Les 7 du Québec
Le Venezuela au crépuscule
de la « Révolution bolivarienne »
Robert Bibeau

Mercredi 16 août 2017
En 1998, une faction du capital
vénézuélien, s’appuyant sur l’armée et
bénéficiant de l’appui d’une large
portion de la petite bourgeoisie
nationaliste et gauchiste (charger de
mobiliser la population pauvre des
Barrios), a porté au pouvoir « El
Comandante » Hugo Chavez
après deux coups d’État ratés. Afin de
consolider son pouvoir chancelant,
Hugo Chavez a financé, à même la
rente pétrolière nationalisée, un train
de mesures sociales (crèches, écoles,
enseignement supérieur, dispensaires,
médicaments, aides alimentaires, etc.)
qu’il a qualifié de « Révolution ».
« La Révolution bolivarienne est
le nom donné par ses partisans au
mouvement de réformes et de
redistribution de la rente pétrolière
initié par
Hugo Chávez au
Venezuela après son arrivée au
pouvoir » (1). C’est par le
développement de ces services publics
que la petite-bourgeoisie de gauche
trouva à s’employer et stopper sa
migration à l’étranger. Ce type de
services est courant dans les pays
industriels avancés, mais inexistants,
pour les pauvres du moins, dans les pays
capitalistes « émergents ». Hugo
Chavez a présenté cette mise à
niveau des services sociaux nationaux
comme une Révolution sociale populiste –
un peu comme « l’Équipe du
tonnerre » au Québec
réalisa la « Révolution
tranquille » en 1960.
Après une phase de « take off »,
une économie industrielle en expansion
réclame toujours une telle mise à niveau
afin d’assurer la formation des
travailleurs et la reproduction d’une
force de travail de plus en plus
dispendieuse et qualifiée. Ce que
reconnaissent les experts gauchisants
qui étudient la « Révolution
bolivarienne » en tant que
modèle de modernisation du mode de
production capitaliste sur le continent
latino-américain : « Au-delà du seul
Venezuela, l’étude de la
révolution bolivarienne est
d’autant plus intéressante, qu’elle a
amorcé le passage à gauche de nombreux
pays d’Amérique latine en ce début de
XXIe siècle, occasionnant des
changements profonds et inédits à
travers le continent, avec plus ou moins
de succès selon les cas » (2).
Évidemment, les latifundiaires et une
fraction du grand capital vénézuélien,
incapable de comprendre que la paix
sociale et leur expansion mondiale
réclamaient cette mise à niveaux des
services sociaux, s’insurgèrent contre
ces « largesses » faites aux populaces
démunies qu’ils avaient l’habitude
d’affamer ou de réprimer. Ces riches,
ignares, ne comprenaient pas que s’il
est possible de faire exterminer par
l’armée un million de paysans ruraux
isolés, il en va autrement quand il
s’agit de massacrer un million de
prolétaires urbains solidarisés.
Toujours est-il que les latifundiaires
et une partie des capitalistes
vénézuéliens organisèrent coups d’État
et insurrections à répétition contre le
pouvoir bolivarien. Ils en appelèrent à
leur ami et protecteur étatsunien afin
qu’il leur donne un coup de main pour
mettre fin à ce « gaspillage » de
capital en faveur des « vaut rien » des
bidons villes (3). Hugo Chavez,
porter par les cours élevés du pétrole,
n’eut aucun mal à imposer son pouvoir au
nom de sa classe sociale. Ainsi le
pétrole contribue pour 25% du PIB du
pays et pour 95% des entrées de devises
(4). Cependant, à sa mort en 2013, « El
Comandante » laissait une
économie vénézuélienne en difficulté et
son successeur Nicolas Maduro
vécu le cataclysme du baril de pétrole à
50 dollars US. Le gouvernement des
réformistes bolivariens se retrouva en
fort mauvaise posture vis-à-vis ses
créanciers internationaux comme en fait
foi cet extrait : « En janvier 2015,
le site Dolar
Today [archive] (dont
l’accès est interdit par le gouvernement
vénézuélien) annonce un taux de change
de 180 VEF pour 1 USD sur le marché
noir, ce qui correspondrait à une
dépréciation de près de 98% de la valeur
de la monnaie locale en 12 ans. Le
secteur privé détient 70 % de
l’économie. Selon le FMI, l’inflation
pourrait bondir à 2068 % en 2018 après
720 % en 2017 ; le PIB vénézuélien
devrait se contracter de 12 % en 2017
après une chute de 18 % en 2016. Selon
les autorités colombiennes, 300 000
Vénézuéliens ont fui leur pays pour se
réfugier en Colombie… » (5)
Comme elle le fait dans chaque pays
capitaliste « émergent », la faction
réactionnaire du capital mondial profite
de cette conjoncture économique
défavorable pour ébranler la pseudo « Révolution
bolivarienne » et
reprendre le pouvoir sous l’œil indolent
de la population pauvre des Barrios
indifférente au fait de se voir couper
les services sociaux par Maduro le
capitaliste de gauche, ou par les
capitalistes de droite. Le prolétariat
vénézuélien n’avait pas compris que sous
le capitalisme en phase impérialiste ces
soi-disant « acquis sociaux »
ne sont jamais acquis, ni en pays
pauvres ni en pays riches, et que le
prolétariat doit mener une guerre
permanente pour défendre ses conditions
de vie et de travail. La
petite-bourgeoisie gauchiste mondiale
monte aux barricades afin de préserver
et prolonger la vie de son plus récent
« miracle » réformiste électoraliste qui
s’effrite comme tous les précédents
gouvernements nationaleux – chauvinistes
– progressistes de l’histoire…le
prochain pourrait bien être la Bolivie
de Morales, ou Cuba, ou …
Le truc de
l’Assemblée constituante
(référendum que le prolétariat
vénézuélien a boudé) ne sauvera pas
la gouvernance de la gauche
vénézuélienne bêlante pas plus
qu’éventuellement elle ne sauverait
le pouvoir réformiste de Mélenchon
en France, ou le pouvoir « solidaire
réformiste » au Québec, bref,
partout où la go-gauche propose de
partager le pouvoir des riches en
faisant croire au « peuple » qu’il
détient un pouvoir quelconque au
bout de son crayon de votation ou en
présence d’une assemblée
constituante. Les prolétaires
vénézuéliens, comme les autres
contingents du prolétariat
international, ne feront pas
l’économie d’une véritable
révolution prolétarienne mondiale,
probablement après une sévère guerre
nucléaire…malheureusement.
NOTES
Le sommaire de Robert Bibeau
Le dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour

|