Les 7 du Québec
Tractations guerrières
à la
Conférence de Munich sur la «sécurité»
Robert Bibeau

Mercredi 27 février 2018 Il n’y a pas si
longtemps nul ne contestait
Avez-vous remarqué,
il y a quinze années à peine, quand le
suzerain américain donnait un ordre, via
le FMI, la Banque Mondiale ou l’OTAN,
ses vassaux obtempéraient aussitôt?
Ainsi, le monde capitaliste paraissait
ordonné et sécurisé. En février 2019, à
l’occasion de la 54e édition
de la Conférence de Munich sur la
« sécurité » on aurait dit que les
vassaux occidentaux s’étaient donné le
mot pour contredire leur suzerain
Étatsunien. Que s’est-il donc passé pour
expliquer une telle fronde face au
molosse yankee ?
C’est qu’en
2008-2009, une terrible crise économique
a frappé la planète capitaliste et
depuis ce séisme, dont les États-Unis
ont été le principal vecteur, chaque
pays tente de prendre ses marques pour
tirer son épingle du jeu et défendre les
intérêts de son capital national. Ceci
est vrai aussi bien pour les puissances
alliées de l’Amérique, que pour ses
concurrents. Depuis 2009, c’est chacun
pour soi et l’homme politique qui a le
mieux concrétisé cette absolue nécessité
c’est Donald Trump le
Président des États-Unis d’Amérique avec
son slogan « America first ».
Ce n’est pas Trump qui a imposé cette
orientation politico-économique à
l’Amérique, c’est l’Amérique sur son
déclin qui a imposé Donald Trump
et ce slogan. Depuis cette crise
systémique, les camps se reforment et la
conjoncture géopolitique est extrêmement
volatile et complexe comme avant chaque
guerre mondiale. (2) Nous allons
analyser cette 54e Conférence
de Munich afin d’en exposer les
manigances et les enjeux.
Les petites
manœuvres sur la Syrie. L’exfiltration
des «djihadistes» de
Baghouz
Une coalition des
plus grandes puissances militaires
mondiales (plus d’un million de soldats,
plus de 7000 ogives nucléaires
embarquées, des dizaines de sous-marins
nucléaires, 12 porte-avions, des
centaines d’avions de combat, etc.)
peine à neutraliser quelques centaines
de «djihadistes» armés de Kalachnikovs
et ensevelis dans le réduit syrien de
Baghouz. (3) Pendant ce
temps, pas très loin, au nord de la
Syrie, quelques milliers de soldats de
l’armée arabe de Syrie, des
paramilitaires du Hezbollah
libanais et irakien, des conseillers
iraniens soutenus par l’aviation russe
n’attendent qu’un signal pour compléter
la libération du territoire syrien
qu’ils ont amorcé à Alep
trois ans auparavant. (4) Voilà le
panorama régional syrien à l’ouverture
de cette conférence.
À l’évidence, la
question en jeu entre ces puissances
n’est pas le sort réservé à leurs
mercenaires « djihadistes », sort déjà
scellé, quelques-uns seront sacrifiés et
la plupart seront exfiltrés et regroupés
dans le bantoustan du
Rojava-Kurdistan à la frontière
de la Turquie, de l’Irak et de la Syrie,
camp retranché que les alliés
occidentaux préparent comme repaire de
terroristes pour leurs prochaines
malversations « djihadistes » (sic),
avec la complicité de quelques barbouzes
nationalistes kurdes tentant
opportunément de se tailler un fief à
l’occasion de ce grand réaménagement.
Évidemment, la gauche bancale voit dans
cette lutte de libération nationale
réactionnaire une nouvelle occasion de
trahir les intérêts du prolétariat
international. (5)
Les grandes
manœuvres Atlantique
À l’occasion des
tractations au sommet à Munich, le
vice-président américain Mike
Pence a clamé à l’intention des
vassaux européens : « si vous
souhaitez que nous restions sur le
terrain syrien vous devez vous retirer
de l’accord sur le nucléaire iranien ».
Ce à quoi la chancelière allemande a
rétorqué : « Est-ce que c’est une
bonne idée de la part des États-Unis de
quitter immédiatement et aussi vite que
possible la Syrie ou bien est-ce qu’un
tel retrait ne permet pas à la Russie et
à l’Iran d’augmenter leur influence sur
place ? » (6) Étrange répartie de la
part d’une dame qui se bat bec et ongles
en faveur du projet « Nord Stream
2 » qui garantira
l’approvisionnement de l’industrie
allemande en gaz naturel russe!
(7) Sans compter que l’industrie
allemande aimerait bien investir
davantage sur le marché iranien ce qui
explique ses manigances pour se
soustraire aux sanctions américaines et
à la chape de plomb du dollar étalon.
Bref, Angela Merkel a
voulu signifier que le grand capital
allemand et européen ne souhaite pas
devenir le trouble-fête au Moyen-Orient
pétrolier que les Américains s’apprêtent
à quitter.
Ce à quoi le
vice-président Pence a
rétorqué : « Nous ne pouvons pas
défendre l’Occident si nos alliés sont
dépendants de l’Est pour leur énergie ».
Il faut savoir que les États-Unis se
proposent de vendre de grandes quantités
de gaz liquéfié à l’Europe via la
France. Angela Merkel a
répliqué que : « personne ne veut
être complètement dépendant de la Russie
ou d’une autre puissance. Mais si nous
avons importé des quantités importantes
de gaz russe durant la Guerre froide,
pourquoi la situation aujourd’hui
serait-elle pire et pourquoi la Russie
ne pourrait pas rester un partenaire ? »
Puis la chancelière vide son sac de
récriminations : « elle a jugé
« effrayant » que les États-Unis
considèrent les automobiles européennes
importées comme une menace pour leur
sécurité nationale. Un mot fort pour une
chancelière d’habitude très prudente. »
(8)
On aura compris que
la fadaise « djihadiste – terroriste »
n’est qu’un prétexte de chantage et de
marchandage dans la bataille commerciale
de titans que se livrent les économies
occidentales depuis la crise de 2008, et
en préparation du prochain krach
boursier appréhendé (dont les États-Unis
seront le principal vecteur de
propagation).
Une conférence
de réalignement
À la Conférence sur
la sécurité de Munich, on a discuté de
la sécurité des approvisionnements en
matières premières et en énergie et de
la sécurité des marchés que la
conjoncture économique contraint, alliés
et concurrents, à se repartager depuis
que la puissance américaine ne parvient
plus à imposer son hégémonie (!) Nous
assistons à un vaste réalignement
mondial des camps impérialistes en
préparation d’une Troisième guerre
mondiale qui se mènera sur deux fronts
juxtaposés.
Le premier front
oppose le grand capital international,
divisé en différents camps
impérialistes, camps que l’on voit se
dessiner, mais cette configuration
devrait changer avant le grand
affrontement. Cette guerre de classe au
sein du patronat oppose les clans
dirigeants en fonction de leurs intérêts
commerciaux et financiers et donc en
fonction de leurs intérêts économiques
et non en fonction des affinités
personnelles entre polichinelles
politiques. Mais il sera bien difficile
de mobiliser la piétaille – chair à
canon nationale – pour défendre les
intérêts de ses patrons profiteurs et
exploiteurs. La mobilisation et
l’exaltation de la troupe patriotique
réclament donc une parade qui fasse
croire au soldat lambda qu’il se bat
pour défendre ses valeurs et les
intérêts de la patrie.
Le second front
de cette guerre totale opposera le
grand capital mondialisé, au
prolétariat internationalisé, si et
seulement si, le prolétariat parvient à
faire la guerre à la guerre des riches.
Le prolétariat n’y parviendra que s’il
se prémunit contre le
national-chauvinisme, contre la
xénophobie anti-migrante, contre le
racisme anti-polonais, anti-latinos,
anti-vénézuéliens, anti-chinois,
anti-arabes, antimusulmans, pour ne
nommer que quelques exemples récents. On
aura compris que le grand capital, via
les médias à sa solde, via les
« djihadistes » complices et autres
variétés de terroristes éclectiques, via
ses polichinelles politiques, via les
sectes gauchistes et les groupuscules
fascistes fera tout ce qu’il pourra pour
empêcher l’union sacrée de tous les
prolétaires contre leur ennemi commun,
proposant plutôt tel ou tel bouc
émissaire à la vindicte populaire. Ce
sera la tâche des prolétaires
révolutionnaires, partant des
expériences de lutte prolétarienne (dont
celle des Gilets jaunes) d’indiquer les
écueils à éviter. (9)

NOTES
- Au total on
décompte moins de 30 000
« terroristes » déguenillés. « Par
ordre d’importance numérique, on
trouve l’État islamique en Afrique
de l’Ouest (anciennement Boko Haram)
et ses 3500 soldats; l’État
islamique du Khorasan dont les 500 à
1000 hommes sévissent en
Afghanistan; les 750 jihadistes
philippins; les 500 à 800 hommes de
la branche libyenne; la filière du
Sinaï, en Égypte (750 militants);
les disciples de Daesh au Yémen (100
et 250). Quant à la zone
irako-syrienne, il semble difficile
de se faire une idée fiable. Tandis
que dans la poche de Baghouz
les soldats se raréfient. D’après
des propos du secrétaire général de
l’ONU, Antonio Guterres,
au Conseil de sécurité au début du
mois, rapportés
par la BBC, le nombre de
soutiens en armes de Daesh dans
cette partie du Moyen-Orient serait
compris entre 14.000 et 18.000
individus, dont 3000 étrangers.
Source :
https://www.bfmtv.com/international/malgre-sa-defaite-imminente-en-syrie-daesh-ne-va-pas-disparaitre-pour-autant-1637729.html
-
Allemagne-Japon contre America
first: « Le
Japon vient de s’allier à
l’Allemagne contre Trump. Le premier
ministre Abe a reçu la chancelière
Merkel en début de semaine, et
s’est engagé à approfondir ce
qu’il a décrit comme l’« alliance
de multilatéralistes », en place
entre les deux pays, et surtout
entre les deux dirigeants. »
http://lesakerfrancophone.fr/alliance-germano-japonaise-contre-america-first-des-retours-de-flamme-importants-a-venir
-
http://www.rfi.fr/europe/20190216-conference-munich-divergences-entre-washington-allies-syrie
-
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/01/syrie-le-recul-des-rebelles-a-alep-en-21-cartes_5041688_4355770.html
-
https://www.liberation.fr/planete/2019/02/18/inde-on-est-en-train-de-faire-du-cachemire-un-grand-gaza_1710073
SinKiang
https://www.liberation.fr/planete/2017/04/06/chine-le-xinjiang-un-nouveau-tibet_1560730
-
http://www.rfi.fr/europe/20190216-conference-munich-divergences-entre-washington-allies-syrie
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/le-jour-ou-laxe-franco-allemand-sest-brise/
-
http://www.rfi.fr/europe/20190216-conference-munich-divergences-entre-washington-allies-syrie
- L’antifascisme
est un piège
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/lantifascisme-est-un-piege/
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 28 février
2019
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