Les 7 du Québec
La gauche face à l'Euro et à l'Union
(Le Frexit en vrille)
Robert Bibeau

Mercredi 22 février 2017
http://www.les7duquebec.com/...
À gauche rien ne va plus.
À
gauche, toutes dénominations confondues,
s’esbroufe une panoplie de groupes
populistes dont le Programme commun est
de réformer le mode de production
capitaliste afin de le rescaper au
bénéfice des riches, tout en jurant, la
main sur le cœur, qu’ils veulent servir
le « peuple » (sic). Prenez note que la
problématique est identique à l’aile
droite du caléidoscope politique
français (FN et autres nationalistes
chauvins).
Tous
s’entendent, sectes gauchistes,
groupuscules opportunistes et « grands
partis » de la gauche classique, pour se
tenir en réserve de la République
menacée, chacun espérant attirer sur lui
le regard compassé de l’oligarchie
financière qui décide de tout
« électoralement » parlant. Chaque
formation espère, angoissée, que les
grands patrons des élections la
choisiront pour explorer de nouveaux
marchés. La question poser et à résoudre
selon ces affidés est de savoir s’il
faut quitter la zone euro et l’Union
européenne pour prospérer ?
Le
grand capital français.
Il n’y
a pas une réponse unique à cette
question épique. Il y a autant de
réponses qu’il y a de classes sociales
en lutte au cœur de cette problématique
de crise systémique du capitalisme. Pour
le grand capital monopoliste, la réponse
est sans équivoque. Non ! Il est hors de
question d’abolir l’euro, ou de quitter
l’Union. Les intérêts économiques du
capital impérialiste mondial reposent
sur l’intégration des capitaux, même si
par moment les capitalistes européens,
par l’entremise de leurs officiers
politiques, s’inquiètent de l’invasion
du capital chinois, par ailleurs
bienvenu sur le vieux continent (1).
Comprenez que les simagrées des
fonctionnaires politiques de Bruxelles,
de Berlin, de Paris et de Rome ne visent
pas tant à restreindre cet apport de
capital pékinois, qu’à obtenir la
réciprocité en termes de facilité
d’accès au marché chinois. Sous
l’impérialisme déclinant, les flux de
capitaux doivent s’entrecroiser sans
s’entrechoquer, Donald Trump
l’a compris et il est en marche vers le
Pacifique Sud pour le faire comprendre
aux investisseurs « communistes » (sic).
Présentement, le capital européen et
américain qui souhaite s’investir en
Chine doit le faire en partenariat avec
une entreprise chinoise qui conserve la
majorité de l’actionnariat (2). C’est
ainsi que l’Empire chinois s’approprie
les procédés de fabrication et la
technologie de ses concurrents
occidentaux. Voilà l’enjeu des
tergiversations en cours entre les trois
grandes alliances impérialistes :
États-Unis, Canada, Mexique – Chine,
Russie – Union européenne.
Le
retour en arrière, au capitalisme
d’antan, n’est pas une option pour le
grand capital mondial, Donald
Trump le sait pertinemment. Ses
tralalas isolationnistes ne sont que « spectacle
médiatique » pour effrayer ses
concurrents tétanisés. Il en est ainsi
pour le grand capital français avec
cette menace de Franxit.
Récemment, un économiste révélait que la
surcharge de 30 milliards d’euros que
subirait le trésor français « correspond
à l’écart de taux d’intérêt avec ceux
pratiqués en Allemagne (ce que l’on
nomme le « spread » dans le jargon
économique). Avant l’Euro ce spread
était en moyenne de 1,9 %, et s’établit
autour de 0,4 % depuis 1992, grâce à
l’euro ; la différence étant de 1,5 %,
et la dette souveraine s’établissant à
2.160 milliards d’euros, c’est donc plus
de 30 milliards d’euros de charge
d’intérêts supplémentaire (dont le
prolétariat français fera les frais).
L’économiste poursuit, si l’on
retient ce chiffre, cela veut dire que
la part de la dette française (libellée
en euros) détenue par des étrangers
gonfle immédiatement de 20 % : soit 260
milliards de plus pour la dette publique
(à 60 % dans des mains étrangères) et 90
milliards pour la dette privée (des
entreprises françaises), ce qui se
traduit par une charge supplémentaire de
13 milliards d’euros. L’économiste en
chef de Natixis, Patrick Artus
rajoute quant à lui l’effet sur la dette
interbancaire qu’il estime autour de 50
milliards d’euros !» (3)
Il n’y
a qu’une mince fraction du grand capital
français qui peut espérer des bénéfices
boursiers suite au Franxit,
ceux qui détiennent majoritairement des
bons du Trésor de l’État et ceux qui
possèdent des placements dans les métaux
précieux (or, argent) dont la cote
montera en flèche suite au Franxit.
N’ayez crainte cependant, le grand
capital français peut bien menacer de
quitter l’Union jamais il n’abandonnera
les avantages d’être accroché à la
locomotive allemande.
Le
seul pays d’Europe qui s’en tirerait
moins mal que les autres suite à la
disparition de l’Euro et à l’éclatement
de l’Union est l’empire industriel
allemand. Avec son avance technologique,
sa productivité du travail mécanisé et
sa balance commerciale favorable,
l’Allemagne cesserait de remorquer le
reste de l’Europe endettée. L’empire
industriel allemand devrait cependant
faire ce que Donald Trump
tente d’entreprendre – reprendre les
négociations de libre-échange avec
chaque pays individuellement, dans une
position de négociation bien plus
avantageuse, comme Trump l’a compris, la
puissante Allemagne négociant avec
chacun de ses partenaires et concurrents
isolés, Pologne, République tchèque,
Slovaquie, Hongrie, France, conservant
les avantages d’une monnaie forte sans
les inconvénients de l’Union. Le seul
mystère qui demeure est de comprendre
pourquoi l’Allemagne n’adopte pas la
tactique trumpiste ?
Petits
capitalistes et petite bourgeoisie des
services.
Les
petits capitalistes non monopolistes, la
petite bourgeoisie des services, les
officiers politiques et médiatiques et
l’industrie de l’ONG stipendiée sont les
couches sociales qui pensent avoir un
avantage à provoquer une sortie de
l’Euro et de l’Union. Ce contingent
social est numériquement important dans
une société de consommation comme la
France en décadence. Un sondage récent
évalue à 26 pour cent le nombre de
Français qui souhaitent revenir au « Franc »,
ce qui fait le plein des petits
bourgeois et des petits capitalistes
dans ce pays de services et de
consommation moribond. Ces segments de
classe constatent que l’économie est en
crise, que le chômage progresse, que le
pouvoir d’achat régresse, que les
groupes sociaux contestent, que la
morale digresse, que les thuriféraires
politiques s’engraissent dans la caisse,
que l’État ne parvient pas à stopper la
débandade, et ils en blâment la monnaie
unique, le marché commun, la trahison
des patrons, la déliquescence des
pouvoirs étatiques pourtant sur la voie
du totalitarisme, et ils réclament plus
d’État ce que le prolétariat ne veut
pas.
Le
petit bourgeois sait que le remède
Franxit fera très mal à la
classe au travail. Ainsi en
Grande-Bretagne, la Livre sterling a
perdu 10 % depuis l’annonce du
Brexit et les actifs boursiers
ont perdu 3,6 % et ce n’est pas terminé.
L’emploi ne se rétablit pas outre-Manche
pas plus qu’en France. « La
dévaluation de la monnaie a un effet,
considérable à terme, sur la
consommation des ménages. Environ un
quart de ce qu’ils achètent (1.200
milliard d’euros) est importé, soit au
niveau global du pays un montant de 300
milliards d’euros par an. Ce serait donc
60 milliards de plus (20% de 300
milliards) que les ménages devraient
sortir de leur portemonnaie pour acheter
les mêmes biens, soit environ 2.000
euros par ménage et par an ! Conclusion
(…) la véritable addition de la sortie
de l’euro s’établit à 30 milliards
d’euros (effet spread), auxquels il faut
ajouter 13 milliards (effet dévaluation
sur le montant de la dette) et 60
milliards (effet dévaluation sur les
ménages). Total : 103 milliards d’euros
(le cout immédiat du Franxit) »
(4).
Les
causes de la crise du capitalisme.
Même
si la crise économique de l’impérialisme
prend la forme d’une crise monétariste
et boursière, au fond, la récession
n’est pas causée par la financiarisation
de l’économie, mais par l’incapacité du
capital surabondant à se valoriser puis
à se valider sur des marchés étriqués.
Ce n’est pas en les restreignant
davantage que l’on conservera le bébé
tout jetant l’eau du bain. Il est vrai
que la petite bourgeoisie, enfant chéri
du grand capital international, a vécu
du bon temps pendant quelques décennies,
mais ce temps est révolu en même temps
que les profits ont disparu. Ce n’est
pas l’euro ou l’Union qui expliquent les
pertes d’emplois, sauf 20 % environ
pour délocalisation, le reste (80%) a
pour cause la faible productivité comme
en témoigne cet écrit « Depuis 1993,
l’indice des prix des biens et services
exportables a baissé de 5% en France et
augmenté de 15% en Allemagne (OFCE
2015). De plus, 60% de
l’écart de compétitivité de la France
vis-à-vis de l’Allemagne résulte d’un
manque de qualité (OFCE
2015) : si les
entreprises exportatrices allemandes ont
accru leurs prix et leurs marges, c’est
en raison d’un gain de qualité et donc
de productivité. Le prix des biens et
services non échangeables s’est envolé
en France (dans la construction, la
restauration, l’hôtellerie, et les
autres services de proximité), peut-être
en raison d’un manque de concurrence,
d’une règlementation trop exigeante »
(5). Ce n’est pas le cas des
capitalistes allemands qui parviennent à
surexploiter leur prolétariat plus
intensément que ne le fait le patronat
français. Ce problème interne à
l’économie de l’hexagone ne saurait se
régler par une dévaluation monétaire ou
le rétablissement des barrières
tarifaires, au contraire.
La classe
prolétarienne et le
Franxit,
le Brexit
et les autres exits.
Contrairement à ce que proposait
Karl Marx lors d’une conférence
à Bruxelles en 1848 (6), un prolétaire
révolutionnaire n’a pas à défendre ou à
rejeter le libre marché capitaliste ni à
militer en faveur du réaménagement des
règles de concurrence entre les factions
capitalistes en guerre commerçante. Dans
cette histoire d’alliance commerciale la
classe prolétarienne est assise dans les
estrades et regarde deux équipes
d’esclavagistes s’affronter devant la
petite bourgeoisie médusée, meneuse de
claque de gauche comme de droite, qui
voudrait que le prolétariat encourage
l’une ou l’autre des équipes qui,
gagnante, viendra nous faire les poches
– nous rançonnés et nous arrachés le
surtravail et la plus-value, sans pour
autant augmenté l’emploi qu’ils
continueront à robotiser tout en
intensifiant l’exploitation des
survivants (7). Quel intérêt le
prolétariat aurait-il à souhaiter que ce
soit l’équipe des blancs plutôt que
l’équipe des noirs qui gagne et le
contraigne à l’esclavage salarié ou au
chômage ?
La
classe prolétarienne a intérêt à savoir
laquelle de ces deux fausses solutions
est inévitable : mondialisation
impérialiste ou « démondialisation
capitaliste à rebours et retour aux
temps de la patrie et des colonies »
(8). L’une de ces voies est
incontournable, car elle s’inscrit dans
le sens de l’évolution du mode de
production capitaliste moribond. Dans le
sens de l’histoire, ce tunnel mortel
dont il n’y a aucun espoir de s’échapper
sinon de poursuivre pour surgir de
l’autre côté afin de détruire l’ancien
et de construire le nouveau mode de
production prolétarien. D’ici la, le
prolétariat doit résister par la grève
et les occupations d’usines aux
agressions menées contre ses conditions
de travail et son pouvoir d’achat.
Notes
(1)
http://www.courrierinternational.com/article/economie-les-investissements-chinois-seraient-les-bienvenus-en-europe
et
http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-165281-le-defi-chinois-au-marche-europeen-2059320.php
(2)
« Avec 4000 milliards de dollars de
réserves de change, la Chine est prête à
mener une politique d’expansion
internationale. Or, la dépréciation de
la monnaie unique par rapport au yuan ne
fait qu’accroitre la capacité financière
de la Chine. De même, la faiblesse d’un
certain nombre d’entreprises
européennes, pénalisées par leur
endettement, positionne les
investisseurs chinois en situation de
force pour le rachat d’entreprises sur
le sol européen. »
http://www.taurillon.org/forte-augmentation-des-investissements-chinois-en-europe
(3)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/ce-que-cache-la-banque-de-france-et-le-fn/
(4)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/ce-que-cache-la-banque-de-france-et-le-fn/
(5)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/quest-ce-que-le-ceta-entre-lue-et-le-canada/
(6)
Note d’Analyse, septembre 2014.
http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2014-09-02-note-fs-deficitechange-ok.pdf
et
https://ecointerview.wordpress.com/
(7)
Congédiements dans le monde en février
2017.
https://jbl1960blog.wordpress.com/2017/02/20/arrete-de-deconnex/
(8)
http://www.pardem.org/programme/programme-complet-du-pardem
et
https://www.legrandsoir.info/les-defis-pour-la-gauche-dans-la-zone-euro.html
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