Amérique latine
Comment Barack Obama peut mettre fin aux
sanctions économiques contre Cuba
Salim Lamrani
Photo: Operamundi
Jeudi 8 janvier 2015
Opera Mundi
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Depuis 1996 et l’adoption de la loi
Helms-Burton, le Congrès des Etats-Unis
est le seul à pouvoir lever l’état de
siège contre La Havane. Mais le
Président Obama peut l’y contraindre…
Depuis
l’adoption de la loi Helms-Burton en
1996 – une aberration juridique en
raison de son caractère extraterritorial
et rétroactif –, le Président des
Etats-Unis ne dispose plus de la faculté
exécutive de mettre un terme à l’état de
siège économique anachronique, cruel et
contre-productif – selon les aveux de
Barack Obama lui-même. En effet,
désormais, seul le Congrès peut mettre
fin à une politique hostile qui est
condamnée par l’immense majorité de la
communauté internationale, l’opinion
publique étasunienne, la communauté
cubaine de Floride et surtout le monde
des affaires des Etats-Unis.
La Chambre de commerce des
Etats-Unis, qui représente le monde des
affaires et près de 3 millions
d’entreprises, a exhorté les
responsables politiques, aussi bien le
gouvernement que le Congrès, à adopter
une nouvelle politique vis-à-vis de La
Havane. Selon son président Thomas
Donohue, « il est temps d'éliminer les
barrières politiques établies de longue
date et de gommer nos différences.
C'est dans l'intérêt du peuple américain
et des entreprises américaines
[1] ».
Dans son
allocution historique du 17 décembre
2014 annonçant le rétablissement des
relations avec Cuba après plus d’un
demi-siècle de rupture, le Président
étasunien a lancé un appel au Congrès
afin qu’il opte pour une nouvelle
approche vis-à-vis de La Havane.
« J’encourage le Congrès à ouvrir un
débat sérieux et honnête au sujet de la
levée de l’embargo », a déclaré Obama
[2].
La solution ?
Autoriser le tourisme ordinaire à Cuba
En réalité,
le Président Obama dispose d’un moyen
très simple d’accélérer la fin de l’état
de siège économique qui affecte toutes
les catégories et tous les secteurs de
la société cubaine et qui constitue le
principal obstacle au développement de
l’île. Il lui suffit de permettre aux
citoyens étasuniens de se rendre à Cuba
en tant que touristes ordinaires. En
effet, aujourd’hui, les citoyens des
Etats-Unis peuvent se rendre dans
n’importe quel autre pays du monde, y
compris la Chine, le Vietnam ou la Corée
du Nord, mais leur gouvernement ne les
autorise toujours pas à découvrir l’île
de la Caraïbe.
En brisant
cette barrière qui sépare les deux
peuples, Barack Obama permettrait, selon
les estimations, à plus d’un million de
touristes étasuniens de se rendre à Cuba
dès la première année. Ce chiffre
dépasserait les cinq millions de
personnes par an au bout de cinq années,
car Cuba est une destination naturelle
pour des raisons historiques et
géographiques évidentes. Ainsi, un
immense marché s’ouvrirait pour les
compagnies aériennes étasuniennes,
l’industrie des transports et les
agences de voyages, sans parler des
autres secteurs liés au tourisme de
masse. A ce jour, seuls 90 000 citoyens
étasuniens – en dehors des
Cubains-américains – visitent Cuba
chaque année pour des raisons
professionnelles, académiques,
culturelles, humanitaires ou sportives,
dans le cadre de licences accordées par
le Département d’Etat [3].
L’afflux
massif de touristes à Cuba serait à
l’évidence bénéfique pour l’économie
cubaine, dont les ressources dépendent
en grande partie de ce secteur, mais
également pour l’économie étasunienne.
En effet, les producteurs agricoles
étasuniens seraient également les grands
gagnants d’une reprise du tourisme entre
les deux nations et seraient sollicités
pour nourrir les millions de nouveaux
visiteurs, puisque Cuba importe la
majeure partie de ses matières premières
alimentaires.
Avec
l’autorisation du tourisme ordinaire
vers Cuba, le monde des affaires ne
manquerait pas de faire pression sur les
membres du Congrès, dont la carrière
politique dépend en grande partie des
financements privés qu’ils reçoivent des
entreprises, afin qu’ils mettent
définitivement un terme aux sanctions
économiques contre Cuba. En effet, elles
le privent d’un marché naturel de 11,2
millions d’habitants et potentiellement
de 10 millions de touristes en
provenance du monde entier. Cuba vient
d’ailleurs de dépasser la barre des 3
millions de touristes pour l’année 2014.
Dans un
premier temps, le Président Obama
pourrait donner des directives au
Département du Trésor de ne plus
poursuivre les citoyens étasuniens qui
se rendent à Cuba en dehors du cadre
défini par l’administration. En effet,
les sanctions financières imposées aux
contrevenants qui se risquent à un
voyage sans autorisation, à travers le
Canada ou le Mexique, sont assez
dissuasives [4]. Cela aurait pour effet
de flexibiliser les voyages touristiques
à Cuba et – surtout – de réparer une
anomalie juridique dans la mesure où
cette interdiction viole la Constitution
des Etats-Unis qui protège le droit de
se déplacer librement.
Ainsi,
Barack Obama dispose de la marge de
manœuvre suffisante pour amener le
Congrès des Etats-Unis à mettre un terme
à des sanctions économiques qui
suscitent l’opprobre de la communauté
internationale et qui ont isolé les
Etats-Unis en Amérique latine. Le peuple
cubain mais également le peuple
étasunien seraient les principaux
bénéficiaires d’un rétablissement des
relations économiques, commerciales et
financières normales entre les deux
nations.
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba.
Les médias face au défi de
l’impartialité, Paris, Editions
Estrella, 2013 et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
RTL,
« La Chambre de commerce
américaine souhaite une nouvelle
relation USA-Cuba », 30 mai
2014 ; AFP, « La relation
USA-Cuba doit changer
maintenant, selon le président
de la Chambre de commerce
américaine », 30 mai 2014.
[4]
Salim Lamrani, Etat de siège:
les sanctions économiques des
Etats-Unis contre Cuba,
Paris, Editions Estrella, 2011.
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