Les 7 du Québec
Afrique 2019, jamais libérée –
toujours néocolonisée et convoitée
Robert Bibeau

Mercredi 16 janvier 2018
Pourquoi Dakar
attire les espions ?
À la question : « Pourquoi Dakar
attire les espions ? » un
journaliste africain répond «Les
spécialistes du renseignement sont
formels : l’odeur du pétrole et du gaz a
fini de mettre le Sénégal sur orbite»
et il ajoute : «De la France aux
États-Unis, en passant par la Russie,
Israël, la Grande-Bretagne, l’Afrique du
Sud, la Chine, les pays du Golfe…, aucun
pays influent ne veut être en reste (…)
le nombre impressionnant de drones
d’observation et de surveillance qui ont
pris d’assaut notre espace aérien.
Sans parler des sociétés militaires
privées, appelées «Contractors»,
utilisées par les grandes puissances».
(1)
Mais ce pétrole, ce
gaz, ce minerai (cobalt, coltan, titane,
or, argent et diamant) ces terres rares,
ces bancs de poissons, ce bois précieux,
toutes ces richesses étaient présentes
en Afrique depuis les premières
prédations mercantiles occidentales,
qu’est-ce qui a vraiment changé dans
l’économie politique mondiale pour
soudainement provoquer cette
recrudescence d’activités subversives
des grandes puissances s’affairant au
pillage de l’Afrique? Pourquoi les pays
pauvres d’Afrique, néocolonisés et
jamais libérés, sont-ils devenus sources
d’une rivalité accrue entre marchands
d’armes sans état d’âme? Même que la
partie russe se plaint des comportements
de son concurrent américain :
«Les sanctions
prises contre notre complexe
militaro-industriel sont de toute
évidence une concurrence déloyale et peu
scrupuleuse, parce qu’outre
l’introduction de sanctions, les
États-Unis demandent aux pays d’Afrique
de renoncer à l’achat de matériels
militaires et d’armements russes par
l’intermédiaire de leurs ambassadeurs.»
Selon M. Lavrov,
Washington explique qu’en faisant
cela «les Américains compensent le
manque d’équipements correspondant dans
tel ou tel pays». «C’est une
brutale exclusion du marché, par le
biais de méthodes de chantage et
d’ultimatums», a résumé le
ministre. (2)
C’est qu’une
nouvelle crise économique systémique
pointe à l’horizon comme nous
l’annoncions dans un article récent. (3)
Les planètes financières – bancaires –
monétaires – boursières sont alignées et
tous les feux sont au rouge, le grand
capital n’attend plus que le signal du
coup d’envoi qui prendra probablement la
forme d’un krach boursier débridé. Deux
indices probants de cette calamité en
gestation nous sont donnés par
l’intensification de la guerre
commerciale qui oppose les grandes
puissances et par l’accélération
de leurs préparatifs militaires que
notre webmagazine expose depuis une
semaine dans une série d’articles
dramatique (4). Dans notre bilan de fin
d’année 2018, où nous analysions
«l’imprévisible» confirmation de la
décision prise par l’état-major de
campagne électorale de Donald
Trump, de déguerpir de Syrie, et
de réduire la présence américaine au
Moyen-Orient afin de dégager des troupes
d’agression pour d’autres théâtres
d’opérations. L’Europe de l’Est, la mer
de Chine et l’Afrique nous sont apparues
comme les trois pôles de futurs
affrontements entre puissances
aspirantes à l’hégémonie économique
mondiale. (5)
Pourquoi
l’Afrique?
L’Afrique est le
dernier continent dont le mode de
production capitaliste doit compléter
l’intégration à l’économie capitaliste
de marché mondialisée, globalisée,
industrialisée, robotisée et urbanisée.
Certaines régions d’Afrique vivent
encore sous une économie de
chasseurs-cueilleurs, dans les pays du
Sahel l’esclavage (qui ne dit pas son
nom) perdure, de nombreux pays africains
sous-développés vivent sous un mode
paysan quasi féodal à très faible
productivité, alors que ce continent
renferme non seulement d’immenses
richesses à exploiter, mais
deux-milliards de bras à surexploiter
sous travail salarié et un milliard de
bouches à mercantiliser. L’Afrique se
présente, après l’Inde, comme la
dernière chance du monde capitaliste de
prolonger son agonie.
Mais pour cela, le
prolétariat africain – le dernier
prolétariat en voie de constitution sur
cette terre de misère – devra souffrir
et il sera le centre de rivalités interimpérialistes ce qui signifie que
des guerres en tout genre seront
fomentées par les services secrets des
puissances sous «false flag»
du type «Boko haram» et
autres agences de recrutement de
mercenaires pseudo djihadistes, mais
véritables barbouzes à la solde des
puissances qui se disputent ce dernier
marché à développer.
L’Afrique est
passée sans transition et à marche
forcée du tribalisme des modes de
production primitifs (chasse – pêche –
cueillette – agriculture de subsistance)
au nationalisme raciste et chauvin du
mode de production capitaliste dépendant
et néocolonisé. Ce que la gauche de
concert avec la droite mutante a
qualifié de «fin de l’ère coloniale –
et d’avènement de l’ère des libérations
nationales» (sic) que nous avons
stigmatisée dans notre livre « La
question nationale sous l’impérialisme
moderne » (6). Cette période de
restructuration des empires coloniaux
d’extraction des ressources en empires
commerciaux et financiers (la
Françafrique en étant
l’illustration).
Ce qu’ils ont
fait de l’Afrique
Les puissances
impérialistes érigèrent une cinquantaine
d’États nationaux fantoches dont ils
attribuèrent la gouvernance à des
thuriféraires nationaux et nationalistes
– prenant grand soin de se garder pour
chaque pays un ou quelques laquais de
rechange – tout disposés à se vendre et
à tramer une guerre de
«libération nationale» (sic) ou un coup
d’État de palais- à la tête de l’armée
officielle (dont les officiers ont été
formés en métropole) ou à la tête de
factions criminelles «révolutionnaires»
stipendiées. Voilà en quelques mots ce
qui résume les dernières cinquante
années d’évolution politique de ce
continent martyr, le tout entrecoupé de
guerres fratricides, de génocides, de
massacres sans nombre et de famines
endémiques. Toutes ces jacqueries
jacobines et ce nationalisme raciste et
réactionnaire ne furent possibles que
parce que ces États-nations en gestation
ne possédaient ni petite-bourgeoisie
cohérente, ni classe ouvrière
conséquente, ce qui change rapidement
depuis que ce continent est devenu un
terrain d’affrontement entre les deux
grands blocs concurrents
(Chine-Russie-OCS) et (USA-OTAN).
Que les
intellectuels et les gauchistes
africains cessent de se questionner sur
l’incapacité des élites africaines à
édifier des États-nations conquérants
reposant sur la surexploitation d’un
prolétariat moderne. Il ne fut jamais
dans les intentions des puissances
néocoloniales de permettre à l’un ou
l’autre de ces gouvernements par
procuration de s’émanciper. Le dernier
en date qui n’avait pas compris son rôle
de chien de garde et qui eut la
prétention de battre monnaie africaine
«souveraine» a fini sa vie dans le
caniveau après avoir financé la campagne
électorale de Sarkozy. (7)
Les malheurs de
l’Afrique ne proviennent pas de
lacunes démocratiques électoralistes
bourgeoises, et ne procèdent pas de la
trahison des élites capitalistes ou
d’une propension héréditaire à
l’autoritarisme dictatorial chez ces
peuples «primitifs» (sic) comme disent
les racistes. Les malheurs de l’Afrique
procèdent tous du postcolonialisme que
les puissances capitalistes ont imposé à
ce continent l’enfumant de fadaises à
propos d’utopiques «décolonisations» qui
ne sont jamais venues.
Rassurez-vous
cependant, l’heure de
l’industrialisation mécanisée et
numérisée et de la complète intégration
à l’économie de marché globalisée de
l’Afrique semble arrivée. Classe
petite-bourgeoise (que d’aucuns aiment
appeler classe moyenne) et classe
prolétarienne surexploitée se
développent rapidement et cela ne fait
que commencer. Chaque grande puissance
belligérante apportera ses
investissements afin de construire les
infrastructures nécessaires à
l’exploitation de ces millions
d’ouvriers requis pour extraire et
transformer ces matières premières en
marchandises à commercialiser afin de
réaliser le profit, objectif ultime de
cette opération de développement.
Malheureusement
pour le prolétariat africain naissant ce
développement aura un cout important,
car ces puissances concurrentes se
feront la guerre commerciale, juridique,
diplomatique, politique et finalement
militaire de façon d’autant plus
intensive que ce continent est le
dernier à se repartager et les profits
escomptés sont immenses et finalement
c’est la survie de leur mode de vie
bourgeois qui est en jeu.
Le prolétariat
africain en première ligne
Pourtant le
prolétariat africain bénéficie de deux
avantages dans sa lutte de classe à
finir contre sa bourgeoise locale et
leurs suppôts néocoloniaux. Étant le
dernier contingent de notre classe
sociale à affronter le grand capital
international, il bénéficie de toute
l’expérience de lutte du prolétariat
international. Deuxième avantage, un
contingent non négligeable d’ouvriers
africains, dans les grandes mines
d’Afrique du Sud notamment, mène la
lutte depuis des décades et jouit d’une
riche expérience et d’une conscience de
classe élevée. Ne pas oublier que ces
mineurs sud-africains ont été parmi les
premiers au monde à mener une grève
générale en dépit des apparatchiks
syndicaux traitres. Une centaine de
mineurs le payèrent de leur vie, gloire
à leur courage.
Notes
-
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/cia-mossad-dgse-chinois-russe-pourquoi-dakar-attire-les-espions/
-
https://reseauinternational.net/moscou-les-usa-exhortent-lasie-et-lafrique-a-renoncer-a-lachat-darmes-russes/
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/une-nouvelle-crise-economique-a-t-elle-commence/
et
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/rothschild-cede-son-activite-de-services-fiduciaires-faut-il-paniquer/
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-troisieme-guerre-mondiale-est-commencee/
et aussi
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/ils-fourbissent-leurs-armes-et-se-preparent-a-la-guerre/
et
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/lunion-europeenne-vote-pour-les-missiles-usa-en-europe/
et
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-centre-des-tensions-mondiales-se-deplace-brexit-route-de-la-soie-vendetta-italienne-guerre-commerciale/
et
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/pourquoi-la-seconde-guerre-mondiale-na-pas-provoque-la-revolution-proletarienne-internationale/
- Robert Bibeau
(2017) Question nationale et
révolution prolétarienne sous
l’impérialisme moderne http://www.les7duquebec.com/7-au-front/question-nationale-et-revolution-proletarienne-2/
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 17 janvier
2019
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