Opinion
Rosa Luxemburg contre le féminisme
Mercredi 7 mars 2018 Source de l’article
en Espagnole :
https://nuevocurso.org/rosa-luxemburgo-contra-el-feminismo/
Les suffragettes
et le féminisme
Le féminisme
apparaît en Europe à la fin des années
1890, sous la forme du «suffragisme».
Les suffragettes demandaient
l’extension du droit de vote pour les
femmes bourgeoises lors des scrutins
électoraux alors réservés aux
propriétaires fonciers. Elles
réclamaient le droit pour les femmes des
classes possédantes de participer à la
direction politique de l’État bourgeois.
Dans leur bataille pour obtenir une
place pour les femmes à la direction des
affaires du capital et au gouvernement
des classes supérieures, les
suffragettes ont tenté de recruter les
travailleuses, beaucoup plus nombreuses
et surtout mieux organisées. Les
suffragettes proposaient un
front uni interclasses des «féministes»
dont l’objectif était d’obtenir des
députées bourgeoises aux parlements
bourgeois. Elles ont promis de
représenter «l’intérêt commun de
toutes les femmes», intérêt censé
unir les ouvrières et les bourgeoises.
Mais l’intérêt commun des bourgeoises et
des ouvrières n’existe pas.
La gauche de la
Deuxième Internationale, avec Rosa
Luxemburg et Clara Zetkin
en tête, était radicalement opposée à ce
Front uni des femmes des deux classes
antagonistes. Un an avant la formation
du premier groupe de suffragettes en
Angleterre, Zetkin a
présenté à Gotha, le congrès fondateur
du Parti socialiste allemand, un
rapport sur « La question des
femmes et des tâches de la démocratie
sociale » adoptée à l’unanimité
par le congrès. Par la suite, les
socialistes allemands se sont consacrés
à organiser et à former des milliers de
femmes de la classe ouvrière, à les
mobiliser en faveur du suffrage
universel.
Les féministes
souhaitent des réformes, nous voulons la
révolution sociale
Au Congrès de la
IIe Internationale à
Stuttgart, la gauche, avec Zetkin
et Luxemburg en
tête, mène la lutte mondialement, non
pas contre un machisme supposé, mais
contre des groupes féministes de
certains partis comme le Parti de
Belgique, qui avait adopté à son congrès
de soutenir l’expansion du suffrage aux
femmes des classes supérieures.
Au Congrès de la
IIe Internationale à Stuttgart il fut
demandé aux partis sociaux-démocrates de
tous les pays de mener la lutte pour le
suffrage universel (possédantes et
non-possédantes) comme un élément
essentiel et indispensable de la lutte
générale du prolétariat, pour le droit
de vote et pour les autres aspirations
des femmes dans leurs conditions de vie
et de travail. Les féministes voulaient
étendre le suffrage aux femmes des
classes supérieures seulement, le
socialisme luttait pour rendre le droit
de vote universel; ce qui fit dire à un
observateur : le féminisme souhaite
une réforme légale, le marxisme veut une
révolution sociale.
Lutte des femmes
et lutte pour le socialisme
La bataille
idéologique devient de plus en plus
intense au fil des années. Rosa
Luxemburg dans sa correspondance
parle de l’aspect « morale et
spiritualiste » des féministes et
des invocations qu’elles font en faveur
« du rejet du rôle attribué à la
femme » quand il était en fait
question pour les féministes
d’égalité entre les hommes et les femmes
des couches supérieures pour accéder au
pouvoir.
Pour Rosa
Luxembourg, il est évident que «
la femme » n’est pas un sujet historique
au-dessus ou en dehors des classes
sociales et nous proclamons notre
profond rejet de la réclamation d’un
prétendu « droit des femmes »
qui profiterait qu’aux travailleuses
quelle que soit l’évolution du mouvement
des travailleurs et de la lutte de
classe anticapitaliste.
Pour Rosa
Luxembourg, les féministes
tentent d’utiliser le rejet par les
travailleurs de l’oppression des femmes
d’une manière à détourner la lutte et à
empêcher la jonction et la consolidation
d’un mouvement ouvrier uni qui était
alors en voie d’édification, comme l’a
fait le nationalisme en dévoyant
la résistance à l’oppression nationale.
Rosa
Luxemburg et la question nationale
(1908)
Le devoir de
protester contre l’oppression nationale
et de mener la lutte, ce qui
correspond à l’orientation de classe du
prolétariat, trouve son fondement dans
le «droit des nations», mais
l’égalité politique et sociale des sexes
ne découle d’aucun «droit des femmes»
auquel se réfère le mouvement féministe
bourgeois. Ces droits ne peuvent être
obtenus que d’une opposition
généralisée au système d’exploitation de
classes, à toutes les formes
d’inégalité sociale et à tout pouvoir de
domination. En un mot, ces droits ne
peuvent être déduits que des principes
fondamentaux du socialisme.
Rosa
Luxemburg devant le tribunal
militaire (1914)
Rosa
Luxembourg fut jugée pour son
appel à transformer la guerre
impérialiste mondiale en guerre civile
révolutionnaire dans chaque pays.
Dans « Die Gleichheit »,
le journal dirigé par Zetkin,
elle indique clairement que le pouvoir
des femmes bénéficiant du droit de vote
découle de leur position sociale dans la
bourgeoisie et la petite bourgeoisie et
la réforme juridique du droit de vote
constitutionnalise le pouvoir
capitaliste. Cependant, les femmes
qui travaillent ne peuvent s’émanciper
que par la lutte des classes.
Les défenseurs des
droits des femmes bourgeoises veulent
acquérir des droits politiques pour
participer à la vieille politique. Les
femmes prolétariennes ne peuvent que
suivre le chemin des luttes ouvrières,
le contraire serait de mettre un pied
dans le pouvoir bourgeois au moyen d’un
statut légal voté au parlement
bourgeois.
Pourquoi
dénoncer les organisations féministes
bourgeoises ?
Parce que
Rosa Luxembourg réalise que le
mouvement féministe n’a servi qu’à
accroitre la puissance politique des
couches de la petite bourgeoisie et des
patriotes nationalistes qui ont soutenu
le féminisme pour diviser le mouvement
de classe, le mouvement ouvrier, en
opposant hommes et femmes prolétaires.
Rosa
Luxembourg est claire,
l’organisation des groupes de femmes
uniquement ne peut pas ouvrir la porte
aux luttes de classes. Lorsque
Clara Zetkin initie la première
conférence des femmes socialistes, elle
taquine Luisa Kautsky : « Est-ce
que nous sommes maintenant féministes?
» Écrit-elle. Mais Rosa Luxembourg
savait que si Clara Zetkin
organisait des groupes de femmes
socialistes c’était pour étendre son
programme à l’ensemble de la classe
ouvrière et non seulement aux
travailleuses des grandes concentrations
urbaines. En Allemagne, à cette époque,
il y avait beaucoup de femmes dans les
usines, mais la plupart des femmes
étaient réquisitionnées au foyer dans un
travail non industriel.
Il n’y a qu’un seul
mouvement, une seule organisation de
femmes communistes – anciennement
socialistes – au sein du parti
communiste et il doit inclure les hommes
communistes. Les fins du programme
communiste sont nos fins et nos tâches
scandait Rosa Luxemburg.
LE 8 MARS CONTRE
LE FÉMINISME
La création de la
journée militante du 8 mars comme jour
de lutte, de grève ouvrière commença en
1910 sous le nom de « Journée de
solidarité internationale entre femmes
prolétariennes » sur proposition
de Clara Zetkin. Le but
était d’affirmer le caractère socialiste
et ouvrier du mouvement à travers le
suffrage véritablement universel,
c’est-à-dire en incluant la bataille
pour le droit de vote pour toutes les
femmes : « C’est-à-dire que la
création du 8 mars faisait partie de la
lutte des femmes de la gauche de la
Deuxième Internationale pour les droits
démocratiques de tous les travailleurs
et contre l’idée féministe de « l’union
des femmes » contre laquelle j’ai
combattu toute ma vie » écrivait Rosa
Luxemburg.
R.Luxembourg et
C.Zetkin lutteront contre la
formation de toutes organisations de
front uni interclasses et contre toutes
tentatives de mobiliser les femmes sur
une base féministe et pour ce faire
elles vont « créer » le 8 mars : une
mobilisation unitaire de tous les
travailleurs.
Le 8 mars 1917 à
Petrograd
C’est la
manifestation du 8 mars 1917 à
Petrograd, qui appela les groupes de
travailleurs socialistes, sans
distinction de sexe, affirmant des
revendications pour la classe dans son
ensemble, et deviendra le déclencheur de
la révolution russe.
LE MOMENT DE
VÉRITÉ
Le moment de vérité
qui montre le contexte et la raison de
la bataille de la gauche de la Deuxième
Internationale contre le féminisme
est survenu avec la Première Grande
Guerre mondiale. Les suffragettes
demandèrent alors aux gouvernements
bourgeois d’incorporer les femmes dans
l’effort de guerre et le carnage
guerrier et elles ont activement
collaboré au recrutement de soldats en
faveur de la boucherie de 1914-1918. En
récompense, en 1918, le gouvernement
britannique a accordé le droit de vote
aux 8 millions de femmes des familles
aisées, encore loin du suffrage
universel. C’est ce que la presse
célèbre aujourd’hui comme « la
conquête du vote des femmes » en
oubliant de dire qu’il n’y en avait que
peu qui ont obtenu ce droit.
À l’opposer
Clara Zetkin et les groupes
de travailleuses internationalistes
appelleront la première conférence
internationale contre la guerre au
milieu de la répression la plus sauvage
de tous les gouvernements bourgeois.
C’est le premier acte politique organisé
par un groupe de la IIe
Internationale contre la guerre à
une époque où Luxembourg, Rühle et
Liebcknecht étaient déjà en prison
pour sédition.
La conférence
voulait amener les prolétaires à se
libérer du nationalisme et des partis
sociaux-démocrates pour retrouver toute
leur liberté en faveur de la lutte des
classes. La fin de la guerre ne pouvait
être réalisée que par la volonté claire
et déterminée des masses populaires des
pays belligérants. La Conférence fit
appel aux femmes socialistes et aux
partis socialistes de tous les pays sur
le thème : faire la guerre à
la guerre!
Traduit de
l’Espagnole par Robert Bibeau.
20.02.2018.
http://www.les7duquebec.com
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