Les 7 du Québec
Le «Kurdistan», dernière enceinte
de protection pour l'impérialisme (Les
Peshmergas instrumentalisés)
Robert Bibeau

Mercredi 27 septembre 2017
La phase
ascendante de l’impérialisme moderne.
Pendant la phase
ascendante de l’impérialisme moderne
(1776-1975), la plupart des luttes de « libération
nationale » ont eu un caractère
progressiste. Nous ne disons pas un
caractère prolétarien révolutionnaire,
mais bien un caractère « progressiste
bourgeois », en ce sens que ces
luttes d’émancipation des bourgeoisies
nationales de leur tutelle politique
colonialiste constituaient la plupart du
temps des avancées pour ces bourgeoisies
nationalistes qui, se « libérant »
des reliquats des rapports de production
féodaux en abolissant le servage paysan
qui l’accompagne permettaient
l’émergence du capitalisme commercial,
parfois aussi la mécanisation de la
production agricole et la
prolétarisation des paysans, l’expansion
urbaine, et l’industrialisation de
l’exploitation des ressources naturelles
au bénéfice du capital national et
international dont ces bourgeoisies
nationalistes ne cherchaient nullement à
se libérer, même quand elles se
prétendaient socialistes ou communistes.
Bref, la phase des
luttes politiques de soi-disant « libération
nationale » et du pseudo « droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes »
(sic) était le passage obligé entre
l’ancien mode de production
féodal-agraire et le mode de production
capitaliste commercial et industriel.
Ces luttes permettaient aux bourgeoisies
nationalistes compradores de se
constituer en intermédiaires
incontournables entre l’exploitation
impérialiste des ressources locales
nationalisées ou privatisées –
socialistes ou libérales. Ces luttes
mortelles établissaient le droit de la
bourgeoisie nationale chauvine
d’exploiter et d’exproprier le peuple
national galvanisé. C’est ce que nous
avons démontré dans notre plus récent
ouvrage sur la question nationale (1).
Pas de liberté
politique sans liberté économique.
La libération –
l’émancipation – l’indépendance
nationale repose d’abord sur
l’indépendance économique sur laquelle
s’appuie ensuite la souveraineté
politique – jamais l’inverse, comme les
révolutions sociales russe (bolchevique)
et chinoise (maoïste) et toutes les
autres par la suite l’ont démontré.
Ainsi, le Président américain
Woodrow Wilson (1918) dans ses
« quatorze points » s’est porté à
la défense des guerres de libération
nationale « Bien que beaucoup
de point soit spécifiques, les cinq
premiers de Wilson étaient plus
généraux, incluant le libre-échange (abolition
des droits
de douane, ouverture des
marchés de capitaux et de marchandises),
le libre accès à la mer, la démocratie,
l’abolition de la diplomatie
secrète, le désarmement,
la restitution des souverainetés sur
les terres occupées à la suite de
victoires militaires, comme l’Alsace-Lorraine pour
la France,
le droit à l’autodétermination des
peuples, etc. »; voilà des points et
assertions éminemment socialistes que
ni Lénine et les bolcheviques, ni
Mao, ni l’Oncle HO,
ni Kim il-Sung, ni
Henver Hodja , ni Tito
n’ont répudiés (2).
Cette phase
ascendante de l’impérialisme moderne
s’est échelonnée de 1776 à 1975 environ
époque où le grand capital international
s’est affranchie des contraintes
monétaires dans son développement
financier anarchique (3). Cette phase de
croissance économique du capital
industriel (quoique progressivement
aliénée au capital financier) a vu
naitre plus de cent luttes de libération
nationalistes prenant toutes pour
prétexte des particularismes raciaux,
ethniques, religieux ou linguistiques,
des artefacts des rapports de production
sociaux issus des anciens modes de
production féodaux locaux.
Depuis Marx
nous savons que le développement du mode
de production capitaliste se manifeste
d’abord par la constitution de
frontières (barrières tarifaires)
nationales à l’abri desquelles l’État
bourgeois capitaliste naissant structure
et légalise la production et la
confiscation de la plus-value par et au
bénéfice de la classe dominante, jamais
pour servir le peuple comme ils le
prétendent. Incidemment, contrairement à
la doxa communiste moderne, déjà dans
les années 1900, la polémique faisait
rage dans le camp révolutionnaire entre
ces deux interprétations politiques
comme en fait foi cet extrait : « Juillet
1903, à la veille du deuxième Congrès du
Parti ouvrier social-démocrate de Russie
(POSDR), Lénine publie dans Iskra un
article, « La Question nationale dans
notre programme », avec pour enjeu la
défense du droit à l’autodétermination
des nations – droit à la
séparation politique par rapport à un
État, qui ne doit pas être confondu avec
le (prétendu) droit à l’autonomie
nationale culturelle au sein d’un État,
auquel Lénine s’oppose avec virulence.
Reconnu par le parti depuis sa fondation
en 1898, le droit à l’autodétermination
est un objet de controverse avec les
marxistes polonais, Rosa Luxemburg
en tête, qui, en conflit ouvert avec le
Parti socialiste polonais, se sont
opposés au nom de l’internationalisme au
projet, obsolète et réactionnaire à
leurs yeux, de restauration de
l’indépendance de la Pologne » (4).
Au milieu de cette polémique,
Lénine oublie simplement que le
prolétariat n’a pas de patrie – pas de
nation d’appartenance – dont la
Révolution prolétarienne le dépouillera
des derniers rebuts – ce que Rosa
Luxembourg n’a jamais oublié.
Évidemment, il
était prématuré de proclamer le triomphe
de l’internationalisme prolétarien
mondial en l’année 1917, alors que
l’impérialisme moderne – loin d’avoir « fini
de se partager le monde » –
avait encore une majorité de continents,
de peuples paysans et des monceaux de
richesses à prolétariser, à exploiter et
à se partager comme en convenaient
implicitement Wilson et
Lénine. Les prolétaires
révolutionnaires devront attendre plus
d’un siècle avant que la prophétie des
Spartakistes ne se matérialise.
La phase
déclinante de l’impérialisme moderne.
Depuis le début de
la phase déclinante de l’impérialisme
moderne, dont nous situons l’amorce vers
1975, époque de la répudiation des
accords monétaires et financiers de
Bretton Woods, et de la
montée de la financiarisation à outrance
de l’économie capitaliste mondialisée;
les luttes de « libération
nationale » ont un caractère
réactionnaire et antirévolutionnaire. En
effet, si l’on excepte les guerres en
Afghanistan et au Népal, plus aucune
guerre de soi-disant « indépendance
nationale » (qui ne visaient qu’à
asseoir le pouvoir du capital national
sur la spoliation des ressources locales
– le droit à une commission sur la
prévarication pourrait-on dire) ne
vise plus à émanciper une bourgeoisie
nationale des rapports de production
féodaux ancestraux, libérer les
bourgeois des aristocraties régionales
archaïques soutenues par l’une ou
l’autre des puissances néocoloniales.
Cette problématique bourgeoise
capitaliste – anti-féodale est obsolète
en ces temps de mondialisation
transnationale. L’intégration de ces
économies nationales « émergentes » ne
se fait plus par le biais de
l’occupation militaire, mais par la
domination commerciale, industrielle et
finalement monétaire et financière.
L’Intervention militaire est utilisée
quand les féodaux locaux ou les
bourgeoisies nationales tentent de
s’accaparer une trop large part du
gâteau de plus-value.
Les Peshmergas,
la dernière carte nationaliste de
l’impérialisme au Moyen-Orient.
Un exemple pratique
servira notre démonstration. La lutte
des « Peshmergas » et des
« peuples kurdes » (en
réalité des bourgeoisies kurdes) en
faveur de leur soi-disant « indépendance
nationale » (sic) et visant à
fragmenter la Turquie, la Syrie, l’Irak
et l’Iran ne peut mener qu’à prolonger
la guerre des puissances impérialistes
qui pèchent en eau trouble dans les
marais du nationalisme kurde. Une
nouvelle cause nationale
en perspective au bénéfice du sionisme
et de l’impérialisme au Moyen-Orient.
Ainsi, l’impérialisme israélien,
incapable de s’entendre avec la
bourgeoisie palestinienne pour lui
accorder un bantoustan national
d’exploitation, soutient pourtant
la lutte de « libération nationale »
pour la création d’un État militaire
kurde à sa solde. Évidemment que les
bourgeoisies des quatre États menacés de
partition vont mener une guerre farouche
aux Peshmergas et à la bourgeoisie dont
ils sont l’instrument pour les empêcher
de s’emparer des ressources locales. Que
de guerres et de ventes d’armes en
perspectives pour les puissances
impérialistes mondiales !
Le terme « Peshmerga »
signifie « combattant qui va
au-devant de la mort »! Ce sont
de vaillants combattants kurdes du nord
de l’Irak, organisé en milices sous la
direction de chefs de clans – chacun
originaire d’un fief tribal – et menant
sa milice pour la conquête d’un morceau
de pouvoir qui lui assurera le contrôle
sur une portion des ressources
régionales, le pétrole étant évidemment
le plus convoité, mais pas le seul en
ces régions dévastées par l’impérialisme
coalisé (5). Les Peshmergas sont des
mercenaires nationalistes kurdes qui
sont disposés à sacrifier leur vie pour
la conquête de ce qu’ils croient être
« l’autonomie nationale pour leur
peuple », mais en fait, ils se battent
pour le droit des riches de leur tribu
respective à exploiter leurs clans
tribaux. Le peuple kurde étant réparti
entre l’Irak, la Syrie, la Turquie et
l’Iran on imagine aisément ce que les
puissances impérialistes européennes,
américaine et israélienne envisagent
comme potentiel de discorde et
d’agression dans cette région où les
anciennes malversations comme
Sadam Hussein, Al-Qaïda,
Al Nostra et Daesh
ont tourné en queue de poisson. Cette
fois, l’appât est de choix, parfaitement
formater pour satisfaire la petite
bourgeoisie go-gauche nationaliste
occidentale, redresseur de torts et
humaniste patenté. Un petit peuple trahi
(30 à 40 millions d’ouailles), meurtri,
exploité, torturé, à l’égale de tous les
peuples de ces régions meurtries qui ne
demande que le droit pour sa bourgeoisie
nationale de l’exploiter sans avoir à
partager les annuités avec tous les
requins financiers de la contrée – mais
partager uniquement avec les puissances
multinationales spoliatrices (6).
Une lutte
d’indépendance nationaliste classique où
la bourgeoisie « victorieuse » prélèvera
sa part de plus-value nationale et
livrera le reste au capital
international commanditaire, tout cela
sous le drapeau national chauvin garant
que l’exploiteur « libérateur » partage
la même langue, la même culture, la même
religion et la même nationalité que
l’exploité mortifié sur le plancher
manufacturier, type « sweat shop », à la
raffinerie, et dans les champs de blé et
de pavot. Avec ces nationalistes « Peshmergas »,
oubliez les sanguinaires mercenaires
djihadistes, le couteau entre les dents,
stipendiés pour terroriser les populaces
occidentales tétanisées. Du moins c’est
ce que promettent les services secrets
français, britannique, américain et
israélien comme avant les attentats de
Paris, de Londres et de Berlin. Rien
n’est moins certain que les services
secrets occidentaux conserveront le
contrôle sur ces mercenaires
surexploités et mal-aimés. Une chose est
certaine cependant, cette guerre
d’indépendance nationale bourgeoise
n’aura jamais de fin comme le PKK le
proclame, du moins tant qu’il restera un
kurde vivant au Moyen-Orient, voilà une
promesse d’intérêt pour les services
secrets.
Quand un bobo de
la go-gauche se présente en libérateur
nationaliste.
Jusqu’ici, grâce à
Bernard Henri Lévy, les
Peshmergas sont présentés
comme des héros tribaux, libérateurs
sans rancœur, courageux et vertueux (7).
Nous le connaissons ce malappris
répandant son venin « souverain »
nationaliste chauvin contre les
palestiniens et en faveur des Kurdes
instrumentalisés. Comme Rosa
Luxembourg l’a écrit avant nous,
la terre du prolétaire n’a pas de
frontière et votre guerre on ne la fera
pas contre nos frères révolutionnaires
(8).
NOTES
Reçu de Robert Bibeau pour
publication
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