Opinion
La crise économique de l'impérialisme
d'après la théorie marxiste
Robert Bibeau
Mercredi 10 décembre 2014
Nous avons produit ce document d’analyse
économique de la crise systémique du
capitalisme d’après les préceptes de
Lénine et de Rosa Luxemburg
suite au débat que nous avons mené avec
quelques économistes français (1).
Le capitalisme du
début du XXe siècle et le
capitalisme monopoliste (impérialiste)
du début du XXIe siècle sont
presque identiques. Le capitalisme
moderne répond aux mêmes stimuli
économiques; vise le même objectif de
reproduction élargie du capital (C);
utilise les mêmes vecteurs de
valorisation de la plus-value (pl); et
d’accumulation du profit qu’à l’époque
de Karl Marx (Das Capital); la
financiarisation globalisée et
mondialisée en moins (2). Ces
derniers développements correspondant à
ce que Lénine et Rosa
Luxemburg ont caractérisé comme
l’étape impérialiste
du développement capitaliste suprême,
ultime et décadent (3). Nous
présenterons dans la suite de cet
document les concepts modernes de
financiarisation, globalisation,
mondialisation et inter-nationalisation
de l’économie d’après la théorie
marxiste de l’économie politique.
L’étape présente de la lutte
révolutionnaire
Quelle est l’étape
urgente des activités de la gauche
révolutionnaire dans le mouvement
ouvrier contemporain ? Ce n’est pas de
structurer les ouvriers dans des
mouvements de résistance à la crise
systémique du capitalisme. Ce n’est pas
non plus de les rassembler dans des
bataillons de combat pour monter aux
barricades insurrectionnelles. Ce n’est
pas davantage de les mobiliser pour les
luttes grévistes – bien que la lutte
gréviste soit à l’ordre du jour partout
dans le monde capitaliste. Dans
plusieurs pays d’Europe la coupe est
pleine et les ouvriers excédés sortent
en grèves « sauvages » comme disent les
patrons. En Amérique latine et en Chine,
on assiste au même phénomène de grève
spontanée. En Afrique et au Moyen-Orient
des guerres inter-impérialistes – par
sous-fifres interposés – font
s’entretuer des travailleurs et des
paysans d’un même pays et d’une même
contrée, dans une immense fourberie
ethnique, religieuse, nationaliste,
impérialiste et barbare. Au Canada, les
courroies de transmission syndicales
désorientent les luttes grévistes des
travailleurs pour les diriger vers les
tribunaux bourgeois alambiqués.
Après la déchéance
du mouvement communiste international;
après la dislocation de la IIIe
Internationale et la débandade du
mouvement ouvrier mondial, l’étape
présente, sur la voie révolutionnaire,
celle qui confronte tout militant
marxiste, est de clarifier les principes
théoriques qui permettront d’analyser
concrètement le monde présent dans son
ensemble et dans ses éléments
constituants. L’analyse doit d’abord
porter sur les aspects économiques,
industriels, commerciaux, financiers, et
par la suite porter sur les facteurs
politiques, idéologiques et
sociologiques, afin de comprendre
comment le monde impérialiste évolue –
se reproduit – selon les concepts
scientifiques marxistes appliqués à la
réalité
contemporaine. Vers où se dirige
le monde capitaliste en crise
systémique, ce système qui n’en finit
plus de tituber sans tomber ? Quels sont
les principes (les contradictions) et
les vecteurs (les classes sociales) qui
font se mouvoir ce bateau ivre qui
s’empêtre et dégénère sans s’effondrer
définitivement… pour l’instant ?
C’est à cet
exercice d’analyse scientifique marxiste
des réalités de la crise économique
systémique de l’impérialisme que nous
vous convions. Chacun doit comprendre
que cet exposé participe au combat sur
le front idéologique de la lutte de
classe. Cet exposé vise à clarifier les
concepts – les idées – dissimulés
derrière les argumentations militantes
faussement résistantes de la gauche
bourgeoise décadente. Cette gauche
bourgeoise qui se propose encore une
fois de désorienter la classe ouvrière
dans son combat, ce que les marxistes
doivent empêcher à tout prix.
L’étape présente de développement du
mouvement révolutionnaire est
marquée par la nécessité de reprendre
les thèses scientifiques marxistes et de
les opposer aux thèses anarchistes,
révisionnistes, opportunistes,
maoïstes et réformistes qui s’épandent
parmi la classe ouvrière mondiale et la
désoriente de sa mission révolutionnaire
qui réclame le renversement total du
capitalisme et l’édification d’une
société nouvelle, socialiste, puis
communiste, encore inconnue.
Capitalisme et impérialisme
Commençons par
clarifier les concepts de
capitalisme et d’impérialisme,
les idées les plus galvaudées par une
certaine gauche pédante et ignorante.
L’impérialisme n’est pas la solution
que les capitalistes ont imaginé pour
sauver le capitalisme de brocante.
L’impérialisme ce n’est pas la
volonté d’ingérence des grandes
puissances
contre les pays indigents.
L’impérialisme ce n’est pas une
superpuissance politique, idéologique et
militaire dirigeant une cohorte de pays
économiquement puissants
cherchant à imposer leur
hégémonie sur divers pays indigents, «
indépendants » et soi-disant «
résistants ».
L’impérialisme n’est pas l’antithèse
du nationalisme patriotique bourgeois.
L’impérialisme ce n’est pas le
Premier monde d’une trilogie
rocambolesque opposant les grands aux
moyens et aux petits pays en sursis
(sic). Tout cela ce sont les
formulations de Kautsky un politicien
bourgeois, social-démocrate allemand, du
siècle précédent. Tout ceci n’est que
l’apparence dissimulant l’évidence. Ces
thèses ne sont que fumisteries derrière
lesquelles se dissimulent l’opportunisme
et le réformisme de la droite comme de
la gauche bourgeoise.
L’impérialisme c’est le mode de
production et les rapports de production
capitalistes
rendus à leur stade ultime de
développement, au moment où le système
économico-politique ne parvient plus à
résoudre ses contradictions internes.
Ces contradictions qui anciennement
mettaient les forces sociales en action
pour les résoudre et de ce fait
entraînait la croissance du capital et
le développement de la société
capitaliste. Aujourd’hui, les
contradictions, et les classes sociales
chargées de les résoudre, paralysent
plutôt le système économique et
détruisent les forces productives et les
marchandises en surproduction relative.
Ainsi, quand la
société féodale attachait le paysan
à la terre aux rendements déclinants,
l’empêchant de migrer vers la ville pour
s’employer comme salarié dans les
manufactures émergentes, Marx
disait que la contradiction du mode de
production féodale, c’est-à-dire
l’opposition entre la classe des
seigneurs propriétaires de la terre et
la classe des serfs enchaînés à la
terre, devait être résolue par la
libération des forces productives du
servage afin qu’elles se transforment en
classe ouvrière salariée et
industrielle, ne possédant en propre que
leur force de travail sur le marché de
la libre concurrence capitaliste. Cette
contradiction antagoniste au sein du
féodalisme a été résolue à travers la
révolution bourgeoise industrielle qui
transforma le monde en transformant le
mode de production. Depuis, ce nouveau
mode de production capitaliste s’appuie
sur ses propres contradictions motrices
et ses propres classes antagonistes, la
bourgeoisie capitaliste et le
prolétariat salarié.
Le
capitalisme marqua d’abord une
avancée pour l’humanité. Il permit de
démultiplier les forces productives et
les marchandises à commercialiser à
travers une exploitation intensive d’une
portion de l’humanité (les ouvriers)
résidante aussi bien en pays
capitalistes avancés qu’en pays
capitalistes arriérés. La différence
entre ces deux catégories n’est pas une
différence structurelle, mais une
différence superficielle. Cette
différence est le fruit de la division
internationale du travail et de la
production, et donc de l’accaparement
différencié de la plus-value et du
capital privé et étatique bourgeois.
C’est ce que Rosa Luxemburg,
comme Lénine, appelleront le
développement inégal, combiné et par
bond du capitalisme dans divers
pays, hier tous capitalistes et
aujourd’hui tous impérialistes.
Le monde actuel
n’est pas divisé en un triptyque de «
Trois mondes capitalistes »
de plus ou moins grandes dangerosités
(sic). Le monde capitaliste contemporain
est regroupé sous un seul mode de
production hégémonique alors que
quelques reliquats épars du mode de
production féodal sont toujours en cours
d’intégration systémique (Afghanistan,
Bhoutan, Népal, Mauritanie, Mali, Centre
Afrique, etc.) Le monde
capitaliste-impérialiste est divisé en
deux immenses forces, la classe
capitaliste monopoliste hégémonique
mondiale, et la classe ouvrière
internationale révolutionnaire, qui pour
le moment accumule ses forces afin
d’ébranler et, nous l’espérons,
renverser l’Ancien Monde.
L’impérialisme c’est le mode de
production capitaliste à son stade
suprême et décadent d’évolution. Un
système de production
globalisé,
internationalisé, intégrant la
totalité des moyens de production
existants, des transactions
commerciales, des tractations
diplomatiques, des échanges
internationaux; la totalité des
alliances et des affrontements se
développant sur la Terre tout entière.
L’État d’Haïti fait partie
intégrante de l’ensemble impérialiste
mondialisé et globalisé. L’État
impérialiste haïtien a la particularité
d’être pauvre, de jouer un rôle modeste
et spécifique dans l’ensemble
impérialiste mondial. Il est le
fournisseur de main-d’œuvre peu
qualifiée et bon marché des
multinationales du sucre établies en
République dominicaine ainsi que de
quelques manufactures de vêtement
installées à Port-au-Prince. Le reste de
la population d’Haïti est considéré
comme un « avatar » par l’impérialisme
mondial qui lui accorde bien peu
d’importance. Cette population peut
mourir, disparaître sous les décombres,
s’entretuer, l’impérialisme
international n’en a cure. Il en est de
même pour les populations du Libéria,
du Sierra Léone et de la
Guinée soumises aux affres de
l’épidémie d’Ebola. L’approvisionnement
en
travailleurs miniers guinéens
compétent préoccupe Rio-Tinto-Alcan,
entreprise multinationale australienne,
britannique et canadienne. Le reste de
la population,
qui ne laisse pratiquement aucune
empreinte économique dans le paysage
impérialiste mondial, ne préoccupe
nullement ce géant. Nous pourrions
reprendre cette démonstration pour
chacun des petits pays intégrés au
mode de production capitaliste-impérialiste
et pour ceux pas encore totalement
intégré comme l’Afghanistan, hier
objet de toutes les attentions et
aujourd’hui retourné à l’âge de pierre
et à l’oubli depuis que les
États-Unis et l’OTAN y ont
stoppé les avancés de l’impérialisme
russo-chinois.
Imbroglio théorique à propos de
l’impérialisme
La gauche
bourgeoise conteste la conception de
l’impérialisme global et mondial que
nous venons de présenter et soutien
plutôt que les
pays émergent tels le BRICS (Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud),
divers pays de l’Amérique Latine (MERCOSUR
et Alliance bolivarienne) et
certains pays d’Asie (Corée du Sud,
Taïwan, Indonésie) se seraient
développés par eux-mêmes en tant que
puissances capitalistes ne s’appuyant
que sur leur propre capital national, ce
qui leur donnerait une certaine «
indépendance nationale » vis-à-vis ce
qu’ils appellent les puissances
impérialistes occidentales. Ces
supputations réformistes et
opportunistes ne tiennent pas la route
et ne reposent sur aucune donnée
validée. Le dernier pays isolé qui est
parvenu à construire seul son
infrastructure industrielle lourde et
légère (secteur 1 et 2 selon Marx) fut
l’Union des Républiques Socialistes
Soviétiques (1921-1939). En 1939, cette
nouvelle puissance capitaliste terminait
son intégration dans le monde
impérialiste mondialisée et globalisée,
d’abord dans l’alliance
germano-soviétique, puis, en 1941, au
sein du consortium américano-soviétique
qui s’est partagé le monde de
l’après-guerre. Le petit prolétariat
russe de 1917 (7 millions d’individus),
faible, peu expérimenté, et largement
minoritaire parmi les masses paysannes
arriérées (35 à 50 millions
d’individus), illettrées, miséreuses
et paupérisées, ne pouvait
construire seul la société
post-industrielle socialiste de
l’abondance en sautant par-dessus
l’étape du capitalisme industriel et
sans le soutien du prolétariat du monde
entier. Le reste du prolétariat mondial
avait lui aussi une marche historique à
compléter avant de faire germer de ses
mains laborieuses la nouvelle société
socialiste post-capitaliste.
Depuis l’époque
soviétique aucun pays, y compris la
Chine paysanne, semi-féodale,
nationaliste, puis impérialiste, n’est
parvenu à s’ériger en puissance
capitaliste indépendante hors de
l’ensemble impérialiste globalisé et
mondialisé. Depuis l’URSS, tous les pays
qui se sont industrialisés l’ont fait
sous la gouverne des entreprises privées
capitalistes occidentales en
collaboration avec la bourgeoisie et les
compagnies privées ou semi-étatiques de
ces pays « émergents » (sic).
Ce n’est pas le
statut de privé, public, semi-étatique,
ou de consortium à propriété partagé qui
détermine le
statut capitaliste ou socialiste d’une
entreprise. Pour qu’une entreprise
soit socialiste, elle doit se développer
dans une société totalement socialiste,
c’est-à-dire vivant, sous la dictature
du prolétariat. Une société ne peut être
mixte, une entreprise ne peut être à
propriété mixte capitaliste et
socialiste. Cela est impossible. Les
deux modes de production capitaliste et
socialiste (puis communiste) ne peuvent
absolument pas coexister pacifiquement
et encore moins sur un territoire
national bourgeois. En 1917 et en 1949,
les tentatives de construire le
socialisme dans un seul pays isolé était
voué à l’échec et le resteront à jamais.
Les pays capitalistes émergents
Le concept de pays
capitalistes émergents doit être
compris comme une mesure de la
progression d’un pays
capitalisme-impérialiste par rapport à
d’autres pays capitalistes-impérialistes
plus avancés et aussi par rapport à
d’autres pays capitalistes-impérialistes
indigents, moins performants,
bénéficiant de moins de capitaux et de
moins de ressources naturelles. Quoique
cette dernière variable soit de faible
valeur explicative comme le prouvent le
développement de villes États comme
Singapour, Monaco, Hong-Kong et Macao,
etc.
La « révolution altermondialiste »
Face à la crise
systémique de l’ensemble du mode de
production impérialiste qui secoue tous
les continents, les courants de la
gauche bourgeoise
sont unanimes et ils déclament
qu’un Nouveau Monde est possible (sic).
À l’exemple de Warren Buffet le
multimilliardaire, ils réclament une
plus juste répartition des revenus entre
les riches, dont les 1% accapare presque
20% du patrimoine mondial, alors que les
99% restants se partagent le 80%
résiduel. Pire, quelques milliards
d’individus subsistent dans une immense
pauvreté, sans eau potable, et avec
moins de 2 dollars par jour pour se
nourrir et se vêtir. Nous connaissons
toutes ces calamités issues de
l’impérialisme débridé. La question qui
nous confronte n’est pas de reconnaître
cette réalité souffrante, mais de la
transformer, de la changer radicalement…
Mais comment ?
La go-gauche
radical s’aventure à quémander des
augmentations de salaire pour tous les
salariés. Différentes tactiques sont
présentées pour redistribuer l’argent et
hausser le salaire minimum (SMIC). Ou
alors pour augmenter les prestations
d’assistance sociale et d’assurance
chômage. On propose de réduire les
tarifs des services publics. On suggère
de hausser les impôts des riches et
d’enrayer l’évasion fiscale. Évidemment,
ces pseudo « solutions » ne concernent
que les pays occidentaux, puisque dans
les pays du tiers-monde ces prestations
et ces services ne sont même pas
disponibles pour l’immense majorité…
Comment hausser un salaire minimum qui
n’existe pas et alors que 50% des
travailleurs sont sans emploi ? Comment
hausser des prestations d’aide sociale
inexistantes ? Misérables bobos
altermondialistes, petits-bourgeois
gauchisants et décadents.
Enfin, quelques
économistes aussi «progressistes» que le
nobélisé Joseph Stiglitz
ex-conseiller du Président américain
Bill Clinton, et l’altruiste
Thomas Piketty, à la remorque du
millionnaire John Maynard
Keynes attestent qu’il y a va de la
survie du capitalisme et qu’il faut
augmenter les revenus des salariés pour
relancer la consommation (4). On en
vient à ne plus rien comprendre. Pensez
donc, l’économie impérialiste s’écroule,
les thuriféraires universitaires et les
Nobels d’économie biens pensants ont
trouvé la solution (augmenter les
revenus des consommateurs afin de
relancer la demande) et les magnats de
la finance, les capitaines d’industrie,
les larbins politiciens n’écoutent rien
et refusent d’appliquer le remède qui
pourrait sauver tout leurs biens.
Comment expliqué une telle contradiction
entre la raison et les centres de
décision ? C’est que la « solution » des
sommités de l’économie est bidon et les
pontifes de l’économie politique
capitaliste ronronnent pendant que la
gauche bourgeoise s’époumone.
La semaine
prochaine : Le travail salarié et la loi
de la valeur
POUR UN COMPLÉMENT
D’ANALYSE POLITIQUE-ÉCONOMIQUE »»»
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
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