Les 7 du Québec
La politique du « Chaos »
et une
tactique pour la contrer
Robert Bibeau

Mercredi 6 septembre 2017
La théorie
politique du « chaos ».
Le vadémécum de la
théorie du « chaos » politique (ne pas
confondre avec le chaos quantique) tient
dans cet extrait d’un article de
Thierry Meyssan publié récemment
sur le Réseau Voltaire
basé à Damas.
« Barnett
affirmait que pour maintenir leur
hégémonie sur le monde, les États-Unis
devaient « faire la part du feu »,
c’est-à-dire le diviser en deux. D’un
côté, des États stables (les
membres du G8 et leurs alliés), de
l’autre le reste du monde considéré
comme un simple réservoir de
ressources naturelles. À la
différence de ses prédécesseurs, il ne
considérait plus l’accès à ces
ressources comme vital pour Washington,
mais prétendait qu’elles ne seraient
accessibles aux États stables
qu’en passant par les services des
armées états-uniennes. Dès lors, il
convenait de détruire
systématiquement toutes les structures
étatiques dans ce réservoir de
ressources, de sorte que personne ne
puisse un jour ni s’opposer à la volonté
de Washington ni traiter directement
avec des États stables » (1).
Nous verrons plus
loin les mesures de rétorsion que
propose Thierry Meyssan pour
contrer ces visées machiavéliques. Pour
commencer, décortiquons ce condensé de
la nouvelle tactique de la puissance
impérialiste étatsunienne dévoilée par
Barnett et Meyssan après
Noam Chomsky, Michel Collon
et Naomi Klein(2).
Le monde
capitaliste ayant atteint le stade du
développement impérialiste ne serait
plus un monde de confrontation entre des
classes sociales antagonistes et
obsolètes (capitalistes vs prolétaires),
mais un monde bipolaire composé d’un
pôle stable, unifié, dirigé par les
États-Unis d’Amérique, les autres
nations du G8 et leurs alliés, formant
un bloc monolithique. À l’opposé un
pôle instable, formé des pays de
ressources naturelles aux nations
dominées, exploitées, dont le
«néo-impérialisme» américain détruirait
systématiquement les structures
étatiques et sociales. Pour connaitre
l’identité des pays constituants chacun
de ces blocs, nous référons le lecteur à
la carte apparaissant à cette adresse
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-projet-militaire-des-etats-unis-pour-le-monde/
Observant cette
carte on se demande comment l’auteur a
pu considérer le Mexique et ses cent
meurtres quotidiens, le Brésil des
favelas, l’Argentine en crise, et l’Inde
de la misère, pour ne nommer que
ceux-là, comme des pays stables. Et que
dire des États-Unis d’Amérique, ce pays
en faillite économique, un véritable
baril de poudre social, administré par
un barnum incapable de faire adopter ses
projets de loi et ses budgets par le
Congrès au point que la faction de la
« gauche progressiste » du grand capital
rêve de l’assassiner ou de le démettre.
Et ne parlons pas de la France où
l’agitation sociale prend une telle
ampleur que la banque Natixis
recommande aux investisseurs de se
méfier du marché financier parisien (3).
Les autres pays d’Europe sont incapables
d’enrayer l’affluence d’immigrants
provenant justement de ces pays où les
armées occidentales sèment le chaos, la
guerre, le terrorisme au point où
l’exploitation des ressources naturelles
commence à poser problème aux
multinationales du pillage.
La chaotique
région du Moyen-Orient.
Monsieur Meyssan
prend appui sur le Moyen-Orient pour
étayer sa théorie à propos de la
destruction des États nationaux dans les
régions ressources. Or, le Moyen-Orient
est une région où les états libanais,
turc, syrien sont parvenus à se
maintenir à flot et à se consolider
malgré les assauts des mercenaires
djihadistes impériaux. L’Irak, le Yémen
et l’Afghanistan sont effectivement
trois États démembrés et inefficaces,
mais il suffirait que les puissances
occidentales cessent leur couteuse
occupation pour que la paix et l’unité
s’y rétablissent sous la direction des
talibans, qui contrôlent
effectivement l’Afghanistan, et sous le
patronage de l’Iran pour les autres pays
de cette fratrie, la nouvelle puissance
stabilisatrice dans cette région du
monde.
Incidemment, il n’y
a rien de nouveau dans cette théorie du
« chaos » d’un monde bipolaire dominé
par une superpuissance arrogante, semant
la guerre et la désolation. Faut-il
rappeler que depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale pas moins de 200
conflits locaux ou régionaux ont éclaté
à commencer par la guerre de Corée, la
guerre d’Indochine, la révolte cubaine,
les guerres en Afrique (où la guerre
civile sévit sans discontinuée depuis
soixante-dix années) et en Amérique
latine en crescendo, jusqu’à la folle
équipée bushienne au Moyen-Orient où la
machine de guerre étatsunienne s’est
enlisée et d’où elle ne parvient pas à
s’extirper, alors que le pays n’a plus
les moyens financiers pour payer son
armée surdimensionnée dont le Pentagone
défraie la solde à crédit – avec de
l’argent de Monopoly emprunté à ses
alliés qui ont peur de ne jamais
recouvrer leurs deniers mal placés.
Les mesures de
rétorsion pour contrer le « chaos ».
Dans un deuxième
article, monsieur Meyssan résume
la tactique que le Président Bachar
al Assad a imaginée pour contrer
cette stratégie criminelle du Pentagone.
Meyssan s’explique dans l’article
intitulé Interprétations
divergentes au sein du camp
antiimpérialiste.
« Les élites
sud-américaines se trompent en
poursuivant le combat des décennies
précédentes pour une plus juste
répartition des richesses. La lutte
principale n’est plus entre la majorité
du peuple et une petite classe de
privilégiés. Le choix (…) est de
défendre la patrie ou de mourir.
L’impérialisme contemporain ne vise plus
prioritairement à faire main basse sur
les ressources naturelles. Il domine le
monde et le pille sans scrupules. Aussi
vise-t-il désormais à écraser les
peuples et à détruire les sociétés
des régions dont il exploite déjà les
ressources. Dans cette ère de fer, seule
la stratégie Assad permet de rester
debout et libre » (4).
Pour l’heure il
n’y a pas de camp antiimpérialiste
mondial conséquent. Et ce camp ne
pouvait, ne peut, ni ne pourra regrouper
les bourgeoisies nationalistes des pays
pauvres, des pays «émergents» ou des
puissances impérialistes concurrentes,
toutes intéressées à se placer sous la
tutelle d’une autre puissance
hégémonique prospère et qui livrera des
dividendes plutôt que de les rançonner
et de les accabler de dettes comme le
font les US. Le camp antiimpérialiste
est d’abord un camp anticapitaliste et
ne peut rassembler que les forces qui
ont un intérêt économique vital à sortir
du mode de production capitaliste. C’est
ce que nous ont enseigné les luttes de
« libération nationale pour le droit des
peuples à disposer de leur liberté »
(sic), une pseudo liberté politique sans
liberté économique, au cours des
soixante-dix dernières années. Jamais
aucun peuple n’a obtenu sa libération
nationale et les puissances
impérialistes dominent toujours ces pays
néocolonisés comme nous l’expliquons
dans notre dernière publication
Question nationale et révolution
prolétarienne sous l’impérialisme
moderne (5).
De fait, cette
théorie de la résistance paysanne et
bourgeoise nationaliste à l’impérialisme
a été imaginée il y a plusieurs années.
Les paysanneries et les prolétaires en
ont fait les frais en tant que chair à
canon au service des bourgeoisies
nationalistes chauvines et gauchistes. À
l’époque cette théorie avait pour nom « Mouvement
de libération nationale des peuples du
tiers-monde », puis Mao renomma
ce galimatias la « Théorie des
Trois-mondes » sortie de
« l’esprit de Bandoeng » (6). Ce sont
les gauchistes socialistes et les
communistes qui dans nombre de ces pays
menèrent l’assaut pour détruire les
États fantoches érigés par les
colonisateurs trop pressés de
néocoloniser. Une fois au pouvoir, les
gauchistes ont construit de nouveaux
États fantoches appelés « socialistes »
(phase de transition vers le
communisme), mais capitalistes dans les
faits. Cela est si vrai que aujourd’hui
dans tous ces pays ce sont des
descendants capitalistes de ces leaders
« socialistes » qui dirigent les
affaires et vendent à vil prix à
l’impérialisme mondial la force de
travail national « debout et libérer »
(sic) nationaliser ou privatiser, c’est
pareil (7).
Le cas syrien.
La seule
originalité du cas syrien ne tient pas
au drapeau national étoilé dans lequel
s’est drapé Bachar al-Assad, ce
que Milosevic, Kadhafi,
Gbagbo, Moubarak, Ben Ali
et Maduro ont fait avant lui,
mais au fait que Bachar se soit jeté
dans les bras d’un autre camp
impérialiste, qui lui a sauver la mise,
contre remise, qu’on se le dise.
Ce qui nous amène à
aborder un autre aspect de la théorie du
« chaos ». Cette thèse s’appuie sur deux
allégations mensongères. La première
stipule que la puissance étatsunienne
serait triomphante et capable d’imposer
militairement sa volonté au monde
entier. La réalité est toute autre, au
point que la faction militaire du grand
capital américain a été contrainte
d’appeler un milliardaire saltimbanque
pour diriger la Maison-Blanche en
déliquescence. Depuis lors ce
polichinelle politique n’a réussi qu’à
paralyser la gouvernance et à ostraciser
l’establishement. Contrairement à ce que
soutient l’auteur, depuis la Guerre de
Corée, sauf pour occuper Grenade et
attaquer le Panama afin de capturer un
président narco trafiquant, l’armée
américaine malfaisante a été incapable
de gagner un conflit militaire et de se
maintenir dans un pays (hormis Grenade).
La seconde
allégation erronée stipule que les
pays du G8 font tous partie de la même
alliance impérialiste hégémonique, ce
qui est faux. Au moins trois alliances
impérialistes se disputent l’hégémonie
sur ce monde politique « multipolaire »
où les États-Unis n’ont déjà plus la
mainmise absolue. L’Alliance
américaine (États-Unis, Canada,
Japon, Australie, Nouvelle-Zélande,
Royaume-Uni, Israël, Taiwan, etc.)
alliés que Donald Trump s’ingénie
à malmener. L’alliance européenne
autour de l’Allemagne et de la France
dont les intérêts économiques les
éloignent de plus en plus du navire
amiral Atlantique. L’Alliance des
pays du BRICS (Chine, Russie,
Inde, Brésil, Afrique du Sud et bientôt
Iran) qui se voit déjà devenir calife à
la place du calife. Ces pays se
déchirent entre eux et il est hors de
question pour la Chine de se soumettre
au diktat des empereurs de Wall
Street pour exploiter directement
les pays des autres continents. La Chine
est déjà le premier investisseur en
Afrique. Donald Trump qui sait
qu’une guerre militaire commence
toujours par une guerre économique a
récemment déclaré que « l’Amérique
ne comptait pas rembourser les plus de
1 700 milliards de dollars de bons du
trésor américain que les capitalistes
chinois lui ont prêtés ». Les
incidents à la frontière de la Corée
sont des faits divers comparés à cette
menace venue du fond de l’enfer.
Les Think tanks
de l’enfumage.
Pour conclure, la
théorie du « chaos » comme tactique
politique et militaire pour soi-disant
détruire les peuples et les sociétés
nationales est un clone de la
théorie du « complot » qui
voudrait faire croire que les « idées et
les idéologies » mènent le monde
et que des Think tanks secrets sont
chargés d’élaborer des idéologies
(théories et tactiques) machiavéliques;
idées que les thuriféraires politiques
sont chargés de mettre en pratique;
alors que l’économie fournit les
ressources pour la mise en œuvre de ces
tactiques démagogiques. Le monde va dans
l’autre sens. L’économie – les
intérêts et les forces économiques
titanesques – dirige l’orchestre des
exécutants politiques dont les
théoriciens et les idéologues
rédigent la partition selon les
commandes des milliardaires qui les
stipendient. Qui paie les théoriciens du
« complot » et ceux du « chaos » et vous
saurez quels intérêts économiques ils
servent ou desservent.
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