Opinion
La lutte des salariés contre «
l'austérité »
Robert Bibeau
Mercredi 12 novembre 2014
La guerre à l’austérité
Peut-on faire la
guerre à « l’austérité » ? Peut-on
gagner la bataille contre les politiques
économiques visant à réduire notre
pouvoir d’achat par le recours aux
impôts excessifs, au gel des salaires, à
l’emprunt forcé pour l’État et aux
restrictions du crédit à la
consommation ?
Le but recherché par ces politiques
serait le retour à l’équilibre fiscal
afin de rembourser la dette souveraine
(sic).
Un groupe de
militants anarcho-syndicalistes prétend
que les municipalités se seraient
infligé des sévices financiers en ne
versant pas leurs cotisations aux fonds
de pension. Ils comparent les
politiciens à des mafieux. Ils ajoutent
que les compagnies refusent de verser
leur cote part aux régimes de retraite
alors qu’elles engrangent des profits et
mènent la grande vie. En ce qui concerne
la « classe politique » disent-ils, elle
n’aurait aucun courage et mangerait dans
la main des entrepreneurs. Enfin, ces
gauchistes ajoutent que « Les pays
qui ont appliqué l’austérité sont ceux
où les taux de profit se sont maintenus
» (1). Doit-on rappeler à ces
camarades que l’économie capitaliste est
régie par des lois impératives
auxquelles municipalités, politiciens,
entrepreneurs et gouvernements sont
soumis sous peine de péricliter et de
disparaître ? Un honnête politicien
bourgeois et un capitaliste charitable
doivent se soumettre aux lois de
l’économie politique de la concurrence
et de la reproduction du capital. Il est
faux de prétendre que « les
entreprises engrangent les profits et
mènent la vie de pacha ».
Si c’était le cas, l’économie
capitaliste ne serait pas en crise et
nul n’aurait besoin de mesures
d’austérité pour rétablir les taux de
profits.
Un partisan ouvrier
décrit ainsi les conséquences des
politiques gouvernementales d’austérité
sur les populations concernées : «
D'un côté, les travailleuses et
travailleurs sont écrasés par les taxes,
les remboursements hypothécaires et les
autres dettes, les contributions
croissantes à leurs fonds de retraite
dont les prestations deviennent
aléatoires selon les performances du
marché et les lois arbitraires, pendant
que leurs salaires stagnent compte tenu
de l'inflation, que leurs emplois se
précarisent et que les conditions de
travail se détériorent. » Ce
militant ajoute « l'austérité
permettra aux riches de baisser leur
fardeau fiscal alors que ce sont les
baisses d'impôt des revenus élevés, des
gains de capitaux, des profits et du
capital qui causent l'austérité »
(2).
LA SUITE DE L’ARTICLE »»»
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-lutte-des-salaries-contre-lausterite/
Complément
d’analyse de la crise économique :
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
Les conséquences
décrites de la crise économique pour les
salariés sont véridiques. Mais
anarcho-syndicalistes et militant
gauchiste font fausse route quand ils
s’éprennent du salmigondis que la
Confédération des Syndicats Nationaux
(CSN) a déposé en commission
parlementaire.
Ce ne sont pas les baisses d’impôts pour
quelques sections que ce soit de la
population qui expliquent les mesures
d’austérité prises par le capital privé
et étatique. À preuve, la semaine
dernière le gouvernement fédéral a
annoncé des baisses d’impôts pour les
familles canadiennes (3). Il y a
quelques mois Barack Obama a haussé le
revenu minimum aux États-Unis. Il est
généralement admis que ces mesures
n’auront aucun impact ni sur le
déroulement de la crise économique
systémique ni sur les politiques
d’austérité des gouvernements
municipaux, provinciaux et fédéraux
canadien ou américain.
L’austérité est une ultime tentative
pour sortir de la crise systémique
Les mesures
gouvernementales d’austérité imposées
dans différents pays à travers le monde
(ce qui comprend Cuba, Bolivie,
Venezuela, Suisse, Suède, Chine, France,
etc.) découlent de la crise économique
systémique qui confronte l’ensemble de
l’économie globalisée et
internationalisée.
Les mesures d’austérité sont les
conséquences et non pas les causes de la
crise économique systémique. Pour
faire cesser les politiques d’austérité,
l’économie capitaliste devra relancer la
croissance de ses profits qui sont en
baisse depuis des décennies, mais rien
ne laisse présager une telle
éventualité. Les mesures d’austérité
gouvernementales et celles du capital
privé (qu’il ne faudrait pas oublier)
visent à
restreindre les dépenses dans les
programmes sociaux, éducatifs et
culturels destinés à la reproduction de
la force de travail et à réduire le coût
du travail salarié
pour les entreprises privées.
Impossible de contrer ces politiques
d’austérité sans d’abord résoudre la
crise économique de surproduction. Or,
il n’y a aucun moyen de résoudre la
crise de surproduction sans détruire des
moyens de production et les surplus de
marchandises. Laisser croire le
contraire aux militants sincères serait
faire le jeu des magistères du capital.
Dans son mémoire,
la CSN établit ainsi la dichotomie
austérité/prospérité qui confronte
l’économie politique québécoise et
canadienne : « les déficits courants
sont faibles en proportion du PIB et
sont essentiellement conjoncturels
(sic); la dette publique est maîtrisée
et le faible endettement du gouvernement
canadien par rapport à celui des autres
pays développés réduit le poids de la
dette pour les contribuables québécois
(…) rien ne justifie les compressions
draconiennes mises en œuvre par le
gouvernement du Parti libéral ».
Selon la CSN il n’y aurait pas de crise
économique systémique. La centrale
syndicale poursuit ses supplications en
direction des «postillons» des grands
patrons de cette façon : « Le
gouvernement doit considérer d’accentuer
la progressivité de l’impôt sur le
revenu, puisqu’il est évident que les
importantes baisses d’impôt dont ont
bénéficié les contribuables à haut
revenu ces dernières décennies n’ont pas
généré l’accélération de la croissance
économique annoncée par les idéologues
néolibéraux. » Enfin, le prieuré
syndical dans un grand élan social argue
que « le gouvernement pourrait
évaluer la possibilité d’instaurer un
impôt minimum, de réintroduire la taxe
sur le capital pour les institutions
financières, de revoir certains crédits
d’impôt dont bénéficient les
entreprises, de lutter de façon plus
efficace contre les paradis fiscaux et
l’évitement fiscal agressif. Finalement,
compte tenu des taux en vigueur dans
d’autres juridictions fiscales, une
hausse de l’impôt sur le revenu des
entreprises est parfaitement
envisageable. D’autant plus que les
baisses d’impôts octroyées ces dernières
décennies à l’échelle canadienne ont été
inefficaces pour stimuler
l’investissement privé et la croissance
économique » (4).
La CSN se fait le
parangon de l’ex-ministre Jacques
Parizeau, le grand économiste du Parti
québécois qui aujourd’hui défend cette
thèse keynésienne, mais qui, en 1981, a
coupé les salaires des fonctionnaires au
lendemain d’un référendum perdant. Il
faut se rappeler que les politiques
d’austérité ont précédé les
gouvernements Landry – Charest – Marois
– Couillard (5). La
CSN prétend qu’une fiscalité plus
équitable règlerait le mal social qui
nous accable. Pourtant, aucun
gouvernement n’applique ces
recommandations « raisonnables ».
Si un État s’avisait d’appliquer ces
propositions «socialisantes» (sic), cela
découragerait l’investissement
capitaliste et ferait fuir les riches
vers d’autres horizons plus cléments
pour leur argent. Le gouvernement
américain de Barack Obama sans aucune
affinité « socialiste » vient de
l’apprendre à ses dépens. Des
entreprises comme Apple,
Google et Microsoft
délocalisent leurs profits vers les
paradis du crédit à vil prix et si
l’État américain intervient elles
menacent de délocaliser leur siège
social comme Burger King (USA) là
fait récemment en fusionnant avec Tim
Horton (Canada). (6)
Comment faire reculer l’État des riches
Tous les pays où
les gouvernements taxent et imposent
lourdement les financiers et les hauts
salariés (43 % d’imposition aux É.-U.)
imposent tout autant des mesures
d’austérité.
Ces mesures gouvernementales d’austérité
ne visent pas à rétablir l’équilibre
budgétaire et à rembourser la dette
souveraine comme le laisse croire le
maelstrom médiatique dominant, mais
à rétablir les profits des dominants.
Une fois compris ce principe que «
l’austérité » est la réponse capitaliste
à la crise systémique qui ébranle
l’économie impérialiste, la question se
pose à savoir si travailleurs et
travailleuses peuvent contrer ces
politiques de restriction, et comment
faire reculer l’État des riches ?
Peut-on faire
reculer l’État en défilant devant les
édifices du gouvernement ? Peut-on faire
reculer l’État en le menaçant de notre
unité étudiante, citoyenne, chômeuse,
féministe et syndicaliste construisant
notre solidarité à déambuler ? Nous ne
le croyons pas. La grève étudiante de
2012 ne fut pas d’abord une marche
incessante à travers Montréal, mais
surtout une grève militante qui a bloqué
de manière étanche de nombreuses
facultés universitaires et plusieurs
Cégeps.
Pour faire reculer
l’État des riches dans ses politiques
d’austérité il faut établir un rapport
de force de classe qui l’amène à en
évaluer le coût économique d’abord et
politique ensuite vis-à-vis le bénéfice
qu’il retire à poursuivre ses attaques
contre les salariés, les étudiants et
les déshérités. À notre avis seule la
grève générale illimitée pourra faire
reculer l’État des financiers.
Robert Bibeau
Éditeur du webmagazine
http://www.les7duquebec.com/
Pour un complément
d’analyse de la crise :
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
(1) On
coupe dans les régimes de retraite pour
maintenir les profits ! Groupe
Internationaliste ouvrier. Octobre 2014
http://www.leftcom.org/fr
(2) Voir
Le Devoir du 27/10/14 le résumé du
mémoire de la CSN à la commission
parlementaire sur la fiscalité
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/422152/commission-d-examen-sur-la-fiscalite-quebecoise-un-plaidoyer-pour-la-solidarite
(3)
Harper annonce des baisses d'impôt pour
«toutes les familles»
http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/actualite-economique/201410/30/01-4814223-harper-annonce-des-baisses-dimpot-pour-toutes-les-familles.php
(4)
http://www.prologue.ca/654927-157-livre-Adulte/L_economie_toxique.html?&tri=1_asc_2_asc&id1Retour=4&pRetour=03_103&page=1
(5)
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/422152/commission-d-examen-sur-la-fiscalite-quebecoise-un-plaidoyer-pour-la-solidarite
(6)
http://affaires.lapresse.ca/economie/agroalimentaire/201410/30/01-4814278-lunion-de-tim-hortons-et-burger-king-ne-profitera-pas-au-canada-selon-une-etude.php
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