Les 7 du Québec
La "monétarisation" de l'économie
capitaliste
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 7 octobre 2015
http://www.les7duquebec.com/...
La disjonction
Les économistes
bourgeois prétendent que la crise
systémique du capitalisme serait la
conséquence de la « monétarisation de
l’économie« , s’agenouillant ainsi
devant le talisman-argent, inversant la
cause et les effets de leurs tourments.
De fait, la soi-disant « monétarisation
de l’économie » provient de
l’approfondissement de la contradiction
entre le capital constant
(acquisition de moyens de production) et
le capital variable (salaires et
bénéfices marginaux) étant compris que
seuls les investissements en capital
variable génèrent de la plus-value.
Conséquence de cette contradiction, si
les dépenses en capital variable-vivant
(salaires) des entreprises stagnent ou
régressent – le niveau de productivité
demeurant constant – les taux de profits
stagnent ou régressent eux aussi.
Cette contradiction
a entraîné une scission dans le
cycle de circulation du capital,
entre la sphère financière-bancaire-boursière
et la sphère industrielle
(comprenant les transports et certains
services) – productrice de plus-value –
et le secteur commercial (en partie
producteur de plus-value). C’est tout le
circuit de valorisation du capital
global, au cours même de son procès de
reproduction élargie qui a été perturbé.
Le capital
financier (amalgame du capital
industriel, commercial et bancaire) a
réagi à la raréfaction de l’argent en
émettant de la monnaie et en
libéralisant le crédit à l’envie. C’est
ce phénomène d’émission de monnaie de « pacotille »
– puisque ne représentant aucune
nouvelle valeur, ou si vous préférez,
diluant la valeur de chaque dollar – yen
– euro – yuan – par le facteur de sa
surabondance, que les économistes
vulgaires appellent incorrectement la « monétarisation
de l’économie« .
Cette
disjonction entre les sphères de la
circulation-réalisation et la
sphère de la valorisation du capital
a eu pour conséquence que la masse
monétaire en circulation n’a aujourd’hui
plus aucune commune mesure avec la
valeur des marchandises disponibles
ainsi qu’avec la masse de plus-value
produite dans l’économie globale. Dans
la plupart des pays, les capitalistes
financiers sont pourtant parvenus à
restreindre la hausse de l’indice
d’inflation alors que cet indice aurait
dû exploser eu égard à la multiplication
de l’argent circulant.
Cette disjonction,
cette « indépendance de l’argent », qui
était pratique courante dans les
activités financières des banques et à
la bourse, fut politiquement entériné en
1973 par l’abandon des accords de Breton
Woods (1). De connivence, les pays
capitalistes avancés abandonnèrent la
convertibilité or des monnaies et
abandonnèrent le principe de la parité
des monnaies laissant le dollar
hégémonique flotté au gré des courants
spéculatifs boursiers. Les autres
monnaies durent s’arrimer à la devise
américaine et subirent le contrecoup de
ses tribulations boursières. La balance
commerciale américaine commençant à
connaître des déficits homériques, la
FED procéda ensuite à des émissions de
monnaies pour compenser ces pertes. Ce
tour de passe-passe n’offrait aucune
solution à la crise systémique du
capitalisme et allait plutôt
l’approfondir.
Valeurs
boursières et valeurs marchandes des
entreprises
Deux indices
boursiers permettent d’observer cette
disjonction. Dorénavant, sous la phase
impérialiste du mode de production
capitaliste, la valeur d’une entreprise
ne s’établit plus à partir de ses actifs
comme au temps du capitalisme classique,
mais en fonction de ses profits
anticipés. C’est ainsi qu’une société
comme Apple vaut 500
milliards de dollars en bourse,
davantage que la première entreprise
industrielle, la pétrolière chinoise
Sinopec qui a réalisé
un chiffre d’affaires de 446 milliards
de dollars en 2014. Sinopec
emploie 897 000 travailleurs et a
réalisé des profits de 5 milliards de
dollars. La même année, Appel
a réalisé un chiffre d’affaires de
183 milliards (quatre fois moins), elle
employait 97 000 personnes (9 fois
moins) et Appel a réalisé
des profits de 39 milliards de
dollars (2). Si demain l’entreprise
Sinopec était liquidée, son
capital constant (ses moyens de
production et ses inventaires) lui
rapporterait davantage que ce que
rapporterait la liquidation des bureaux
et des ordinateurs de la firme
Apple (qui a largement
externalisé sa production et ses
services). Ceci signifie que la société
Apple se doit
impérativement d’accroître sans cesse
ses profits obligatoirement et
démesurément, accrochée à la flambée de
l’économie globale alors que l’économie
mondiale périclite. Conclusion, quand
les capacités de crédit des clients d’Apple
auront été épuisées, seuls pourront
sauver leur capital les initiés qui
parviendront à liquider leurs actions
avant l’effondrement de sa cote en
bourse, tous les autres se retrouveront
dans la situation des actionnaires de
feu Enron ou Nortel
(3).
Activités
boursières fébriles
Un autre indice
nous est fourni par la masse des actions
qui s’échange à la bourse. Jour
après jour la valeur totale des actifs
qui s’échangent dépasse la valeur totale
de tous les PIB annuels de tous les pays
de la planète (!) Si ces échanges
ne généraient aucune augmentation de la
valeur des actions transigées, et si
aucune commission n’était versée aux
traders, il n’y aurait rien de dangereux
dans ce petit jeu futile et inutile, qui
bien sûr n’aurait pas lieu. Mais ce
n’est pas le cas. Ces échanges
spéculatifs provoquent la hausse factice
de ces « produits » boursiers toxiques.
Pire, ces échanges spéculatifs sont
financés par des emprunts d’argent de
pacotille, de la monnaie de singe
servant à acheter ces actifs toxiques
surévalués – faisant augmenter
frauduleusement les indices et préparant
ainsi le prochain krach boursier où les
petits épargnants (via leur fonds de
pension) et les grands usuriers perdront
leurs derniers deniers jusqu’à ce que
Wall Street s’effondre dans un fracas
infernal (4).
Notez bien que,
contrairement à ce que prétend les
économistes de la go-gauche les
milliardaires seront les premiers à
perdre à ce jeu de qui « gagne – perd ».
Pourquoi donc s’adonnent-ils à ces jeux
boursiers débridés et risqués ? C’est
qu’ils n’ont pas le choix. La loi
du développement du mode de production
capitaliste détruit les bases mêmes de
leur réussite – c’est-à-dire
l’extraction de la plus-value à partir
de l’expropriation du travail salarié
vivant (capital variable) par le moyen
de l’augmentation importante du capital
constant-mort (hausse de productivité
par la mécanisation, robotisation et
informatisation). Plus le quantum de
capital constant est important, plus
augmente la productivité, plus le
quantum de capital variable (salaire)
peut être abaissé et accroître
temporairement les profits. Mais comme
la plus-value ne provient que de
l’exploitation du travail salarié
vivant, réduire le quantum de capital
variable (la quantité de force de
travail employé non payé) entraîne la
baisse du taux de profit. À moins que le
capitaliste ne réduise tant et plus le
salaire réel des travailleurs de façon à
maintenir quand même son taux de profit
global. Mais alors surgit un dilemme
cornélien ; l’ouvrier acceptera-t-il de
travailler sous payé jusqu’au point de
s’anémier et de se tuer à travailler ?
L’économie impérialiste américaine, la
plus avancée du monde entier, a atteint
ce seuil où les capitalistes extraient
de la plus-value absolue de la force de
travail épuisée (rallongement du temps
de travail non payé). L’avenir dira si
le prolétariat étatsunien tolérera
encore longtemps cette
surexploitation (5).
Jusqu’ici, aux
États-Unis et dans certains pays
d’Europe (suite à l’afflux d’immigrants
faisant pression sur les salaires) il
semble que la classe prolétarienne
accepte de s’échiner à la tâche jusqu’au
point d’en trépasser. De temps à autre
un travailleur exténuer et désespérer
trouve des armes et cours tuer des
innocents dans un supermarché, mais
parions qu’un jour de grandes révoltes
emporteront la classe ouvrière toute
entière.
La soi-disant
monétarisation de l’économie
La soi-disant « monétarisation
de l’économie » capitaliste à son
stade ultime impérialiste n’est que
chimère et fétichisme qui dissimulent
les véritables contradictions qui
bouleversent ce mode de production
moribond. La monnaie n’est que le
reflet de ces contradictions. La monnaie
fétiche ne crée nullement ces
contradictions. La monnaie les révèle et
les expose au grand jour, sans plus. Les
mouvements monétaires dissimulent les
forces qui se meuvent sous les
apparences de l’hégémonie des
capitalistes soumis comme les autres aux
lois inéluctables de ce mode de
production moribond en ces temps de
récession.
Le prolétariat doit
bien comprendre ce jeu des forces en
présence et ne pas se laisser distraire
par ces chimères monétaristes. Ce ne
sont pas les « banksters » ni les
boursicoteurs, qui sont les enjeux de
notre lutte de classe. C’est l’État
capitaliste, ses institutions et la
propriété privée des moyens de
production, d’échanges et de
communication qui sont les objectifs de
l’insurrection puis de la révolution
prolétarienne à venir.
(1) À propos de
Breton Wood voir Manifeste du
parti ouvrier
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
(2)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fortune_Global_500_
(2014)
(3)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-capitalisme-aux-soins-intensifs/
et
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/le-capitalisme-aux-soins-intensifs-172425
(4)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/plus-de-riches-de-plus-en-plus-riches-et-apres/
(5)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-capital-fuit-les-etats-unis-et-lor-aussi/
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