Les 7 du Québec
Le nouveau Donald Trump reformater
Robert Bibeau

Mercredi 24 janvier 2018
La problématique générale des élections
américaines.
Les médias
mainstream (médias people et médias de
formatage de l’opinion publique),
suivant leur habitude de banaliser et de
rendre anecdotique et incompréhensible
l’activité politique, continuent, dans
le sillage du volume de Michael Wolff
récemment publié (1), à présenter
Donald Trump comme un homme
déséquilibré, impulsif et imprévisible,
un politicien désorienté sans expérience
politique. Cette caricature du Président
empêche de comprendre la politique
américaine qui ne serait plus qu’une
succession de rebondissements
irréfléchis, aléatoires, comme les
scénarios de ces romans-savons dont on
nous empoisonne la vie à la télévision.
Tout ceci n’est que confusion et
fumisterie. Un homme politique n’est
jamais que le sous-fifre des forces
économiques qui ont financé et piloté sa
campagne électorale. Donald Trump
ne fait pas exception à la règle. La
seule énigme qui reste à résoudre est de
savoir si les forces qui en ont fait un
président, forces auxquelles
participèrent lourdement les généraux
américains, l’ont laissé présenter sa
politique nationaliste pour
ensuite le forcer à se reformater vers
la mondialisation; ou si Trump a
intentionnellement fabulé sa politique
« America first » afin
d’arracher le vote populiste pour
ensuite mener son authentique politique
mondialiste conformément aux
intérêts économiques de l’impérialisme
états-unien ?
Les multiples
tribulations, promotions suivies de
rétrogradations, de plusieurs de ses
collaborateurs, sans compter les
réorientations du discours présidentiel,
laissent entendre que l’homme a été
manipulé du début à la fin – se
présentant aux élections remplit
d’illusions, que ses commanditaires ont
toléré le temps des primaires et des
présidentielles, puis, une fois en
poste, l’ont forcé à délaisser ses
chimères populistes d’où l’impression de
désorganisation et de confusion à la
Maison-Blanche où les hommes de pouvoir,
les fonctionnaires gérant l’État
profond, et l’oligarchie qui dirigent ce
pays, via un pantin politique (Clinton,
Bush, Obama ou Trump), plus ou moins
reformater en fonction des impératifs
économiques de la bourgeoisie financière
hégémonique, la seule source de
pouvoir qui compte dans ce « pays de
merde » comme disait ce Président
récemment. Il aura suffit d’une
année pour reformater Donald Trump et en
faire un président comme les autres.
Pour chacune des
promesses mises de l’avant pendant la
campagne électorale, qui aura duré une
année, Donald Trump le « nationaliste »,
une fois élue, a dû ravaler ses paroles
et s’aligner sur la politique
traditionnelle « mondialiste »
étatsunienne, parce que la première
économie capitaliste du monde –
totalement dépendante de ses échanges
avec le reste du globe – ne peut faire
autrement que d’être
expansionniste-mondialiste, n’en
déplaise à Steve Bannon dont
l’establishment a obtenu la tête en
moins d’une année, lui qui avait
pourtant designer l’image anti
establishment de Donald Trump qui
plaisait tant aux prolos et aux pauvres
d’Amérique.
« America first » et
congédiement de Steve Bannon le
« nationaliste ».
« Le problème
aujourd’hui, selon Steve Bannon, c’est
que la Chine ne respecte pas les règles
du libre-marché et qu’elle impose ses
propres règles, se transformant non pas
en partenaire stratégique, mais en
concurrent stratégique des États-Unis.
En contrant les ambitions chinoises, la
superpuissance américaine doit toutefois
éviter de tomber dans
le « piège de Thucydide », concept
désignant le risque de guerre entre une
puissance montante et une puissance en
déclin. Citant le discours du président
chinois Xi Jinping au 19e Congrès du
Parti communiste chinois, Steve Bannon a
désigné les cinq piliers du projet de
domination mondiale de la Chine : le
contrôle d’industries comme la
fabrication des puces électroniques,
l’intelligence artificielle et la
robotique, le projet de Nouvelle
route de la soie, la concurrence du
yuan avec le dollar comme monnaie de
réserve internationale et la maîtrise
des techniques financières pour isoler
les compagnies et banques occidentales
des marchés de capitaux et flux
monétaires mondiaux. » (2)
Voilà une position
conforme à l’intérêt impérialiste des
États-Unis. Pourtant, le plus proche
conseiller de Donald Trump a été
congédié. Il faut comprendre qu’il
existe deux tendances parmi le Grand
capital étatsunien; un clan « mondialiste »
préconise de faire comme le Royaume-Uni,
lors du changement de la garde au cours
de la Seconde Guerre mondiale, s’effacer
et négocier un positionnement
satisfaisant avec la nouvelle puissance
hégémonique en devenant son meilleur
allié. L’autre camp, « nationaliste »
préconise d’affronter la superpuissance
montante quitte à plonger dans le piège
de « Thucydide » concept désignant le
risque de guerre entre une puissance
montante et une puissance déclinante,
guerre que la puissance en déclin est
presque assurée de perdre.
Palestine-Israël.
À propos du dossier
israélo-palestinien, la confusion est
totale et la plupart des observateurs et
analystes croient – à tort – que
Donald Trump improvise ou alors
qu’il s’aligne résolument du côté des
sionistes israéliens et que finalement,
il ne souhaite pas contribuer à résoudre
ce conflit qui s’éternise. Cette
appréciation est erronée. Dans un
discours au cours des Primaires
américaines, Donald Trump, en
négociateur averti et conséquent a
d’abord réitérer que dans ce conflit il
devrait prendre une position modérée de
façon à créer un sentiment de confiance
chez les deux parties invitées à
négocier. Son inexpérience politique
faillit lui couter cher ce jour-là.
Aussitôt après cette allocution les
médias du lobby sioniste de
l’information se déchainèrent contre
lui. Le candidat Trump comprit
rapidement que les économies américaines
et israéliennes sont trop fortement
imbriquées pour lui permettre de simuler
la neutralité. Quelques jours plus tard,
Donald Trump se rendit au congrès
de l’AIPAC faire amende honorable
et jurer son engagement indéfectible et
éternel envers Israël. Cette fois, le
reformatage du candidat eu lieu « live »
face au public américain, devant les
caméras de télévision. Il parvient ainsi
à neutraliser une partie du lobby
sioniste qui, sans l’appuyer, conserva
une certaine neutralité. On connait la
suite, depuis son élection Trump n’en
finit plus de démontrer sa soumission
(ambassadeur sioniste à Tel-Aviv et
promesse de déplacement de l’ambassade à
Jérusalem), mais en multipliant les
gestes symboliques d’apaisement envers
le gouvernement israélien, Trump n’en
poursuit pas moins sa tentative de
régler ce conflit en exigeant toujours
plus de concessions des laquais de l’OLP
et du Hamas, quitte à couper les
subventions dont se nourrissent ces
poltrons. Noter que le déplacement de
l’ambassade a été voté par le congrès de
nombreuses années auparavant et que
l’administration Trump a simplement
annoncé son intention d’éventuellement
appliquer cette décision faisant ainsi
pression sur la bourgeoisie
palestinienne pour qu’elle règle le
contentieux en faisant un pas de plus
sur la voie de la trahison (3).
L’Obamacare.
Une promesse phare
du candidat Trump vis-à-vis les
travailleurs portait sur l’abolition
pure et simple de l’Obamacare,
ce programme d’assurance transférant le
fardeau de l’entretien médical de la
force de travail des épaules de
l’employeur et de l’État sur celles des
travailleurs. Un cadeau de plusieurs
milliards de dollars à l’industrie
pharmaceutique, des soins de santé, et à
la puissante industrie des assurances.
Un programme gouvernemental dont
raffolent les bobos sociaux-démocrates
et gauchisants et qu’ont refusé les
travailleurs incapables de payer les
primes prohibitives de ces assurances
parcellaires (4).
En Europe de
l’Ouest et dans d’autres pays
occidentaux ces programmes sociaux ont
été mis en place au temps de la
prospérité relative (1960-1980) alors
que les salaires augmentaient, les
travailleurs avaient donc les moyens de
payer les primes d’assurance, d’autant
que les employeurs contribuaient à ces
programmes. Aux États-Unis, depuis 40
années le salaire réel des employés a
baissé. Déjà 33% de la population
américaine n’a pas les moyens de se
payer les biens de première nécessité et
les comptoirs alimentaires sont
débordés. Cependant, l’establishment
n’allait pas abolir l’Obamacare pour les
riches. Le Congrès s’est chargé de
bloquer le projet de refonte du
programme présenté par l’administration
et la refonte est morte au feuilleton du
Sénat. La classe capitaliste américaine
ne fait jamais confiance à ses
thuriféraires et les encadre fortement.
C’est la classe qui dirige, pas ses
affidés.
Le commerce
extérieur et les importations.
Le tableau
ci-dessous suffira à démontrer que la
rhétorique trumpiste à propos de
l’endiguement des importations chinoises
n’était que supercherie. En 2017, l’an
un du règne de Trump, les surplus ont
progressé de 6% en valeur des échanges
en faveur de la Chine. Voilà la réalité
du pouvoir d’un politicien sur
l’économie, nul (5).
La répudiation de
l’ALENA et des ententes de
libre-échange.
Voilà un dossier où
le nouveau Président a bien mené son
« frame up ». L’homme d’affaires
multimilliardaire Donald Trump
sait pertinemment qu’une économie
nationale de la taille des États-Unis
d’Amérique, qui effectue en un an 880
milliards de dollars d’échanges avec le
Canada seulement ne peut s’isoler et
revenir au « nationalisme
isolationniste ». Les discours du
candidat Trump puis du Président élu
visaient deux objectifs : A) attirer à
lui le vote des travailleurs naïfs.
B) Conditionner les partenaires
commerciaux des États-Unis dans
l’éventualité d’une renégociation de
tous les traités et accords commerciaux.
Ce qu’il fit. Aussitôt élu le président
« protectionniste » répudia tous
les traités puis repris les négociations
avec chacun de ses partenaires, le
Canada et le Mexique dans le cas de l’ALENA;
le Japon, la Corée, le Vietnam, la
Malaisie, les Philippines et d’autres
pays dans le cas de l’accord
Asie-Pacifique. On ne doit pas
oublier que cet accord a été manigancé
par Washington en vue de contrer
l’expansion de la Chine sur ces marchés
protégés. Bref, tout ce tapage
protectionniste ne visait qu’à reprendre
les négociations dans l’espoir d’obtenir
de nouvelles concessions des partenaires
tétanisés.
La mise en veilleuse
de l’OTAN.
Ce furent les
premières déclarations du nouveau
Président, l’OTAN était obsolète, les
partenaires des États-Unis incapables de
tenir leur rang et de contribuer au
financement de l’OTAN. Douze mois plus
tard, le Pentagone maintient sa
confiance en l’OTAN et planifie son
expansion en Ukraine et dans le Caucase,
menaçant le monde d’un affrontement avec
la Russie.
Le rapprochement
avec la Russie.
Il aura suffi d’une
commission d’enquête et de la menace
d’une procédure d’Impeachment pour que
les velléités de racoler la Russie, de
s’en approcher afin de ravir cet allié
au camp chinois s’envolent en fumée (6).
De toute façon Donald Trump se
berçait d’illusions, la Russie ne peut
s’allier à l’Allemagne et à l’OTAN, dont
elle dispute les zones d’influences et
les marchés dans les Balkans et le
Caucase depuis plus d’un siècle, parsemé
de deux guerres mondiales et d’une
guerre froide. Ainsi, le récent
rapprochement turco-russe en Syrie
menace directement l’Allemagne bien
davantage que les États-Unis qui doivent
faire leur deuil d’une alliance avec
l’ours russe qui est habituellement
fidèle à ses alliés.
Le désengagement au
Proche-Orient.
Le candidat Donald
Trump s’était permis de critiquer
sévèrement les présidents républicains
précédents (Bush et Bush) à propos de
leur engagement dans les bourbiers
afghan, irakien et syrien, où pour
chacun, l’armée américaine n’a jamais
atteint ses objectifs militaires malgré
plus de deux-mille-milliards de dépenses
de guerre, des centaines de milliers de
victimes et des millions de réfugiés.
Sur le même ton, le candidat Trump a
promis de désengager les États-Unis de
ces bourbiers. Récemment le Secrétaire
d’État Tillerson annonçait que les
troupes américaines occuperaient le sol
syrien afin de soutenir leurs
mercenaires kurdes que les États-Unis
ont promus garde-frontières d’un pays
étranger sans consulter les
gouvernements syrien et turc (7). Les
Bush, père et fils, n’auraient pas fait
autrement.
L’expulsion des
immigrants illégaux.
La go-gauche en a
fait son cheval de bataille préféré sur
le même pied que les revendications
féministes et celles liées à la
sexualité, thèmes adulés par la petite
bourgeoisie engagée (nombre d’ONG y font
leur pain et leur beurre quotidiens).
Mais voici que les statistiques de la
première année Trump révèlent une
diminution des extraditions de Mexicains
par rapport à la dernière année du
régime Obama adulé par la go-gauche à
bobo (sic). Un rapport dévoile que « Le
président Donald Trump a renvoyé 26 pour
cent de Mexicains en moins chez eux
cette année comparé à Barack Obama en
novembre 2016, malgré les promesses de
réprimer l’immigration clandestine,
montrent les données du gouvernement
mexicain. Environ 152 000
ressortissants mexicains ont été
rapatriés des États-Unis entre
janvier et novembre 2017, selon les
données du ministère de l’Intérieur du
Mexique rapportées pour la première fois
par le journal Milenio. Cela se compare
à un peu moins de 205 000 au cours des
11 premiers mois de 2016 dernière année
du régime Obama (8).
Le mur à la
frontière mexicaine.
On sait l’usage
démagogique que Donald Trump a
fait de ce mur frontalier déjà en
construction depuis l’époque de Bill
Clinton, de Bush fils et d’Obama. Une
fois le plein de votes complété le
dossier a été paralysé au Congrès faute
de crédit pour compléter la
construction. Bref, il aura fallu le
tintamarre provoqué par Trump pour
stopper l’édification de cet ouvrage.
Que Donald Trump ait souhaité ou
non ce résultat importe peu, on voit par
ce dossier, somme toute secondaire par
rapport aux problèmes mondiaux,
l’étroitesse du pouvoir d’un Président
et les nombreux garde-fous qui encadrent
son pouvoir dérisoire.
Nul doute que
l’exemple Donald Trump permet de
constater qu’une mascarade électorale
est un spectacle que l’on donne à voir
aux pèquenots afin de leur faire croire
qu’ils ont un choix crucial à faire pour
l’avenir de leur nation, quand dans la
réalité, c’est bonnet blanc et
blanc-bonnet, si bien qu’un politicien
ou un autre, les politiques ne peuvent
changer, car elles sont dictées par les
intérêts du grand capital qui supervise
la pratique qui sera maintenue quelque
soit le pugilat qui l’emportera. L’État
profond, la bureaucratie,
l’establishment, le Congrès, les
institutions veillent au grain et un
Président mène la Maison-Blanche avec la
permission de sa classe sociale.
NOTES
-
Michael Wolff, un éditorialiste
américain de 64 ans, a publié le 9
janvier dernier son volume
intitulé « Fire and Fury : Inside
the Trump White House. » Un
titre évocateur – Feu et fureur :
à l’intérieur de la Maison Blanche
de Trump– pour un ouvrage qui
compile un grand nombre d’anecdotes,
dressant le sombre tableau d’une
Maison-Blanche dysfonctionnelle sur
fond d’intrigues, autour d’un
président raillé par ses propres
collaborateurs pour son incapacité à
diriger.
-
https://leblogalupus.com/2018/01/18/la-chinamerica-ou-la-vraie-raison-de-leviction-de-steve-bannon-le-nationaliste-par-donald-nixon-trump-le-mondialiste/
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-palestine-sous-la-coupe-des-felons/
-
En 2017, les primes d’assurance de
l’Obamacare ont augmenté
substantiellement et en 2018 il en
sera de même. La petite bourgeoisie
américaine en voie de paupérisation
ne parvient plus à payer les primes
et se trouve menacée de congédiement
par la loi qui oblige un salarié à
s’assurer.
https://www.businessbourse.com/2016/08/26/comme-prevu-lobamacare-est-en-train-de-tuer-la-classe-moyenne-americaine/
-
https://leblogalupus.com/2018/01/18/la-chinamerica-ou-la-vraie-raison-de-leviction-de-steve-bannon-le-nationaliste-par-donald-nixon-trump-le-mondialiste/
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Impeachment_(États-Unis)
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/terroristes-promus-garde-frontieres-en-syrie/
et
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/les-etats-unis-resteront-indefiniment-en-syrie-afin-de-superviser-leurs-mercenaires-kurdes/
-
https://www.ice.gov/sites/default/files/documents/Report/2017/iceEndOfYearFY2017.pdf
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