Les 7 du Québec
BREXIT, l’échéance
du roman-savon
britannique approche
Robert Bibeau

Mercredi 13 février 2018
La saga du
Brexit britannique
La saga du
Brexit s’achève (sortie du
Royaume-Uni de l’UE; 30 mars 2019).
Cette joute de poker menteur n’en finit
plus de tourner en rond – paralysée et
paralysante – à l’image du grand capital
britannique écartelé entre ses deux
allégeances – l’Europe, à laquelle il
est attaché par le commerce et les
États-Unis d’Amérique – auxquels il est
enchainé par la finance.
Jusqu’à la dernière
heure, le grand capital britannique a
cru pouvoir quitter l’Union, se
délestant de ses contraintes, tout en
conservant les avantages du marché
commun européen. En période de
croissance économique, la partie était
jouable et l’Allemagne, arbitre de
dernière instance, aurait pu concéder
une sortie honorable à cet important
marché de voitures allemandes. Mais, en
contexte de crise systémique,
préparatoire à une dépression économique
majeure, nul partenaire n’a les moyens
de renoncer à une partie de sa
plus-value. Le Royaume-Uni devra donc
abandonner les avantages du marché
commun en même temps que les
inconvénients…et le capital britannique
se demande maintenant si le jeu en vaut
la chandelle. D’autant plus que le
tandem franco-allemand est en guerre
commerciale ouverte contre Bruxelles et
les États-Unis au sujet de la
construction du gazoduc Nord
Stream 2 reliant la Russie à son
client allemand. (1)
Résumant les
dernières tractations, le journal
conservateur « Die Welt« ,
qui dépeint depuis deux mois la
catastrophe britannique du Brexit sans
accord, a interviewé un économiste
influent au gouvernement :
« Les problèmes
liés à la liquidation des échanges avec
la Grande-Bretagne, c’est-à-dire avec un
seul partenaire commercial, ne seront
que temporaires et auront relativement
peu d’importance. Je ne m’attends pas à
un cout trop élevé pour l’économie
allemande. La Grande-Bretagne et surtout
l’Irlande paieront le prix fort. »
(2)
Réalignement des
blocs impérialistes
On pourrait résumer
le drame britannique par cette formule :
l’économie réelle – industrielle et
commerciale – l’emportera-t-elle sur
l’économie virtuelle – financière et
monétaire – ? À la fin de la
Première Guerre mondiale (1918) – le
monde capitaliste connut le premier
épisode du réalignement des blocs
impérialistes – le Royaume-Uni
étant alors la première puissance
économique et financière de la planète,
mais cela allait changer rapidement. Les
États-Unis d’Amérique,
prépondérant sur le marché des
Amériques, s’imposaient déjà comme
puissance industrielle et financière
hégémonique. Le Royaume-Uni
était alors confronté à l’alternative
suivante : relancer la guerre contre les
Étatsuniens, ou négocier sa sujétion au
grand capital yankee, contre
l’aménageant de sphères d’influence
prépondérantes. Le grand capital de la
perfide Albion opta pour le second choix
et pour cette raison La City
obtient la responsabilité de cogérer
avec Wall Street la
finance mondialisée. C’est cette entente
que l’Allemagne hitlérienne tenta de
briser en 1939-1945 ce à quoi
l’Angleterre churchillienne s’opposa
farouchement préférant l’alliance avec
le « totalitarisme » stalinien et avec
le «libéralisme» Étatsunien. On connait
la suite de ce deuxième épisode
du réalignement des blocs impérialistes,
qui se termina en 1990 par
l’effondrement du bloc soviétique et la
victoire du camp occidental libéral
(Amérique-OTAN).
Troisième
épisode du réalignement des grandes
puissances
Le Brexit
doit être vu comme un évènement
s’inscrivant dans le troisième
épisode du réaménagement des
alliances impérialistes en cours de
réalisation. La scène économique,
politique, diplomatique, juridique et
militaire internationale a beaucoup
changé depuis 1990 (fin du 2e
épisode). L’alliance occidentale
s’étiole, écarteler entre deux grandes
puissances tendant naturellement à
l’hégémonie. Les États-Unis – ce pays
continent déclinant – allié à l’Union
européenne – ce continent qui ne
parvient pas à devenir un État-nation
monolithique – face au bloc que nous
appellerons « Asiatique » qui se forge
autour de l’alliance Chine-Russie–Iran.
Ce bloc a la particularité de regrouper
des pays « émergents ».
La saga du
Brexit est l’exact reflet
politique des deux forces économiques
qui s’équilibrent et s’annihilent au
Royaume-Uni entre les intérêts
industriels et commerciaux d’une
partie du grand capital britannique et
les intérêts financiers (boursiers
et monétaires) de La City.
La population britannique ne compte pour
rien dans cette équation et ne sert que
de chair-à-voté entre les mains des
démagogues politiques britanniques à la
solde de l’un ou de l’autre camp.
Le pari des
financiers londoniens
Dans un premier
temps, la clique financière de La
City a cru faire une bonne
affaire en quittant l’Union européenne
afin de rester enchainer à Wall
Street, tout en conservant les
avantages (espérait-elle) de la
proximité commerciale et financière avec
le continent européen (le meilleur des
deux mondes clamait le banquier
londonien). C’était sans compter avec le
grand capital franco-allemand qui
fourbissait ses armes face aux
Américains protectionnistes et
agressifs. Aussitôt, les entreprises
industrielles allemandes et françaises
(et mêmes britanniques), les banques,
les compagnies d’assurances, les
courtiers, les compagnies de crédit et
de placement, amorcèrent leur migration
de Londres vers le continent de manière
à ne pas se retrouver du mauvais côté de
la barrière tarifaire séparant
prochainement les grandes puissances de
l’Alliance atlantique
(Washington-Londres contre
Paris-Berlin).
La résistance
européenne face au suzerain américain a
surpris les courtiers londoniens qui
n’avaient pas vu venir le train de la
récession. Tout à coup le Brexit
perdit beaucoup de ses attraits
économiques, commerciaux et financiers –
c’était comme si Londres,
le Cheval de Troie
Étatsuniens, était expulsé manu militari
hors de la citadelle européenne. Le
grand capital britannique se retrouve
aujourd’hui piégé par ses manigances au
service de la haute finance
internationale. Étant donné que le
Royaume-Uni réalise plus de la moitié de
ses échanges commerciaux avec l’Europe,
il semble évident que la marche arrière
s’impose pour les marchands de l’Ile
isolée… Mais comment « l’Albion
prodigue » peut-elle, sans
perdre son flegme et sa dignité,
réintégrer le bloc impérialiste
européen? Les tribulations de ce
roman-feuilleton que l’on nous présente
complexe et enchevêtré en sont là, et la
question de la frontière entre les deux
Irlande nationalistes n’est qu’un
épouvantail que les anti-Brexit agitent
à la face des lobbyistes. C’est le
prolétariat britannique qui jouera sa
peau si ces barricades nationalistes
patriotiques reprennent feu. (3)
Aux prolétaires
britanniques, irlandais et européens
Le prolétariat du
Royaume-Uni doit démontrer au grand
capital britannique que leur guerre
patriotique-partitionniste il ne la fera
pas et qu’il exige que le grand capital
trouve une solution pour s’entendre avec
le capital de l’Union (en attendant de
se débarrasser de cette superstructure
étatique d’asservissement continentale).
Il est entendu que l’intérêt du
prolétariat européen n’est ni à
l’intérieur ni à l’extérieur de L’Union
européenne du capital, dont il devra un
jour abolir toutes les institutions
gouvernementales.
NOTES
-
https://fr.sputniknews.com/international/201902111039987232-compromis-france-allemagne-nord-stream-2-signal-puissant/?utm_source=push&utm_medium=browser_notification&utm_campaign=sputnik_fr
-
https://nuevocurso.org/brexit-season-finale/
-
https://nuevocurso.org/el-brexit-y-el-peligro-de-guerra-en-irlanda-del-norte/?utm_medium=push&utm_source=suscriptores&utm_campaign=onesignal
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 24 février
2019
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