Les 7 du Québec
L'inflation n'a pas été jugulée, elle a
été dissimulée
et elle fera imploser le système
Robert Bibeau

Mercredi 14 février 2018
Plus d’argent en circulation et pourtant
moins d’inflation ?
Un curieux
phénomène, très peu analysé dans la
presse « économique », ou
« généraliste », que nous préférons
appelé la presse mainstream « people, de
formatage et de
gouvernance-management », demeure
inexpliquée alors que coexistent deux
facteurs économiques contradictoires :
une injection massive de liquidités
(argent) dans l’économie et une
inflation contrôlée, celle-ci
demeurant à des niveaux peu élevés et ne
connaissant pas d’accroissement sur la
période 2008 à 2018. (1)
L’inflation
qu’est-ce que c’est ?
L’inflation se
manifeste par la hausse du prix
des marchandises qui n’ont pourtant pas
augmenté leur « valeur », seuls les prix
augmentent (2). L’inflation indique une
diminution de la valeur des marchandises
(y compris de la force de travail) et de
l’instrument d’échange, l’argent. En
clair, l’inflation c’est la
dévaluation de l’argent (monnaie) qui
entraîne à sa suite la dépréciation des
salaires (des revenus) et la diminution
du pouvoir d’achat des individus. On
observe souvent que la go-gauche est à
l’affut des réductions de prestations
sociales et des allocations
gouvernementales, alors qu’elle reste
coite devant la hausse de l’inflation
qui gruge davantage le pouvoir d’achat
et les conditions de vie des
travailleurs salariés. Il y a là comme
un aveu non sollicité.
Mais, nous
dira-t-on, l’inflation est jugulée,
à peine 2% par année en moyenne. Si l’on
regarde les taux d’inflation moyens dans
cinq zones monétaires (dollar, yen,
euro, livre sterling et yuan) on
s’étonne du faible taux d’inflation
(Figure 1). Le Japon, ayant déjà amorcé
sa phase de dépression économique,
enregistre même des taux négatifs, une
baisse des prix à la consommation, ce
qui sera bientôt le lot de toutes les
économies capitalistes et socialistes,
s’il en reste.
Figure 1

Pourtant, depuis
2012 les banques centrales des pays ou
groupe de pays de cet échantillon, ne se
sont pas privés pour faire tourner la
planche à billets et pour émettre des
quantités astronomiques de monnaie
fiduciaire (3). Or, comme l’écrit
Laurent Herblay : « Si la
base monétaire totale disponible dans
l’économie est gonflée ex nihilo, chaque
unité monétaire représente une valeur
moindre, en tant que la valeur des biens
est fractionnée en un plus grand nombre
de coupons – d’euros, de dollars, etc. »
(4).
Quantitative
Easing, de l’argent en
veut-tu-en-voici !
Malgré les taux
d’intérêt très bas et les injections de
liquidités massives, les indices de prix
et de salaires progressent peu ou prou.
Depuis 2008, afin de contrer les
pressions déflationnistes sur
l’économie, les banques centrales ont
agi à la fois sur le prix de la monnaie
(taux d’intérêt bas, voire négatifs)
et sur son volume, grâce à leurs
politiques «d’assouplissement
quantitatif» (Quantitative Easing), et
l’émission par la suite, de quantités de
liquidité par les banques privées via le
crédit à la consommation (aux
ménages et aux étudiants), le crédit
aux entreprises, et le crédit aux
gouvernements (dette souveraine)
comme le montre la Figure 2 (5).
Figure 2

On estime la
quantité d’argent en circulation dans le
monde à plus de 200 trillions de
dollars US (6) et ce quantum monte
en flèche chaque année, ce qui
normalement, devrait se traduire par une
inflation galopante. Pourtant
non, l’inflation reste faible, les
salaires n’augmentent pratiquement pas
alors que l’endettement des ménages est
catastrophique ce qui augure mal à la
veille de la hausse des taux d’intérêt
réclamée par les banquiers. On se
souviendra que la crise boursière –
bancaire de 2007-2008 a été déclenchée
suite à une hausse des taux d’intérêts
par la FED américaine suite à plusieurs
années d’endettement outrancier des
particuliers, des entreprises et des
gouvernements. En 2018 la situation
financière mondiale est similaire, mais
en pire. Depuis quelques semaines
l’équivalent de quatre milles milliards
de dollars s’est évaporée sur les
bourses mondialisées preuve que ce
capital de pacotille n’existait pas
réellement, il s’agissait de
« monkey money » disent les cambistes
américains. Incidemment, lundi le 5
février dernier l’indice Dow Jones
à Wall Street a chuté de 1500
points (– 10%) au plus forts d’un vent
de panique (7). Il s’agit selon nous
d’un avertissement que les boursicoteurs
ont servi aux directeurs des banques
centrales occidentales et aux
politiciens larbins afin qu’ils cessent
de tergiverser et qu’ils commencent à
hausser le loyer de l’argent. Ainsi, le
soir même, les mercenaires financiers et
les plumitifs à la solde, en portevoix
des médias de
« gouvernance-management », ont aboyé à
satiété que ce ne serait pas deux
hausses des taux d’intérêt qu’il
faudrait anticiper mais quatre hausses
successives cette année, martelant le
message de leurs patrons aux
fonctionnaires du capital. Ce qui
signifie qu’en occident ce sont des
millions de gens surendettés qui seront
mis en faillites en 2018 et jetés sur le
pavé. Sans compter que les États verront
leurs déficits explosés et leur dette
souveraine s’envoler, d’où de nouvelles
hausses de taxes à prévoir. Oubliés
cependant la fermeture des abris fiscaux
illicites pour les riches, ce sont des
droits acquis du capital multinational.
Que se
passe-t-il à la bourse ?
Que se passe-t-il
donc à la bourse ? Une loi de
l’économie politique capitaliste
aurait-elle été transgressée sans
réaction mécanique de la part du
système ? Marx se serait trompé ? Non,
pas du tout. Invisible dans les indices
de prix à la consommation,
l’inflation est très clairement présente
dans le prix de certains actifs
financiers (boursiers) conséquence
de l’expansion du crédit. Les QE
(assouplissement quantitatif) consistent
en des programmes massifs de rachats
de titres. Les marchés financiers
ont connu et connaissent une hausse
considérable, sans rapport direct avec
les résultats des entreprises
concernées (8). Ainsi, les actions de
certaines entreprises se rachètent à 10
fois la valeur des profits anticipés. Le
gain pour le spéculateur ne réside pas
tant dans les dividendes attendus de
l’entreprise que dans la surenchère
spéculative qui lui permettra de
revendre ces actions encore plus chères
aux spéculateurs suivants, c’est le
mécanisme de fonctionnement de la
pyramide financière Madoff, bien
connu des milieux financiers et
administratifs et toujours en cours. (9)
Tout ceci a été rendu possible par la
surexploitation de la force de travail
des salariés. Voici comment
Laurent Herblay décrit ce
processus : « La relance de
l’activité par le crédit, notamment
celui fait aux entreprises, ne s’est pas
transmise aux particuliers sous forme de
hausse salariale, notamment depuis 2008.
Non seulement la valeur nominale des
salaires a stagné voire fortement décru,
mais les conditions de précarité de
l’emploi se sont renforcées : la
multiplication de CDD, jobs précaires et
« micro-jobs », notamment en Allemagne,
a contribué à tasser la progression
salariale », comme le démontre la
Figure 3. (10)
Figure 3

Dévalorisation des
salaires, emplois précaires et mal
payés, et rétention de la création
monétaire de la base monétaire
(M0), voilà les trois explications
« mécaniques » de l’absence apparente
d’impact des activités de « Quantitative
Easing » sur l’inflation. Il ne faut
pas croire pour autant que les
banquiers, les financiers, les
investisseurs, les boursicoteurs et
leurs larbins politiciens sont des
arnaqueurs, de vilains malins qui
complotent dans le dos des travailleurs
pour leur faire du mal arbitrairement.
Tous ces gens ont mission de gérer les
portefeuilles d’actions et de faire
grossir le patrimoine collectif, c’est
la mission que leur a confiée le mode de
production capitaliste. Il se trouve que
ce mode de production fonctionne selon
des lois impératives que nul ne peut
transgresser sans être écarté en tant
que vecteur économique périmé. Ceci est
tellement vrai que suite à la crise de
2008, nombreux sont les capitalistes et
leurs thuriféraires politiques qui ont
pris conscience des dysfonctionnements
du modèle économique capitaliste et qui
ont tenté de le « réformer », la
go-gauche y compris, sans succès
cependant comme en fait foi ce rapport
du Sénat français où il est écrit :
« En réalité,
depuis la crise de 2008, aucun
problème n’a été réglé, après dix
ans de crise la probabilité de réédition
d’un krach du système financier
d’ampleur équivalente n’a pas diminué,
bien au contraire. […] Tous les
ingrédients, anciens comme nouveaux,
d’un nouveau krach sont donc là. »
(p. 224) Les quelques dispositions pour
rendre le système moins instable, qui
ont pu lui être imposées sous le coup de
l’émotion et la pression des opinions
publiques, non seulement ont laissé
intact l’essentiel mais ont été
largement compensées par les effets
négatifs du traitement utilisé pour le
sortir du coma et réanimer l’économie :
l’injection massive de liquidités et des
taux directeurs aux limites du
pensable. » (11)
La bourse du
capital
Les lois imparables
de l’économie politique capitaliste
s’appliquent et ne peuvent être
contournées ou réformées, quoiqu’en
pensent les banquiers, les financiers,
les administrateurs, les politiciens
stipendiés et la go-gauche
subventionnée. La fonction du capital –
à la base du système – est de se
valoriser – de produire de la plus-value
afin d’augmenter ses capacités à
engloutir du surtravail – la portion non
payée de la journée de travail. Si pour
des motifs quelconques le capital ne
parvient plus à accomplir son cycle
normal de reproduction élargie alors,
comme l’eau à la rivière, le capital
cherchera une autre voie de passage,
sans se rendre compte que cette voie
alternative est en réalité une impasse.
Créer de la « valeur », de la richesse
par capitalisation boursière sans
produire de marchandises pour les
marchés ne garantit évidemment pas la
production de valeur, de travail
nécessaire et de surtravail, de salaires
et de plus-value d’où est issu le
profit.
Déniché où se
cache l’inflation
Il n’y a pas de
miracle, la création monétaire engendre
une augmentation des prix (inflation),
encore faut-il savoir lesquels. Comme le
note l’article des Échos la
première inflation facilement observable
est celle des actifs financiers
(12). Par ricochet, cette montée des
actifs financiers enflamme également les
prix de l’immobilier (13). Les
coûts de l’immobilier étant en forte
hausse ce sont généralement les riches
qui possèdent d’importants portefeuilles
d’actifs qui investissent l’immobilier.
L’expansion de la masse monétaire a
bien « ruisselé » sur une partie des
privilégiées. La classe la plus aisée a
encore creusé l’écart en ayant accès à
une manne de crédit supplémentaire pour
des biens qu’elle seule peut se payer.
Comme nous le spécifions dans un article
antérieur « L’argent appelle l’argent
et s’agglutine tout naturellement »
et les altermondialistes et autres
variétés de gauchistes ne pourront rien
y changer, auraient-ils accumulé un
milliard de signatures au bas de leurs
pétitions bidon. (14)
Succinctement, la
bourse agit ici comme un trou noir
qui aspire toutes les liquidités tandis
que la production – source unique de
création de richesses – stagne et que
les revenus se contractent à la base de
la pyramide sociale cependant que la
richesse virtuelle (fictive) explose en
haut de la pyramide où se concentrent
les valeurs boursières spéculatives
volatiles (jusqu’au crash). C’est ainsi
que les valeurs boursières fictives, non
adossées à des marchandises, des moyens
de production, de commercialisation ou
de communication – exigent de nouveaux
crédits que l’instance politique devra
réquisitionner dans les poches des
particuliers, des entreprises, des
commerçants, dans les poches de ceux qui
travaillent et produisent de la valeur,
particulièrement de la plus-value –
cette valeur non versée aux travailleurs
– afin de nourrir la bête boursière et
bancaire. Il est impossible de réformer
ou de « reformater » ce système (mode de
production), le prolétariat doit
l’abattre et construire un nouveau mode
de production moderne.
Natixis se
serait convertie !
Rendons hommage à
la banque Natixis de Paris
pour avoir reconnu le bienfondé de
l’analyse marxiste du mode de production
capitaliste en ces termes : « Marx
avait raison, la baisse de
l’efficacité des entreprises
(ralentissement de la Productivité
Globale des Facteurs), toutes choses
égales par ailleurs, impliquerait une
baisse du rendement du capital des
entreprises. Les entreprises
réagissent à cette évolution en
réduisant les salaires (en déformant le
partage des revenus en faveur des
profits). Mais cette stratégie a une
limite, atteinte quand les bas salaires
deviennent trop faibles (égaux au
salaire de subsistance) et les
« capitalistes » se lancent alors dans
des activités spéculatives qui font
apparaître des crises financières. » (15)
NOTES
- Laurent
Herblay sur :
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-heureuse-contre-201198
et
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-heureuse-contre-201197
- La valeur
marchande d’une marchandise est
équivalente à la quantité de travail
requise pour sa production et sa
commercialisation. La valeur est
donc une relation entre le temps de
travail et la valeur de la force de
travail (salaire et avantages). Le
taux d’inflation est définie ici : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/taux-d-inflation/
« Taux de perte du pouvoir
d’achat de la monnaie se
caractérisant par une augmentation
générale et constante des prix. »
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_fiduciaire
- Laurent
Herblay :
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-heureuse-contre-201197
- « Le QE
(assouplissement quantitatif) est un
moyen radical et simple d’élargir
massivement les liquidités
disponibles dans l’économie. Une
banque centrale décide de créer de
la monnaie, non par une émission de
billets et pièces, mais par la
création d’une simple ligne de
crédit. Le monde financier est
passé depuis longtemps d’une monnaie
fiduciaire à une monnaie
scripturale. A partir de ce crédit
décidé ex nihilopar un jeu
d’écriture, elle rachète un certain
nombre d’actifs financiers à des
banques d’affaires privées, actions,
obligations ou produits dérivés. Ces
achats massifs irriguent les banques
privées de nouvelles liquidités
fraîches, leur permettant d’octroyer
davantage de crédits aux
particuliers dans des conditions de
faible taux. In fine, ce flux de
crédits est censé relancer la
consommation et souffler sur
l’activité économique. » Source
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-heureuse-contre-201235
Ce qui entraine, in fine, que
chaque unité monétaire (yuan,
dollar, yen, euro ou rouble) qu’une
banque conservait en réserve
représentait, en 2013, 370 fois sa
valeur en circulation.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_fiduciaire
- Que ce soit
sous forme d’agrégats M0, M1,M2, M3,
ou M4 tel que défini ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_monétaire
Autres données ici :
http://www.quiperdgagne.fr/2013/03/21/le-monde-en-quelques-chiffres-effroyables-a-vous-donner-le-vertige/
- « Un
mouvement de panique a saisi Wall
Street lundi, où l’indice vedette de
la place new-yorkaise a
drastiquement chuté après plusieurs
mois d’euphorie boursière
régulièrement saluée par le
président Donald Trump. »
http://www.lapresse.ca/affaires/marches/201802/05/01-5152623-le-dow-jones-perd-plus-de-1100-points.php
-
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-173178-non-linflation-na-pas-disparu-elle-sest-deplacee-2110020.php
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Madoff
- Également
appelée « Monnaie Banque centrale »,
la Base monétairedésigne à la
fois les billets et pièces en
circulation et les avoirs monétaires détenus
par les banques auprès de la Banque
centrale. Cette base monétaire
est d’une importance capitale
dans le processus de création monétaire.
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-heureuse-contre-201198
-
http://www.senat.fr/rap/r16-393/r16-3931.pdf
-
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-173178-non-linflation-na-pas-disparu-elle-sest-deplacee-2110020.php
- Au Canada « La
bulle immobilière est principalement
basée dans la région du Grand
Vancouver et celle du Grand Toronto
et dans les villes environnantes. Le
prix des logements à Vancouver a
augmenté de 27% de février 2015 à
février 2016, atteignant 1,3 million
de dollars en moyenne pour une
maison individuelle. Le prix moyen
d’une maison individuelle a même
grimpé à 1,7 million de dollars en
juillet 2016. De son côté, le prix
des logements sur le marché
immobilier surchauffé de la cité de
Toronto a augmenté de 33% entre mars
2016 et mars 2017, le prix moyen
d’une maison individuelle atteignant
1,6 million de dollars. Le prix
d’une maison dans la région du Grand
Toronto a atteint une moyenne de 916
567$ en mars 2017, comparé à 688
011$ un an auparavant. »
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/la-situation-economique-et-politique-au-canada-en-2017/
- Robert Bibeau.
Octobre 2017.
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/la-richesse-continue-de-se-concentrer-au-sommet/
-
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-predictions-de-karl-marx-201269
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