Amérique latine
Marcelo Bielsa et la sélection
chilienne :
un regard rétrospectif
Salim Lamrani

© Salim
Lamrani
Mercredi 5 juillet 2017
Salim Lamrani
Université de La Réunion
L’entraîneur argentin a marqué le
football chilien en dirigeant la
sélection nationale de 2007 à 2011,
suscitant l’admiration unanime des
supporters.
Marcelo Bielsa a occupé pendant près de
quatre ans le poste de sélectionneur de
l’équipe du Chili, redonnant un souffle
nouveau au football national et jetant
les bases d’un jeu offensif et généreux
augurant des futurs succès. Même s’il
n’a remporté aucun titre à la tête de la
Roja, il a marqué à jamais les
supporters de la patrie de Pablo Neruda,
ainsi que le reste de la société
chilienne. En effet, l’entraîneur
argentin a laissé un héritage bien plus
important que la conquête ponctuelle de
trophées : il a semé un sentiment de
dignité retrouvée.
Le football chilien
avant Marcelo Bielsa
Marcelo Bielsa a pris les rênes de la
sélection chilienne en août 2007 avec
l’objectif de changer les mentalités des
joueurs, de les fédérer autour d’un
style de jeu et d’obtenir une
qualification pour la Coupe du Monde
2010. Le natif de Rosario a trouvé une
équipe nationale en piètre état, qui
n’avait plus participé à une phase
finale de Coupe du monde depuis 1998, ne
réussissant pas à se qualifier pour les
tournois de Corée du Sud/Japon en 2002
et d’Allemagne en 2006. Au niveau
continental, le Chili avait été éliminé
dès le premier tour de la Copa América
de 2004, terminant dernier du groupe C
composé du Brésil, du Paraguay et du
Costa Rica, sans aucune victoire à la
clé. Lors de l’édition de 2007, le Chili
s’était qualifié au second tour en
finissant meilleur troisième mais
subissait une sévère défaite 6-1 face au
Brésil. Le football chilien traversait
une crise profonde et la tâche
s’annonçait pour le moins ardue pour le
technicien argentin[1].
Matchs amicaux
Le premier match dirigé par Marcelo
Bielsa a eu lieu le 7 septembre 2007 à
Santiago contre la Suisse et s’est soldé
par une défaite 2-1[2].
A cette occasion, le technicien argentin
a largement renouvelé l’effectif en
intégrant sept nouveaux titulaires après
le dernier match perdu contre le Brésil
deux mois plus tôt. Ainsi, Cristián
Alvarez, Miguel Riffo, Arturo Vidal,
Mauricio Isla, Matías Fernández, Alexis
Sánchez et Eduardo Rubio intégrèrent le
onze titulaire et ont rejoint Claudio
Bravo, Ismael Fuentes, Manuel Iturra et
Humberto Suazo, rescapés de la Copa
América 2007. Ce match a marqué les
débuts du jeune Alexis Sánchez qui a
inscrit son premier but, et qui est
devenu dix ans plus tard le meilleur
buteur de la sélection chilienne de
l’histoire.
Quatre jours
plus tard, le 11 septembre 2007, le
Chili a signé sa première victoire en
battant l’Autriche 2-0 à l’extérieur[3].
Au total, entre septembre 2007 et
janvier 2001, sous la direction du
technicien argentin, le Chili jouera 27
matchs amicaux pour un bilan de 16
victoires, 4 matchs nuls et 7 défaites,
marquant 32 buts et en encaissant 15.
La Coupe du monde
2010
L’ambition de Marcelo Bielsa était de
redonner confiance au football national
et d’obtenir la qualification pour la
Coupe du monde 2010 après douze ans
d’absence. Le deuxième objectif était de
remporter au moins un match lors de la
phase finale. Il convient de rappeler
que la dernière victoire de La Roja
en Coupe du monde remontait au 10
juin 1962, en quart de finale contre
l’Union soviétique (2-1), soit près d’un
demi-siècle plus tôt. En effet, lors des
participations au Mondial de 1966 en
Angleterre, de 1974 en Allemagne, de
1982 en Espagne et de 1998 en France, le
Chili n’avait pas réussi à gagner un
seul match.
Lors des
éliminatoires pour le Mondial, le Chili
de Marcelo Bielsa a joué un total de 18
matchs. Il a remporté 10 victoires pour
3 matchs nuls et 5 défaites et obtenu
ainsi la deuxième place qualificative, à
seulement un petit point du Brésil qui a
terminé en tête de l’Amérique du Sud, et
devant des grandes nations du football
telles que l’Argentine, l’Uruguay ou la
Colombie. La Roja a marqué un
total de 32 buts et en a encaissé 22,
soit une différence de but de +10. A
titre de comparaison, le Brésil, qui a
été l’équipe la plus prolifique du
groupe, a marqué 33 buts.
Durant les éliminatoires, le Chili a
notamment battu l’Argentine pour la
première fois de son histoire lors d’un
match mythique à Santiago. La Roja
a remporté d’importantes victoires à
l’extérieur contre le Paraguay à
Asunción, le Pérou à Lima et la Colombie
à Medellín. Cette brillante
qualification, marquée par la production
d’un jeu offensif spectaculaire et
engagé qui a enchanté les amateurs de
football, a valu à Marcelo Bielsa d’être
élu meilleur entraîneur d’Amérique en
2009[4].
Dunga, alors sélectionneur du Brésil et
capitaine emblématique de l’équipe qui a
remporté la coupe du monde 1994, a été
marqué par le jeu généreux développé par
le Chili sous la houlette du technicien
argentin. Il a fait part de ses
impressions : « C’est un grand
entraîneur avec de très bonnes idées. Il
est compétent et a de la qualité. Grâce
à lui, le Chili a fait de bons matchs.
Ils sont très bien préparés pour ce
Mondial[5] ».
Lors du
Mondial 2010, le Chili est tombé dans le
groupe H, en compagnie de l’Espagne, de
la Suisse et du Honduras. La Roja
a remporté ses deux premiers matchs
contre Le Honduras et la Suisse sur le
score de 1-0. Elle s’est ensuite
inclinée de justesse 1-2 face à
l’Espagne, futur vainqueur de la
compétition. Ainsi, en l’espace d’une
semaine, la sélection dirigée par
Marcelo Bielsa a remporté davantage de
victoires en coupe du monde qu’en quatre
participations depuis 1966. Qualifié en
huitièmes de finale, le Chili s’est
incliné face au Brésil 3-0[6].
Le jeu
offensif proposé par Marcelo Bielsa a
impressionné les observateurs du sport
le plus populaire de la planète. Une
légende du football a particulièrement
été impressionnée : Johan Cruyff. Le
meilleur joueur néerlandais de
l’histoire, qui a remporté trois Ligues
des champions et trois Ballons d’Or, qui
a révolutionné le jeu du FC Barcelone,
référence actuelle du football offensif,
a tenu des propos élogieux au sujet de
La Roja : « La plus belle
sélection que j’ai vue est celle du
Chili. Offrir quelque chose de plus aux
supporters a toujours été l’une de nos
qualités [Pays-Bas], mais je dois
admettre que le Chili a pris la relève.
L’équipe a déjà montré beaucoup de
qualités et elle a très bien compris que
même si les possibilités d’un sacre sont
faibles, elle a la possibilité de faire
en sorte que le public prenne du plaisir
à la voir jouer[7] ».
Bilan
Sous l’ère de Marcelo Bielsa, le Chili a
joué 51 matchs, pour 28 victoires, 8
matchs nuls et 15 défaites, soit 55% de
victoires, avec un total de 69 buts
marqués pour 49 encaissés. A titre de
comparaison, Nelson Acosta, qui a dirigé
La Roja pendant 99 matchs de 1996
à 2001 puis de 2005 à 2007, après un
intérim en 1993, a une moyenne de 40% de
victoires. Seul Jorge Sampaoli, qui a
été sélectionneur de 2012 à 2016,
présente une moyenne supérieure à celle
du natif de Rosario avec 61% de
victoires[8].
Le travail de
Marcelo Bielsa à la tête de la sélection
nationale a permis aux joueurs chiliens
de s’exporter en Europe. Plusieurs
d’entre eux jouent désormais dans les
plus grands clubs du Vieux continent.
Ainsi, l’attaquant Alexis Sánchez a été
recruté au lendemain du Mondial 2010 par
le FC Barcelone et joue désormais à
Arsenal. Le milieu de terrain Arturo
Vidal a intégré la Juventus de Turin en
2011 et joue désormais pour le Bayern
Munich. Le défenseur Gary Medel a été
acheté par le FC Séville en 2011 et est
aujourd’hui un élément-clé de l’Inter de
Milan.
Lorsque
Marcelo Bielsa a quitté le Chili en
2011, la sélection nationale disposait
d’une identité de jeu et était respectée
à travers le monde. Le natif de Rosario
a jeté les bases d’un nouveau football
vaillant, offensif et généreux. Il a
professionnalisé le sport phare du pays.
La Roja suscite désormais la
fierté du peuple chilien, heureux de
voir qu’il est possible de réaliser des
exploits contre les grandes nations du
football et d’affronter l’adversité avec
travail, discipline, honneur et
conviction. C’est ce qui explique
l’immense popularité du technicien
argentin.
Arrigo Sacchi, considéré comme étant le
meilleur entraîneur italien de
l’histoire, qui a remporté tous les
titres possibles à la tête du Milan AC
et qui a été finaliste de la Coupe du
monde 1994 avec l’Italie, a bien compris
que l’héritage de Marcelo Bielsa
dépassait le cadre du football. « Au
Chili, il est considéré comme un
demi-dieu, non seulement pour les
résultats qu’il a obtenus, mais
également pour la façon dont ils ont été
atteints », note-t-il, saluant la
philosophie du technicien argentin[9].
Le travail de
Marcelo Bielsa a structuré une équipe
qui remporte quelques années plus tard
la Copa América à deux reprises (2015,
2016). Pep Guardiola, actuel entraîneur
de Manchester City et référence mondiale
du football offensif, rappelle
l’importance de l’action de l’Argentin :
« Tout cela n’aurait pas été possible
sans Bielsa. Il y a toujours quelqu’un
qui édifie les fondations pour
construire la cathédrale[10] ».
Témoignages des
joueurs
Les joueurs ayant évolué sous les ordres
de Marcelo Bielsa ont unanimement
exprimé leur gratitude à son égard et
l’ont tous cité comme référence. Au-delà
des résultats sportifs et du style de
jeu proposé, l’entraîneur argentin a su
changer les mentalités et convaincre les
footballeurs de leurs capacités à
obtenir les meilleurs résultats. Cette
transformation a rejailli sur l’ensemble
de la société chilienne.
Mauricio Isla,
qui évolue aux postes de défenseur et de
milieu, n’a pas oublié l’importance de
Marcelo Bielsa dans sa carrière et celle
de ses coéquipiers. « Cet
entraîneur sort le meilleur de chaque
joueur qu'il soit jeune ou vieux. Au
Chili, il l'avait déjà accompli. Il a
bâti une équipe jeune et l'a fait
fructifier. Ensuite, Jorge Sampaoli a
suivi son chemin avec le même jeu. On
est arrivé à maturité pour remporter la
Copa América », souligne-t-il. Isla
rappelle également que le monde du
football a découvert le Chili grâce au
natif de Rosario : « Si beaucoup de
joueurs chiliens jouent en Europe, tout
a commencé avec Bielsa[11] ».
Il se souvient également de son
exigence : « Au début, tu as
envie de te rebeller. Mais dès que tu
réalises tes progrès, tu commences à
l’aimer[12] ».
A titre personnel, la rencontre avec
l’Argentin a été décisive : « Marcelo
Bielsa est le meilleur entraîneur que
j’ai connu. Grâce à lui, je suis
international. Je lui dois ma mentalité.
C’est quelqu’un qui inculque la culture
du travail[13] ».
Gary Medel, pilier de la sélection en
défense, a également été marqué par le
coach argentin. Il souligne son apport :
« Marcelo Bielsa a
changé la mentalité du footballeur
chilien. Il nous a fait penser
positivement, avec l'idée de jouer pour
gagner, d'aller chercher les matchs. Il
n'a pas été un entraîneur fondamental
seulement pour moi, mais pour tout le
football chilien[14] ».
Gonzalo
Fierro, milieu offensif, partage cet
avis. Pour lui, l’Argentin reste sa
référence : « Mon meilleur entraîneur a
été Marcelo Bielsa. Quand il est arrivé
au Chili, il a changé la mentalité. Le
joueur chilien a pris une autre ampleur[15] ».
Le défenseur
Waldo Ponce insiste sur le travail
psychologique effectué par Marcelo
Bielsa qui a permis à tous les joueurs
de se débarrasser de leur complexe
d’infériorité. Il tient le propos
suivant : « La différence fondamentale
entre l'avant et l'après-Bielsa, c'est
le changement de mentalité du
footballeur chilien. Il a déclenché un
truc qui fait que maintenant on ne se
dit plus : ‘On ne peut pas’. Avec lui,
on s'est rendu compte qu'on pouvait
battre le Brésil ou l’Argentine ou
n'importe qui. Le message principal,
c'est : ‘Pourquoi le Chili ne pourrait
pas ? Bien sûr que le Chili peut !’. Au
niveau du foot, mais sans doute aussi de
manière générale, le Chilien a toujours
eu un complexe d'infériorité par rapport
au Brésil ou à l’Argentine. Avant,
c'était très commun pour un joueur
chilien, ou pour les supporters aussi,
de se dire avant un match contre
l'Argentine : ‘Pourvu qu'on n'en prenne
pas six, mais si on perd sans être
ridicules, c'est bien.’ Tout a changé
avec Marcelo Bielsa[16] ».
Le milieu
offensif Jean Beauséjour a été marqué
par l’érudition de Marcelo Bielsa. Il en
garde un souvenir impérissable : « Pour
moi, Bielsa, et je partage ce sentiment
avec beaucoup d'anciens coéquipiers,
nous qui avons eu la chance de l'avoir
comme entraîneur, a changé notre façon
de voir le football. Il nous a ouvert
l'esprit, c'est comme la Matrice. Dans
le pire des cas, tu joues aussi mal
qu'avant, mais tu sais pourquoi tu joues
mal. Avant, je jouais comme un moineau.
Bielsa ouvre une autre dimension, une
autre vision du football. Je sens que
les années passées avec lui, pour moi,
c'est comme si j'avais fait une thèse,
un Master, un MBA en football[17] ».
La star
Alexis Sánchez, devenu l’un des
meilleurs attaquants au monde, est sur
la même longueur d’onde. Il exprime sa
reconnaissance à l’égard de l’entraîneur
argentin : « Marcelo Bielsa a eu une
très grande influence sur moi. Grâce à
lui, j’ai appris à comprendre le
football[18] ».
Marco Estrada,
milieu de terrain, souligne l’importance
du natif de Rosario dans l’histoire du
sport national : « Tous les entraîneurs
t’apportent quelque chose de positif, un
enseignement. Il n’y en a pas un pire
qu’un autre. Mais le meilleur de tous a
été Marcelo Bielsa. Tous diront que
c’est le meilleur et il l’est pour moi
et, je crois, pour la majorité du
football chilien. Avec lui, il y a eu un
avant et un après dans le football
chilien[19] ».
Le gardien
Claudio Bravo, vétéran de l’équipe, qui
détient le record actuel de sélections,
se souvient de la rigueur de son
entraîneur et de sa capacité à sublimer
le groupe : « Marcelo Bielsa a été
l’entraîneur le plus exigeant que j’ai
eu, celui qui arrivait à tirer le
meilleur de chaque joueur[20] ».
Il a été également marqué par sa
personnalité : « C’est une personne
difficile à cerner mais comme entraîneur
c’est l’un des meilleurs au monde[21] ».
Le défenseur
Ismael Fuentes a été impressionné par
les connaissances footballistiques de
son coach. Il exprime son point de vue à
son sujet : « Pour moi, c’est le
meilleur. Il a marqué ma carrière.
Parfois, on a tendance à être suffisant
et on croit tout savoir sur le football
et quand on rencontre une personne comme
lui, avec ses capacités, on se rend
compte que l’on ne sait rien et l’on
continue d’apprendre et de s’améliorer[22].
[…] A chaque entraînement, il nous
donnait les meilleures armes et les
meilleurs outils pour affronter au
prochain match[23] ».
Le défenseur
Pablo Contreras a déploré le départ de
Marcelo Bielsa de la sélection chilienne
en 2011. « Je le regrette profondément
pour les joueurs, pour les supporters.
Je suis un grand admirateur du travail
qu’a effectué Marcelo Bielsa durant ce
processus. […] C’est une perte
importante pour le football chilien[24] ».
L’attaquant
Humberto Suazo, qui a terminé meilleur
buteur des éliminatoires pour le Mondial
2010, souligne également l’importance de
l’Argentin pour le football de son
pays : « Marcelo Bielsa vivait pour le
football. Il savait ce qui manquait au
football chilien et c’est la raison pour
laquelle il a accepté ce défi si
important. On a joué les qualifications
pour 2010 à très haut niveau. On a
travaillé différemment avec une équipe
très dynamique […]. Je lui en serai
toujours reconnaissant[25] ».
Après la
victoire en Copa América en 2015 sous
les ordres de Sampaoli, Jorge Valvivia,
titulaire incontournable de l’équipe, a
tenu à rendre hommage à Marcelo Bielsa.
Il se souvient de l’arrivée de
technicien de Rosario et de son rôle
dans le redressement de l’équipe
nationale : « Bielsa arrive à une
période où le Chili est au fond du trou,
avec beaucoup de difficultés pour gagner
des matchs. Il donne une philosophie à
la sélection qui a perduré au fil du
temps. Celui qui est à l’origine de tout
cela, c’est Bielsa. […] Il nous a
beaucoup marqués. Il nous a donné la
philosophie et Sampaoli nous a menés à
la gloire[26] ».
Mark
González, milieu de terrain, partage cet
avis : « Marcelo Bielsa est arrivé à
changer le style des joueurs. Ce que
nous faisons aujourd’hui n’a rien à
avoir avec notre production du passé.
Nous avions un système bien structuré
et, le plus important, c’est que nous
avons montré aux gens que nous étions
une grande équipe qui jouait toujours
pour gagner. Marcelo Bielsa est un
technicien unique. C’est un
perfectionniste ». González a également
été marqué par les qualités humaines de
l’Argentin: « Il est très respectueux,
très bon, et donne toujours la confiance
nécessaire pour que l’on s’approche de
lui. Pour ce qui est du travail, il est
très strict, très discipliné[27] ».
Fabián
Orellana, milieu offensif, souligne à
son tour le rôle de Marcelo Bielsa dans
la progression du sport dans son pays et
son influence au niveau personnel :
« C’est un entraîneur érudit et qui a
fait beaucoup de bien au football
chilien. C’est le meilleur entraîneur
que j’ai eu et il sera difficile d’en
avoir un meilleur que lui. Il a été
comme un père pour moi. Il t’aide
beaucoup à grandir comme footballeur. Il
t’apprend, échange avec toi, te corrige
et te félicite quand les choses sont
bien faites[28] ».
Pour sa part,
Gonzalo Jara préfère souligner le
respect conquis par le Chili de Marcelo
Bielsa à travers le monde et la fierté
retrouvée : « Ce processus a été l’un
des meilleurs. Au-delà de notre style de
jeu, tout le monde respecte le Chili,
que l’on joue à domicile ou à
l’extérieur. Nous avons tous progressé,
tant au niveau individuel que collectif[29] ».
De son côté,
Rodrigo Millar, milieu de terrain, se
souvient de Marcelo Bielsa avec émotion
et gratitude. « L’entraîneur qui m’a le
plus marqué est Marcelo Bielsa »,
déclare-t-il en 2014, plusieurs années
après le départ de son mentor[30].
Il en explique les raisons : « Il tire
le maximum de ses joueurs. Avec lui,
j’ai vraiment progressé tactiquement et
techniquement. Il t'apprend des
choses qu'ignorent d'autres entraîneurs.
Pour moi, il fait partie des meilleurs
entraîneurs au monde, cela ne fait aucun
doute. Avoir travaillé avec lui est un
grand privilège. Si tu demandes à mes
coéquipiers de la sélection, ils te
diront la même chose. Il a beaucoup aidé
le football chilien […]. Je n'avais
jamais connu un entraîneur aussi
perfectionniste ». Il souligne son rôle
dans la métamorphose du Chili : « À
partir de l'arrivée de Bielsa, le Chili
est devenu une sélection respectée dans
le monde. S'il avait continué, ça aurait
fonctionné ». Il revient sur son départ
et exprime ses regrets : « Ce fut une
grande perte pour le football chilien,
une vraie régression. Si Bielsa était
resté, je crois, par exemple, qu'on
aurait pu prétendre au sacre lors de la
Copa América 2011[31] ».
Suite au triomphe continental de
2015 avec la victoire en Copa América,
le milieu de terrain Charles Aranguiz a
tenu à associer Marcelo Bielsa au
succès. Il a gardé en mémoire le
prestige conquis par le Chili du natif
de Rosario sur la scène internationale :
« Le football chilien a gagné une plus
grande réputation avec le travail de
Marcelo Bielsa. Il nous a donné du
caractère. Aujourd’hui, nous sommes
respectés au niveau international[32] ».
Marcelo Díaz, milieu de terrain,
partage également cette opinion. Selon
lui, « Marcelo Bielsa a changé le
football chilien de façon indéniable. Sa
façon d’être et son style de jeu ont
séduit, mais, surtout, il a changé la
mentalité du footballeur chilien. Avant,
le footballeur chilien était un peu plus
médiocre. Si l’on jouait contre
l’Espagne, le Brésil ou l’Allemagne, on
entrait sur le terrain avec l’idée que
l’on allait perdre. Aujourd’hui, nous
n’avons plus peur de personne, parque
nous savons qu’en jouant en équipe, nous
pouvons faire mal à n’importe qui. On
joue désormais sans complexes[33] ».
L’attaquant Esteban Paredes
partage l’avis unanime au sujet de son
ancien coach et souligne son apport au
niveau personnel : « J’ai beaucoup
appris quand j’ai intégré la sélection
avec Marcelo Bielsa. Il m’a beaucoup
apporté, des mouvements que j’ignorais
et que je n’imaginais même pas et cela
m’a aidé à grandir comme joueur. Je lui
en suis encore reconnaissant aujourd’hui[34] ».
Le gardien Luis Marín exprime à
son tour sa gratitude et garde un
souvenir ému de l’Argentin : « De tous
les entraîneurs que j’ai eus, Marcelo
Bielsa a été le meilleur. Ce n’est pas
une relation affective, mais il
t’apprend beaucoup et si l’on sait en
profiter, on en ressort enrichi en tant
que personne et en tant que
professionnel[35] ».
Carlos Carmona rejoint son
camarade de sélection et exprime le même
avis : « Je remercie le football de
m’avoir donné un entraîneur comme
Marcelo Bielsa. J’ai eu de bons
entraîneurs mais j’ai été impressionné
par Bielsa car il a une grande méthode
de travail. J’ai beaucoup appris avec
lui[36] ».
Ivan Zamorano, légende du
football chilien, résume bien l’héritage
de Marcelo Bielsa dans des propos
éloquents et exprime à son tour sa
gratitude à son sujet : « L’arrivée
de Bielsa a marqué un avant et un après
dans le foot chilien. Bielsa a tout à
fait changé la mentalité des
footballeurs chiliens, il a créé le
chemin de la génération actuelle, une
génération gagnante. Aujourd’hui, 90%
des éléments de l’équipe nationale
chilienne jouent à l’étranger et ça,
c’est surtout grâce à Bielsa, qui les a
poussés à risquer, à oser. Les quatre
ans de Bielsa à Santiago ont fait en
sorte qu’aujourd’hui, l’image du foot
chilien est très positive. C’est avec
Sampaoli et Pizzi que le Chili a
remporté ses premiers titres mais Bielsa
a fait le premier pas, le plus compliqué[37] »
Conclusion
Marcelo Bielsa a marqué de son empreinte
le football chilien et la société dans
son ensemble. Il jeté les bases du
renouveau sportif et a ouvert la voie
aux futurs succès de la sélection
nationale. Aujourd’hui, La Roja
est une équipe respectée au niveau
mondial. Alors qu’il n’a remporté aucun
titre avec le Chili, il jouit d’une
popularité hors norme auprès du peuple
de Pablo Neruda, bien supérieure à
celles de ses successeurs Jorge Sampaoli
et Juan Antonio Pizzi qui ont pourtant
conquis la Copa América. Aucune figure
du monde du football ne bénéficie d’un
tel prestige au Chili. Il est une raison
à cela : au-delà de ses compétences
unanimement reconnues, le natif de
Rosario s’est engagé dans sa mission
avec passion, a été fidèle à sa ligne de
conduite et à ses principes et a
insufflé un sentiment de dignité
retrouvée auprès de tous les Chiliens.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel
Castro, héros des déshérités, Paris,
Editions Estrella, 2016. Préface
d’Ignacio Ramonet.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[8]
Seuls les sélectionneurs ayant
dirigé l’équipe nationale à plus
de 40 reprises ont été pris en
compte.
[16]
Arthur Jeanne, « Le Chili et
l’héritage de Bielsa »,
op. cit.
[17]
Arthur Jeanne, « Le Chili et
l’héritage de Bielsa »,
op. cit.
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