Opinion
L'économie ce n'est toujours pas compliqué ?
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 14 mai 2014
La semaine dernière nous avons abordé
les questions de la monnaie, du crédit,
du capital industriel et financier et de
leur circulation nécessaire pour
fructifier et se capitaliser (1). Cette
semaine, nous allons aborder les
questions de «banque centrale», de la
double exploitation du salarié, du rôle
de l’État bourgeois et du capitalisme
d’État car, comme vous le savez,
l’économie ce n’est pas compliquée.
Banques centrales et petits capitalistes
nationaux
Les banques centrales (FED étatsunienne,
BCE européenne, Banque du Canada, Banque
du Japon, Banque de Chine) sont les
chefs d'orchestres de ce bal musette de
la
dette souveraine, du
crédit débridé, de l'arnaque des
salariés et des petits capitalistes
paumés. Ces petits capitalistes, non
monopolistes, sont des artefacts de la
phase initiale du capitalisme
concurrentiel, aujourd’hui révolue, ce
que la gauche nationaliste bourgeoise ne
parvient ni à comprendre ni à admettre.
Les petits capitalistes (PME), le plus
souvent sous-traitant des grands géants
monopolistes, sont totalement intégrés à
l’ensemble de la chaîne d’exploitation
économique. Ils ont pour mission de
mettre en opération des innovations
technologiques, et de surexploiter les
salariés en instaurant toutes sortes de
procédés d’accélération des cadences de
travail (ce que les économistes
appellent les hausses de productivité du
travail), tout en payant leurs employés
le minimum acceptable.
Les États bourgeois mettent sur pied une
série de programmes de subvention pour
soutenir leurs activités d’exploitation
des ouvriers. Ces PME se situent en
amont des grands trusts monopolistiques
auxquels ces petits capitalistes
sous-traitants livrent leurs produits
semi-finis et finis prêts à être
assemblés.
Keynésiens, monétaristes, fiscalistes et
École autrichienne
La semaine dernière un lecteur nous
soulignait que : «Cette
politique monétaire folichonne et
expansionniste est aussi bien
défendu par les Monétaristes de l’École
de Chicago que par les Keynésiens
classiques et les fiscalistes. La
solution, prônée par l’École
autrichienne (chère aux authentiques
néo-libéraux) serait que
la
masse monétaire reflète concrètement les
richesses réelles produites
(biens ou services).
La masse monétaire doit être limitée et
ne devrait pas être gonflée
artificiellement» proclame notre
correspondant.
Mais, de grâce, oubliez
l'École autrichienne, aussi
alambiquée et déjantée que les
autres écoles d’économistes
patentés. C'est le système économique
impérialiste qui fonctionne de la sorte
et Il ne peut fonctionner autrement.
Le gonflement artificiel de la masse
monétaire et l’accélération continuelle
de la vitesse de circulation du
numéraire, bref, l’inadéquation
de la masse monétaire – capital
productif et improductif combiné – en
comparaison de la quantité des biens et
des services produits et disponibles
n’est pas une exception qui serait due à
une
crise systémique temporaire, mais
c’est la règle générale dans un système
d’économie politique impérialiste. Cette
«dystrophie» monétaire a été
officiellement consacrée en 1971-1973 au
moment de l’abandon des
accords de Bretton Woods
qui entravaient la pleine expansion du
capital (2).
L'École autrichienne d’économie
ressemble à ces chamans qui prient les
nuages de cesser de pleuvoir afin de
sauver les récoltes des paysans
appauvris, et qui en remettent,
demandant des offrandes pour récompenser
leurs futiles incantations.
Non concordance entre la valeur
marchande et le capital en circulation
Fini ce monde capitaliste de libre
concurrence imaginaire, enterré sous la
poussée de l’économie impérialiste à son
stade globalisé et mondialisé. Il n’y
aura plus jamais d’équilibre entre la
valeur marchande des biens disponibles
et le capital en circulation. C’est
impossible, voici l’explication de cette
inadéquation systémique congénitale.
Tous les économistes savent ces choses
élémentaires à propos de
la monnaie qui ne devrait être qu'un
moyen d'échange et un reflet de la
valeur des biens et des services
disponibles et commercialisables.
Mais le système capitaliste étant
propulsé indépendamment des intentions
et des interventions de ces pions, dans
sa course inéluctable – nécessaire –
pour sa reproduction élargie, il ne
pouvait, ce système économique,
qu’orienter ses fidèles servants vers
une pirouette monétaire « ectopique »
visant à stimuler la circulation
monétaire léthargique. Le saltimbanque
financier imite la pseudo reproduction
du capital en créant de la « fausse »
monnaie, du numéraire de
papier-pacotille qui circule en
bourse et se multiplie par lui-même,
pour lui-même, sans jamais être adossé à
des valeurs réelles, concrètes,
tangibles. Du vent, appelant du vent, et
s’essoufflant finalement. Démontons
l’opération.
Une loi de l’économie-politique
capitaliste
Si vous ne deviez retenir qu’une seule
loi d’économie politique capitaliste, la
voici : rien ne se perd, rien ne se
crée, tout est transformé. Pour
transformer un capital
(c) en davantage de capital
(C’) le capitaliste doit
impérativement activer – faire circuler
– ce capital
(c) – le faire passer entre les
mains de l’ouvrier engagé, salarié,
exproprié de son
surtravail – de la
plus-value qu’il a produit – et
ainsi il aura transformé
(c) en
(C’), un capital gonflé de
plus-value, d’une valeur marchande et
d’un prix (monétaire) supérieure. Il n’y
a pas création mais transformation du
labeur ouvrier (de la force de travail)
en profit capitaliste. Tout le mystère
de cette transsubstantiation de la force
de travail en plus-value capitalistique
monnayable tient au miracle de
l’expropriation privé (ce
phénomène est identique sous le
capitalisme d’État)
du surtravail produit par l’ouvrier,
cette portion de la journée de labeur
qui ne lui sera jamais payé.
Comment transformer un capital productif
en capital spéculatif ?
Ce capital (C’),
engrossé de
plus-value, est ensuite lancé
dans le circuit boursier qui ne sert pas
à produire de la richesse concrète mais
à accaparer le plus de profit possible,
transformé en dividende sur actions, en
bénéfice commercial, et en intérêt
usuraire sur prêts.
Ce sont trois sous-produits de la phase
productive-expropriatrice décrite
ci-haut. Un tour de roue
boursière supplémentaire, un nouveau
cycle monétaire utopique-ectopique et
tout à coup un krach boursier et des
milliards de valeurs, d’actifs
obligataires, s’évaporent et
disparaissent. Pourquoi
disparaissent-elles ces «valeurs
boursières» ? Des milliards de valeurs
marchandes, des produits concrets, ne
disparaissent pas ainsi par enchantement
en quelques instants.
En effet, nous venons d’expliquer que
les intérêts, dividendes, bénéfices et
profits étaient tous contenus dans la
plus-value expropriée à l’ouvrier
pendant sa journée de labeur. Cette
plus-value est une valeur réelle,
concrète, adossée à des marchandises
tangibles, fruits du travail ouvrier.
Mais pour se matérialiser en espèces
sonnantes et trébuchantes (façon de
parler), ces marchandises engrossées de
plus-value doivent passer par la
mise en marché. C’est l’étape
forcée ou le capitaliste marchand
acquéreur privé de cette valeur virtuel
réalisera son profit commercial (alors
qu’il a déjà versé le profit industriel
à qui de droit), en arrachant de
l’argent au salarié et à sa famille
consommatrice – vous vous rappelez, ce
salaire que le capitaliste industriel a
sacrifié au salarié pendant la phase de
production du cycle économique afin que
ce dernier puisse se reproduire.
La théorie du reflet bancaire et
boursier virtuel et exponentielle
Sachez que
chacune de ces étapes
d’extraction, transport, transformation,
fabrication, finition, marchandisation,
commercialisation, distribution,
consommation, récupération et
destruction ou recyclage des
biens-produits-marchandises a son reflet
– son équivalent financier – son reflet
boursier. À
chacune de ces
étapes de valorisation et de
reproduction élargie du capital
le capitaliste financier intervient pour
tenter de s’emparer de la plus-value
circulante, se plaçant ainsi en
contradiction et en concurrence avec ses
comparses, les capitalistes industriels
et les capitalistes marchands, les
petits capitalistes (PME), les
capitalistes d’État et tout le reste de
son camp bourgeois qui se battent comme
des vauriens sur les marchés anémiés.
Double spoliation du salarié et du
travailleur consommateur
Évidemment, l’ouvrier, le salarié, le
journalier, dont le fruit du travail est
exproprié n’est qu’une bête de somme
dans tout ce processus. Il est chapardé
et imposé à l’entrée du cycle économique
(phase d’extraction-production) et il
est spoliée et taxé à la sortie du cycle
économique en tant que
client-consommateur surtaxé. Un jour sa
vie lui sera aussi volée dans une
tranchée ou sur un champ de bataille,
assassiné par un drone tombée du ciel de
la guerre mortifère.
C’est que dans leur immense avidité et
leur sempiternelle lutte concurrentielle
inter-impérialistes, les capitalistes
financiers – gérants d’une économie
anarchique et non planifiée – manipulent
la monnaie, l’argent, le crédit, les
actifs et les papiers boursiers. Ils en
émettent bien au-delà de la valeur des
marchandises qu’ils détiennent
réellement et cela à chaque étape du
cycle économique. C’est la seule façon
qu’ils ont trouvé pour attirer, par
induction, le maximum de profits vers
leur propre galère financière.
On ne doit pas oublier que l’ensemble de
ces opérations financières-boursières
spéculatives ne vise pas
seulement à accaparer le maximum de
plus-value-profit mais aussi à récupérer
la portion de valeur que le capitaliste
a sacrifiée à l’employé sous forme de
salaire pour sa force de travail
nécessaire et sa reproduction élargie
(entretien de sa famille).
Cette opération de reproduction de
monnaies-crédits-argents boursiers est
une méthode
efficace pour attirer plus de profits
financiers (la portion de la
plus-value allouée aux profits
comptables – dividendes et bénéfices
inscrits aux livres) – vers les
activités transactionnelles. Ces
activités tertiaires se multiplient
comme du chiendent sans produire quoique
ce soit de permanent, d’immobilier ou de
mobilier (routes, aéroports, ports,
machineries, métal, ciment, produits
semi-ouvrés, meubles, camions, bateaux,
avions, pétrole raffiné, etc.).
En effet, il y a de plus en plus
d'intermédiaires tertiaires
capitalistes entre l'usine,
l’atelier, le champ, la mine, le quai de
conteneurs, la barque du pêcheur, tous
producteurs de plus-value et le client
consommateur. Chacun de ces maillons de
la chaîne d’exploitation et
d’expropriation du capital vivant (le
salarié)
parasite la plus-value expropriée par
l’industriel, qui est forcé de
partager sa plus-value avec chacun de
ces parasites tertiaires
supplémentaires. Le salaire de l'ouvrier
paupérisé doit ainsi être partagé avec
tous ces intermédiaires tertiaires qui
soutirent leur profit commercial du
salarié consommateur (lui donné le moins
de marchandise possible pour le plus de
dollars dévalués possibles).
Les mines chiliennes «nationalisées»
Terminons cette explication par la
présentation d’un exemple historique.
Au début des années 1970 le
gouvernement Allende a complété la «
nationalisation » des mines de cuivre
chiliennes. Une ressource nationale
qu’il paraissait juste et équitable de «
nationaliser », c’est-à-dire, dans le
verbiage de la gauche bourgeoise, de
redonner au peuple chilien (sic).
Le gouvernement capitaliste chilien de
gauche s’aperçut rapidement qu’une chose
était de mette la main sur une ressource
naturelle, et autre chose était de
l’exploiter par le travail salarié et de
le commercialiser dans le monde entier.
Les ouvriers mineurs et les débardeurs
trompés par la mystique gauchiste à
propos de la « nationalisation par le
peuple et pour le peuple » réclamèrent à
leurs nouveaux capitalistes étatiques
des hausses de salaires tout à fait
justifiées mais qui rendaient le minerai
chilien trop dispendieux sur les marchés
mondiaux. Les multinationales
anglo-canadienne-américaine expropriées,
dépitées, et qui contrôlaient non
seulement l’extraction, la
transformation, le transport, la
fabrication des produits finis mais
aussi leur
commercialisation, boycottèrent
le cuivre chilien.
Il est extrêmement long et difficile de
mettre sur pied une telle chaîne
d’intermédiaires, en aval du processus
d’extraction du minerai. En vertu de la
solidarité impérialiste chaque trust
multinational boycotta le cuivre
chilien. Sans une telle chaîne
d’intermédiaires, de la mine au foyer,
impossible d’exploiter les salariés, de
leur extorquer et de réaliser la
plus-value, ni de faire fonctionner
l’entreprise capitaliste d’État
chilienne. Le même phénomène est en
cours au Venezuela présentement.
Si le coup d’État capitaliste n’était
pas survenu (1973), les entreprises «
nationalisées » par la bourgeoise d’État
chilienne (Allende) auraient dû
de toute manière être rendu à leurs
patrons monopolistes étrangers ou alors
être fermées.
VOLUME D’ÉCONOMIE GRATUIT. Téléchargez :
http://www.robertbibeau.ca/VolumeDeclin.html
La semaine prochaine : Le cycle
économique inflationniste
(1)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/189621/
(2)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Bretton_Woods#La_fin_du_syst.
C3.A8me_mon.C3.A9taire_de_Bretton_Woods
Pour s’informer,
le webzine :
http://www.les7duquebec.com/
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