Les 7 du Québec
Algérie, ils ont cru au soulèvement
populaire
et ce fut fumé de narguilé
Robert Bibeau

Mercredi 13 mars 2018 Bouteflika
s’estompe
La nouvelle est
tombée le lundi 11 mars dernier, le
Président algérien Abdelaziz
Bouteflika renonce à un
cinquième mandat. Il l’affirme dans un
communiqué remis à la presse : « Il
n’y aura pas de cinquième mandat et il
n’en a jamais été question pour moi, mon
état de santé et mon âge ne m’assignant
comme ultime devoir envers le peuple
algérien que la contribution à l’assise
des fondations d’une nouvelle
République en tant que cadre du
nouveau système algérien que nous
appelons de tous nos vœux. Cette
nouvelle République et ce nouveau
système seront entre les mains des
nouvelles générations… ». Le
président algérien reporte sine die
l’élection présidentielle prévue pour le
18 avril et il appelle une Conférence :
« La Conférence nationale
inclusive et indépendante
sera une enceinte dotée de tous les
pouvoirs nécessaires à la discussion,
l’élaboration et l’adoption de tous
types de réformes devant constituer le
socle du nouveau système que porte le
lancement du processus de transformation
de notre État-nation… », bref, la
clique dont Bouteflika est le
pantin, invite les autres cliques à se
mesurer pour la rédaction d’une nouvelle
constitution. (1)
La veille, le
général Gaïd Salah, chef
d’état-major des armées, déclarait : « L’armée
est la colonne vertébrale de l’Algérie
et elle est garante de la stabilité et
de la sécurité de la patrie. L’armée
« partage » avec le peuple algérien
« les mêmes valeurs et principes ». Se
rejoignent (…) entre le peuple et son
armée (…) tous les fondements d’une
vision unique du futur de l’Algérie. »
(2)
Il faut comprendre
que ce n’est pas tant un constat que
dresse le général en chef, mais une
menace qu’il adresse aux partis
politiques de l’opposition à ne pas se
servir de l’agiotage populiste pour
ébranler l’État et ses institutions. Le
général veut ainsi leur rappeler que
dans la rédaction de la nouvelle
constitution, ils ne devront pas
dépasser le seuil des « réformes »
tolérables dans le cadre du système
capitaliste qui permet de remettre en
cause le gouvernement et ses
représentants, mais jamais les
institutions et leurs fonctions. Sinon,
l’une de ces institutions – l’armée
colonne vertébrale – se chargera de
rappeler la source de tout pouvoir
étatique – qui ne réside pas dans la
constitution, mais dans la force et la
violence de l’armée comme les Algériens
s’en souviennent de l’époque de la
guerre civile sanglante (1991– 2002).
Bouteflika
s’esquive
Par cette esquive
de Bouteflika, dont on se demande
si elle n’était pas planifiée, la guerre
des clans opposant différentes factions
du grand capital algérien et leurs
larbins politiciens entre dans une
nouvelle phase critique. (3) Par ce
renvoi à une Assemblée constituante
pour la rédaction d’une nouvelle
constitution, le clan dominant renvoi
les autres camps à leurs intrigues. La
joute est ouverte entre toutes les
factions du vieux FLN, et même ouverte à
la pléthore des partis d’opposition
« démocratiques » bourgeois. Évidemment,
nul clan ne peut repousser ce défi
réformiste même si chaque clique
comprend que le clan au pouvoir – maître
de l’appareil d’État depuis des
décennies – jouit d’une longueur
d’avance dans l’art d’intriguer… Du « Déjà
vu » en Tunisie et en Égypte.
Le bénéfice
qu’amène cette proposition est de
contenir la guerre fratricide sur le
front juridique, bureaucratique,
électoraliste, et de désamorcer la
grogne populiste que la
petite-bourgeoisie fomente espérant
troquer son influence sur la populace
contre quelques avantages pécuniaires.
L’oligarchie, en contrôle de l’appareil
d’État, dont l’armée est un pilier, sait
bien que de trop laisser la rue s’agiter
ne peut que mener à la radicalisation
des revendications. Déjà, après trois
semaines d’agiotage les slogans ont
évolué de : «NON au 5e
mandat», à «À bas le régime»,
puis : «À bas le système» … que
cache cette formule? Serait-ce «À
bas le système capitaliste»?
L’intellectuel
Omar Aktouf présente son
interprétation de cette revendication :
« Les Algériens réclament
l’éradication du « système »
d’établissement et de reconduction du
pouvoir, autant politique qu’économique,
« système » qui sévit depuis
l’Indépendance. C’est la mise hors
d’état de nuire de ce que j’ai
personnellement dénommé « système
Algérie » en entier qui est demandée.
Le peuple manifeste haut et fort
son désir de voir cesser cette mainmise
continue sur les richesses et les
destinées du pays ; il n’en peut plus
des jeux de « chaises musicales » de
transmission à tour de rôle du pouvoir
entre « clans ». » (5) Mais n’est-ce pas
le lot de tous les pays démocratiques
bourgeois où sévissent les
mascarades électorales? (6)
Le prolétariat
algérien ?
Depuis l’amorce de
ce mouvement populiste, où la rue n’a eu
qu’un rôle de faire valoir et de
« chair-à-manifester», le prolétariat
algérien est resté sur ses gardes, car
il n’a aucun avantage à attendre, ni de
cette fronde contre le clan hégémonique,
ni du renoncement de Bouteflika,
le président zombie, pas plus que de son
remplacement via une
mascarade électorale convenue. Somme
toute, cet agiotage petit-bourgeois pour
le partage des prébendes, allocations,
postes, et sinécures de l’administration
gouvernementale est à cent lieues des
difficultés quotidiennes qui confrontent
le prolétariat algérien, difficultés qui
sont davantage de l’ordre – comme pour
les gilets jaunes français et belges –
des bas salaires, des taxes et la hausse
des prix, de l’emploi, du logement, des
transports et de la santé publique qu’à
propos de la prestance du chef de
l’État.
Encore une fois,
dans cette affaire électorale
algérienne, comme dans l’affaire du « Printemps
arabe », comme dans le mouvement des
Gilets jaunes, comme dans
tant d’autres mouvements populistes, la
petite-bourgeoisie aura démontré son
incapacité à diriger un mouvement pour
le renversement du pouvoir établi. C’est
la leçon que le prolétariat
international doit tirer de cette
expérience comme des autres qui l’ont
précédée depuis la Seconde Guerre
mondiale. Tant que le prolétariat en
tant que classe sociale, ne se décidera
pas à prendre l’insurrection en main,
nous assisterons à ces flambées de fumée
de narguilé. (7)

Notes
-
http://www.aps.dz/algerie/86748-le-president-bouteflika-adresse-un-message-a-la-nation-annoncant-le-report-de-l-election-presidentielle
-
http://www.aps.dz/algerie/86748-le-president-bouteflika-adresse-un-message-a-la-nation-annoncant-le-report-de-l-election-presidentielle
- Le capital n’a
pas d’odeur ni de nationalité, il
n’est donc pas algérien, mais les
capitalistes qui le possèdent et
sont responsables de valoriser ce
capital sont de nationalité
algérienne même si leurs intérêts
économiques se confondent avec ceux
des autres capitalistes.
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-repression-des-soulevements-demancipation-bourgeoise/
-
http://www.france-irak-actualite.com/2019/03/omar-aktouf-les-algeriens-reclament-l-eradication-du-systeme-qui-sevit-depuis-l-independance.html
- La
démocratie aux États-Unis. Les
mascarades électorales.
L’Harmattan. 2017. Sur Amazon
https://www.amazon.ca/démocratie-aux-Etats-Unis-Robert-Bibeau/dp/2343144672/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1521149336&sr=8-1&keywords=robert+Bibeau&dpID=41f0Kjchz1L&preST=_SY264_BO1,204,203,200_QL40_&dpSrc=srch
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-revolte-populaire-seule-candidate-capable-de-transformer-la-situation/
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 14 mars
2019
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