Les 7 du Québec
Un film de la CIA: «Il est mort comme un
chien».
En vedette, Trump et Al-Baghdadi
Robert Bibeau

Mercredi 30 octobre 2019 Le titre et le
script
«Il est mort
comme un chien», Donald Trump
ne pouvait être plus percutant alors
qu’il posait pour les caméras du monde
entier. Abou Bakr al-Baghdadi,
chef recruteur de Daech au Levant,
aurait été livré à ses bourreaux sans
procès, tout comme son prédécesseur
Osama Ben Laden ex-recruteur
d’AL QAIDA, prétendument
assassiné extrajudiciairement. Comme
pour chaque film inspiré du Far West
américain, le shérif a tué le truand au
moment où il allait se mettre à table et
livrer ce qu’il sait des activités de
ceux qui l’ont commandité.
Les scènes-chocs de
ce film de série B étaient écrites : le
lâche terroriste, coincé dans un réduit
sans issues, huit hélicoptères de combat
planant au-dessus de sa casemate
imprenable, trois enfants terrifiés en
otage, à moins que ce ne soit deux des
femmes du polygame, et le misanthrope
pleurnichant a fait exploser son gilet
pare-balle, le tunnel s’effondre sur lui
et ses otages (enfants radicalisés pour
les uns, femmes hystériques pour les
autres). Cette fin supposée de Baghdadi
évitera aux Américains, comme pour Ben
Laden, d’exposer son corps au public.
Pepe Escobar,
toujours bien informé (!)
prétend : « Qu’une équipe
médicolégale de premier plan a expertisé
des échantillons de l’ADN du faux calife
et a fait apparemment son travail en un
temps record ! Les restes de la cible
commodément auto-explosée – scellés dans
des sacs en plastique – le confirment :
c’est Baghdadi… puisqu’on vous le
dit! En pleine nuit, il est temps pour
le commando de retourner à Irbil, un vol
de 70 minutes au-dessus du nord-est de
la Syrie et du nord-ouest de l’Irak.
Fondu au noir : nous sommes à la
conférence de presse de Trump. Mission
accomplie. Générique. » (1) Mort ou
extradé vers la Turquie voisine, en
voilà un autre qui ne risque plus de
révéler les secrets de son métier de
chef de milice djihadiste et de trahir
ses complices.
Le choix de
l’endroit de l’exécution
La scène
rocambolesque s’est déroulée à
Idlib, dans le nord-ouest de la
Syrie, à 5 km de la frontière
syro-turque. La casemate et ses tunnels
n’existent plus, transformés en gravats
pour qu’il ne devienne pas le sanctuaire
de ce « sultan » encombrant. Les
services secrets turcs dont on ne
connait plus l’allégeance (OTAN ou
russo-chinois) ont livré les
renseignements pour localiser cet ancien
agent de la CIA venu jadis palabrer avec
le sénateur McCain avant de proclamer le
califat. (2)
Curieusement, il
n’y a pratiquement pas de jihadistes de
ISIS/Daech à Idlib
(ils se trouvaient plutôt en sécurité
dans les prisons du Rojava
avant d’être extradés par les
troupes américaines à l’arrivée de
l’armée syrienne), mais beaucoup de
Hayat Tahrir al-Sham,
anciennement Jabhat al-Nusra,
une filiale syrienne du centre de
recrutement de mercenaires d’Al-Qaïda,
des noms connus à Washington sous le nom
de «rebelles modérés», dont des
brigades turkmènes armées par les
services de renseignements turcs.
Pourquoi le chef recruteur des
mercenaires de Daech se planque-t-il
dans un réduit contrôlé par son rival et
concurrent au Proche-Orient? Deux
réponses possibles : A) L’armée syrienne
et l’aviation russe ayant rapidement
bloqué la frontière syro-turque, ont
rendu difficile l’extradition de l’agent
recruteur djihadiste vers la Turquie
amie. B) Le «chien mort» à Idlib
pourrait être Abou Mohammad Salama,
le chef du Haras al-Din,
un sous-groupe d’Al-Qaïda en Syrie.
La complicité de
la Russie dans la mise en scène?
Trump a dit à
propos de Moscou : «Nous leur avons dit
: «Nous arrivons»… et ils ont dit :
«Merci de nous avoir prévenus.» Mais,
«ils ne savaient rien sur la mission».
Pourtant : «le ministère russe de la
Défense ne dispose pas d’informations
fiables concernant des soldats
américains conduisant une opération
visant à éliminer pour la énième fois le
chef de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi,
dans une localité sous contrôle turc
dans la zone de désescalade d’Idlib»,
a annoncé le général Igor
Konachenkov, porte-parole du
ministère russe de la Défense. Selon le
général, le nombre croissant de ceux qui
annoncent leur participation à
l’élimination d’al-Baghdadi et diffusent
des détails contradictoires de
l’opération jette le doute sur la
réalité de l’opération comme telle et
sur sa réussite. «Nous ne sommes au
courant d’aucune contribution présumée
quant au passage de l’aviation
américaine dans l’espace aérien de la
zone de désescalade d’Idlib lors de
cette opération», a souligné le
porte-parole de la Défense russe. (3)
«ISIS/Daech a par
ailleurs déjà désigné un successeur :
Abdullah Qardash, alias
Hajji Abdullah al-Afari, également
irakien et ancien officier militaire de
Saddam Hussein. Il est fort
possible qu’ISIS/Daech et une myriade de
sous-groupes et de variations
d’Al-Qaïda en Syrie fusionnent à
nouveau, après leur division de 2014. »
(4)
La ressource
stratégique
Pour mémoire, avant
l’ascension d’ISIS/Daech, au milieu de
la guerre par procuration contre le
gouvernement syrien désobéissant, un
mémo de la DIA était sans
équivoque: si la situation se dégrade,
il est possible d’établir une
principauté salafiste déclarée ou non
déclarée dans l’est de la Syrie (Hasaka
et Der Zor), et c’est
exactement ce que veulent les puissances
qui soutiennent l’opposition «modérée»
(sic), afin d’isoler le régime syrien,
qui est considéré comme stratégique pour
stopper l’expansion des «Routes de
la soie» dans cette région
carrefour entre l’Orient – l’Occident –
l’Afrique. Car ce n’est plus le pétrole
la ressource stratégique de cette
région, mais sa position stratégique au
carrefour de très grands marchés
commerciaux convoités. (5) Les faits sur
le terrain, après le dernier accord
majeur négocié par la Russie entre les
Turcs et les Kurdes syriens du Rojava,
montrent clairement que le
rétablissement de l’intégrité
territoriale de la Syrie est en bonne
voie. Il n’y aura pas de balkanisation
de la Syrie malgré sa destruction. La
dernière poche qui reste à délivrer des
djihadistes est Idlib. Qui sait
ce qu’il adviendra par la suite de la
base militaire américano-israélienne au
Levant. (6)
Le film «Il est
mort comme un chien» enterre
littéralement – du moins pour l’instant
– une histoire gênante: le Pentagone
déploie des forces pour occuper les
champs pétroliers syriens. C’est tout
aussi illégal, selon le droit
international, que la présence de
troupes américaines en Syrie, qui n’ont
jamais été invitées par le gouvernement.
Ceci constitue un dernier chantage à
l’endroit des forces de la résistance
afin qu’elles ne cherchent pas à savoir
quels cadavres dorment sous les linteaux
effondrés à Idlib
L’assassinat
extrajudiciaire (ou l’exfiltration en
catimini) du chef recruteur des
mercenaires de Daech constitue
l’acceptation par l’Amérique et ses
sous-fifres de leur défaite sur le front
du Proche-Orient. Nous pouvons envisager
qu’en même temps que les troupes
américaines se retireront du terrain,
peu à peu le venin ethnique, religieux,
sectaire, communautariste qu’ils auront
distillé dans cette contrée continuera
d’empoissonner ce sous-continent qui
aurait mérité la tranquillité.

NOTES
-
https://www.mondialisation.ca/fin-du-calife-il-est-mort-comme-un-chien/5638332
-
https://www.presstv.com/DetailFr/2019/10/27/609675/Syrie-Idlib-Al-Baghdadi-Daech-Al-Qada
-
https://www.presstv.com/DetailFr/2019/10/27/609727/AlBaghdadi-abattu-Moscou-souleve-un-doute
-
https://www.mondialisation.ca/fin-du-calife-il-est-mort-comme-un-chien/5638332
-
https://www.presstv.com/DetailFr/2019/10/27/609675/Syrie-Idlib-Al-Baghdadi-Daech-Al-Qada
- Robert Bibeau
Sur PressTV, Iran.
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/baghdadi-mort-le-decodage/
Reçu de Robert Bibeau pour
publication
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