Les 7 du Québec
La finalité du mode de production
capitaliste
Robert Bibeau

Mercredi 20 juillet 2016
http://www.les7duquebec.com/...
Il peut paraitre
superfétatoire de polémiquer à propos de
la finalité du mode de production
capitaliste et des motifs de son
développement inconséquent. Pourtant,
cette question est au cœur de la
contradiction fondamentale qui, tel un
cancer, ronge ce mode de production
moribond. Se basant sur une lecture
superficielle des classiques marxistes
un clan d’exégètes soutient que la
finalité du capitalisme – y compris à
son stade ultime, impérialiste – c’est
de thésauriser, d’accumuler autant de
capital que possible. En d’autres
termes, ce qui ferait courir les
milliardaires ce serait l’accumulation
d’une immense fortune. Selon ces
coryphées, l’application de cette loi
d’airain entrainerait la concentration
des capitaux entre les mains de ces
privilégiés et serait la source de
toutes les calamités sociales. D’où la
panacée proposée par la gauche
embourgeoisée, privilégions une
répartition équitable de la richesse
sociale.
En apparence les
faits semblent leur donner raison. À
peine 10% des individus détiennent
86% des richesses mondiales. Les 1% les
plus fortunés accaparent 46% du
patrimoine global. Environ 10
millions de millionnaires, représentant
à peine 00,15 % de la population
mondiale, possèdent 42,700,000,000,000.
U$D (42,7 mille milliards de dollars US)
(1). Nous venons d’examiner
l’avoir des particuliers, examinons
maintenant les statistiques concernant
les grandes entreprises. En France, par
exemple, on observe une forte
concentration monopolistique du capital
productif : « mille entreprises de
plus de mille salariés (3,4 millions de
travailleurs) produisent près de 50 % du
PIB ; alors qu’en bas de l’échelle
industrielle, un million d’entreprises
de moins de dix salariés (3,4 millions
de travailleurs également) ont une
existence précaire » (2).
Il semble que le
débat soit clos et que le nœud gordien
soit tranché. La finalité du procès de
développement économique et politique
capitaliste serait l’accumulation
monopolistique. En ce cas, la
contradiction fondamentale du système
capitaliste devrait voir s’affronter les
forces d’accumulation opposées aux
forces de distribution équitable du
capital. Cette contradiction dialectique
fondamentale entrainerait les crises
économiques et, éventuellement,
l’effondrement du mode de production
capitaliste, incapable d’atteindre sa
finalité, d’accumuler et de concentrer
davantage de capital.
Les faits
économiques, financiers, monétaires et
bancaires contredisent pourtant cette
hypothèse. Si la finalité du mode de
production capitaliste est d’accumuler
et si accumulation et concentration
s’accentuent, alors le système ne
devrait pas connaitre de crises
économiques. Certes, nous pourrions
observer beaucoup de détresse sociale,
l’extension de la pauvreté, énormément
de hargne et de colère ouvrière, mais
nous ne devrions observer aucune crise
économique sous un régime poursuivant
inexorablement sa marche en avant.
Pourtant, à l’instant où
l’accumulation-concentration du capital
est la plus phénoménale de l’histoire
mondiale, jamais la crise du système n’a
été aussi profonde, au point de menacer
de culbuter l’échafaudage boursier,
banquier, financier.
Nombre
d’économistes, dont Tom Thomas,
présentent l’hypothèse que le système
capitaliste d’accumulation détruira
prochainement de grandes quantités de
marchandises, de ressources et de moyens
de production. Il écrit : « Pour que
le capital puisse relever son taux de
profit moyen et reprendre son procès de
valorisation et d’accumulation, deux
conditions complémentaires doivent être
réunies au-delà du maintien à flot du
système financier : première
condition, détruire une grande masse de
capitaux, non seulement sous leurs
formes financières, mais aussi sous
leurs formes matérialisées pour en
réduire « l’excédent » et aussi pour
pouvoir reconstruire un système de
production qui permette – deuxième
condition – d’augmenter le taux
d’exploitation (pl/Cv) alors que de
réduire la composition organique du
capital n’est, aujourd’hui, qu’une
possibilité secondaire» (3). Les
faits semblent lui donner raison, en un
siècle (1913-2013) on dénombre deux
guerres mondiales (1914-1918,
1939-1945), plusieurs guerres
multinationales (1950-1953, 1954-1975,
1991-2001 et 2003-2011, 2012-2016) en
plus de dizaines de guerres locales qui
ont entrainé d’immenses destructions de
ressources, de forces productives et de
moyens de production, de destruction de
capitaux en « excédent » finalement (4).
Chacune de ces catastrophes (pour les
ouvriers sacrifiés et les prolétaires
massacrés) a relancé le processus de
valorisation et stimulé le procès de
reproduction élargie du capital en
réduisant temporairement sa composition
organique (Cv/Cc) et en inversant
momentanément la tendance à la baisse du
taux de profit, mais la crise
systémique du capitalisme se poursuit.
La classe
capitaliste monopoliste est présentement
incitée à s’aventurer dans un nouvel
holocauste ouvrier afin, non pas de
détruire, des ressources
stockées, des moyens de production
engrangés et des forces productives
inutilisées, mais pour relancer le
procès de reproduction élargie du
capital en dopant temporairement les
taux de profits. Qu’ils le veuillent ou
non, les capitalistes devront saccager
une partie de l’humanité s’ils
souhaitent remettre temporairement en
marche leur mode de production moribond.
L’impérialisme c’est la guerre disait un
révolutionnaire. Un grand nombre de
réformistes pensent, comme madame
Christine Lagarde du FMI, que le système
social et économique capitaliste est un
bon régime économique, mais qui souffre
d’un déséquilibre. La solution serait
« Plus de justice distributive pour
plus de croissance », et
celle-ci de renchérir « le Fonds
monétaire international (FMI) continuera
de faire pression en faveur de biens et
de services publics de qualité, la
priorité étant la protection et
l’augmentation des dépenses sociales
visant à réduire la pauvreté et
l’exclusion, a assuré Christine
Lagarde. » (5).
Selon ces
ploutocrates il revient à l’État
« démocratique », transcendant les
luttes de classes, d’assurer une juste
répartition des fruits de l’exploitation
capitaliste. « L’État providence »,
le Robin des bois des temps modernes,
devrait chaparder quelques deniers aux
financiers pour les donner aux
déshérités. Moins d’accumulation et une
meilleure répartition voila la panacée.
Ce postulat utopiste découle de l’axiome
précédent à l’effet que la finalité du
système capitaliste serait
l’accumulation des capitaux plutôt que
leur réinvestissement valorisant pour un
nouveau cycle de reproduction élargie.
Pourtant, s’il y a présentement une
crise économique ce n’est pas dû à un
ralentissement du processus
d’accumulation, mais aux ratés du
processus de reproduction élargie. Le
capital ne sait plus produire de
plus-value en quantité suffisante pour
son remplacement et son enrichissement.
La crise économique n’est pas causée par
les excès financiers d’une politique
néolibérale délurée, mais par la baisse
du taux de profit engendrée par la
suraccumulation de capitaux inemployés
et impossible à valoriser dans de telles
proportions.
Depuis 2008,
au-delà du sauvetage du système
financier que les États bourgeois
étaient obligés d’entreprendre de toute
urgence il faut examiner comment les
capitalistes et leurs fonctionnaires
étatiques ont œuvré à redresser le taux
de profit et à rétablir le crédit
« Le capital constant est dévalorisé.
Des entreprises en difficulté peuvent
être rachetées à bas prix. Les prix des
matières premières s’écroulent. Les
salaires sont laminés sous la pression
d’un chômage massif. Il y a là des
facteurs favorables à un redressement
des taux de profits » dans la
situation concrète du capitalisme
déclinant « Avec la crise, les lois
du marché agissent et redressent les
taux de profit. Néanmoins, ils sont
limités, car, en même temps que ces
phénomènes se produisent, la composition
organique (Cc/Cv) reste élevée puisque
l’importance du capital fixe reste
prépondérante, que la consommation
diminue en même temps que la quantité de
travail vivant utilisée. Une forte
destruction de capitaux marquée par des
dettes non remboursées, des faillites,
des fermetures d’usines est évidemment
beaucoup plus efficace pour relever le
taux de profit » (6).
Ici, on nous
permettra une analogie. Au cours du
procès de reproduction élargie de la vie
en société, il est indubitable que la
copulation entrainant le coït vaginal ou
phallique est gratifiante. La nature et
l’évolution en ont décidé ainsi de façon
à inciter l’hominidé à poser fréquemment
ce geste afin d’assurer la pérennité de
son espèce. Il ne fait aucun doute
cependant que le « Principe de
plaisir » (Reich, 1986) n’est
pas la finalité – la conclusion et la
raison d’être de l’activité sexuelle,
mais seulement une gratification
incitant – le Moi sujet – à poser
fréquemment ce geste et à se reproduire.
La finalité est bien la reproduction
anthropologique de l’espèce, son
stimulant étant le « Principe de
plaisir » et sa conséquence
l’accroissement des populations selon la
stratégie de survie adoptée par
l’hominidé (7).
Quel est l’intérêt
de cette redécouverte de la finalité du
mode de production capitaliste ? Pour la
classe prolétarienne révolutionnaire ce
principe primordial de l’économie
politique du capital est crucial, car il
indique que ce ne sont pas tant les
statistiques à propos de l’accumulation
et de la concentration du capital que
l’on doit observer afin de comprendre
l’enlisement et l’effondrement imminent
de ce mode de production déclinant, mais
bien les indices portant sur le
ralentissement et l’essoufflement du
procès de reproduction élargie de la
plus-value, et les difficultés, non pas
d’accumulation, mais de réinvestissement
profitable du capital.
Les capitalistes
financiers sont unanimes :
l’accumulation-concentration du capital
va bon train et les capitaux sont
surabondants ; ce qui fait défaut ce
sont les occasions d’affaires, les
opportunités d’investir pour exploiter
le travail salarié vivant, soutirer de
la plus-value et reproduire le capital
sont insuffisant ce qui engendre les
crises systémiques du capitalisme.
Les actions de
résistance économique et de guerre
politique menées par le prolétariat ne
visent pas à obtenir une meilleure
distribution des richesses au bénéfice
des démunis, mais visent la paralysie de
l’appareil reproductif. Moins de
plus-value et moins de profits
signifient moins d’argent à réinjecter
dans le processus de reproduction
élargie du capital et en bout de course
la faillite et l’effondrement
inéluctable de ce mode de production
moribond. Rosa Luxembourg avait raison,
la grève sauvage, générale, illimitée
est le chemin vers l’émancipation.

(1)
http://www.marianne.net/gerardfiloche/Il-n-y-a-pas-de-classe-moyenne-ni-des-classes-moyennes_a33.html
(2) Tom Thomas
(2009) La crise. Laquelle ? Et
après ? Page 75.
http://www.les7duquebec. com/7-au-front/la-politique-du-capital-dans-la-crise/.
(3) Le Crash s’en
vient : http://publications-agora.fr/pack/ssw3b/?code=ESSWP803&a=3&o=38&s=74&u=59913&l=614&r=MC&g=0
Et aussi Tom
Thomas (2009) La crise. Laquelle ? Et
après ? Page 75.
http://www.les7duquebec. com/7-au-front/la-politique-du-capital-dans-la-crise/.
(4)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cor%C3%A9e
et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerres_de_Yougoslavie
et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Vi%C3%AAt_Nam
et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d’Irak
(5)
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/378357/0-5-de-la-population-accapare-35-des-avoirs?utm_source=infolettre-2013-05-16&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
(6) Thomas (2009)
La crise. Laquelle ? Et après ?
Page 69.
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-politique-du-capital-dans-la-crise/
(7) La Fonction
de l’orgasme, L’Arche, 1986. Orig.
allemand Die Funktion des Orgasmus,
trad. américaine The Function of the
Orgasm, 1942, 1948, réimp. FSG, 1973
et aussi
http://www.robertbibeau.ca/fatima.html
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