Opinion
Quand le CRIF provoque l’antisémitisme
Rudolf Bkouche
Rudolf
Bkouche
Samedi 2 août 2014
Taguieff avait raison lorsqu’il
parlait d’une nouvelle judéophobie même
s’il ne voulait pas comprendre ce
qu’elle signifiait. Nouvelle judéophobie
en ce sens qu’elle attaquait non les
anciens parias de l’Europe victimes des
persécutions antijuives mais ceux qui,
en construisant l’Etat d’Israël, avait
dépossédé les habitants de la Palestine
de leur terre et qui continuaient
l’oppression des Palestiniens à travers
l’occupation, l’Apartheid et la
colonisation qui n’est autre qu’une
forme d’annexion de morceaux de terre
palestinienne, mais une annexion
précédée par l’expulsion des habitants.
Car le sionisme, même s’il s’est
constitué en réaction à l’antisémitisme
européen, est devenu, en conquérant la
Palestine, un nationalisme extrême comme
l’ont été le nazisme et le fascisme,
pratiquant la purification ethnique pour
construire un Etat juif, purement juif.
Pour le sionisme, il faut que l’Etat
soit juif pour qu’il puisse être
démocratique et on peut renvoyer à cette
phrase de Ben Gourion, citée par
Sternhell dans son ouvrage Aux origines
d’Israël :
"La démocratie est notre roc et le
seul fondement de notre croissance. Mais
nous devons tenir compte d’un principe
supérieur à ceux de la démocratie : la
construction d’Eretz-Israël par le
peuple juif" [1]
Il faut alors comprendre le rôle
d’une officine sioniste comme le CRIF
dans sa volonté moins de lutter contre
l’antisémitisme que d’user du
développement de l’antisémitisme comme
une façon d’abord de rassembler
l’ensemble des Juifs autour du soutien à
l’Etat d’Israël, ensuite d’appeler le
monde occidental à soutenir l’Etat
d’Israël au nom de la lutte contre
l’antisémitisme.
Ainsi le sionisme qui s’est construit
en réaction à l’antisémitisme a besoin
de l’antisémitisme pour soutenir sa
politique.
On voit ainsi aujourd’hui, comme on
l’a déjà vu antérieurement, le CRIF,
entouré d’autres organisations juives,
appeler à une manifestation de soutien à
Israël au moment d’une agression
meurtrière contre les habitants de Gaza.
Une telle manifestation ne peut que
renforcer des sentiments antijuifs et
c’est bien ce que cherche le CRIF.
Si une telle manifestation provoque
quelques slogans antijuifs dans les
rangs de ceux qui manifestent pour
soutenir les Palestiniens, ce sera un
prétexte de plus pour proclamer que
toute manifestation de soutien à la
Palestine est une manifestation
antisémite. Et le CRIF sait qu’il a le
soutien des autorités françaises en la
personne du président de la République
et du premier ministre. On sait aussi
que la Ligue de Défense Juive saura
provoquer les incidents nécessaires
permettant aux autorités françaises
d’interdire les manifestations de
soutien à la Palestine sous le prétexte
de la préservation de l’ordre public.
On pourrait parler, à propos de
l’attitude du CRIF, de nationalisme
juif, un nationalisme qui demande à tout
Juif de considérer l’Etat d’Israël comme
sa vraie patrie et de le soutenir
inconditionnellement. Qu’importe alors
si ce nationalisme juif provoque de
l’antisémitisme, au contraire plus les
Juifs craindront l’antisémitisme mieux
le nationalisme juif se développera.
La référence à la condition de paria
des Juifs d’Europe et aux persécutions
antijuives est devenue, pour le sionisme
et ses séides, une forme de propagande
et en ce sens cette instrumentalisation
des persécutions antijuives ne vaut pas
mieux que le négationnisme ; que ce soit
la négation de la Shoah ou que ce soit
l’utilisation d’icelle comme argument de
propagande sioniste, c’est la même
abjection. C’est cela qu’il faut
rappeler au CRIF et à ceux qui, au nom
de je ne sais quel philosémitisme, se
croient obligés de soutenir les
positions du CRIF et la politique
israélienne.
[1] Ben
Gourion cité par Zeev Sterrnhell, Aux
origines d’Israël (1996), p. 388
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