Les 7 du Québec
Actualisation du matérialisme
dialectique
ou le marxisme au XXIe siècle
Robert Bibeau

Mercredi 29 novembre 2017
Sciences pures
et sciences sociales, métaphysique et
ontologie.
Imaginez que tous
les astrophysiciens internationalement
reconnus, dont quelques sommités
nobélisées, ne seraient jamais parvenus
à faire décoller une seule fusée. À
chaque tentative avortée les astronautes
seraient décédés dans leurs
vaisseaux-tombeaux. Croyez-vous que ces
astrophysiciens, ingénieurs et
techniciens conserveraient une
quelconque crédibilité, une quelconque
notoriété ?
Pourtant, aucun
économiste bourgeois nobélisé et
sacralisé ne parvient à anticiper ce
qu’il adviendra suite à la crise
économique systémique de 2007-2008. Ils
ne parviennent même pas à s’entendre sur
le prédicat d’une crise qui perdure ou
d’une reprise qui s’amorce. Toutefois,
la go-gauche bourgeoise joue son rôle de
propagandiste et de fumiste et offre ses
tribunes à l’un ou à l’autre de ces
experts ébaubis se manifestant devant
des assemblées de militants ébaudis.
Démonstration, il y
a quelque temps se tenait à la
prestigieuse Sorbonne de Paris une
conférence de maitre Rémi Herrera,
chercheur au CNRS, sur le thème « La
maladie dégénérative de l’économie : le
néoclassicisme » dans le cadre d’un
séminaire intitulé, « Marx au XXIe
siècle ». Le savant s’est commis
d’une tentative d’« actualisation » de
la pensée marxiste en économie
politique. Étant donné que le maitre ne
maitrisait pas vraiment son sujet, le
pauvre hère errait, sans comprendre
qu’il desservait la cause qu’il
prétendait défendre. (1)
D’entrée de jeux,
le professeur du Centre National de
Recherche Scientifique y est allé de
deux faussetés pour conclure par un
sophisme avéré. Il a posé le postulat
que la Chine, pays économiquement
prospère, comprend des composantes
capitalistes, mais surtout des
composantes socialistes. Ensuite,
il a affirmé que la Chine nourrit
convenablement 22 % de la population
mondiale (1,3 milliard d’individus). Il
en a conclu que ce sont les preuves
indubitables que seul le socialisme
peut assurer une telle performance et
que le capitalisme n’y réussirait
jamais.
À long terme, un
mode de production par pays, le même
dans tous les pays.
Si le chercheur
connaissait l’économie politique
marxiste, il saurait que selon la
théorie marxiste deux modes de
production antagonistes ne peuvent
survivre ou cohabiter sur un territoire
national donné sans se phagocyter. C’est
toujours le mode de production le plus
performant qui absorbe le moins
productif. C’est une loi de l’économie
politique marxiste. Incidemment, c’est
parce que le premier mode de production
ne suffisait pas à la tâche, ne
remplissait plus sa mission historique
que le second mode de production (de
remplacement) a surgi, né des
contradictions insolubles du premier.
S’il était vrai que l’économie chinoise
comprend des composantes capitalistes
et d’autres socialistes, et s’il
est vrai que ces deux modes de
production sont différents, alors le
plus performant – efficace – productif –
absorbera le moins productif, le moins
efficient. Comme le duel « camp
socialiste » contre « camp
capitaliste occidental » l’a prouvé
durant la guerre froide (1945 – 1991)
l’économie capitaliste financière privée
a absorbé l’économie capitaliste
industrielle socialiste (étatique),
attestant d’autant du plus performant.
Ensuite, monsieur
Herrera ne semble pas savoir que
la misère est grande en Chine, que
chaque année des milliers de grèves
sauvages éclatent mettant aux prises des
millions de prolétaires surexploités,
sous-payés, précarisés contre des
fonctionnaires véreux, stipendiés par
des hommes d’affaires mafieux. Le
chercheur semble ignorer que des
millions de paysans expropriés sont
chassés de leurs terres et souvent sans
dédommagement. Ils vont grossir les
bidonvilles en périphérie des zones
franches (hors taxes pour les
multinationales impérialistes). Enfin,
le théoricien semble ignorer que cette
misère sociale cohabite de plus en plus
difficilement avec l’exubérance d’une
classe bourgeoise « émergente » composée
de milliardaires florissants et de toute
une frange de petit-bourgeois gourmande.
Cependant, nous des pays capitalistes
avancés savons mieux que quiconque ce
qu’il adviendra de ces petits-bourgeois
– bobos et thuriféraires – lors du
prochain cycle de crise économique. Ils
se retrouveront précarisés et paupérisés
comme ces millions de paysans chinois
prolétarisés qui sont forcés de migrer
d’une région à l’autre de la Chine
« émergente » capitalisante à la
recherche d’un emploi infamant.
Économie
socialiste – capitaliste d’État – mode
de production communiste.
Le chercheur du
CNRS s’embourbe ensuite dans la
caractérisation de ce qui caractérise
une économie socialiste et le mode de
production communiste prolétarien.
Disons d’abord que selon Marx le mode de
production socialiste n’existe pas.
Selon Marx le mode de production
capitaliste ayant atteint son point
culminant, celui où ses contradictions
internes auront atteint un point de
non-retour, et où ce mode de production
aura harnaché la totalité des forces
productives qu’il sera capable de
valoriser (faire produire de la
plus-value) alors, ce mode de production
s’écroulera sous le poids des forces
insurrectionnelles antagonistes. De
cette anarchie destructrice surgira le
mouvement révolutionnaire prolétarien
qui construira un nouveau mode de
production révolutionnaire, le mode de
production communiste prolétarien.
Le mode de
production communiste prolétarien.
Mais surtout, pour
les marxistes, le mode de production
communiste ce n’est pas la
nationalisation ni la planification de
l’économie par l’État, non plus que
l’équité dans la distribution des
marchandises et le capital accumulé.
Pour les marxistes le mode de production
communiste prolétarien c’est l’abolition
de l’économie marchande, de la propriété
des moyens de production, d’échange et
de communication, c’est l’abolition du
salariat, de l’argent, de la bourse et
des banques, c’est l’extinction de
l’État, et la fin de la séparation des
producteurs de leurs moyens de
production (aliénation originale selon
Marx), et la fin de la séparation entre
la ville et la campagne (aliénation
fondamentale selon Marx). Bref,
l’économie socialiste plus ou moins
étatique, nationalisée et planifiée, ce
n’est ni une condition, ni la
réalisation du mode de production
communiste prolétarien.
Notez que Marx a
bien tenté de décrire sommairement la
façon que les sociétés capitalistes
passeront d’un mode de production à
l’autre, mais ces supputations sont
parmi ses passages les plus abscons et
nous conseillons aux lecteurs de ne pas
s’y attarder. Le passage d’un mode de
production à un autre sera l’œuvre de
ceux qui vivront cette phase historique
longue et complexe, totalement inédite,
vraiment exaltante et pour laquelle les
prolétaires révolutionnaires ont encore
du temps devant eux.
Le capitalisme
d’État socialiste.
Depuis la
révolution bolchevique en Russie, les
léninistes ont imaginé une longue phase
transitoire de passage systémique du
mode de production capitaliste déchu au
mode de production communiste promu,
sous la dictature du prolétariat ont-ils
prétendu. C’est alors que fut inventé
le mode de production de transition
socialiste, passage étatique aménagé
entre le féodalisme et le communisme
sans passer par le capitalisme. (2)
Pourtant, depuis ce temps, aucun pays
n’a même approché de cette situation de
transition entre le mode de production
capitaliste, ayant atteint son apogée
dégénératif, et le mode de production
communiste, contenu en germe au sein
même de l’ancien système, présentant son
surpassement prédisait Marx. Ni l’URSS,
ni la Chine, ni le Vietnam, ni Cuba, ni
la Corée du Nord pour ne citer que les
exemples que le poncif présente à
l’appui de sa théorie. Pas même la
Roumanie de Ceausescu, le génie des
Carpates (sic), ni la Yougoslavie
autogestionnaire de Tito, ni l’Albanie
économiquement arriéré de ce bon Enver
Hodja du pays des aigles, n’ont approché
des conditions de haute technologie, de
productivité économique et d’hégémonie
financière permettant d’entrevoir la fin
du capitalisme-socialiste et l’avènement
du communisme. Contrairement à ce que
prétendait Lénine en 1916, le mode de
production capitaliste, qui amorçait à
peine sa phase impérialiste ascendante,
n’avait pas terminé de harnacher toutes
les forces productives qu’il était assez
large pour contenir – c’est-à-dire
accumuler le capital à valoriser. L’état
archaïque des économies féodales
chinoises, indiennes, africaines,
Est-asiatiques de cette époque (1916)
aurait dû suffire à le convaincre. (3)
Le capital
financier hégémonique.
Mais reprenons le
fil de l’exposé du scientifique du CNRS.
Il annonce qu’il a découvert deux
éléments qu’il a consignés dans son
livre : 1- le premier tient au fait que
la fraction dominante du capital, la
fraction du capital financier,
imposerait au monde entier ses lois et
sa destinée. Pourtant, selon la théorie
marxiste il n’existe pas trois fractions
capitalistes monopolistes, l’une
industrielle, l’autre commerciale et la
troisième financière bancaire et
boursière comme les économistes de
gauche le prétendent. Depuis Lénine
nous savons que le capital industriel –
commercial et bancaire a fusionné à la
bourse pour ne former qu’un seul capital
international, le capital financier
mondialisé hégémonique. (4)
La métaphysique
« scientifique ».
Poursuivons notre
investigation des idéations du chercheur
marxiste. Maitre Herrera dévoile
la deuxième découverte consignée dans
son livre : 2- il y aurait des « problèmes
dans les modèles économiques du
néoclassicisme imposé par la pensée
mainstream dominante, des problèmes
théoriques nombreux et graves qui
empêchent les économistes de comprendre
la crise et de la résoudre »
(5). Réglons rapidement un différend qui
nous oppose ici au penseur marxiste.
Marx a moult fois redit qu’il est
impossible de résoudre la crise
systémique du capitalisme et nous sommes
en phase avec Marx sur ce point.
Résoudre les maux du capitalisme
moribond demandera davantage que des
mots, une révolution sociale.
Nonobstant cela
poursuivons avec le professeur qui
identifie trois points d’articulation
qui font défaut selon lui :
A) macro-et-micro-économie. B)
Articulation entre économie et
politique. C) Articulation entre
économie et philosophie de l’éthique
ontologique qui fonde l’économie
néoclassique.
Inutile d’aller
plus avant, les découvertes du
professeur économiste « marxisant » sont
de la même eau que distillent les
économistes bourgeois qu’il critique.
Les économistes bourgeois contemporains
pratiquent la science économique comme
les astrologues métaphysiciens
théologiens pratiquaient la science au
Moyen-âge. Au lieu d’ausculter le monde
réel qui les entoure, les économistes
néolibéraux cherchent dans les dogmes et
les livres « savants » la réponse à
leurs interrogations. Prenons un exemple
concret. Il est indéniable que le grand
capital ne renonce à aucune malversation
pour échapper à l’impôt en dissimulant
ses profits dans les paradis fiscaux.
Mais ce comportement économique
pragmatique n’est pas une conséquence du
problème de « l’articulation entre
philosophie de l’éthique ontologique et
économie néoclassique ». Il est tout
aussi indéniable que les programmes et
mesures politiques des gouvernements
servent les intérêts des milliardaires
et du grand capital corporatif, mais ce
comportement des fonctionnaires
politiques du capitalisme ne procède pas
d’une mauvaise « articulation entre
économie et politique », ces
pratiques en constituent la
matérialisation pratique.
En d’autres termes,
ce n’est pas l’idéologie
« néoclassique et néolibérale »
qui manipule et triture la conjoncture
économique contemporaine, mais ce sont
les lois de la production capitaliste
des biens et des services, permettant
d’assurer la valorisation (reproduction
élargie du capital) qui force les
capitalistes à devenir inventifs en
matière d’efficience fiscale; les
contraignants à orienter leurs larbins
politiciens vers des politiques
d’austérité et les incite à
subventionner les recherches sur les
politiques néolibérales et néoclassiques
du CNRS (sic).
Comme les
véritables scientifiques
astrophysiciens, physiciens, ingénieurs
et chimistes l’ont compris et
l’appliquent ce n’est pas leur
orientation idéologique, religieuse, ou
ontologique qui oriente leur recherche
et leurs travaux scientifiques, mais la
réalité concrète qui les entoure et
qu’ils auscultent, quitte parfois à se
laisser aller à formater et à vulgariser
cette science qu’ils produisent sous la
forme de théories carrément
ascientifiques ou plus souvent
approximatives comme l’origine divine de
la vie; la Terre centre de l’univers; le
Bigbang original; le darwinisme; la
relativité, etc. Depuis Marx le monde
des sciences sociales et économiques a
la chance de répudier les théories
contre scientifiques sur lesquelles
reposent les spéculations des
spécialistes et de s’adonner aux
véritables sciences sociales et
économiques matérialistes dialectiques,
mais pour ce faire les chercheurs
doivent se rappeler que les théories
formalisent la réalité, elles ne
l’inventent pas, elles ne modifie même
pas la réalité. Un chercheur
« marxisant » qui l’oublie risque de
régresser plutôt que d’actualiser la
science matérialiste dialectique
marxiste. (6)
NOTES
- Rémi Herrera.
(2015) La maladie
dégénérative de l’économie : le
néoclassicisme Delga.
Paris. À voir sur Vimeo
https://vimeo.com/119639904
- D’où le texte
de Lénine L’État et la
révolution publiée en 1917.
- Lénine
L’impérialisme stade suprême du
capitalisme. 1916. Éditions
sociales.
- Lénine
L’impérialisme stade suprême du
capitalisme. 1916. Éditions
sociales.
- Rémi Herrera
(2015). La maladie dégénérative
de l’économie : le néoclassicisme .
Delga éditions.
https://www.decitre.fr/livres/la-maladie-degenerative-de-l-economie-le-neoclassicisme-9782915854732.html
- Robert Bibeau
(2017) Question nationale et
révolution prolétarienne sous
l’impérialisme moderne.
L’Harmattan. Paris.
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