Analyse
Si l'opposition vénézuélienne était
française...
Salim Lamrani
Salim
Lamrani
Jeudi 17 avril 2014
Opera
Mundi
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Que se passerait-il si l’opposition
vénézuélienne était française ? Le cas
de la députée María Corina Machado est
révélateur car la justice de France
serait implacable à son égard.
Depuis février 2014, le Venezuela
est en proie à certaines violences
orchestrées par l’extrême droite
putschiste. Contrairement à ce que
présentent les médias occidentaux,
celles-ci se limitent à neuf districts
municipaux sur les 335 que compte le
pays et le calme règne dans l’immense
majorité du territoire national,
notamment dans les quartiers populaires.
Certains étudiants issus des quartiers
cossus – loin de manifester
pacifiquement comme l’affirme la presse
occidentale – participent à de graves
actions criminelles. Mais ils sont loin
d’être majoritaires. En effet, la
plupart des personnes interpellées ont
de graves antécédents judiciaires et
plusieurs sont même recherchées par
Interpol[1].
Ces neufs secteurs huppés sont tous
dirigés par l’opposition. Bien que ces
violences urbaines soient limitées en
termes géographiques, elles ont été
meurtrières. En effet, au moins 37
personnes ont perdu la vie, dont
certaines dans des conditions
particulièrement atroces : six personnes
roulant à moto ont eu la tête arrachée
par du fil de fer barbelé tendu dans les
rues. Par ailleurs, cinq gendarmes et un
procureur de la République ont été
assassinés par ces groupuscules, alors
que huit autres personnes qui tentaient
de déblayer les rues et de démonter des
barricades ont été exécutées. Près de
600 personnes ont été blessées, dont 150
membres des forces de l’ordre[2].
Les dégâts matériels sont
innombrables et ont dépassé les 10
milliards de dollars, avec la
multiplications des actes de terrorisme
et de sabotage qui ciblent tout ce qui
représente la Révolution bolivarienne
démocratique et sociale : bus brûlés,
stations de métro saccagées, une
université – la UNEFA – complètement
ravagée par les flammes, des dizaines de
tonnes de produits alimentaires à
destination des supermarchés publics
réduites en cendres, bâtiments publics
et sièges ministériels pillés,
installations électriques sabotées,
centres médicaux dévastés, institutions
électorales détruites, etc[3].
María Corina Machado est l’une
des auteurs intellectuels de ces actes
criminels. Députée d’opposition, loin de
respecter la légalité constitutionnelle
du pays, elle a lancé plusieurs appels
publics à la violence : « Le peuple du
Venezuela a une réponse : ‘Rébellion !
Rébellion ! ». La parlementaire a
également appelé au renversement de
Nicolás Maduro, Président légitimement
élu du pays : « Certains disent que nous
devons attendre les élections dans
quelques années. Est-ce que ceux qui
n’arrivent pas à alimenter leurs enfants
peuvent attendre ? Est-ce que les
fonctionnaires, les paysans, les
commerçants, a qui on ôte leur droit au
travail et à la propriété peuvent
attendre ? Le Venezuela ne peut plus
attendre[4] ».
Corina Machado s’est même alliée à une
puissance étrangère hostile en
représentant le Panamá lors d’une
réunion de l’Organisation des Etats
Américains, en flagrante violation de
des articles 149 et 191 de la
Constitution vénézuélienne. Le premier
stipule que « les fonctionnaires publics
ne pourront pas accepter de postes,
d’honneurs ou de récompenses de
gouvernements étrangers sans
l’autorisation de l’Assemblée
nationale ». Quant au second, il
souligne que « les députés de
l’Assemblée nationale ne pourront pas
accepter ou exercer des fonctions
publiques sans perdre leur investiture,
sauf pour les activités universitaires,
académiques, ponctuelles ou
d’assistance, à condition qu’elles ne
supposent pas un dévouement exclusif[5] ».
La députée vient d’ailleurs de perdre
son immunité parlementaire et son poste
de représentante au sein du Parlement[6].
Malgré le fait que cette dernière refuse
d’accepter sa nouvelle situation
juridique affirmant que son mandat ne
peut être révoqué qu’en cas de « décès,
démission, révocation ou destitution
suite à une décision judiciaire[7] »,
la loi est très claire : selon le
Règlement intérieur de l’Assemblée
nationale, l’immunité parlementaire peut
être révoquée par un vote à majorité
simple des députés, ce qui a été le cas[8].
Quant à son poste de députée, elle y a
automatiquement mis en terme en violant
les articles 149 et 191, selon une
décision rendue par le Tribunal Suprême
de Justice[9].
Que se passerait-il si María
Corina Machado était française ? Elle
tomberait immédiatement sous le coup de
la loi pénale. En effet, la députée
destituée a porté atteinte aux intérêts
fondamentaux de la nation, c’est-à-dire
à la « forme républicaine de ses
institutions » (article 410-1 du Codé
pénal français), en appelant à la
rupture violente de l’ordre
constitutionnel[10].
De la même manière, l’article
411-4 stipule que « le fait d'entretenir
des intelligences avec une puissance
étrangère, avec une entreprise ou
organisation étrangère ou sous contrôle
étranger ou avec leurs agents, en vue de
susciter des hostilités ou des actes
d'agression contre la France, est puni
de trente ans de détention criminelle et
de 450 000 euros d'amende. Est puni des
mêmes peines le fait de fournir à une
puissance étrangère, à une entreprise ou
une organisation étrangère ou sous
contrôle étranger ou à leurs agents les
moyens d'entreprendre des hostilités ou
d'accomplir des actes d'agression contre
la France ». De fait, Corina Machado
s’est régulièrement entretenue avec le
Département d’Etat des Etats-Unis,
lequel joue un rôle-clé dans la
déstabilisation du Venezuela.
L’ex-députée d’opposition
tomberait également sous le coup de l’articel
412-2 du Code pénal et serait accusée de
complot : « Constitue un complot la
résolution arrêtée entre plusieurs
personnes de commettre un attentat
lorsque cette résolution est concrétisée
par un ou plusieurs actes matériels. Le
complot est puni de dix ans
d'emprisonnement et de 150 000 euros
d'amende. Les peines sont portées à
vingt ans de détention criminelle et à
300 000 euros d'amende lorsque
l'infraction est commise par une
personne dépositaire de l'autorité
publique ».
Corina Machado aurait également
violé les articles 412-3 et 412-4 du
Code pénal. Ces derniers stipule que
« Constitue un mouvement insurrectionnel
toute violence collective de nature à
mettre en péril les institutions de la
République ou à porter atteinte à
l'intégrité du territoire national. Est
puni de quinze ans de détention
criminelle et de 225 000 euros d'amende
le fait de participer à un mouvement
insurrectionnel : 1. En édifiant des
barricades, des retranchements ou en
faisant tous travaux ayant pour objet
d'empêcher ou d'entraver l'action de la
force publique ; 2° En occupant à force
ouverte ou par ruse ou en détruisant
tout édifice ou installation ; 3° En
assurant le transport, la subsistance ou
les communications des insurgés ; 4°
En provoquant à des rassemblements
d'insurgés, par quelque moyen que ce
soit ; 5° En étant, soi-même,
porteur d'une arme ; 6° En se
substituant à une autorité légale ».
Si l’ex-parlementaire María
Corina Machado était française, elle se
trouverait sous les verrous et serait
accusée de graves crimes contre l’Etat
et les institutions de la République. Il
en serait de même pour les principaux
leaders de l’opposition vénézuélienne
qui ont participé aux violences
meurtrières depuis le mois de février
2014.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba.
Les médias face au défi de
l’impartialité (Paris, Editions
Estrella, 2013) et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Delincuentes buscados por
Interpol manejaban 18 barricadas
en Táchira », 18 mars 2014 ;
Agencia Venezolana de Noticias,
« Guarimbas: Instrumento de la
ultraderecha que ha cobrado 36
vidas », 25 mars 2014; Romain
Migus, « Venezuela : la fabrique
de la terreur », mars 2014.
http://www.romainmigus.com/2014/03/la-fabrique-de-la-terreur.html
(site consulté le 31 mars 2014).
[2]
Agencia Venezolana de Noticias,
« Violencia derechista en
Venezuela ha generado 37 muertos
y 559 heridos », 31 mars 2014 ;
Telesur,
« Más de 10 mil millones de
dólares en pérdidas materiales
por guaribas », 27 mars 2014.
[3]
Agencia Venezolana de Noticias,
« Violencia derechista en
Venezuela destruye 12 centros de
atención médica y electoral”, 27
mars 2014.
[4]
Salim Lamrani, « 25 verdades
sobre las manifestaciones en
Venezuela », Opera Mundi,
2” février 2014.
[6]
EFE,
« Parlamento venezolano ratifica
pérdida de investidura de
diputada María Corina Machado »,
26 mars 2014.
[7]
Agence France Presse,
« Opositora Machado regresa el
miércoles a Caracas y teme ser
detenida », 24 mars 2014.
[9]
EFE,
« Tribunal Supremo venezolano
avala pérdida de investidura de
Machado como diputada », 31 mars
2014.
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