Les 7 du Québec
La pauvreté des riches
Robert Bibeau

Mercredi 8 février 2017
http://www.les7duquebec.com/...
OXFAM s’indigne.
À
l’occasion du sommet de Davos, un
fleuron de l’industrie de l’ONG
subventionnée a publié les résultats de
son étude annuelle sur la concentration
de la richesse dans le monde. OXFAM est
outrée d’annoncer que les 8 personnes
les plus riches du monde cumulent à
elles seules une fortune de presque 500
milliards de dollars US, autant que le
patrimoine des 50 % les plus pauvres de
la planète. Huit personnes possèdent
autant de « valeurs » que 3,5 milliards
d’individus (1). Une seconde version du
rapport indique que « La richesse de
ces 62 individus, dont 53 hommes, a
augmenté de 44% depuis 2010, alors que
celle des 3,5 milliards de personnes les
plus pauvres chutait de 41%, précise
Oxfam dans cette étude publiée à deux
jours de l’ouverture du Forum économique
mondial de Davos. Le rapport sur les
inégalités d’Oxfam révèle que le
patrimoine cumulé des 1% les plus riches
du monde dépasse désormais celui des 99%
restants » (2) .
La
petite bourgeoisie, crevant d’envie,
pousse des cris d’orfraie, relayées par
la presse « people », la presse de
formatage, et par les organisations de
la gauche opportuniste et réformiste.
Comprenez, l’émoi est grand chez les
petits bourgeois en cours de
paupérisation, de voir ces huit (ou 62
?) ploutocrates parmi un clan de 1810
milliardaires (cumulant un patrimoine de
6 480 milliards de dollars US), s’en
mettre plein les poches tandis que les
bobos s’appauvrissent… quelle
«injustice » (3). OXFAM s’émeut, et
aboie, comme chaque fois, pour que
« l’on » construise une « économie
capitaliste plus humaine » et plus
« équitable » (sic).
Ce
raffut médiatique soulève plusieurs
questions que voici
1)
Quel fut le succès de cette complainte
compassée dans les années passées ?
Il
faut convenir que d’année en année la
complainte d’OXFAM connait un grand
succès médiatique, mais absolument
aucune suite pratique, si ce n’est que
l’année suivante les chiffres de la
concentration de la richesse au sommet
de la pyramide sociale augmentent. Ce
qui nous amène à nous demander quel est
le motif du pèlerinage annuel d’OXFAM à
Davos ? Obtenir une augmentation de ses
subventions pour service rendu ???
2)
Qui est, ce « on » qui devrait
construire une économie plus humaine… et
que serait une économie « plus
humaine » ? 3) Quel pouvoir
avons-nous de transformer le mode de
production capitaliste pour le rendre
« plus humain » et plus « équitable » ?
Les
questions deux et trois éclaircissent
l’énigme que nous avons soulevé à propos
des services rendus par l’ONG
stipendiée. Cette ONG de gestion de la
charité a pour mission de mystifier les
problématiques économiques et de diriger
la colère populaire jusqu’à quémander
à l’État des riches, responsable de ces
calamités, de daigner jeter un regard
compassé sur les déshérités. Après
des années de futiles sanglots éplorés,
la farce n’a-t-elle pas trop duré ? Le
pouvoir de l’État, le pouvoir du capital
et même le pouvoir du prolétariat sont
impuissants à réformer le mode de
production capitaliste moribond. Il
faudra bien un jour que les ouvriers en
conviennent et remplissent leur mission
historique qui est de créer un nouveau
mode de production sans les riches (4).
4)
Pourquoi ce « on » n’a-t-il rien fait
contre cette « injustice » qui ne fait
qu’empirer chaque année ?
Nous
avons répondu à la quatrième question
dans le paragraphe précédent. Le « On »
dont parle le communiqué d’OXFAM, que ce
soient l’État, les capitalistes
transnationaux sans pays ni patrie, ou
les citoyens engagés ne peuvent rien
contre les lois impératives du mode de
production capitaliste qui provoque
l’accumulation du capital par le capital.
Dans leur sagesse populaire, les anciens
disaient « l’argent appelle
l’argent ». Ainsi, le rapport
d’OXFAM constate qu’« ensemble,
les dix plus grosses corporations du
monde ont des revenus plus importants
que les revenus gouvernementaux de 180
pays combinés » et d’année en
année ça ne fait qu’empirer. C’est ce
qui caractérise le mieux la phase
impérialiste du mode de production
capitaliste. Ce ne sont plus les États,
mais les conglomérats transnationaux qui
administrent les finances de la planète
mondialisée. Et l’an prochain ce sera
pire, mais moins que l’année suivante.
Et si ces puissants, pleins d’argents,
ne parviennent pas à réguler le
développement économique catastrophique,
comment les ONG ou l’État des riches y
parviendraient-ils ?
5)
En quoi le modèle économique actuel,
dont les potentats se réunissent à Davos
chaque année, n’est-il pas « humain » ?
Ce
mode de production capitaliste est aussi
humain que les humains qui le régissent
et en assurent la pérennité. Madame
Bettencourt est une personne humaine
tout comme monsieur Bill Gates. Les
rapports de production sociaux issus de
ce mode de production façonnent
« l’humain » comme vous pouvez
l’observer dans votre entourage et à la
télé, dans les médias « people » et de
« formatage » de l’opinion. Si cette
humanité ne vous plait pas à vous d’en
changer, en détruisant l’ancien mode de
production et en construisant un nouveau
qui cette fois produira un nouvel
« humain », plus « humain » (5) !
6)
Ces milliers de milliards de dollars de
richesse comptabilisés par OXFAM
sont-ils réellement « la richesse de
l’humanité » ?
Il
faut convenir que ces milliers de
milliards de dollars de richesse
comptabilisés chaque année par l’ONG ne
sont pas « la richesse de l’humanité ».
Selon les rapports de production issus
et régissant le mode de production
capitaliste, ces milliards de dollars
sont la propriété privée de ceux qui en
ont hérité (en 2015, 2,1 trillons de
dollars ont été légués en héritage par
les plus grandes fortunes) ; ou qui les
ont fait « fructifier » spéculativement
sur les marchés boursiers avec de la
monnaie empruntée ; ou encore, ces
milliards USD appartiennent à ceux qui
les ont spoliés à l’ouvrier salarié,
unique source de valeur sous ce mode de
production moribond.
7)
Cette richesse – cette monnaie –
existe-t-elle vraiment ou n’est-elle
qu’une illusion ?
La
septième question est la plus
intéressante puisqu’elle nous amène aux
véritables enjeux des luttes de classes
qui opposent le grand capital, la
bourgeoisie moyenne et petite et le
prolétariat, les acteurs sociaux qui
s’affrontent au milieu de cette
conjoncture économique désastreuse.
Notons pour commencer qu’entre 2015 et
2016 le nombre de milliardaires a
diminué de 1 826 à 1 810 et leur
richesse globale a régressé de 571
milliards de dollars US. Bill Gates, le
richissime entre tous, a perdu 4,2
milliards de dollars de « valeurs » en
2016. C’est peu comparé à 2008 ou
l’«évaporation» des « capitaux titriser
et toxiques » a été, selon les
estimations d’environ 1 000 à 2 000
milliards de dollars US (6). Ce qui a
« nécessité », en 2015, sous le règne d’Obama
le héros des Bobo, un don de charité de
14 mille milliards de dollars des
deniers publics américains aux
« pauvres » de Wall Street (7).
Essentiellement de la dette souveraine –
car il y a longtemps que le budget
fédéral américain ne dégage plus aucun
surplus pour engraisser les requins de
la finance. C’est donc des milliards de
monnaies-crédit que la FED a essaimé sur
les parquets boursiers. Ce qui nous
amène à demander, mais d’où vient cette
richesse qu’accumulent ainsi ces
capitalistes milliardaires et les
multimillionnaires (8) ?
La
vraie monnaie et la fausse « richesse ».
Qu’elle est la nature de cette richesse,
de cette « valeur », qui peut surgir en
quantité une journée et « s’évaporer »
le lendemain sans laisser de traces
autres que la pauvreté et la misère des
milliers de salariées saquer ? Comment
expliquer qu’en pleine période de
récession économique où la production
industrielle stagne ou périclite, il y
ait tant d’argent à « concentrer » dans
les mains des ploutocrates financiers et
les banquiers ? D’où vient cette
supposée « richesse » que ces
multimilliardaires accumulent et qui
n’est pas valorisée ?
Le
cycle de rotation du capital fonctionne
ainsi : A) l’argent – stocké à
la banque ou en circulation sur les
marchés – doit obligatoirement
représenter le capital circulant et
uniquement ce capital (moyens de
production, d’échanges et de
communication). Dans le cas contraire,
l’argent en surplus provoquera
l’inflation ou l’argent manquant
provoquera la déflation (augmentation de
la valeur de la monnaie). B) Lorsqu’il
est à la banque, le capital-argent perd
son temps et sa valeur ! Il doit être
remis en circulation rapidement.
C) En aucun temps le capital argent
ne peut se reproduire par lui-même –
fructifier – et se valoriser – pendant
son transit à la banque ou à la bourse
ou lorsqu’il est exporté (IDF) dans un
pays étranger, où il devra
obligatoirement se transformer en moyens
de production, et plus particulièrement
en force de travail (salarié ou non
salarié) ou en marchandise, si le
capitaliste souhaite le valoriser
(l’enrichir et le faire fructifier).
L’argent appelle l’argent, mais l’argent
ne produit pas d’argent. D) C’est la
plus-value, prélevée à chaque étape de
fabrication-transformation des
marchandises qui augmente la valeur
marchande et entraine la concentration
du capital entre les mains d’un bien
petit essaim de capitalistes de plus en
plus riches. E) Ceci implique que
l’intérêt sur le prêt constitue une
création de monnaie, mais pas une
création de « richesse – de valeur ».
De fait, l’intérêt sur le prêt constitue
une ponction sur la plus-value produite
en usine *. F) D’où il faut conclure que
l’augmentation de « valeur » des actions
cotées en bourse provient soit :
I) d’une ponction réalisée sur la
plus-value produite par le capital
variable – salarié ou non – engagé dans
le secteur productif de l’économie, ce
qui en laisse d’autant moins pour les
autres acteurs capitalistes ; II) de la
monnaie de prêt, un mirage comptable
inflationniste qui tôt ou tard devra
s’ajuster à la réalité de la
productivité stagnante et de la
profitabilité déclinante par un krach
financier d’autant plus marqué que la
bulle spéculative aura gonflé (9).
Il
s’ensuit que nous avons de mauvaises
nouvelles pour Bill Gates et ses
acolytes, ainsi que pour les bobos
envieux, les petits-bourgeois aigris, et
pour l’industrie de l’ONG subventionnée.
Cette soi-disant « richesse » qui
s’accumulerait au sommet de la pyramide
sociale est en large partie illusoire
– éphémère – de la poussière qui
retournera à la poussière, de la monnaie
numérique (scripturale que l’on disait
avant l’invention de
l’informatique), non adossée à des
marchandises (moyens de production, de
commercialisation ou de communication,
immobilisation, ou biens de
consommation) ayant une réelle valeur
d’échange qui pourrait devenir argent à
accumuler pour valoriser.
Ces
ballons boursiers gonflés à l’hélium
spéculatif éclateront à la première
dépression économique. Et comme lors du
krach de 1929 les milliardaires se
retrouveront le cul par terre, leur
fortune envolée en fumée – « évaporés »
disait un banquier en 2008. Mais ce sont
les millions de prolétaires qui se
retrouveront à la rue, sans travail et
sans moyens de subsistance qui nous
désespère. C’est véritablement le modèle
économique capitaliste, responsable de
ces catastrophes financières à
répétition, qu’il faut, non pas réformer
comme le propose OXFAM, la gauche et la
droite bourgeoise (CQFD), mais
éradiquer.
NOTES
*Nous
simplifions en écrivant en usine, la
plus-value peut être produite ailleurs
qu’en usine.
(1)
http://policy-practice.oxfam.org.uk/publications/an-economy-for-the-99-its-time-to-build-a-human-economy-that-benefits-everyone-620170
(2)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs/soixante-deux-personnes-possedent-plus-que-le-reste-du-monde/
(3)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_milliardaires_du_monde_en_2016
(4)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/huit-hommes-plus-riches-que-la-moitie-la-plus-pauvre-de-la-population/
(5)
http://www.liberation.fr/planete/2017/01/17/qui-sont-les-huit-hommes-les-plus-riches-au-monde_1541837
(6)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_subprimes
(7)
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/le-probleme-ce-nest-pas-trump-cest-nous/
(8)
Environ 38 millions de millionnaires
dans le monde en 2014 selon Wikipédia.
« Ce rapport révèle que « la richesse
mondiale privée » c’est-à-dire les
actifs financiers des ménages hors
immobilier – épargne bancaire
(comptes, livrets, etc.), épargne
financière (actions, obligations, etc.)
et assurances-vie – s’est établie à
167 800 milliards de dollars
(147 720 milliards d’euros) en 2015, en
hausse de 5,2 % sur un an. C’est moins
que la hausse enregistrée en 2014 (+
7,5 %). » En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/07/toujours-plus-de-millionnaires-dans-le-monde_4941353_3234.html#7f9ljQX4Zp4szu7e.99
(9)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/les-mysteres-des-valeurs-boursieres/
Le sommaire de Robert Bibeau
Les dernières mises à jour

|