Opinion
L'industrie du syndicalisme d'affaire
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 12 mars 2014
Un « remake »
suppurant
Pourquoi doit-on s’intéresser à la
petite bourgeoisie gauchiste, aux
syndicalistes anarchistes, aux
pseudo-progressistes et aux réformistes
en ces jours de crise économique et de
politiques d’austérité alambiquées?
Tout simplement parce que l’on assiste
dans le mouvement ouvrier à un « remake
» mal ficelé de ce qui s’est passé au
cours des décennies 1970-1980 quand la
crise économique permanente a connu une
recrudescence alarmante comme
aujourd’hui, et s'étendit à un grand
nombre de pays.
En ce temps-là, il y a quarante ans, les
équivalents des présents trotskystes –
maoïstes – anarcho-syndicalistes –
pseudo-communistes – gauchistes
authentiques et altermondialistes
surgirent de toutes parts pour dévoyer
et liquider les mouvements étudiants et
les soulèvements ouvriers afin de les
diriger vers les culs de sacs
réformistes, opportunistes,
nationalistes, sous une phraséologie
caricaturée – mal digérée – péniblement
malaxée, à la sauce pseudo gauche, dont
on recueille aujourd’hui les fruits
pourris (PKP-Péladeau fut de ceux-là).
Effectuons un tour d’horizon actualisé
au Québec, mais chacun peut faire le
même constat dans son pays. Du
SPQ-Libre (sic), quelques
anciens groupies d’Union Bolchevik;
au Bloc Québécois raciste;
en passant par le Parti Québécois
chauvin, dirigé par une
multimillionnaire acoquinée à un
milliardaire – PKP-Péladeau – ex-pseudo
communiste, du PCO (sic);
sans négliger quelques renégats, jeunes
larbins étudiants de la dernière fournée
(2012), empressés de ramasser les
quarante deniers que leur coup fourré
leur a mérité; sans oublier les ex-EN
LUTTE, coalisée dans
Québec Solidaire, agrémenté de
nouvelles recrues socialo-trotskystes,
de sociaux-révisionnistes (PCC
et PCQ) infiltrés. Enfin,
terminant la tournée du poulailler, ces
anciens sont rejoints par tous les
anarcho-syndicalistes gauchistes
défroqués, en mission de liquidation des
mouvements étudiant et ouvrier.
Bref, qui veut contribuer sincèrement au
mouvement gréviste étudiant et aux
soulèvements ouvriers présents doit se
préoccuper du passé de ces agitateurs
«gauchistes» à gogo et de ces pseudo
syndicalistes combatifs qui surgissent
en couche, tels des champignons
vénéneux, afin que nous les empêchions
de recommencer aujourd’hui ce qu’ils ont
perpétré dans le passé.
L’industrie du
syndicalisme corporatiste en quelques
chiffres
Au Québec, on dénombre 3,6 millions de
salariés. De ce nombre 1,3 millions (36
%) sont syndiqués (dont 807 000 sont des
employés de l’État). Ces clients
cotisants sont répartis dans 10 000
unités accréditées, affiliées aux
bannières FTQ, CSN, CSQ, CSD, SFPQ,
SPGQ, FIIQ, APTS, FIC, FAC, FAE, UPA.
L’effectif, anciennement de 49 % des
salariés (1992), est en lente descente
désespérante pour les agents de vente de
cartes de membres. C’est que les grandes
compagnies capitalistes monopolistes
réduisent leurs effectifs alors que les
nouveaux emplois créés – les 250 000
emplois promis par le Parti Libéral –
sont pour la plupart des «jobs» à temps
partiel – temporaires – précaires – mal
rémunérés et non syndiqués.
L’industrie du syndicalisme c’est aussi
le Fonds d’Action
capitaliste de la bannière CSN (1
milliard de dollars de capitaux
d’investissements à haut risque)
administrées par d’ex-gauchistes
repentis (sic). C’est également le
Fonds de «solidarité»
impérialiste de la FTQ, administrée par
des hommes d’affaires, hier en
salopette, et aujourd’hui vautrés sur le
luxueux bateau privé d’un mafieux avéré.
Le Fonds «solidaire» cumule plus de 9
milliards de capitaux administrés par
une nouvelle génération de syndicalistes
d’affaires, des capitalistes-prolétaires
(sic) qui s’échangent les conseils
d’administration avec des PDG
d’entreprises manœuvrant dans les
paradis fiscaux.
Au Québec, l’industrie du syndicalisme
d’affaires ce sont 10 000 employés bien
payés. Des emplois permanents,
sécuritaires, agrémentés de régimes de
retraite blindés (tant que la crise
systémique de l’impérialisme n’aura pas
emporté leurs portefeuilles d’actions).
L’industrie du syndicalisme de
collaboration de classe affichée et de
«syndicats de combat» masqués, c’est
plusieurs centaines de millions de
dollars de chiffres d’affaires annuels
(budgets de fonctionnement, fonds de
grève, et crédits de défense
professionnelle). Le taux de la taxe
syndicale est en hausse depuis des
années, voguant entre 2 % et 4 % du
salaire régulier d’un employé syndiqué
sans sécurité d’emploi.
L’industrie du syndicalisme de «combat»
(sic) et du syndicalisme de
collaboration de classe, ce sont des
milliers d’emplois garantis en ce sens
qu’une usine de cotisants payants peut
bien fermer – des milliers d’emplois de
postiers et de facteurs peuvent bien
disparaitre – le nombre de permanents
syndicaux reste constant, protégés par
de solides conventions collectives
militantes (sic), protégeant les
combattants permanents, au chaud dans
leur bureau d’entreprise de service
spécialisé dans la vente de la force de
travail aliénée et dévaluée. Suite aux
baisses d’effectifs, et malgré le
maraudage intersyndical intensif, la
cotisation des syndiqués est augmentée
régulièrement afin d’assurer les revenus
de la bureaucratie «militante»
nationaliste et chauvine.
Vous aurez compris que la guerre
commerciale fait rage entre les
bannières d’affaires (centrales
syndicales) pour ramasser le maximum de
clients cotisants afin de grossir les
revenus du monopole syndical en
maraudage. Le salarié syndiqué est
considéré comme le client consommateur
d’un service de vente de sa force de
travail au plus exploiteur. Un peu comme
ces agences de placement qui dénichent
un emploi aux immigrants puis ramasse en
prestation un pourcentage du salaire
hebdomadaire de l’esclave salarié.
L’univers syndical d’affaires est le
royaume des avocats et des juges
d’arbitrage. Chaque année, les syndicats
bourgeois au Canada déposent entre 1500
et 2500 griefs collectifs générant
autant de décisions
arbitraires-arbitrales, habituellement
favorables à l’employeur capitaliste,
car demain l’arbitre décideur sera
embauché par l’État employeur ou par une
grande corporation monopoliste en
conflit avec ses ouvriers. Conséquences
de ces mascarades juridiques, les
bureaucrates syndicaux pleurnichent puis
retournent déposer un autre grief,
apaisant les manifestants, leur
expliquant que l’on ne peut faire
autrement que d’attendre le prochain
jugement.
Dans les années 1970-80, les bannières
syndicales ont même imaginé des comités
d’action politique (CAP) où les
syndiqués agités – populistes –
gauchistes – anarcho-syndicalistes
pouvaient s’amuser à jouer aux
révolutionnaires enjoués et publier des
manifestes nationalistes, corporatistes,
anarcho-syndicalistes et réformistes.
Comme dit le capo di capi : «Ton ami,
tiens-le près de toi, ton ennemi, encore
plus près».
Syndicats d’affaire
intégrés à l’État policier
L’appareil syndical ayant été totalement
intégré à l’appareil d’État capitaliste
est devenu une phalange de l’État
policier. Ainsi, dans plusieurs pays
impérialistes, les cotisations
syndicales sont déductibles d’impôts –
une chaîne dorée attachée par l’État des
riches aux pieds de ses collaborateurs
syndicaux zélés. L’État employeur
garantit la cueillette et la gestion des
cotisations au bénéfice des
syndicalistes affairés (Formule Rand).
Une loi anti briseurs de grève assure
que cadres et «jaunes» pourront
poursuivre les opérations et qu’un grief
sera déposé et réglé en arbitrage deux
années après que la grève aura été
liquidée. Le privilège du placement
syndical dans l’industrie de la
construction est une autre chaîne dorée
qui a transformé les bureaucrates
syndicaux investisseurs-spéculateurs en
gérants du placement pour les
capitalistes de la construction. Après
avoir reçu mission de transformer
l’argent des petits épargnants en
capital à haut risque, l’État concède
aux hommes d’affaires syndicaux (et aux
Rambos) l’attribution des emplois
d’exploités sur les chantiers. Un peu
comme dans les camps de concentration où
les Kapos avaient le privilège d’adjuger
les rations aux collabos et les coups de
bâton aux résistants.
Les collabos syndicaux sont consultés
avant de lancer une grande offensive
anti-salariés, usuellement avant que le
gouvernement ne dépose un budget au
parlement des riches. Quand il fut
question d’accentuer l’attaque
gouvernementale contre les ouvriers, de
hausser les impôts du peuple et de
réduire les services publics, afin de
récupérer le maximum de taxes des
salariés et de transférer le plus de
crédits d’impôts et de capitaux aux
actionnaires des entreprises
multimilliardaires, les gouvernements
canadien et québécois ont réuni les
bureaucrates syndicaux d’affaires et de
«combats» afin de coordonner leurs
menées anti-ouvrières. À chacun son
emploi, l’État mène la charge et la
bannière syndicale liquide la résistance
en expliquant que les membres ne
souhaitent pas se défendre et que le
bureaucrate ne peut les forcer à
sauvegarder leurs deniers.
Retenez bien cette comptine, vous
reconnaitrez toujours un syndicaliste
d’affaire par cette calomnie grossière –
«Le bureaucrate voudrait se battre, mais
les syndiqués ne veulent pas sauver leur
gagne-pain». La réalité, c’est qu’après
quarante années de trahison syndicale de
«gauche» comme de droite, l’ouvrier
salarié, ne souhaite plus gaspiller son
énergie et amorcer une grève qui sera
liquidée par l’homme d’affaires syndical
ou par un énergumène gauchisant
éructant, comme ils ont tenté de le
faire avec la grève des étudiants en
2012 (mais ils ont échoué en 2012 et
l’État québécois s’est juré que ça ne se
reproduira pas).
L’État bourgeois a totalement dévoyé
l’appareil bureaucratique syndical –
même la portion psalmodiant des
cantiques gauchistes
social-démocrate-réformistes –. L’État a
réussi à faire du syndicalisme un
appendice de la machine étatique dans la
gestion de la force ouvrière à opprimer
et à réprimer. La crise économique
permanente, s’approfondissant
soudainement, l’État des riches exige
que l’appareil collaboratif syndical
s’adapte à la nouvelle conjoncture
économique et à la nouvelle donne
politique et que les syndicalistes de
droite comme de gauche transforment
leurs activités de gestion des
privilèges (les chaînes dorées) en
liquidation des révoltes et en
répression des insurrections.
C’est la raison pour laquelle aux
États-Unis tant d’ouvriers refusent de
se syndiquer préférant économiser la
taxe syndicale puisque de toute manière
ils ne recevront aucun soutien dans leur
lutte de résistance sur le front
économique de leur lutte de classe (11,3
% de syndicalisation des salariés aux
É.-U.).
Que faire?
C’est la raison pour laquelle vous voyez
surgir des agitateurs-liquidateurs
gauchistes, en train de s’émoustiller
comme en 1970, de se pavaner, de tenir
des séances de «formation» d’auxiliaires
d’hommes d’affaires syndicaux, de vendre
des cartes de payeurs de taxes
syndicales et de proposer de transformer
le rafiot syndical en perdition en
paquebot du combat réformiste pour
quémander des réformes du capitalisme
afin de sauvegarder ce système
moribond.
Que nenni camarades, la crise est
systémique, et elle est là pour demeurer
et s’approfondir, en pire, et les
ouvriers sont déjà désignés pour payer
et se sacrifier même si le rafiot
capitaliste ne peut être réchappé. Le
capitalisme fonctionne selon des lois
obligées – incontournables – qui ne
peuvent être transgressées – c’est la
raison pour laquelle aucun économiste
bourgeois ignare ne parvient à redresser
la barre et à en modifier la destinée.
Une large portion de la population le
sait déjà, mais elle reste coite.
Pour que les ouvriers s’acquittent de
leur mission historique ils devront
écarter cet enfarge qui les entraves,
c’est-à-dire les syndicalistes
d’affaires et leurs collaborateurs
anarcho-syndicalistes et gauchistes
réformistes. Le militant sincère est
invité à œuvrer dans les syndicats à la
base, avec les plus humbles, les plus
démunis, les plus meurtris, vaillamment,
courageusement, patiemment. Le temps
venu il faudra renverser cet appendice
syndical capitaliste en même temps que
son maître, l’État policier. Ce temps
n’est pas encore venu.
Pour information
: http://les7duquebec.org/
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