Pourquoi le Sénat français invite-t-il
un terroriste
néo-nazi ... et l'assure-t-il de son
soutien ?
Romain Migus
Jeudi 30 mai 2019
Ce mercredi 29 mai 2019, la commission
des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées du Sénat de la
République française, recevait une
délégation de vénézuéliens, avec à leur
tête Lorent Saleh.
Que Mr. Saleh
parade devant les médias français est
une chose. Nous connaissons l’alignement
systématique des rédactions sur les
positions atlantistes et le manque de
discernement de certains journalistes
pour identifier leurs interlocuteurs. En
revanche, l’invitation de Mr Saleh au
Palais du Luxembourg révèle soit un
disfonctionnement des services de
renseignements de notre pays, soit
l’alignement d’une institution
républicaine respectable sur les
secteurs les plus anti-démocratiques de
l’opposition vénézuélienne. Dans les
deux cas, c’est assez préoccupant.
Puisque personne ne
semble connaître les antécédents et
l’orientation politique de Lorent Saleh,
nous nous permettons ici de les
rappeler.
Qui est Laurent
Saleh ?
Lorent Saleh est un
activiste politique vénézuélien et
fondateur du groupe ultra-radical
Juventud Activa Venezuela Unida (JAVU).
Ce groupuscule a été formé par les
serbes de l’organisation Canvas (ex
Otpor) aux techniques de coup d’Etat
soft, théorisé par Gene Sharp. Ayant
quitté Javu pour créer une autre
officine (Operación Libertad), Lorent
Saleh fut responsable d’actions
insurrectionnelles réalisées dans l’Etat
central de Carabobo. Actes pour
lesquels il écopera d’une condamnation
sans incarcération en 2010, mais avec
l’obligation de se présenter au
commissariat. Selon des révélations du
Ministère de l'Intérieur vénézuélien, il
participe, dès 2011, à des camps
d’entrainement dans le but d’agresser le
gouvernement d’Hugo Chávez.
Le 6 juillet 2013,
Mr. Saleh a participé, en Colombie, au
lancement d’un mouvement politique
(Alliance Nationaliste pour la Liberté)
aux cotés de militants néo-nazis du
groupe Troisième Force. Le
positionnement politique de Lorent Saleh
n’est pas un délit, cependant il nous
paraît étonnant que le Sénat français
déroule le tapis rouge à des
représentants de cette idéologie.
Lorent Saleh et
Diego Cubillos, du groupuscule nazi
colombien Tercera Fuerza
Les amis
colombiens de Lorent Saleh
En 2014, il
participe à des guérillas urbaines dans
le but de renverser le gouvernement
vénézuélien. Bilan : 41 morts, 608
blessés, dont
la plupart sont imputables aux amis de
Mr Saleh. Durant les mois qui
suivirent ces violences, le jeune
vénézuélien s’initiera à cette
diplomatie parallèle en parcourant
plusieurs pays dans le but de conquérir
des soutiens dans sa lutte contre le
gouvernement du Venezuela.
Durant sa détention
en Colombie, le journal colombien El
Tiempo, publiera des photos
compromettantes de Lorent Saleh dont
une, où il apparait armé d’un fusil
Galil, de fabrication israélienne. El
Tiempo relèvera pudiquement que
l’activité de Lorent Saleh allait bien
au delà de ce que son visa de
coopération lui permettait. Au vu des
révélations de cet organe de presse peu
susceptible de complaisance avec la
Révolution Bolivarienne, on peut se
demander ce qui justifie l’invitation
d’une telle personnalité dans les
institutions de notre République.
Docteur Lorent
et Mister Saleh. A gauche, lors de son
audition au Sénat de la République
Française,
à droite armé d'un fusil Galil, prêt à commettre des activités
terroristes au Venezuela
Lorent Saleh (au
milieu) lors d'un voyage en Colombie
Pire encore, la
même année, un échange skype entre
Laurent Saleh et un mystérieux
interlocuteur révèle le caractère
mercenaire de l’invité du Sénat. Durant
la conversation,
que chacun peut découvrir, Lorent
Saleh découvre les contours d’une
opération terroriste qu’il a lui même
contribué à planifier.
«Il faut commencer
à monter des camps d’entrainement, ici
en Colombie. Que nos gens apprennent à
manier les armes et les explosifs, à
faire de l’auto-défense et du
parachute » dit l’invité de la
République française. Puis il continue
« nous possédons déjà des explosifs et
du C4, mais nous devons avoir aussi des
gilets pare-balles et de l’armement, et
une façade diplomatique avec Opération
Liberté [son ONG, NDT]».
En septembre 2014,
la Colombie finira par extrader ce
terroriste en herbe au Venezuela, et lui
interdira l’accès à son territoire
durant 10 ans. Rapatrié dans son pays,
il sera jugé, arrêté, mis sous les
verrous, puis libéré en 2018, dans le
cadre de négociations entre le
gouvernement vénézuélien et des
diplomates européens.
Le 26 février 2019,
trois jours après l’échec du
gouvernement des Etats-Unis de violer la
souveraineté du territoire vénézuélien,
nous retrouvons Lorent Saleh en
Colombie. L’interdiction d’entrer sur ce
territoire, émise par la justice cinq
ans auparavant, avait été levé pour 90
jours par le gouvernement d'Ivan Duque.
Ce soir là, il fut arrêté par la police
colombienne. Les interprétations sur les
causes de cette arrestation divergent.
Certaines sources révèlent que Lorent
Saleh aurait essayé
d’abuser de deux femmes dans un bar de
nuit, la police de Colombie
informera
quelques jours plus tard qu’il
s’agissait d’un contrôle de
routine. Il sera finalement libéré.
La crise politique
au Venezuela ne peut se résoudre
pacifiquement que par le dialogue. Si
les Etats-Unis et leurs alliés
latino-américains continuent de jeter de
l’huile sur les braises, les diplomaties
qui recherchent des solutions de paix ne
peuvent que soutenir les rencontres qui
se déroulent actuellement en Norvège
entre les dirigeants envoyés par le
président Maduro et des députés de
l’opposition vénézuélienne.
Or cette dernière
est protéiforme, et couvre un échiquier
politique très large. Il existe au sein
de l’opposition des politiciens qui,
tout en s’opposant au chavisme, à Hugo
Chavez et au président Maduro, cherchent
tout de même des solutions politiques
pour éviter un conflit de plus grande
ampleur.
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