la Guerre Froide.
Puis, à partir des années 1990, les deux
pays ont renforcé leurs relations à tous
les niveaux. En 1993, le Président Jiang
Zemin a réalisé une visite historique à
Cuba. En 1995, Fidel Castro s’est à son
tour rendu en Chine. Ces deux visites
ont contribué au développement des
relations bilatérales. Aujourd’hui, la
Chine et Cuba disposent de multiples
accords de coopération politique,
économique, technique et culturelle.
Au niveau
économique, la Chine est le deuxième
partenaire commercial de Cuba après le
Venezuela. Cuba importe du riz, des
équipements mécaniques (voitures, bus,
machines agricoles, matériel de
construction), électriques (produits
électroménagers) ainsi que des produits
textiles. De son côté, Cuba exporte du
nickel et des médicaments. Le commerce
bilatéral représente près de 2 milliards
de dollars.
Sur la scène
internationale, Cuba et la Chine sont de
solides alliés qui partagent une vision
commune de la nécessité d’un monde
multipolaire régi par la force du droit
international et la résolution pacifique
des conflits. De la même manière, les
deux pays sont très attachés aux
principes de souveraineté nationale, de
réciprocité et de non-ingérence. La
Chine a toujours condamné la politique
hostile des États-Unis contre Cuba,
notamment les sanctions économiques. De
son côté, Cuba a toujours soutenu la
Chine dans ses revendications concernant
Taïwan et le Tibet.
Les Cubains
ont une grande admiration pour le peuple
chinois, pour son histoire et sa
culture. A Cuba, le Chinois est perçu
comme quelqu’un de noble, travailleur et
plein d’humilité. Il y a eu une
émigration chinoise à Cuba au début de
XXe siècle. D’ailleurs, la capitale
cubaine dispose d’un quartier chinois
que le Bureau de l’Historien de La
Havane, dirigé par Eusebio Leal,
préserve avec beaucoup de fierté car il
fait partie de l’identité culturelle de
Cuba.
– La Chine
met en avant son soft-power en Amérique
Latine, devenant d’ailleurs le premier
partenaire économique du Chili,
qu’attendent les autorités cubaines de
leur coopération avec la Chine ?
SL : Le
gouvernement cubain est satisfait des
relations actuelles avec la Chine qui
est un partenaire historique, solide et
fiable. En toute logique, La Havane
aspire à renforcer ces liens à tous les
niveaux. Le tourisme est devenu de plus
en plus important et nul doute que les
deux nations vont accroitre leur
collaboration dans ce secteur. La Chine
peut également apporter son expérience,
son savoir-faire et sa puissance
financière dans des domaines tels que
les infrastructures et l’agriculture qui
sont également des priorités pour Cuba.
– Selon
vous, quel intérêt a la Chine pour Cuba
?
SL : D’un
point de vue économique, Cuba est une
nation relativement modeste. Son PIB est
de 70 milliards de dollars, soit un
chiffre bien inférieur à celui du Brésil
(2 250 milliards), du Mexique (1 260
milliards) ou l’Argentine (610
milliards). L’île n’est donc pas une
priorité économique pour La Chine.
Néanmoins,
Pékin est conscient de l’importance
politique de Cuba en Amérique latine. Il
s’agit de la porte d’entrée du
continent, en raison de son autorité et
de son prestige. Tout pays qui aspire à
entretenir de bonnes relations avec les
pays latino-américains doit privilégier
les rapports cordiaux avec La Havane.
C’est ce qui explique, par exemple, la
visite historique du Président français
François Hollande à Cuba en mai 2015.
C’est également pour cette raison que
les États-Unis ont décidé d’établir un
processus de dialogue avec Cuba depuis
décembre 2014.
Ensuite, des
liens politiques, historiques et
affectifs lient les deux pays. Cuba et
la Chine sont très attachées à ce type
de relations qui dépasse le cadre
économique.
– En
juillet 2014, près d’une trentaine de
contrat ont été signé, un an auparavant
Xi Jinping a rencontré Fidel Castro, ces
évènements n’ont-ils pas poussé les
États-Unis à s’allier rapidement avec
Cuba, quand on sait que l’Amérique
latine est désormais le nouveau terrain
de la politique extérieure chinoise ?
SL : Je crois
que c’est surtout l’isolement des
États-Unis sur la scène internationale
et en particulier en Amérique latine
avec une grande perte d’influence qui a
amené Washington à se rapprocher de
Cuba. Il convient de rappeler qu’en
octobre 2015, pour la 24ème année
consécutive, 191 pays sur 193 ont voté
contre les sanctions économiques que les
États-Unis imposent à Cuba depuis plus
d’un demi-siècle et qui affectent tous
les secteurs de la société et les
catégories les plus vulnérables de la
population.
De son côté,
la Chine a toujours condamné les
sanctions contre Cuba et a apporté son
soutien au gouvernement de La Havane.
Ainsi, au
lieu d’isoler Cuba, la politique
agressive des États-Unis a isolé
Washington. Y compris les plus fidèles
alliés de Barack Obama demandent la fin
de l’état de siège qui étouffe la
population cubaine. Les critiques sont
également très fortes au sein de la
société étasunienne. L’opinion publique
est favorable à plus de 70% à une
normalisation des relations avec Cuba
car elle ne comprend le maintien d’une
politique qui remonte à la Guerre
froide.
Le monde des
affaires aux États-Unis est également
favorable à un rapprochement avec Cuba
et à une levée des sanctions car il voit
un marché naturel et proche de 11
millions d’habitants qui est investi par
les multinationales étrangères. Les
grands médias tels que le New York
Times, le Washington Post et
le Los Angeles Times qui sont des
faiseurs d’opinions ont également
exprimé leur opposition à toute
politique hostile à l’égard de Cuba.
Toutes ces
raisons ont amené le Président Barack
Obama à mettre en place un processus de
rapprochement avec La Havane afin de
résoudre pacifiquement les différends et
mettre un terme à une politique
anachronique, cruelle et obsolète.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba,
parole à la défense !, Paris,
Editions Estrella, 2015 avec une préface
d’André Chassaigne.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
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