Les 7 du Québec
Trois ans après la signature
de l'accord sur le nucléaire iranien
Robert Bibeau

Mercredi 18 avril 2018 À chaque évènement
historique d’importance, la bourgeoisie
présente son exégèse de droite et son
interprétation de gauche dont s’emparent
les plumitifs à la solde des médias
menteurs pour les propager. C’est au
milieu de ces inanités savamment dosées
que le journaliste d’investigation doit
naviguer afin d’exposer la vérité.
Ainsi, il est
difficile d’évaluer les retombées de
l’accord sur le nucléaire iranien sans
connaitre la teneur de l’entente secrète
signée en marge de l’accord officiel.
Cependant, des indices de ce traité
secret apparaissent à travers la
confrontation que le nouveau locataire
de la Maison-Blanche n’a pas manqué de
susciter faisant grief à Barack
Obama d’avoir signé une entente
bâclée comme poou tous les autres
dossiers.
L’accord de
juillet 2015 vu d’Amérique
Voici ce que les
autorités gouvernementales occidentales
proposaient comme interprétation de cet
accord. Le Wall Street Journal
écrivait : « L’accord de Vienne
conclu le 14 juillet 2015 entre l’Iran
et les « P5 + 1 » (les 5 membres du
Conseil de Sécurité de l’ONU – Chine,
États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie
– plus l’Allemagne) conclut 12 ans de
négociations sur le dossier nucléaire
iranien. Initiées en 2003 par
l’administration Bush, l’année même de
l’invasion de l’Irak, les accusations
selon lesquelles l’Iran aurait un
programme nucléaire militaire clandestin
et aspirerait à obtenir la bombe
atomique était tout aussi infondées que
celles qui furent portées contre les
prétendues armes de destruction massive
de l’Irak. Ces allégations,
démenties par toutes les données et par
tous les observateurs internationaux,
servaient seulement de prétexte à une
agression qui devait constituer le
dernier acte du projet de Nouveau
Moyen-Orient redessiné selon les
désidératas de Washington. Un
Moyen-Orient dans lequel il n’y
aurait de place pour aucun État et
aucune force qui puisse représenter un
danger pour l’hégémonie américaine et
son contrôle des ressources et des axes
stratégiques de la région » (1).
Ce média de
management dévoile le pot aux roses.
Tout y est, la « fausse nouvelle » de la
bombe iranienne et le mythe du « Projet
de Nouveau Moyen-Orient redessiné »
propulsé par la CIA et que tout
altermondialiste se doit de vilipender
faute de pouvoir l’empêcher. Pourtant,
si les analystes ouvraient les yeux au
lieu d’ânonner les mantras que leur
refilent les médias, ils verraient qu’il
n’y a pas de « Nouveau Moyen-Orient » en
construction, mais seulement un ancien
Moyen-Orient en destruction dont les
puissances occidentales se font peu à
peu expulsées, en cela il est nouveau
certainement, mais ce n’est que pour y
substituer de nouveaux maîtres au
Kremlin et à Pékin.
Les
centrifugeuses iraniennes
L’affaire des
centrifugeuses et de l’uranium enrichi
en vue de produire quelques bombes
nucléaires n’a jamais été qu’un
fallacieux prétexte pour justifier cette
confrontation internations afin de
garder l’Iran dans le camp Occidental.
En effet, peu chaud aux États-Unis,
munis de 3 500 ogives thermonucléaires
disséminées à travers quelques centaines
de bases militaires et de sous-marins
nucléaires, que l’Iran dissimule sur son
sol, grand comme quatre états
américains, quelques bombes de première
génération. Israël et l’Arabie
Saoudite sont les deux pays
réellement préoccupés par l’arme
atomique iranienne. Mais ni l’un ni
l’autre de ces alliés n’a été convié aux
pourparlers. Les « conspirationnistes »,
qui imaginent que le « peuple juif »
dirige la planète (2), en sont quittent
pour concocter un nouveau bobard à
propos des ploutocrates qui dirigeraient
la superpuissance américaine à partir de
l’AIPAC et de la
Knesset où se prendraient toutes
décisions à propos de l’avenir de
l’humanité (sic).
L’accord Iran –
Groupe 5 + 1 a prouvé qu’une entité
alignant huit-millions d’habitants, un
PIB de 304 milliards de dollars et 200
ogives nucléaires, n’impose pas son
dictat à un État représentant 325
millions d’habitants, un PIB de 20 000
milliards de dollars, 3 500 bombes
thermonucléaires et 11 porte-avions.
Israël et l’Arabie Saoudite sont les
pions de l’impérialisme américain au
Moyen-Orient et non l’inverse.
L’Iran du
pétrole et des pétrodollars
Le pétrole, les
énergies fossiles, la monnaie du
commerce international furent les
véritables enjeux de la saga iranienne
qui débuta en 1979 avec l’insurrection
et le repositionnement géostratégique de
ce pays entre le bloc impérialiste
occidental, dirigé par les États-Unis,
et le bloc social impérialiste
soviétique périclitant, qui s’effondra
finalement, et aujourd’hui
l’Alliance de Shanghai et sa « Route
de la soie ». (3)
Entre 1979 et 1989,
le bloc soviétique déclinant n’offrait
pas un havre d’accueil intéressant pour
l’Iran qui préféra jouer l’agent libre
et ne se rallia à aucun camp
impérialiste si ce n’est au panier de
crabes des États nationalistes bourgeois
non-alignés (sic) – pourtant tous
alignés sur le mode de production
capitaliste et ses pétrodollars.
En 2003, l’Iran
poussa l’outrecuidance jusqu’à
s’inquiéter de la fluidité de ses
réserves de pétrodollars et proposa,
lors d’une assemblée de créanciers à
laquelle assistait la France (rapporteur
ou transfuge ?), de remplacer le dollar
US par un panier de devises pour le
commerce mondial des hydrocarbures.
L’Oncle Sam, qui
avait toléré la prise d’otage à son
ambassade de Téhéran, ne pardonna pas
cette fois et aussitôt Israël
fut intimer de vaticiner contre
l’enrichissement de l’uranium iranien et
de notifier au Pentagone et à la
Maison-Blanche de se cabrer. Commençait
alors la fourberie des tractations à
propos du nucléaire iranien. Une série
de sanctions économiques douloureuses
furent imposées à l’Iran –
dont le gel des fortunes placé à
l’étranger et gérer par les banquiers de
la Cité; isolement
commercial et diplomatique du pays;
perte de revenus du pétrole; importantes
dépenses de défense; inflation et
dévaluation du Rial. Ces
sanctions ne furent pas sans conséquence
pour les alliés des États-Unis.
Difficulté d’approvisionnement pétrolier
en Europe, perte de juteux contrats
(pour Airbus et PSA-France notamment);
déstabilisation en Afghanistan, en Irak
et dans tout le Moyen-Orient, ce que les
conspirationnistes appellent le « Plan
de réaménagement du Grand Moyen-Orient ».
Bref, la guerre
économique, que les États-Unis ont
entreprise contre l’Iran, puis la guerre
militaire contre la Syrie qui
s’ensuivit, se retourna finalement
contre la superpuissance qui a perdu la
mainmise sur cette région de ressources,
sur ses axes de transport, perdu le
contrôle sur l’approvisionnement de la
Chine en énergie fossile, et perdue
l’hégémonie sur ces marchés truculents
d’armements notamment. Voilà les
conséquences profondes de la signature
des accords sur le nucléaire iranien que
Donald Trump a reçu
mission de contester espérant les
renégociés.
De la stratégie
du chaos à la tactique chaotique
Pendant le
déroulement, non pas de cette « stratégie
du chaos », mais de cette
tactique chaotique et tragique pour les
populations multiethniques du Levant –
telle la mouche du coche, le pion
israélien s’activa futilement. (4)
L’État israélien n’a absolument pas les
moyens d’une guerre contre l’Iran, même
pas contre le Hezbollah du
Liban la sentinelle iranienne au Levant.
Tsahal est tout juste
capable d’assassiner des enfants
palestiniens désarmés. (5)
Cependant, au cours
de ces années l’Iran a été poussé dans
les bras de la Russie et de la
Chine, car loin de se soumettre les
capitalistes iraniens, comprenant
vraiment leurs intérêts économiques, ont
refusé de stocker les pétrodollars
plombés. Entre temps, la puissance
américaine déclinait alors que la
puissance chinoise se fortifiait.
Suite à la
signature de l’Accord, la France,
l’Allemagne et le Royaume-Uni, arrimer
au rafiot américain, ont tiré les
marrons du feu et récolté des contrats
juteux sur le marché alléchant de
l’Iran, ce qui les places en
contradiction avec leur souteneur
étatsunien. Cette problématique accélère
le déclin de l’Alliance Atlantique
perceptible par les hésitations récentes
à bombarder la Syrie suite à la
fumisterie des attaques chimiques sous
faux drapeau. (6)
Après trois ans quelles conséquences ?
Après trois ans,
l’entente sur le nucléaire iranien a eu
pour conséquences :
- de dégeler les
avoirs des milliardaires iraniens.
- D’ouvrir le
marché iranien aux investisseurs
étrangers et de permettre à l’Iran
de se débarrasser d’une partie de
ses pétrodollars plombés.
- De faire
chuter le prix du pétrole par un
afflux de carburant déjà trop
abondant.
- De créer des
difficultés supplémentaires aux
pétrolières américaines et mondiales
dont le taux de profit moyen
périclite.
- De permettre
aux multinationales industrielles de
respirer quelque peu en payant moins
cher leur carburant. Cependant, les
consommateurs surendettés et
sous-payés ne seront pas au
rendez-vous pour acheter et
consommer (d’où les baisses de taux
d’intérêt afin de souffler le
mistral du crédit sur les braises de
la crise systémique).
- La devise
américaine s’est temporairement
raffermie compte tenu de
l’augmentation des échanges
pétroliers. Mais ce temps achève
puisque la Chine, premier
consommateur mondial d’hydrocarbure
(2017), propose que les échanges de
pétrole se fassent en yuan, ce à
quoi l’Iran a donné son accord. (7)
Malheureusement, le
front de guerre du Moyen-Orient ne s’est
pas éclairci depuis la chute de
l’État Islamique (DAESH), pas
même avec la défaite du collectif des
milices terroristes déchainées contre la
Syrie. Pourtant, l’Alliance
Atlantique n’a atteint aucun de ses
objectifs ni en Afghanistan, ni en Irak,
ni en Syrie, ni au Yémen, ni en Iran où
les récentes tentatives de soulèvement
ont tourné court. (8) Ce n’est pas
l’imprévisibilité du polichinelle
Donald Trump qui explique la
valse-hésitation occidentale dans cette
région, c’est que l’État-major de l’OTAN
ne sait plus quelle tactique utiliser
pour forcer l’usage des pétrodollars et
pour entraver la construction de la
« Route de la soie ».
Le national
chauvinisme kurde instrumentaliser
Même la tentative
d’instrumentaliser le national
chauvinisme kurde afin de
prolonger la guerre d’invasion et
d’occupation de la région ne rapporte
pas les dividendes escomptés. Les
différentes milices kurdes, engagées
dans une guerre fratricide, n’ont réussi
qu’à provoquer l’engagement de la
Turquie dans le conflit. (9)
La classe ouvrière
internationaliste – chair à canon de
toutes ces guerres – n’a rien à y faire
et devrait poursuivre ses luttes sur le
front économique de la lutte de classe
contre la dégradation de ses conditions
de vie et de travail en attendant que ce
monde s’effondre et que nous le
remplacions par un nouveau mode de
production.

NOTES
-
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/20/le-conseil-de-securite-de-l-onu-a-enterine-l-accord-sur-le-nucleaire-iranien_4691271_3218.html
et
http://www.les7duquebec.com/?s=Iran
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/comment-le-peuple-juif-fut-invente/
- Voir
http://www.les7duquebec.com/?s=route+de+la+soie
- Voir nos
innombrables textes sur l’affaire
israélienne
http://www.les7duquebec.com/?s=Isra%C3%ABl
-
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/israel-tue-15-civils-et-blesse-1500-palestiniens-desarmes/
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/lattaque-chimique-etait-pipoet-visait-a-sauver-le-soldat-al-nostra/
et
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-guerre-tripartite-contre-la-syrie/
-
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/la-chine-detronera-le-petrodollar/
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/les-manifestations-en-iran-vues-de-linterieur/
et
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/iran-le-mecontentement-des-desherites/
-
http://www.les7duquebec.com/?s=kurde
- Robert Bibeau
(2017) Question nationale et
révolution prolétarienne sous
l’impérialisme moderne.
L’Harmattan. Paris. 136 pages. http://www.les7duquebec.com/7-au-front/question-nationale-et-revolution-proletarienne-2/
Chez l’Harmattan
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=52914
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