Opinion
Guerre et paix au Moyen-Orient
désarçonné
Robert Bibeau

© Robert
Bibeau
Mercredi 20 janvier 2016
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La guerre
militaire comme prolongement de la
guerre économique.
Dans Guerre et
Paix, Tolstoï dévoile un
paradoxe promis à un bel avenir. Alors
que le XVIIIe siècle espérait
des mœurs pacifiées et civilisées, alors
qu’il rêvait de l’extinction d’une
violence jadis considérée comme
naturelle, celle-ci atteignit, avec les
guerres napoléoniennes, des
paroxysmes échappant à tout contrôle
« humanitaire » (sic).
La notion de crime
contre l’humanité, juridiquement
reconnue au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, prétendit tracer une
nouvelle frontière (culturelle et
juridique) entre l’humain et l’inhumain.
De fait, fut décrétés crimes contre
l’humanité les exactions commises par le
vaincu, une façon de prolonger
juridiquement son tourment. Elle n’a
cependant pas empêché l’escalade
extrémiste, les purifications ethniques
étatiques et la course aux armes de
destruction massive…non pas en Irak ou
en Iran, mais chez les pays totalitaires
de l’Occident.
« Cette
évolution de la violence extrême,
usuelles dans les guerres modernes, a
franchi un palier avec la Première
Guerre mondiale. (…) le traumatisme fut
alors aussi fort que celui consécutif à
Hiroshima. (…). En 1935, cette évolution
fut théorisée par Ludendorf, chef
d’état-major allemand, sous le concept
de « guerre totale ». Totale,
parce que le théâtre des opérations
s’étendrait désormais à l’ensemble du
territoire des nations belligérantes ;
totale parce que le peuple serait
désormais impliquer tout entier dans
l’effort de guerre, au front comme à
l’arrière ; totale, parce que la
mobilisation générale exigerait une
propagande planifiée ; total, parce que
cette guerre était virtuellement
engagée, sur le plan économique,
financier, monétaire, politique, avant
même le commencement des combats
militaires ; total, enfin, parce que
l’efficacité des décisions supposait
désormais une concentration accrue du
pouvoir, une fusion du commandement
civil et militaire dans une autorité
suprême. […] Selon
Ludendorf, cette guerre nouvelle était
la conséquence inéluctable [de
l’évolution de l’industrie, des moyens
de production] de la démographie
et de l’évolution des techniques
d’armement. Bien avant que Michel
Foucault n’en énonce le principe, elle
renversait le rapport clausewitzien
entre la guerre et la politique [ la
guerre devenant le prolongement de la
politique par des moyens militaires. ]
Conçue naguère comme l’heure de vérité
décisive, la bataille n’était plus qu’un
simple épisode d’une confrontation
dilatée dans l’espace et dans le temps ;
ce qui, hier encore, relevait de la
stratégie se réduisait désormais à un
épisode tactique dans un grand jeu
stratégique conduit à plus vaste
échelle, puis à l’échelle du monde
entier. Avec la mondialisation
impériale, la guerre n’est-elle pas sur
le point de franchir un nouveau palier,
de la guerre totale à la guerre
globale, avec l’instauration d’un
état d’exception planétaire permanent,
dont la judiciarisation de la politique
et l’hypertrophie de l’État bourgeois
seraient les corolaires en matière de
« politique intérieure » (1) ?
Le terrorisme comme
tactique bourgeoise de la guerre
globale.
Bien avant le
11-Septembre, les manuels de l’armée
américaine définissaient le terrorisme
comme : « l’usage calculé de la
violence à des fins d’intimidation et de
coercition pour atteindre des objectifs
politiques, religieux, idéologiques ou
autres ». Cette définition
élastique propagandiste s’applique
parfaitement aux guerres coloniales et
aux expéditions impériales qui ont
jalonné le XXe siècle (248
conflits depuis 1945). Au palmarès
macabre du nombre de victimes, le
terrorisme d’État l’emporte en
effet, et de loin, sur les terrorismes
« religieux » ou mafieux, le terrorisme
de la go-gauche extrémiste et
aujourd’hui de la droite populiste. L’us
et l’abus du terme terrorisme
jouent un rôle clé dans la propagande
étatique sur la guerre. La rhétorique
« antiterroriste » s’est développée dans
les cercles militaires étasuniens dès le
début des années quatre-vingt contre
l’Iran de l’ayatollah Khomeini
notamment. Il s’agissait de promouvoir
la propagande auprès des plumitifs à la
solde afin qu’ils désignent un ennemi
absolu, incarnation du mal résolu,
dépourvu de tout mobile rationnel,
national ou idéologique, une sorte
d’agent erratique du mal pour le mal.
Cette absurdité idéologique constituait
une entreprise délibérée de dépolitiser
les conflits interimpérialistes afin de
rallier les « peuples » du côté des
terroristes étatiques officiels.
Dans la mesure où
les terroristes désignés par les médias
ne s’attaquent pas à un système
politique en particulier (d’après le
Pentagone), mais à la Loi et l’ordre en
tant que tel ; à l’État, gardien de la
Loi et l’ordre en tant que tel ; les
terroristes sont ainsi de simples
criminels de droit commun – des tueurs
en série – dont le comportement échappe
à tout déterminisme économique, social,
historique, politique, idéologique. Le
terroriste appartient à un monde
manichéen et il devra affronter les
« combattants de la liberté armée,
pilotant des drones à partir de leur QG
et tuant indistinctement assassins et
collatéraux sans pitié avec
l’assentiment de la populace aliénée »
(sic).
Le terrorisme comme
exutoire de la misère.
Or c’est exactement
le contraire qui est vrai. Les groupes
dits « terroristes » qui sévissent dans
de nombreuses régions du monde sont la
réponse sociale à la désespérance
économique générale. C’est parmi la
petite bourgeoisie paupérisée des pays
déshérités du tiers-monde, que les
djihadistes recrutent premièrement leurs
militants ; puis ensuite, auprès des
paysans et des artisans déracinés de
leur terre et de leur métier, ghettoïsés
dans les bidons villes du Sud et dans
les quartiers désignés des métropoles du
Nord où la faim, le sous-emploi et la
guerre ont forcé leur migration vers la
misère. Sans oublier bien entendu que
les services secrets des États
capitalistes et des États
tiers-mondistes fournissent
l’intendance, les armes et les finances
à ces éclopés de la modernité
impérialiste dont ils sont devenus des
mercenaires bien payés. Ces manants
d’aujourd’hui, comme les anarchistes
« rouges » des années 1980, se battent,
tuent et meurt galvanisés par une pensée
– une idéologie – du rejet total et
catégorique de cette société dégénérée,
de ces États décadents et de ce mode de
production déclinant. C’est la raison
pour laquelle le groupuscule DAESH s’est
cru obligé de créer une structure
étatique mythique (le califat et l’État
islamique) afin de permettre aux
désespérés recrutés de se raccrocher à
une chimère idéalisée.
Évidemment, la
source de la crise économique systémique
du capitalisme mondialisé, ne résidant
nullement dans l’état de putréfaction de
l’État bourgeois en tant que rapport de
production du mode de production
déclinant, l’expérience de
reconstitution d’un État féodal arriéré
en plein cœur de sociétés en voie
d’industrialisation modernisée ne peut
qu’échouer. Et on voit maintenant de
pauvres migrants des pays occidentaux,
regrettés leur incartade pour le djihad
vers le passé, où ils ont perdu tout
repère avec la modernité (sauf les
drones qui leur tombe sur la tête),
souhaiter soudainement revenir en
arrière vers le futur…et leur foyer.
Changement de
stratégie de la part des puissances
impérialistes déclinantes.
Il aura fallu
quelques mois aux états-majors des
puissances conspiratrices, sponsors de
l’État islamique, pour réaliser qu’elles
avaient engendré un monstre qu’elles
devaient s’empresser d’éradiquer sous
peine de se retrouver avec un pôle de
ralliement extrêmement dangereux pour
leurs intérêts dans cette région et
surtout qui risquait de se propager à
d’autres contrées tout aussi
désespérées. Prenez note que
l’Afghanistan des talibans n’a
jamais présenté une telle menace
internationale, car les talibans, sauf
d’insister pour chasser tout envahisseur
capitaliste de leur terre féodale afin
de s’assurer le partage des maigres
prébendes du carnage, n’ont jamais
aspiré à devenir des leadeurs des paumés
révoltés du monde entier. Il fallait de
petits-bourgeois occidentalisés, errant
dans le tiers-monde délabré, pour
l’imaginer.
À présent, le
leadeur impérialiste américain révise sa
stratégie et réorganise politiquement et
militairement son alliance, rappelant
chacun à l’ordre de combat, afin de
prêter mainforte à l’alliance
impérialiste russo-iranienne contre
Daesh-État islamique, quitte à reprendre
les hostilités contre son véritable
rival russo-chinois par la suite. De ce
jour, l’État islamique et
la résistance syrienne sont condamnés.
Comme on peut le constater par l’exemple
de DAESH-État islamique, la
guerre militaire, même en ces temps
compliqués et apparemment déboussolés,
est toujours le prolongement de la
guerre politique, qui est elle-même le
prolongement de la guerre économique.
La classe
prolétarienne mondiale est attristée
qu’une partie de la jeunesse soit ainsi
martyrisée par son ennemi de classe
antagoniste, mais ne contrôlant aucun
levier du pouvoir économique, politique,
idéologique ou militaire elle ne peut
rien faire. La seule manière de contrer
ces manigances guerrières c’est de
radicaliser la résistance sur le front
économique de la lutte de classe par la
lutte gréviste à outrance…puis de tous
les défaire par l’insurrection
populaire, puis la guerre
révolutionnaire.
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