Quel est l’enjeu?
La question en
litige dans la Maison Hong Kong
n’est pas le projet de loi sur
l’extradition des criminels vers le
continent, ni le sort de la potiche
Carrie Lam, ni la
«démocratie» bourgeoise mise à mal. Ce à
quoi nous assistons sur la petite ile de
Hong-Kong c’est à l’affrontement entre
une économie néolibérale débridée,
décrite comme un marché «libre» dopé aux
stéroïdes financiers, et un continent
sous pression commerciale de la part des
États-Unis. La réalité est bien
différente de ce que nous racontent les
médias à la solde du capital. Le PIB de
Hong-Kong (7 millions d’habitants)
comparé à la Chine (1,300 millions
d’individus), est passé de 27% en 1993,
à 2% en 2019 et la marginalisation se
poursuit.
Pendant ce temps,
le continent chinois a connu une
croissance accélérée, y compris dans la
ville de Shenzhen dont l’économie
est soumise à l’économie de marché,
voisine de Hong-Kong, alors que
cette dernière n’a pas évolué. Comme
écrit Sara Flounders «Depuis 10 ans,
les salaires à Hong Kong stagnent, les
loyers ont augmenté de 300%, c’est la
ville la plus chère du monde. À
Shenzhen, les salaires ont augmenté de
8% par an et plus d’un million de
nouveaux logements verts et à faible
coût sont en voie d’achèvement». (1)
Hong-Kong a les loyers les plus élevés
au monde, avec un fossé grandissant
entre les riches et les pauvres, et un
taux de pauvreté de 20%, alors
qu’en Chine, selon la Banque mondiale,
le taux de pauvreté est tombé de 88% en
1981 à 0,7% en 2015.
Un
commentateur écrit: «La
révolte des Hongkongais
s’explique par le fait que le
capitalisme chinois ne profite
qu’aux membres du Parti et aux
chefs d’entreprises qui jouent
le jeu du Parti communiste
chinois. Il faut surveiller
attentivement comment la crise
de Hong Kong se terminera pour
les Chinois non communistes qui
veulent demeurer libres de se
gouverner». (2)
Le
pouvoir économique détermine le
pouvoir politique
En Chine,
et sur son satellite
hongkongais, comme partout
ailleurs sous le mode de
production capitaliste, le
pouvoir économique détermine le
champ de compétence du pouvoir
politique… pas l’inverse, même
quand les apparences sont
contraires.
En Chine
capitaliste, et sur son
satellite hongkongais, le
capital est l’instrument de
production, de reproduction et
de pouvoir des capitalistes,
membres et non membres du Parti
«communiste» chinois. Si un
capitaliste n’a pas sa carte du
Parti, il n’est pas exclu du
sérail, il est simplement
considéré comme faisant partie
de l’opposition. Dans un
instant, nous en verrons les
implications. La carte d’entrée
au casino de l’économie chinoise
mondialisée c’est le monceau
d’argent (d’actifs) que chacun a
amassé, seul, en famille ou en
conglomérat. Cependant, il est
vrai que la clique des
capitalistes membres du Parti
communiste chinois (PCC)
bénéficie de certains avantages
concurrentiels plus rapidement
que les capitalistes non membres
de l’oligarchie gouvernementale.
Exactement comme aux États-Unis,
quand le président origine du
parti Républicain, il avantage
les capitalistes contributeurs
au parti Républicain qui en
retour ordonneront le blocage de
la procédure « d’Impeachment »
au Sénat, c’est le retour de
l’ascenseur dit-on là-bas.
Attention
cependant, ce marigot politique
n’empêche pas les capitalistes
non membres de la majorité au
pouvoir, ni à ceux non membres
de l’un ou de l’autre des deux
partis d’alternance à
Washington, de faire des
affaires, ni d’obtenir des
subventions gouvernementales, ni
de recevoir le plein soutien
juridique – diplomatique – ou
militaire de l’État de tous les
riches. Le principe unique – la
dictature inaltérable du capital
– s’exprime de façon simple : «toute
magouille est permise pourvu
qu’elle ne mette pas en péril
l’hégémonie du capital sur le
travail».
En
souvenir de la Glasnost et de
Tiananmen
Dans les
vieilles démocraties bourgeoises
comme aux États-Unis, au Canada
et en Europe, ces principes sont
acquis, compris et
opérationnels. Il en va
autrement chez une nouvelle
puissance hégémonique sortie
tout droit du socialisme
dirigiste – dont l’Union
soviétique s’est purgée avec
fracas en 1990 – mais dont la
Chine s’est préservée lors des
évènements de la Place
Tiananmen. Il est douteux
que les troubles hongkongais
parviennent à ébranler la
Cité interdite et son
céleste mandarin!
L’absorption de l’ile-ex-colonie
britannique par l’immense pays
continent chinois a de quoi
effrayer la clique hongkongaise
si fortement intégrée à
l’impérialisme occidental, hier
hégémonique et aujourd’hui
déclinant. La crise hongkongaise
n’oppose pas le capitalisme
libéral au capitalisme
dirigiste, les deux ont fusionné
après l’effondrement du camp
soviétique. Il s’agit plutôt
d’une bataille d’arrière-garde
de la part de la clique
financière de Hong-Kong afin de
fixer le prix et les modalités
de sa complète intégration à
l’économie continentale
chinoise, assimilation de toute
façon largement engagée.
En aucun
cas, les capitalistes de
Hong-Kong (qui commandent aux
barbouzes stipendiés, qui eux
manipulent les
travailleurs-manifestants
paupérisés) ne souhaitent se
désarrimer du navire amiral
pékinois … Ils ne sont pas fous
les milliardaires de Hong-Kong
qu’on invite sur le navire
amiral de la flotte capitaliste
mondial – ils ne vont pas
refuser l’invitation pour rester
accroché au rafiot occidental en
perdition.
À l’heure
où nous écrivons, les
capitalistes de Hong-Kong, qui
n’ont rien à faire de la
populace de l’ile – sauf de
l’exploiter et de la spolier –
ont pris la mesure de leurs
rivaux continentaux et
connaissent les conditions de
leur intégration au grand
capital continental en tant que
membres du Parti ou en tant que
membres de l’opposition (ce qui
ne les exclut pas des affaires,
mais les éloigne de l’auge à
purin). Toutefois, la Bande de
Hong-Kong doit se rappeler que
c’est le chien qui branle la
queue et non l’inverse.
Les
casseurs hongkongais
disparaitront comme ils sont
venus dès que le grand capital
hongkongais aura compris la
leçon venue de la Cité
interdite. Aucune
comparaison entre l’authentique
révolte populiste des
Gilets jaunes et la
«révolte des parapluies» de la
petite bourgeoisie et des
barbouzes de Hong-Kong. (3)
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