Opinion
La productivité des salariés devra être
dopée !
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 19 février 2014
L’ex-Premier-ministre Jacques Parizeau,
ex-réputé petit financier, s’indignait
la semaine dernière de la stagnation de
la productivité des PME québécoises : «Les
entreprises québécoises accusent un
important retard en matière de
productivité. Il en résulte un niveau de
vie plus bas au Québec qu’ailleurs au
Canada…» (1).
M. Parizeau donne conseil à l’appareil
d’État et aux capitalistes québécois de
mener campagne pour hausser la
«productivité de leurs entreprises», un
triste euphémisme pour signifier que
c’est de la productivité des
travailleurs dont s’entretenait
l’ex-Premier ministre, car la
productivité d’une entreprise est une
fumisterie. L’ex-diplômé des HEC a lancé
ce cri de ralliement en faveur d’une
exploitation accrue des salariés
québécois peinant sur leur machine
outils, leur chaîne de montage, sur les
chantiers, dans les ateliers pollués et
dans les «sweat shops» déclinqués.
En effet, pour comprendre le sens
profond de ce cri d’alarme de
l’ex-ministre des riches il faut savoir
ce que signifie hausser la productivité
des employés. Le «has been» péquiste a
balbutié quelques mots à propos de la
robotique, de l’informatique, de la
mécanisation afin de brouiller les
cartes et dissimuler cet assaut
planifier contre les petits salariés.
Sur les milliers d’entreprises
québécoises la médiane se situe à 500
000 $ CAD de chiffre d’affaire annuelle.
De quelle machine et de quel robot
coûteux parle-t-on dans ces conditions ?
La productivité industrielle se mesure
en nombre d’items (marchandises)
produits dans une heure de travail
salarié. Il y a hausse de productivité
quand une couturière qui produisait en
accéléré 20 chemises par heure parvient
en s’échinant davantage à coudre 25
chemises dans une heure, équipée d’une
machine à coudre sophistiquée. Si elle
utilise une nouvelle machine à coudre,
son patron soustraira la valeur
(amortissement) de ce nouvel appareil
pour chaque chemise supplémentaire
vendue afin de connaître la hausse de
productivité financière et savoir si 5
chemises supplémentaires par heure
suffisent à augmenter son profit. Si ce
n’est pas le cas le patron exigera une
plus grande vitesse d’exécution afin de
passer de 25 à 30 chemises cousues
chaque heure travaillée afin d’amortir
plus rapidement le prix de sa nouvelle
machinerie et ainsi accroître son profit
au prix de la maladie, d’un accident ou
de l’usure précoce de la couturière. Il
importe peu au capitaliste que cette
couturière s’use plus vite ou soit
malade plus souvent puisque des
couturières voilées à exploiter il en
court plein les rues de ce quartier et
avec la charte des valeurs chauvines des
marguillers du PQ des centaines de
nouvelles couturières voilées –
sous-payées – aux mains de fées dressées
seront bientôt occupées à se chercher un
emploi. Notez que les féministes
enragées (choquées de voir une femme
voilée) ne sont pas outrées de voir ces
femmes broyées-brisées-usées enchaînées
à leur métier dans ces ateliers de la
rue Laurier, pourvu qu’elles soient
exploitées et vampirisées la tête
dénudée et laïcisée.
Hausser la productivité ça signifie pour
l’ouvrier engagé par une PME
«sous-traitante, juste à temps, fordiste
et tayloriste» d’accepter de travailler
intensément quand le patron a besoin de
lui, et d’être saqué lorsque le patron
n’a plus besoin de lui. Le salarié doit
être totalement disponible aux exigences
du capital. Il doit subir une alternance
perpétuelle de périodes de travail
intense et de chômage, un déplacement de
lieu de travail au gré des mouvements du
capital (les ouvriers chinois sont
transplantés avec leurs ateliers d’un
pays à un autre). Il doit subir
les effets de la nouvelle division
mondiale du travail. Le travail ainsi
divisé et intensifié ne procure aucun
surcroît de revenu net au salarié
aliéné. Bien au contraire, sa pitance
est diminuée et aléatoire. C’est là une
partie de ce que désigne la notion de
conditions de travail précarisé et
flexibilisé pour une plus grande
productivité (2).
Ce travail précarisé est celui que tend
à généraliser le capitalisme monopolisé
comme moyen d’augmenter la productivité.
Il présente plusieurs avantages pour les
entreprises à forte intensité de capital
variable (main d’œuvre
nombreuse). Le travail précaire
c’est non seulement le travail
intermittent, juste à temps, mais aussi
pour l’ouvrier la multiplication des
emplois à temps partiel, tout cela
générant des salaires partiels ce qui
affectera sa rente de retraite. Les «
working poors » (travailleurs pauvres)
voient leur nombre croître aux
États-Unis (où ils sont 97 millions), au
Royaume-Uni, au Canada (ou 2
travailleurs sur 3 sont régit par des
horaires de travail atypiques – à toute
heure, intermittentes, la fin de
semaine) et en Australie, là où ce
système a d’abord été implanté (3).
Le travail par courte durée est adapté à
la recherche du maximum d’intensité et
de productivité; le rendement de
l’ouvrier est toujours plus élevé dans
les premières heures de la journée
d’ouvrage: «Comment le travail est-il
rendu plus intense? Le premier effet du
raccourcissement de la journée du
travail procède de cette loi évidente
que la capacité d’action de toute force
animale est en raison inverse du temps
pendant lequel elle agit. Dans certaines
limites on gagne en efficacité ce qu’on
perd en durée.» (4).
La crise économique sous laquelle
fléchie l’économie canadienne a débutée
en 2008. Elle marque la fin des effets
«bénéfiques» du néo-libéralisme (qui n’a
rien de libéral). Cette crise systémique
démontre les limites rencontrées par
l’accroissement de la plus-value
relative (augmentation des profits
par les hausses de productivité suite à
la mécanisation de la production). La
productivité par mécanisation ayant
atteint un sommet la bourgeoisie
monopoliste mène une offensive en vue
d’accroître la plus-value absolue
soit en abaissant les salaires relatifs
(inflation et spéculation retranchée) et
même, dans plusieurs pays, en réduisant
les salaires absolus (États-Unis,
Grande-Bretagne, Irlande, Grèce,
Espagne, Chypre, Égypte, pays de l’Est).
C’est ce retard d’exploitation intensive
de la force de travail québécoise et
canadienne que l’oligarque octogénaire
souligne à ses congénères.
L’extraction de la plus-value
relative constitue un mode
d’exploitation relativement indolore car
l’augmentation du profit y apparaît
comme provenant du perfectionnement de
la machinerie donc de ce qui semble être
la «contribution» de l’argent dans la
valorisation du capital (5).
Par contre, l’extraction de la
plus-value absolue dans laquelle
maître Parizeau invite les capitalistes
québécois francophones et anglophones à
s’engager est une forme beaucoup plus
évidente d’exploitation. L’augmentation
de l’extraction de la plus-value (appelé
hausse de productivité par les patrons
et leurs affidés) y apparaît nettement
comme provenant entièrement de la
contribution du labeur salarié. Le temps
de travail ouvrier est allongé,
intensifié, flexibilisé, et, pire
encore, de moins en moins rétribué. Il
faudra donc une violence accrue de
l’État policier pour imposer la
destruction des «acquis sociaux», si
importants pour les petits-bourgeois
paupérisés, en faisant croire qu’il faut
prioriser la relance de l’emploi,
ce qui justifie l’application des
mesures d’austérité radicales contre le
salariat. Ces transformations des
rapports sociaux depuis longtemps
amorcées sont et seront accentuées dans
le cadre de la crise déclenchée en 2008
et qui s’approfondit.
Enfin, il serait temps que le vieux
financier fatigué et ses amis les
économistes progressistes empesés se
rendent compte qu’il ne sert à rien de
hausser la productivité pour augmenter
la quantité de marchandise à liquider
quand les marchés sont déjà saturés, les
clients salariés endettés – paupérisés
et incapable d’absorber plus de
marchandises soldées (6).
Mais nous dire-ton, hausser la
productivité ne vise pas à augmenter la
production ou la richesse collective
mais à doper la profitabilité de
l’entreprise et à sacquer des employés.
Si cette hausse de productivité a tardé
au Québec cela est due à la
syndicalisation des employés et à la
combativité de certains secteurs
salariés, à la résistance des étudiants
également, mais cette levée de bouclier
de l’ex-PDG est annonciateur
d’affrontements espérer.
Plus d’information sur
»»»
http://www.robertbibeau.ca/Palestine.html
1.
http://www.journaldemontreal.com/2014/02/09/ca-prend-un-remede-de-cheval
2.
J. Aubron. N. Ménigon. J.-M. Rouillan.
R. Schleicher (2001) Le
Prolétaire Précaire, notes et
réflexions sur le nouveau sujet de
classe. Paris. Acratie.
3.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/industria
liser-la-grece-et-l-111497
4.
K. Marx Le Capital Vol. 1, tome 1,
page 75.
5.
Pendant les années d’après-guerre divers
facteurs ont joué en faveur de la classe
ouvrière. Ainsi en est-il de l’affaiblissement
de la bourgeoisie suite à la période
fasciste qui divisa les forces de la
bourgeoise – écartelée entre l’option
pseudo-démocratique et l’option
ouvertement fasciste – opposition qui
bénéficia aux organisations
ouvrières et populaires, avantage que
les différentes formes de réformisme se
chargèrent de monnayer et de liquider.
Il y eut également la volonté de la
bourgeoisie d’éliminer l’influence
du communisme. Retenons toutefois que «
l’État Providence » ne concerna que
quelques pays impérialistes avancés (une
trentaine d’États occidentaux tout au
plus, le Japon faisant partie de l’aire
d’organisation économique occidentale.
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