Opinion
La Colmenita
de Carlos Alberto
Cremata
Un joyau de la culture cubaine
Salim Lamrani

© Salim Lamrani
Lundi 21 décembre 2015
Lors d’un
séjour pédagogique à La Havane, un
groupe d’étudiants de l’Université de La
Réunion, accompagnés par des
représentants de la Fédération des
étudiants universitaires de Cuba, a eu
le privilège de rencontrer la célèbre
troupe de théâtre infantile fondée par
Carlos Alberto Cremata.

A 16 heures précises, nous avions
rendez-vous avec La Colmenita (la
ruche), prestigieuse troupe de théâtre
infantile. Nous sommes arrivés au siège
de l’institution au cœur du quartier
El Vedado, sous une généreuse averse
tropicale avec près d’une demi-heure de
retard. Son directeur Carlos Alberto
Cremata nous a chaleureusement souhaité
la bienvenue.

Carlos Alberto Cremata, après avoir
salué chacun des visiteurs, nous a
raconté la genèse de la Colmenita. En
1990, le jeune « Tim » Cremata – son
surnom –, alors étudiant de l’Institut
supérieur d’art, décide de fonder une
petite troupe de théâtre itinérante. Son
but est de renforcer le lien culturel
avec les habitants des quartiers
défavorisés de La Havane et d’autres
provinces, notamment de la Ciénaga de
Zapata, par le biais de représentations
des œuvres classiques universelles de
Shakespeare, Lope de Vega ou Tirso de
Molina. L’initiative est un grand
succès.

Tim Cremata poursuit son histoire. Au
début des années 1990, il est nommé
directeur artistique d’une série
télévisée très populaire réalisée avec
des enfants de moins de 5 ans intitulée
Quand je serai grand. Il décide
alors de réaliser des représentations
théâtrales à travers le pays avec ces
mêmes enfants et ainsi naît La
Colmenita. La première
représentation a lieu en avril 1994 au
célèbre théâtre Karl Marx. Pour la
première fois dans l’histoire du pays,
une pièce de théâtre était jouée qu’avec
des enfants. L’accueil du public a été
extraordinaire.

Tim Cremata décide alors de programmer
trois œuvres, Meñique, El gato con
botas et Ricitos de oro y los
tres ositos, et de réaliser
une tournée nationale avec l’idée
d’offrir des spectacles dans les coins
les plus reculés de la campagne cubaine.
Fidèle à la philosophie sociale de la
Révolution cubaine, la culture va vers
le citoyen. Il en est de même pour
l’éducation et la santé. Ainsi, c’est
l’école qui va vers l’élève et le
docteur qui va vers le patient. C’est
pour cela qu’il y a des salles de classe
dans les zones les plus éloignées du
pays avec parfois un seul élève et un
dispensaire pour une seule famille.

En 1995, La Colmenita participe
au Festival national de la chanson
infantile Cantándole al Sol, créé
par l’Organisation des pionniers José
Martí, qui permet de déceler les
meilleurs talents de la nation.

La popularité de la Colmenita lui
permet d’intégrer le Ministère de la
Culture en 1998 et débutent alors les
premières représentations
internationales, avec un voyage
initiatique à Haïti, berceau des
révolutions latino-américaines. Cette
même année, les enfants de La
Colmenita décident de construire un
pont culturel avec les Etats-Unis afin
de montrer l’exemple aux adultes, et
inaugurent leur premier spectacle en
anglais lors de la Première rencontre
Cuba/Etats-Unis à l’Institut cubain
d’amitié avec les peuples. En 2005, la
troupe théâtrale acquiert une renommée
mondiale avec la sortie du film Viva
Cuba, qui a reçu plus d’une
vingtaine de distinctions dont le Grand
Prix du Festival de Cannes. Aujourd’hui,
La Colmenita eest Ambassadrice de
bonne volonté de l’UNICEF.
A la fin des années 1990, les ateliers
de La Colmenita se multiplient à
travers le pays et accueillent tous les
enfants, sans aucune distinction, y
compris les handicapés physiques ou
moteurs. En 2001, les Colmenitas
de tout le territoire national réalisent
une représentation historique Place de
la Révolution à La Havane devant plus
d’un million de personnes.

L’histoire de La Colmenita n’a
pas été un long fleuve tranquille. En
2003, un incendie ravage le siège de la
troupe théâtrale et occasionne des
dommages matériels s’élevant à plus de
40 000 dollars, détruisant une grande
partie des archives musicales de
l’institution. Le pays, confronté à des
difficultés économiques dues aux
sanctions imposées par les Etats-Unis,
fait face grâce à la générosité de la
population et au soutien institutionnel
qui permettent de surmonter cette
épreuve.

Après cette perspective historique, Tim
Cremata nous conduit dans la petite
salle de spectacle où nous attendent les
enfants. Nous formons tous une ronde,
adultes comme enfants, et nous nous
asseyons afin de commencer un échange
collectif.
Le jovial Tim
en vient aux objectifs de La
Colmenita. Ainsi, le but n’est pas
de former des artistes professionnels
car il existe d’excellentes institutions
à travers le pays dédiées à cela, comme
par exemple l’Institut supérieur d’Art.
La finalité est de former les citoyens
de demain en cultivant les valeurs
humaines à travers la création
artistique par le théâtre et la musique.
L’objectif est de transmettre la
littérature universelle et folklorique
de l’Humanité par des représentations
scéniques. La Colmenita ouvre ses
bras à tous les enfants et adolescents
afin qu’ils découvrent la richesse de
l’art créatif et qu’ils tissent des
liens avec les autres en respectant leur
diversité. De la même manière, La
Colmenita associe la représentation
théâtrale au travail communautaire en
réalisant des spectacles dans les zones
les plus défavorisées du pays.

Cette rencontre émouvante avec les
enfants et adolescents de La
Colmenita s’est achevée par un
spectacle participatif de chant et de
danse qui a comblé de joie l’auditoire.
Nous exprimons notre reconnaissance
sincère à Tim Cremata ainsi qu’à tout le
collectif de La Colmenita qui a
offert une magnifique image de Cuba, de
sa culture et de sa générosité.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel
ouvrage s’intitule Cuba, parole à la
défense !, Paris, Editions Estrella,
2015 (Préface d’André Chassaigne).
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page
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