Opinion
La désindustrialisation de la France –
PME en péril ?
Robert Bibeau

© Robert
Bibeau
Mercredi 24 février 2016
http://www.les7duquebec.com/...
L’analyse et les
conclusions que nous présentons ici sont
valides pour la plupart des pays
industrialisés. La France nous servira
d’exemple pour illustrer le phénomène de
délocalisation manufacturière et de
désindustrialisation en cours dans
l’ensemble des pays occidentaux.

En
France, l’industrie a perdu 1,9 million
d’emplois entre 1980 et 2007, soit 36 %
de ses effectifs. Or, l’industrie
est presque le seul secteur économique
générateur de plus-value. La valeur
ajoutée industrielle a chuté d’environ
6,1% entre 2000 et 2010. En 2013, la
part de la production manufacturière
dans le PIB était de 22,2% en Allemagne
et de seulement 11,3% en France. La part
de l’industrie dans l’emploi total était
de 24,7% en Allemagne et de seulement
17,9% en France. Ainsi, la baisse de la
production industrielle entre janvier
2008 et décembre 2014 a été de 1,4% en
Allemagne et de 16,5% en France. Comme
le disent les chercheurs du CNRS : « Dans
les régions en voie de
désindustrialisation, les emplois
précaires et mal payés d’aide-soignante,
femme de ménage ou d’assistante
maternelle sont devenus les seules
propositions de reclassement faites aux
anciennes ouvrières qualifiées. »
La
réduction progressive des activités
industrielles se traduit, selon les
chercheurs, par :
- la diminution
du nombre d’emplois du secteur
secondaire (industrie),
- une baisse du
poids de ce secteur dans le PIB
(Produit intérieur brut),
-
l’amplification du déficit
commercial et industriel structurel,
-
l’automatisation des chaines de
montage entrainent un chômage accru,
- et la
délocalisation des activités
industrielles vers les pays
« émergents ».
« Toutefois,
prétendent les chercheurs du CNRS, les
progrès technologiques et
l’automatisation des tâches permettent
de diminuer les couts et devraient être
des facteurs favorables si cela
permettait de conquérir de nouveaux
marchés et de maintenir l’emploi. »
Ce qui ne semble pas le cas à l’évidence
(36% des effectifs industriels français
ont disparu en 30 ans).
La
délocalisation est la conséquence
d’une production réalisée pour moins
chère à l’étranger (dans les zones aux
salaires de misère, fortement mécanisée
par les multinationales françaises qui y
ont délocalisé leurs machineries). « La
disparition de certaines activités
industrielles est la conséquence soit
d’un processus normal de l’évolution des
besoins (sic), soit de l’impossibilité
de produire à un cout compétitif dans
une économie avancée », prétendent
les chercheurs du CNRS. De fait, il est
vrai qu’un travailleur français ne
pourrait survivre s’il recevait le
salaire d’un ouvrier vietnamien. Il
risquerait de s’évanouir sur la chaine
de montage, comme les compagnies
américaines sont en train de le
démontrer de l’autre côté de
l’Atlantique.
Les
chercheurs du CNRS concluent « La
véritable cause c’est celle de la
compétitivité (de la
productivité) dans les secteurs
occupés par notre industrie lorsque ni
le progrès technique, ni
l’automatisation, ni l’amélioration de
l’activité commerciale ou du management,
ni la reconversion dans d’autres
secteurs d’activité ne permettent
d’éviter la délocalisation ou la
faillite. » Voici une tautologie.
Les chercheurs du CNRS concluent que si
l’industrie française n’est pas assez
compétitive, alors c’est qu’elle n’est
pas assez productive…
Évidemment dirons-nous ! La véritable
question serait… Pourquoi l’industrie
française ne parvient pas à maintenir sa
compétitivité face à l’industrie des
pays « émergents », et face à
l’Allemagne, et face aux États-Unis, qui
ne sont certainement pas des pays
« émergents » ?
Les
chercheurs poursuivent leur
investigation « En dehors de ces
facteurs endogènes à l’industrie, les
facteurs exogènes sont les impôts et
taxes, les normes européennes, le SMIC,
le Code du travail… et le taux de
change. Ce dernier intervient
directement sur les exportations, mais
il permet aussi aux importations de
concurrencer notre production nationale.
Il touche donc finalement l’ensemble des
entreprises exportatrices ou non. Pour
les facteurs exogènes, les acteurs sont
L’État et l’Union européenne. »
L’examen de l’action de l’État français
par rapport aux autres pays de l’UE
montre que les charges sur les
entreprises sont plus lourdes, le Code
du travail plus lourd, plus complexe et
plus handicapant (pour les entreprises),
et que le SMIC introduit globalement des
salaires plus élevés qu’ailleurs en
Europe et même en Allemagne, sur
l’ensemble de l’échelle des salaires. Non
seulement l’État français accepte les
normes européennes, qui peuvent jouer
sur le commerce hors Union européenne,
mais il a une fâcheuse tendance à en
rajouter. Ceci nous handicape un peu
plus. Mais le facteur primordial qui
est du ressort de l’État français, c’est
la gestion de la monnaie, gestion qu’il
a donnée à la zone euro. Compte tenu
de tous les handicaps cités plus haut,
il en ressort que la compétitivité ne
peut pas être gagnée, sauf exception,
sans un taux de change plus favorable à
notre pays par rapport à nos
fournisseurs et clients, au premier rang
desquels se place l’Allemagne. »
À
nouveau une conclusion en oxymoron…
Voilà que le manque de compétitivité de
l’industrie française explique son
manque de compétitivité (…) Mais
pourquoi ce manque de productivité
serions-nous tentés de demander ? Dans
le paragraphe suivant, les chercheurs
proposent leur « explication » à ce
mystère évanescent.
« La
représentation de l’industrie par le
Medef occulte la dimension du taux
de change, car ce syndicat patronal est
aux mains de la grosse industrie,
fortement exportatrice et délocalisée.
Le Medef n’attend que de l’argent
pour investir et une diminution des
charges. Il se satisfait de l’euro qui
lui simplifie la vie et lui évite une
monnaie nationale plus sujette à des
variations de cours sur le marché
européen. Pourtant c’est le maillage des
petites et moyennes entreprises qui est
le tissu créateur d’emplois et garant du
savoir-faire français. Celles-ci, dont
la production est surtout nationale, ne
peuvent combler les handicaps
endogènes et exogènes pour rester
concurrentielles. »
Vous
avez compris ce salmigondis ?
Contrairement à ce que prétendent les
chercheurs du CNRS, l’objet de
l’activité économique n’est pas de créer
un « tissu industriel créateur
d’emploi, ni de garantir le savoir-faire
français », mais de valoriser le
capital en générant la production d’une
abondante plus-value. Le fait que l’euro
« satisfasse » les grandes entreprises
françaises ne semble pas interloquer les
chercheurs… Le mode de production
capitaliste encourage la monopolisation,
c’est exact, mais la monopolisation
n’interdit pas la sous-traitance, même
qu’elle la favorise. Les grands trusts
multinationaux – exportateurs – sont
représentés par le MEDEF
qui n’attend que les subventions de
l’État et de meilleures conditions de
surexploitation de la force de travail,
des conditions comparables à ceux des
pays « émergents » pour faire des
profits exorbitants. Le salut du « savoir-faire
français » est à ce prix. D’abord
hausser le taux d’expropriation du
surtravail, pour ensuite subventionner
l’exploitation du travail salarié. Si la
tonte des travailleurs français ne
soutient pas la concurrence avec la
tonte des travailleurs chinois alors les
cartels multinationaux français iront
surexploiter la classe ouvrière
chinoise… c’est cela la mondialisation
impérialiste.
Les
chercheurs consciencieux persistent et
signent : « L’euro finit de les
tuer (les petites entreprises)
lentement, car quoique l’on dise de
l’esprit national, le français regarde
de plus en plus les prix des
marchandises avant d’acheter. Le
label français est vite délaissé au
profit du cout même quelquefois à
moindre qualité du produit. »
Vous
avez bien lu, le nationalisme
économique, qui n’est pas réclamé de la
part des trusts multinationaux français,
est exigé des chômeurs et des
travailleurs-consommateurs français. Il
est exact que les
travailleurs-consommateurs soumis aux
conséquences de la crise économique
systémique (chômage, précarité, bas
salaires, réduction des allocations
gouvernementales, saccage des services
publics, endettement chronique et
inflation galopante) y regardent à deux
fois avant de dépenser leurs quelques
deniers, qui pourraient les en blâmer ?
« Cette
obstination de l’État français en faveur
de l’euro, soutenu par le Medef
lequel a des atomes crochus avec tous
les grands lobbys du Nouvel Ordre
Mondial (sic), n’aboutit qu’à des
mesures insuffisantes sur les facteurs
endogènes pour rétablir la compétitivité
industrielle et l’emploi. Le déficit du
commerce extérieur chronique à hauteur
de 60 à 70 milliards d’euros en est
l’illustration chiffrée. Ce qui se passe
dans l’industrie française a des
répercussions sur l’agriculture qui
donne des signes de détresse
matérialisés par la disparition des
petites exploitations et le suicide des
paysans. »
Et
nous voici projeter dans un Nouvel
Ordre mondial (sic) alors que
nous sommes simplement au cœur du mode
de production capitaliste à son stade
ultime impérialiste. Tous les pays
industrialisés avancés enregistrent des
déficits commerciaux astronomiques (sauf
l’Allemagne). Les chercheurs des centres
de recherches subventionnés par l’État
ont pour mission de présenter
superficiellement la situation
économique ; d’embrouiller la
compréhension et de susciter des espoirs
en proposant des remédiations qui
approfondiront la situation déjà assez
désastreuse.
Le
problème de l’économie impérialiste
française est qu’elle se trouve en
compétition avec l’économie impérialiste
des pays « émergents » qui arrachent
davantage de plus-value à leurs
travailleurs surexploités. Les taux de
profits sont donc supérieurs dans les
pays impérialistes du BRICS et les
entreprises multinationales de France et
des pays de l’Alliance atlantique se
déplacent donc vers ces régions pour
aller y exproprier ces salariés
surexploités.
Rassurez-vous cependant, ces
travailleurs d’Orient vendent de plus en
plus chèrement leur force de travail et
il viendra un moment où il n’y aura plus
davantage à spolier leur force de
travail par rapport à ceux d’Occident.
Qu’adviendra-t-il alors des emplois
industriels dans l’hémisphère Nord comme
de ceux délocalisés dans l’hémisphère
Sud ? C’est le mode de production
capitaliste à son stade impérialiste qui
est la source de tous les problèmes
économiques et sociaux de la France, du
Canada, de l’Allemagne et de tous les
autres pays.
Manifeste du Parti Ouvrier (2014)
Éditions Publibook
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
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