MADANIYA
Israël et son voisinage arabe: Délire
sioniste (1)
et huburisité (2) de l’inimitié
Roger Naba'a
Lundi 14 mai 2018
Sommaire
Divagation
I- La Palestine comme scène originaire
I.1. Le Palestinien: de l’«ennemi
absolu» ou du «Terroriste»
I.2. Des pratiques de l’inimitié
I.2.1. De la guerre dans la guerre :
expulsions massives et bains de sang
- Des expulsions
massives
- Des bains de
sang
I.2.2. De la guerre
dans la non-guerre ou de l’«état de
guerre»: sociocide et sacérisation
- Du sociocide
- De la
sacérisation
I. Les scènes
arabes
II.1. Les Etats arabes du Bassin
palestinien: de l’«ennemi proche» ou de
l’«ennemi réel»
II.2. Les Etats arabes du Bassin du
Golfe: de l’«ennemi lointain» ou de
l’«ennemi diplomatique»
II.3. La «Rue arabe»: de l’«ennemi
passif»
III- Les scènes islamiques
III.1. La scène sunnite: de l’«ennemi en
pointillé» ou de l’«ennemi virtuel»
III.2. La scène chiite après la
révolution khomeyniste: de l’«ennemi
proche et lointain» [Hezbollah et Iran]»
mais néanmoins «ennemi existentiel»
Encadré: Déni, dénégation ou forclusion?
« Quelle est la
chose la plus difficile ? Celle qui te
semble la plus facile : de voir de tes
yeux ce qui se trouve devant tes yeux. »
Goethe.
«Mal absolu»,
«ennemi naturel», «ennemi existentiel»,
«ennemi (géo)politique», «ennemi
objectif», «ennemi réel», «ennemi
religieux», «ennemi héréditaire»,
«ennemi idéologique», «ennemi
virtuel/potentiel», «ennemi
diplomatique», «ennemi proche»/«ennemi
lointain», …
Il semble qu’Israël
ait rempli tout le spectre des relations
d’inimitié et qu’elles les aient toutes
pratiquées contre ses voisins proches et
lointains. Nul procès d’intention,
quoiqu’il serait légitime de le dresser
comme l’on dresse un procès-verbal !
Israël a cheminé
vers l’inimitié de son voisinage proche
et lointain, tout «naturellement»
entraîné qu’il fut – et qu’il l’est
toujours – par la logique de sa
situationi
– et dans le cas qui nous occupe, une
situation belligène – où le place «son
retour à Sion», quand bien même cette
inimitié se réaliserait, au gré des
circonstances, en des figures et selon
des modalités différentes.
Une logique de
situation réduite à sa plus simple
expression puisqu’elle ne met en jeu que
deux positions dans une relation de
voisinage hostile : le Palestinien (~
l’Arabe ou le Musulman) d’un côté et
l’Israélien de l’autre. Or il n’a jamais
été simple d’avoir des voisins. C’est
même toute une histoire ! D’autant que
le «voisin» en l’occurrence, n’a jamais
été pensé, par Israël, en termes de
voisinage mais toujours en termes
d’ennemi/s, non parce qu’il
[l’Israélien] serait pervers par nature
mais parce qu’il n’avait et n’a toujours
pas le choix: sur cette Terre, ce sera
ou lui ou le Palestinien. Montée aux
extrêmes garantie.
Certes, Israël a
pu, après quarante ans d’inimitié
totale, changer de statut et, sinon
passer à la case «ami», réussir quand
même à devenir, après le voyage de
Sadate à Jérusalem, un partenaire -un
adversaire plutôt qu’un ennemi- pour
nombre d’Etats arabes; pendant qu’à
l’encontre des Palestiniens, perdure sa
politique d’inimitié absolue, se
radicalisant de plus de plus avec
l’arrivée des temps prophétiques qui
enveloppent désormais Israël.
Avec les Etats
arabes, officiellement ou
officieusement, des négociations entre
ces anciens ennemis jurés, ont été et
sont en cours ; pendant qu’avec les
Palestiniens, la seule négociation
(Oslo, 1993 et ses suites) qui a
commencé d’avoir lieu a été sabotée par
la logique de la situation et n’a
abouti, en fin de compte, qu’à exacerber
la pratique de l’inimitié. Oslo, une
parenthèse vite fermée.
Deux poids, deux
mesures ? Non ! Deux espèces d’ennemis
-et même trois-, mais n’anticipons pas.
C’est que dans le voisinage proche et
lointain d’Israël, s’il y a ennemi et
ennemi il y a d’évidence un Ennemi et
des ennemis.
Dieu januséen,
l’ennemi peut se désigner lui-même
ennemi d’un tiers ou bien être soi-même
désigné comme tel par un autre. Mais
relation par définition réversible, la
désignation qu’elle soit de soi ou d’un
autre, fait qu’ipso facto, soi-même ou
cet autre en fera de même.
Quand l’Israël
sioniste a eu brutalement surgi dans le
ciel oriental, il s’est lui-même désigné
ennemi des Palestiniens, des Arabes ou
des Musulmansii,
obligeant les autochtones -Etats,
«peuples» et sociétés confondus- à se
focaliser contre lui. Les gens d’ici,
Palestiniens, Arabes ou Musulmans n’ont
pas choisi de faire d’Israël leur
ennemi, il leur est tombé dessus dans la
foulée de l’exécution de l’Empire
ottoman, du Mandat britannique, du
génocide nazi perpétré en Europe contre
les Juifs et du «concert des Nations»
[sic].
C’est donc avant
qu’Israël ne devienne leur ennemi que
les Palestiniens au moment de leur mise
sans terre de par l’occupation de leur
terre, que les Arabes, au moment de son
établissement en Etat fort puis hégémon
lors de la Guerre froide, et enfin que
les Musulmans, face à la «judaïsation»
de leurs signes et symboles sacrés – en
partie partagés ; bien avant donc que
l’Israël-sioniste fut leur ennemi, c’est
lui qui s’est ainsi, ab origine,
désigné.
Et dès lors qu’il
les désignait comme tel,
l’Israël-sioniste établissait l’épreuve
de force comme seul horizon possible de
leur relation, laquelle ne tire sa
signification que de la permanence de
l’éventualité de l’affrontement et donc
de la guerre. De cet acte de
désignation, Israël est donc, de plein
droit et dans les faits, l’énonciateur
originaire; mais inimitié en miroir, il
reste que Palestiniens, Arabes et
Musulmans n’en sont que des énonciateurs
par ricochet, en second, contraints à
l’hostilité par effet de retour à
l’envoyeur.
Divagation: A propos
de la «culture de la bible»
Une telle
affirmation est difficile à admettre
pour les esprits contaminés iii
ou subjugués par la «culture biblique».
Que la Palestine soit la «Terre promise»
des Juifs iv
n’en est-il pas le fond commun, bien
avant même le génocide perpétré par les
Nazis?
L’acceptabilité du
«fait israélien» par les Grandes
puissances qui l’ont imposé, ne
procède-t-elle pas de cette croyance,
qui se confond avec une évidence
immémoriale, ancrée qu’elle est dans la
Mémoire de leur lieu: «Dieu a promis et
donné cette terre aux Juifs?» Certes,
les Palestiniens étaient déjà-là, mais
sur le mode de «ce qui n’existe pas»:
«…parce que, comme le relève Edward
Saïd, la terre était la Palestine, [et
qu’]elle était contrôlée dans l’esprit
occidental non par ses réalités et ses
habitants actuels, mais par son passé
[biblique] grandiloquent et le potentiel
de son avenir.»
«La Terre promise»!
Assertion toujours-déjà-là, rien ne
pourrait la prendre en défaut.
L’impunité manifestée, la complaisance
-cette prédisposition à s’accommoder aux
desiderata d’Israël pour lui plaire,
toujours recommencée depuis 1948-, ne
découlent-elles pas de ce sous-entendu
pensé, su mais pas toujours dit? Comment
contester dès lors la légitimité de
l’Etat d’Israël bibliquement établie en
Palestine? v
Aussi ne revenait
aux gens d’ici qu’à accepter le fait
accompli et ne point faire d’Israël leur
ennemi. Car, pendant que lui en fait ses
ennemis, eux doivent en retour
l’accepter comme ami ou presque! vi
Et c’est bien
évidemment cette «culture de la Bible»
qui fait le fond du délire sioniste et
de son discours institué dans toutes ses
modalités. Que ce discours soit laïc
-celui des pères fondateurs, sionistes
de gauche, de droite ou socialistes-
discours qui a définitivement vii
fait naufrage après entre la Guerre des
Six-Jours de 1967 et la Guerre d’Octobre
de 1973-:
Ou du discours
religieux/messianique qui le relaya pour
se radicaliser de plus en plus, quand
bien même sur le mode de la dénégation
dans sa mouture laïque viii,
ou sur le mode affichée dans le discours
religieux/messianique, de l’un à
l’autre, ce qui change, ce n’est pas le
contenu même du discours sioniste, son
«dit» qui est le même: «retour à la
Terre sacrée», quitte à ce que retour
nécessitât et nécessite toujours
d’expulser un peuple de sa terre natale
(son «non-dit» [bien que «dit»]), d’en
exciser les autochtones pour y prendre
place et racine comme le programmait
leur emblématique «Un peuple sans terre
pour une terre sans peuple» qui leur a
servi en fait de mot d’ordre;
Ni non plus son
référent n’a changé: dans les deux cas,
la Bible ix.
Ce qui change et seulement, c’est leur
«mode de dire»: en termes modernes
laïques, socialistes ou nationalitaires
dans le premier discours;
prophétiques/messianiques dans le
second.
Concept antagoniste
par excellence, l’ennemi se pense donc
selon la catégorie de la relation: il
semble ne pouvoir exister par lui-même
mais toujours dans son rapport à autrui
puisqu’on est toujours l’«ennemi de».
Tirant sa consistance de cette mise en
rapport hostile à l’encontre d’autrui,
quel serait l’«autrui» d’Israël, son
ennemi?
Se déclinant au
pluriel et non plus au seul singulier,
l’«autrui/ennemi» d’Israël désigne des
«autrui/s» qui se présentent comme une
suite réglée d’ennemis: les
Palestiniens, les Arabes, les Musulmans,
qui s’enchâssent, se chevauchent et
s’articulent entre eux sans participer
néanmoins de la même espèce,
n’accouchant donc pas de la même
«inimité»: dans tous ces cas de figure,
si c’est toujours le même ennemi, ce
n’est pourtant pas le même, puisque, de
l’un à l’autre, ce n’est pas la même
espèce d’hostilité que voue Israël aux
uns et aux autres, ni ne pratique ou ne
met en œuvre la même relation
d’inimitié.
Pour démêler
l’écheveau complexe de ces relations, à
cette première discrimination
«culturelle» (nation, ethnie,
religion/Palestiniens, Arabes,
Musulmans), on ajoutera une seconde qui
lui est corrélative et a trait à la
géographie. Qu’elle soit une géographie
de voisinage qui désigne alors l’«ennemi
proche»: territorial et géographique
dans le cas palestinien,
géopolitique/idéologique dans celui des
Etats arabes, ou qu’elle soit une
géographie de la distance comme peut
l’être l’ennemi islamique, qui désigne
alors l’«ennemi lointain», comme «en
pointillé»;
Or pendant que
l’hostilité s’inscrit en termes de
guerre dans le proche voisinage il ne
s’inscrit plus dans un horizon de guerre
dans le lointain voisinage; ainsi le
voisinage géographique transforme-t-il
la relation d’inimitié en «acte
d’hostilité», en guerres et autres
«opérations guerrières/policières»
pendant que la distance géographique la
convertit en «sentiment d’hostilité», en
manifestations, sit-in et autres
«politiques de la rue».
Si les traits
retenus sont nécessaires pour s’y
retrouver, ils ne sont pas suffisants à
eux seuls pour s’y retrouver pleinement:
s’y néglige la perspective de l’histoire
politique de par laquelle s’est tramée
cette relation d’hostilité qui a fait
que certains des ennemis d’hier ne le
sont plus, pendant d’autres ne peuvent
-et ne pourront jamais (?)- changer leur
statut, voués ad vitam aeternam à rester
des ennemis.
Ainsi, et pour
déterminer ces espèces d’inimité,
faudra-t-il qualifier les espèces de
relation d’hostilité mises en pratique,
le pourquoi de leurs mises en jeu, mais
le faire selon une perspective
géographique et historique de la région,
voire au-delà. Tout un programme!
La Palestine comme
scène originaire
«Qui puis-je donc
reconnaitre enfin comme mon ennemi?
Manifestement celui-là seul qui me met
en question. En tant que je le reconnais
comme mon ennemi, je reconnais qu’il me
met en question. Mais qui peut
véritablement me mettre en question?»
Carl Schmitt, La Notion de politique,
«Préface»x.
«Il n’y a pas de
peuple palestinien. Ce n’est pas comme
si nous arrivions et les chassions de
leur propre pays. Ils n’existent pas ! »
Golda Meir, Sunday Times, 15 Juin 1969.
« »Dépouillez le
sionisme du principe territorial et vous
avez détruit son caractère et effacé ce
qui le distingue des périodes
précédentes ». C’est ainsi que
l’essayiste Jacob Klatzkin (1882-1948)
définit l’originalité de l’entreprise
sioniste: la reconstruction de la nation
juive passe par son regroupement
territorial, à l’intérieur d’un espace
souverain. Le sionisme se présente,
ainsi, comme un projet avant tout
géographique.» Alain Dieckhoff, «Quelles
frontières pour l’État d’Israël?»,
CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne],
URL:
http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part3/quelles-frontieres-pour-letat-disrael,
consulté:25/01/2018.
«Seuls quelques-uns
ont admis le fait que l’histoire du
retour, de la rédemption et de la
libération de leurs pères fut une
histoire de conquête, de déplacement,
d’oppression et de mort.» Yaron Ezrachi,
Rubber Bullets, cité par Dominique
Vidal, «L’expulsion des Palestiniens
revisitée par des historiens
israéliens», Le Monde diplomatique,
décembre, 1997.
«Dans un texte
publié le 30 décembre, « On Gaza »,
l’activiste altermondialiste américaine
Starhawk écrit : « Je suis juive, de
naissance et d’éducation, née six ans
après la fin de l’Holocauste, élevée
dans le mythe et l’espoir d’Israël. Le
mythe dit ceci: « Pendant deux mille ans
nous avons erré en exil, nulle part chez
nous, persécutés, presque détruits
jusqu’au dernier par les nazis. Mais de
toute cette souffrance est sortie au
moins une bonne chose: la patrie à
laquelle nous sommes revenus, enfin
notre propre pays, où nous pouvons être
en sécurité, et fiers, et forts ». C’est
une histoire puissante, émouvante. Elle
ne présente qu’un seul défaut : elle
oublie les Palestiniens. Elle doit les
oublier, parce que, si nous devions
admettre que notre patrie appartenait à
un autre peuple, elle en serait gâchée.
Le résultat est une sorte d’aveuglement
psychique dès qu’il s’agit des
Palestiniens.» Mona Chollet, «Des
« barbares » bombardés à Gaza», 1er
janvier 2009, URL:
http://www.peripheries.net/article321.html,
consulté: 21/12/2016.
Or donc, au
commencement était la Palestine, parce
que la Terre d’Israël n’a pu se
construire qu’en déconstruisant la Terre
de Palestine [Cf. Encadré: «Déni,
dénégation ou forclusion»].
Sur cette scène,
l’ennemi palestinien n’est pas un
«ennemi proche» n’étant pas, aux yeux de
l’Israël-sioniste, un «voisin proche» et
encore moins un «proche voisin». Il
habite sa terre natale qu’Israël lui
dispute et dont il veut l’expulser pour
se l’approprier.
Ici, l’ennemi
palestinien n’est pas, dans la
terminologie de Schmitt, un «ennemi
réel». «Ennemi tellurien», ennemi
«autochtone» et, comme tel, «ennemi
existentiel», le Palestinien est un
«ennemi absolu»xi.
Pour le contraindre
à rompre avec sa terre, contre lui la
guerre se fait en continu. Guerre
non-stop, elle se conduit en termes de
guerre en temps de crise, et se décline
en métaphore de la guerre -au demeurant
tout aussi violente que la vraie- par
temps de non crise; guerre aux mille
visages qui a commencé avec le délire
sioniste du «retour à Sion», en Terre de
Palestine, guerre qui se poursuit depuis
et se poursuivra tant que les
Palestiniens n’auront pas rompu avec
leur terre, consentant à la céder, à en
décamper ou se résigner à y vivre en
étrangers, exilés de chez eux chez eux.
Car les
Palestiniens appartiennent à la part de
feu, cette part qu’on réserve à la
destruction, qu’on réduit en cendres,
part avec laquelle on ne peut ni ne veut
vivre et dont on fait un incendie
éternel.
Le Palestinien en
«ennemi absolu»/«Terroriste»
Et pourtant, le
«terroriste» c’est le Palestinien !
Comment penser ce renversement? Comment
penser cette nomination qui converti le
Palestinien en «Terroriste»/«ennemi
absolu»? Il est plausible d’en trouver
une explication dans ce qu’attaque et
menace le Palestinien et comment Israël
s’en défend par cette appellation … «Car
si on nie ce qui nie la négation de mon
existence en désignant l’ennemi réel, on
nie ce qui se nie en désignant l’ennemi
absolu et l’on ne peut élever cela à une
opposition donc une certaine réciprocité
», comme commente Etienne Besse dans «
Désigner l’ennemi»xii.
Par-delà
l’explication habituelle de la
diabolisation, de la déshumanisation ou
de la stigmatisation -qui toutes se
jouent effectivement dans cette
nomination-, ce qui la singularise
néanmoins et la distingue des autres du
même genre, c’est le fait que, dans le
cadre de la relation du nommeur
Israélien au nommé Palestinien,
l’appellation «Terroriste» offre au
nommeur l’inestimable opportunité d’une
surdétermination de sens à gommer,
notamment l’inappréciable fait de passer
sous silence et le nom du nommé et les
causes de son «terrorisme»xiii
;
Ou comme, en plus
de taire le nom, l’acte de le nommer
ainsi sonne comme un acte de déchéance
absolue, ce nom affublé servant non
seulement à donner une autre identité au
nommé, mais aussi à le condamner à
n’être que ce par quoi il est nommé; ou
encore comme d’inscrire la violence de
la résistance des Palestiniens dans le
registre de l’illégitime et, par
glissement métonymique, de
l’illégitimité de la violence à
l’illégitimité de la cause; tout comme
de l’inscrire dans le registre de
l’illégalité qui permet de ranger
l’ainsi nommé du côté de la part de feu
dès lors que, comme «Terroriste», ce
n’est qu’un criminel de droit commun et
non un «Résistant» de droit politique,
qui perd de ce fait sa qualité
d’«ennemi», autrement dit sa qualité
d’interlocuteur politique pour ne
devenir qu’un assassin, aussi l’action
menée contre lui est-elle la simple
exécution d’une sentence, comme «les
attentats ciblés»: une simple mesure
pour mettre hors d’état de nuire un être
malfaisant que l’on se doit d’abattre,
au titre non seulement d’«ennemi absolu»
d’Israël, mais celui de l’Humanité
comprise universellement qu’il met en
danger par son «Terrorisme» aveugle.
Une nomination
comme acte de guerre. Ici, pas de
quartier! Contre l’ennemi palestinien,
l’enjeu, la Terre, est un enjeu «non
négociable»: cette Terre il faut la
prendre sans avoir à la restituer ou la
partager.
C’est ainsi qu’on
en arrive à une «guerre totale»xiv,
une guerre à somme nulle. Un duel à mort
dans laquelle guerre vaincrel’ennemi, le
défaire, c’est le dé-faire et en
dé-faire les traces de la mémoire de ces
lieux.
I.1. Des
pratiques de l’inimitié
«Jamais la face
voilée d’Israël ne se déparera de son
obscurité!»
I.2.1 .De la
guerre dans la guerre: Expulsions
massives et Bains de sang
Pour vider cette
Terre habitée, au creux de la stratégie
de conquête et d’expulsion de
l’Israël-sioniste, a pris pied une
machine de guerre qui s’est mis à
l’ouvrage selon quatre grammaires de
violence qui se sont souvent croisés, se
sont chevauchés, se sont réitérés
conjuguant leurs effets délétères. Au
gré des circonstances, elle prit la
forme des expulsions massives, des bains
de sang, ainsi que, pour les temps de
non-guerre, l’instauration d’un «régime
de guerre» par le sociocide et la
sacérisation des Palestiniens.
Des expulsions
massives
Avec les expulsions
massives, en passant donc à l’acte, le
discours sioniste sur le «transfert»
(sic) révéla sa force performative. Leur
inadmissibilité morale aidant -surtout
pour qui prétendait ne pratiquer
politique et guerre que sous le signe de
la Morale et de la «pureté des armes»-,
la pratique des expulsions massives se
contenta de ne se donner suite qu’en
temps de guerre, quand les évènements
polarisent l’attention ailleurs.
C’est lors de la
première de ses guerres (1947-1949), qui
opposa l’appareil militaire israélien de
l’époque (Haganah, Irgoun, Levi/Stern) à
la société palestinienne que fut mis en
œuvre -par la Haganah et l’Irgoun réunis
sous l’étendard de Tsahal- le Plan
Daleth qui «prévoyait, selon Ilan Pappé,
leur expulsion totale et systématique
[des Palestiniens] de leur patrie». Et
effectivement, bien avant que les armées
arabes n’entrent en guerre (mai-juin
1948), la mise en marche du Plan Daleth
purifia ethniquement les zones dévolues
aux Israéliens par le Grand partage de
la Palestine.
Résultat: de 700 à
800 000 Palestiniens mis «hors-Terre»,
chassés de leurs villes et villages hors
des frontières de la Palestine/Israël.
Non, il n’est pas vari comme il est dit
et cru de par le délire sioniste (qui a
institué son discours), que la Nakba
soit le fruit des circonstances ou
conséquence malheureuse d’une guerre
mais l’aboutissement d’un plan
systématique d’une expulsion en masse,
par la terreur toujours, par les
massacres souvent xv.
Bilan du premier
passage à l’acte, la Nakba de 1948: fin
1947, quand l’ONU exécuta le Grand
partage de la Palestine en deux États,
juif et arabe, la Palestine est habitée
par un tiers de Juifs et deux tiers de
Palestiniens. Un an plus tard, 80% des
Palestiniens natifs de la
«Palestine-devenue-Israël» [désormais:
Palestine/Israël] vivent en exil dans
des camps de réfugiés, plus de 500
villages et 11 quartiers de villes ont
été détruits, rasés et dénommés
xvi. Début 1947 les
colons juifs ne possédaient que 7% des
terres de la Palestine mandataire, trois
années plus tard, fin de l’année
cinquante, ils en possédaient 92%.
Bilan du second
passage à l’acte: la Naksa de 1967.
Dix-neuf ans après la Nakba, lors de la
guerre de 1967 (dite des Six-Jours),
Israël réitéra sa geste expulsive: dans
les 600 000 Palestiniens furent chassés,
respectivement 280 000 et 325 000 de la
Cisjordanie et de Gaza, des dizaines de
villages rasés, les camps de réfugiés de
‘Aqabat Jabr et de ‘Ein Sulṭān vidés,
les habitants de la zone du Latroun
(Jérusalem-Est) et de la vallée du
Jourdain, mis «hors terre» vers la
Jordanie.
Les dirigeants
sionistes peuvent être en désaccord sur
de nombreux points, ils partagent
néanmoins, certes pour des raisons
différentes -d’ordre stratégique pour
certains, religieux pour d’autres,
ethniques pour d’autres encore,
sécuritaires pour d’autres enfin-, ils
partagent néanmoins, tous sans
exception, l’idée de la nécessité du
nettoyage ethnique. D’ailleurs l’idée
d’un «transfert forcé» n’avait-elle pas
été adoptée en 1937 par la Commission
Peel sur la Palestine? L’Israël-sioniste
s’est contenté tout juste d’actualiser,
de faire passer de l’état discursif de
la recommandation de la Commission, à
l’état réel.
Des bains de sang
Avec les bains de
sang on change de registre sans en
changer vraiment. Si l’effet d’annonce
des expulsions massives («On vous
expulse») se signifiait dans le passage
à l’acte, dans l’acte même d’expulser,
l’effet d’annonce des bains de sang
(«Expulsez-vous avant qu’on vienne vous
tuer/expulser) s’affiche toujours en un
passage à l’acte (les bains de sang
proprement dits), mais aux fins d’une
rhétorique de la terreur au service de
l’expulsion: «Je tue ceux-là pour que
les autres « fuient »».
Par lui-même, le
bain de sang ne vaut pas grand-chose:
une centaine de victimes! bien
insuffisants pour débarrasser la
Palestine de ses Palestiniens; sa valeur
persuasive vient, comme l’a si bien
expliqué Begin à propos de Deir Yassine,
de par ses effets et ses retombées:
«La légende de Deir
Yassine nous aida en particulier à
sauver Tibériade et conquérir Haïfa…
Toutes les forces juives se mirent à
avancer dans Haïfa comme un couteau dans
du beurre. Les Arabes [Palestiniens] se
mirent à fuir affolés en criant « Deir
Yassine» xvii.
La pratique des
bains de sang, comme celle des
expulsions massives, exigeant des
conditions propices pour les faire
passer sans tollé ni entacher la
symbolique de la «pureté» israélienne,
les bains de sang furent exécutés eux
aussi lors des trois guerres de 1948,
1956, 1967.
Mais
l’Israël-sioniste dut, dans l’intervalle
qui sépare 1948 de 1956, y recourir
contre ce qu’il appelait les «Infiltrés»
(Mistanenim), lors de la période dite
des «infiltrations frontalières», quand,
après la Grande expulsion de 1948, les
Palestiniens, chassés de chez eux,
repassaient la frontière, bravaient les
interdits pour s’en retourner chez eux,
en solitaire ou en petit groupe.
Les plans
israéliens d’installation des nouveaux
immigrants furent mis à mal par les
menées de ces «infiltrés». On aurait
ainsi décompté, chaque année, entre 10
000 et 15 000 incidents. Au total, ils
provoqueront la mort de plus de 200
Israéliens et entre 2 700 et 5 000
infiltrés/Palestiniens.
Pour y mettre fin,
le commandement israélien mit sur pied,
en 1953, un détachement militaire, la
fameuse Unité 101 sous commandement
d’Ariel Sharon. Pour sa première
opération, qui se voulait exemplaire,
l’Unité 101 attaqua le village jordanien
de Qibiya xviii,
fit sauter quarante et une maisons et
une école -soixante-neuf civils
Palestiniens trouvèrent la mort sous les
décombres-, puis, pour clore en beauté
l’opération, elle abattit de sang-froid
quarante-deux hommes, femmes et enfants
xix.
Pourquoi ce bain de
sang? Parce que l’opération de Qibiya
devait initier une nouvelle forme de
représailles, des massacres en masse qui
frapperaient si fort les esprits qu’ils
inciteraient les autres à «fuir» ou, à
tout le moins, à se résigner à
l’inacceptable. Des bains de sang donc
pour produire un effet maximal de
terreur, créer un état de confusion ou
d’affolement total, apporter la terreur
d’une fin imminente, déchaîner une
peur-panique, conduire les Palestiniens
à l’égarement complet et à la fuite
débridée. Kafr Qassem, Qibiya, Deir
Yassine, Rafah et beaucoup, beaucoup
d’autres! Terroriser, comme l’on sait,
nécessite de faire se représenter la
terreur.
Suivra
Notes et
Références
i1 – Une logique de
situation correspond à une logique de la
nécessite. Elle ne prescrit pas
fatalement un destin obligé ni non plus
des sentiments assujettis; elle ne les
prescrit que si fait défaut à ceux qui y
sont pris la mise à distance réflexive.
C’est le cas de l’Israël-sioniste quant
à la Palestine et aux Palestiniens.
ii2 – Je sais très bien
que c’est une minuscule qu’il faudrait.
Certes, mais en vertu de quelle règle
grammaticale sinon d’une règle de la
grammaire «moderne» du français, lorsque
la France postrévolutionnaire et
farouchement laïque, a eu fini
d’identifier les groupes humains en
raison de leur religion pour lui
substituer le principe «nationalitaire».
C’est ainsi que Français, Arabe,
Américain … s’écrivent avec une
majuscule pendant que juif, musulman,
chrétien …, avec une minuscule. Le juste
ne serait-il pas de qualifier toutes les
nominations des groupes humains de la
même manière, majuscule ou minuscule ?
iiiE3Honni soit qui mal
y pense! «Contaminé» est ici pris en un
sens «littéraire»: changer la nature de
quelque chose, sans idée d’altération
péjorative. (Les dictionnaires).
iv Comme il est, entre
autres, écrit dans la Genèse (XV,
18-21): «Le Seigneur conclut une
Alliance avec Abraham en ces termes :
« C’est à ta descendance que je donne ce
pays, du fleuve d’Egypte au grand
fleuve, le fleuve Euphrate »», ou dans
le Deutéronome [Devarim I]: «Voyez, Je
vous livre ce pays ! Allez prendre
possession du pays que le Seigneur a
promis à vos Pères, Avraham, Itzhak et
Yaacov, à eux et à leur postérité après
eux.»
v Voir Louis-Jean
Duclos, «Les problématiques
légitimations de l’Etat d’Israël», Revue
d’études Palestiniennes, n0 105,
«Nouvelle série», automne 2007. Article
qui explicite les soubassements de cette
«culture biblique» bien que l’auteur
n’utilise pas cette expression.
vi Comme ceci
n’appartient pas en propre à mon propos,
je n’en parle que dans cette
«Parenthèse».
vii«définitivement»
parce que, je crois, que le passage du
laïc au religieux s’est amorcée après la
Guerre des Six jours (conquête de la
Cisjordanie, rebaptisée de son nom
biblique de Judée-Samarie, et surtout de
Jérusalem, elle ne s’est cristallisée
qu’après la Guerre d’Octobre, l’arrivée
du Likoud/Begin au pouvoir et la
naissance du Gouch Emounim
(formellement, comme organisation, en
1974; mais depuis la Guerre des
Six-Jours de 1967, comme idéologie en
montée de puissance qui prône la
colonisation des terres conquises
puisque, selon la Torah, Dieu donna
cette Terre au Peuple juif). Pour cette
distinction entre sionisme laïc et
sionisme religieux, et les néfastes
conséquences de la dominance religieuse
qui marque l’Israël d’aujourd’hui, quant
à un (im)possible compromis
politique/territorial avec les
Palestiniens, voir Avraham Sela, Elhanan
Yakira, «La religion dans le conflit
israélo-palestinien», Cités, 2003/2 (n°
14); sur le site:
https://www.cairn.info/revue-cites-2003-2-page-13.htm#
Consulté le 3/01/2018.
viii «laïcité» qui
faisait dire à Yéshayahu Leibovitch, que
c’est une «laïcité de mauvaise
réputation religieuse».
ix Culture biblique des
sionistes non-religieux: laïcs,
socialistes, nationalistes? Comme le
rappelait Théodore Herzl, plutôt laïc
que religieux, au début du siècle
dernier: «Si la revendication d’un coin
de terre est légitime alors tous les
peuples qui croient en la Bible se
doivent de reconnaître le droit des
juifs» [SPN] ; (cité par Bruno Guigue,
«Jérusalem et la mystique de
l’élection», Agoravox,
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/jerusalem-et-la-mystique-de-l-199564.
Consulté le 21/12/2017.
Une centaine
d’années plus tard, ce dimanche 31
décembre 2017, lors de la réunion des 1
500 membres du comité central du Likoud
– certes d’extrême droite, mais
néanmoins pas «parti religieux» – qui
ont voté à cette occasion, à
l’unanimité, en faveur de l’annexion des
colonies de la Cisjordanie -, Guilad
Erdan, ministre de la Sécurité
intérieure, s’est enflammé: «Le temps
est venu d’affirmer, s’écria-t-il, notre
droit biblique sur cette terre. (…) Nous
disons au monde que nous n’avons que
faire de ce que les autres nations
disent» [SPN]. Sur cette question de la
«terre biblique», les discours des
sionistes, de gauche comme de droite,
laïc ou religieux, peuvent être lus
comme un Grand discours collectif, comme
le relève Zeev Sternhell (dans un
article du Monde diplomatique,
«Révolution laïque pour le sionisme»,
repris dans Manière de voir, Histoires
d’Israël, avril-mai 2008, URL:
https://www.monde-diplomatique.fr/mav/98/STERNHELL/15918,
consulté: 12/01/2009): «La mystique
terrienne qui dictait à nos
gouvernements successifs, travaillistes
et de droite, leurs décisions de
politique territoriale ramenait toujours
au continuum histoire-religion,
fondement premier du sionisme. Cette
mystique était une des choses les mieux
partagées: c’est pourquoi toutes les
tendances du sionisme, religieux comme
laïque, de droite comme de gauche, en
dépit de toutes leurs différences,
voulaient les frontières les plus
étendues possibles.»
Comme le notait
Zeev Sternhell (dans un article du Monde
diplomatique, «Révolution laïque pour le
sionisme», repris dans Manière de voir,
Histoires d’Israël, avril-mai 2008, URL:
https://www.monde-diplomatique.fr/mav/98/STERNHELL/15918,
consulté: 12/01/2009): «Le
nationalisme juif ne diffère guère du
nationalisme d’Europe centrale et
orientale: « volkiste », culturel et
religieux, immergé dans le culte du
passé héroïque. Il n’éprouve aucune
difficulté à refuser à autrui les mêmes
droits élémentaires qu’avec une
tranquillité d’esprit absolue il exige
pour lui-même. Confiant dans son bon
droit à réclamer toute la terre antique
de nos rois et de nos prophètes, le
sionisme ne pouvait concevoir qu’une
autre légitimité pût aussi exister au
pays de la Bible.»
xLes Editions
Flammarion ont édité en 1992, dans la
Collection «Champs», avec une «Préface»
de Julien Freund, deux ouvrages de C.
Schmitt en un seul volume: La Notion de
politique (écrit en 1932) et Théorie du
partisan (écrit en 1962),
respectivement, désormais, NP et TP.
xi Carl Schmitt
distingue très nettement dans La Notion
de politique -La Théorie du partisan
(Flammarion, «Champs», pp. 294-305),
entre «ennemi réel» et «ennemi absolu».
C’est dans ce dernier cas, précise-t-il,
qu’émerge une désignation qui utilise
des critères qui ne sont plus
strictement politiques – comme ça l’est
dans le cas de «l’ennemi réel». Du
«réel» à «l’absolu» ce qui change c’est
la perspective dans laquelle s’inscrit
l’inimitié. Dans le cas de «l’ennemi
réel» la politique se saisit
politiquement de son ennemi par
regroupement en opposition «ami/ennemi»;
pendant que dans le cas de «l’ennemi
absolu», elle ne s’en saisit plus
politiquement mais sur le mode de
l’exclusion.
xii Etienne Besse,
«Désigner l’ennemi, de Carl Schmitt à
Michel Foucault: de sa discrimination à
sa gouvernementalisation, Implications
philosophiques, URL:
http://www.implications-philosophiques.org/ethique-et-politique/philosophie-politique/procedure-et-dispositif/designer-lennemi/,
consulté : 09/03/2018.
xiii Dans sa conférence
de presse du 27 novembre 1967, de
Gaulle, qui avait bien saisi la nature
du «terrorisme», y démonte son mécano:
«Israël ayant attaqué s’est emparé en
six jours de combat des objectifs qu’il
voulait atteindre. Maintenant, il
organise, sur les territoires qu’il a
pris, l’occupation qui ne peut aller
sans oppression, répression, expulsions
et il s’y manifeste contre lui une
résistance qu’à son tour, il qualifie de
terrorisme.»
xiv De la «guerre
totale», définie selon Schmitt dans,
surtout, NP et TP et Nomos de la terre,
je ne retiens que ce qui convient à nom
propos. Elle impliquerait donc
l’abolition de la distinction entre
combattants et non-combattants, civils
et militaires, «société militaire» et
«société civile», guerre militaire et
non militaire [euphémisée par
«Opération»]; et conduit à l’engagement
– à tout le moins à la mobilisation de
toutes les ressources, physiques et
morales d’une nation dans la lutte
contre son ennemi; elle se réalise dans
une entreprise d’extermination totale –
dans notre cas: d’expulsion totale, si
possible -, qui «outilise», sans
vergogne, tous les outils nécessaires à
son entreprise. Outre C. Schmitt, voir
le commentaire d’Emmanuel Tuchscherer
(«Le décisionnisme de Carl Schmitt:
théorie et rhétorique de la guerre»,
Mots. Les langages du politique, n° 73,
Les Discours de la guerre, février 2004,
mis en ligne le 09 octobre 2008. URL :
http://mots.revues.org/index15642.html),
consulté le 20/12/2010.
xv Cf., entre autres
auteurs, Ilan Pappé, Le Nettoyage
ethnique de la Palestine, Trad. Paul
Chemla, Fayard, 2008. Pour en attester
le caractère délibéré et systématique,
Pappé exhibe le modus operandi de
l’expulsion, qui figure dans le Plan
Daleth: «Ces opérations [d’expulsion]
peuvent être menées de la manière
suivante: soit en détruisant les
villages (en y mettant le feu, en les
dynamitant et en posant des mines dans
les décombres). Notamment ceux qui sont
difficiles à maîtriser en permanence. Ou
en montant des opérations de ratissage
et de contrôle conformes aux directives
suivantes: encerclement des villages,
recherches à l’intérieur. En cas de
résistance, les éléments armés seront
éliminés et la population expulsée hors
des frontières de l’État. »
xvi De l’aveu de Moshe
Dayan lui-même, lors d’une «Adresse» au
Technion Haifa [Institut de recherche et
université publique à Haïfa], rapporté
par Ha’aretz du 4 avril 1969: «Des
villages juifs furent construits à la
place des villages arabes. Vous ne
pouvez même pas connaître le nom de ces
villages arabes, et je ne vous blâme pas
parce que les livres de géographie
existent depuis peu. Non seulement les
livres n’existent pas, les villages
arabes ne sont pas là non plus. Nahlal
s’élève à la place de Mahlul, Kibbutz-Gvat
à la place de Jibta, Kibbutz-Sarid à la
place de Huneifis et Kefar-Yehushua à la
place de Tal al-Shuman. Il n’y a pas un
seul endroit construit dans ce pays qui
n’a pas eu une ancienne population
arabe. […]
Toutes nos cités
sont construites sur les ruines de
villages arabes, et nous ne rasons pas
seulement leurs murs, mais nous essayons
de rayer leurs noms des livres
d’histoire. Ils ont donc de très bonnes
raisons de lutter contre nous. Si
j’étais Arabe [Palestinien], je
combattrais certainement pour le Fatah.
»
xviiMenahim
Begin, The Revolt Story of the Irgun,
Schuman, N. Y., 1951 [Trad. fr, Jacques
Hermone, La Révolte d’Israël, Paris, Éd.
Albatros, 1978. [SPN].
xviii Pour ne retenir
que le massacre inaugurateur de la
coulée des bains de sang de cette
période.
xix Commander E. H.
Hutchinson, Violent Truce: A Military
Observer Looks at the Arab-Israeli
Conflict, 1951-1955, London, John
Calder, 1956, cité dans Qui sont les
terroristes ? Aspects du terrorisme
sioniste et israélien, publication de
l’Institut des études palestiniennes,
Beyrouth, 1972.
Illustration
Massacre de Deir
Yassin
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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