Opinion
L'Inde, sous régime capitaliste «
non-aligné » !
Robert Bibeau

© Robert
Bibeau
Mercredi 6 janvier 2016
http://www.les7duquebec.com/...
Le principe
d’économie politique
Sous le mode de production
capitaliste, particulièrement dans sa
phase impérialiste ascendante, les
moyens de production – comprenant les
forces productives ouvrières – se
développent sans cesse, entrainant dans
leur sillage la transformation des
rapports sociaux de production, qui en
retour renforcent le développement des
moyens de production. C’est ce que les
marxistes appellent la dialectique du
développement. Voyons une application de
ce mouvement à travers un fait divers
que la chaine de télé
ARTE présentait récemment
à propos des inondations et de la
sècheresse dans le sous-continent
indien.
La
dramatique
Il y a quelque temps la chaine de
télé
Arte a diffusé un
documentaire sur la mousson en Inde. Au
cours de cette émission, nous avons vu
deux situations climatiques aux
dramatiques contradictoires et
complémentaires. Dans la région du
Kerala, au sud du pays,
les habitants sont victimes
d’inondations, des maisons sont
emportées par la crue des eaux, les
champs sont inondés, impropres à
l’agriculture de subsistance.
À l’inverse, dans la région du
Maharashtra, plus au nord,
depuis plus de quatre ans il ne pleut
pas. En raison de cette sècheresse, les
paysans n’arrivent plus à nourrir leurs
animaux ni leur famille, et ils se
suicident par désespoir.

La distance qui sépare ces deux
régions est d’environ 600 km. Il
suffirait de construire un canal, pour
régler les problèmes des deux régions,
le trop-plein d’eau de l’une deviendrait
le juste assez d’eau pour l’autre.
Mais en Inde, comme ailleurs dans le
Monde, c’est la connerie qui gouverne
disait le commentateur du reportage et
la go-gauche propage ce mantra
opportuniste. Par ailleurs, il y a
quelques jours, sur cette même chaine
télé
Arte, on pouvait voir et
entendre un ministre du gouvernement
fédéral à New Delhi passer commande de
quelques milliards de dollars d’armement
à un conglomérat russe de l’industrie de
guerre. Un peu avant, le gouvernement
français avait fourgué ses avions de
chasse Rafales pour 8 milliards d’euros
à ce gouvernement indigent, incapable de
nourrir ses habitants.
Un gauchiste questionnait donc « C’est
pour quand la décroissance des budgets
militaires ? La décroissance de la
connerie permettrait une croissance de
l’humanisme ! » commentait un autre
militant altermondialiste « objecteur de
croissance », pacifiste en dormance (!?)
Analyse
marxiste de cette dramatique

C’est faire la partie belle au mode
de production capitaliste et aux
adjudants politiques qui administre ce
système économico-politique décadent que
de les taxer de « connards et de
sans-cœurs incapables ». Ces politiciens
indiens, ces ministres, ces députés, et
leurs patrons capitalistes de
l’industrie de l’armement, de
l’agriculture, des trusts de semences
OGM, des engrais chimiques et de
l’industrie de l’alimentation, sont tous
des assassins, des criminels,
parfaitement conscients de leurs crimes
intentionnels.
Exposons quelques vérités
élémentaires sur le système économique
et politique en Inde, un pays
capitaliste industriel « émergent ». La
société indienne moderne est divisée en
classes sociales dont la classe
capitaliste-bourgeoise est dominante et
dirigeante. Cette classe,
monopolisant tous les pouvoirs, décide
seule des investissements privés et
publics en fonction de ses intérêts de
classe.
Face à cette classe dirigeante, les
classes laborieuses (prolétariats
urbains, paysannerie rurale,
travailleurs ruraux, artisans ruraux et
urbains) n’ont aucun pouvoir, sont
aliénés, surexploités, désorganisés et
méprisés. Certains des paysans les plus
pauvres, par désespoir, ne voyant aucun
avenir devant eux se suicident. D’autres
se révoltent spontanément, l’armée
indienne, entrainée aux techniques de « containment »,
se charge de ces récalcitrants et en
tuent souvent, même si jamais on ne vous
en parle au journal télévisé.
Il serait techniquement et
matériellement possible de régler le
problème des uns et des autres –
inondation et sècheresse – comme le
suggérait le documentaire d’ARTE,
mais rien n’est fait ! Pourquoi ?
Pas par connerie des administrateurs
gouvernementaux et des investisseurs
capitalistes, mais parce qu’il n’est pas
dans l’intérêt de la classe dirigeante
indienne de régler ces deux problèmes
agricoles. Pour eux, l’avenir de l’Inde
n’est pas dans l’agriculture de
subsistance et les petites exploitations
familiales, mais dans la concentration,
la mécanisation et l’industrialisation
capitaliste de l’agriculture. Au lieu
d’avoir à mobiliser l’armée pour
expulser des millions de paysans et de
travailleurs agricoles de leurs terres,
ils laissent les forces de la nature
chasser, affamer, tuer ces millions de
« récalcitrants ». La nature fera
innocemment ce qu’ils souhaitaient faire
violemment. Tous ces ex-paysans et
ex-travailleurs agricoles iront
s’agglutiner dans les bidonvilles des
grandes métropoles pour éventuellement
servir de cheap labour dans les usines
de textiles, dans l’industrie de
l’alimentation ou dans l’industrie du
recyclage des ordures, l’industrie des
OGM et la construction des canaux
d’irrigation…
Bientôt, la classe capitaliste
indienne expropriera à vil prix ces
terres en jachère, désertiques ou
inondées, et ensuite, elle exigera de
son État bourgeois la construction des
canaux d’irrigation entre le
Kerala inondé et le
Maharashtra desséché, aux
frais de l’État, pour irriguer leurs
plantations et produire de l’éthanol
pour manufacturer du carburant
nationalisé et nationaliste « Made in
India » sur les cadavres de millions de
paysans et d’artisans indiens.
Dans ce contexte, les dépenses
d’armement visent à équiper adéquatement
l’armée indienne pour qu’elle
puisse écraser dans le sang tout
soulèvement populaire subséquent à ce
plan machiavélique. L’État indien
indique ainsi que le pays est entré de
plain-pied dans le mode de production
capitaliste et que l’intégration des
anciens moyens de production et des
anciennes forces productives, et la
destruction impitoyable des anciens
rapports de production féodaux (tenure
des terres et micro- exploitations
agricoles) sont à son programme
économique et politique quoiqu’il en
coute aux travailleurs indiens.
Rien de connard dans ce plan, mais
beaucoup de cynisme. La gauche ne
devrait pas colporter de mièvreries à
propos de ces évènements tragiques – les
inondations, la sècheresse, la famine et
les suicides qui se poursuivent à
l’encontre de millions de paysans
déconfits –. Finalement, notre devoir
est de proclamer que seul le
renversement violent de ce mode de
production décadent pourra apporter la
paix, le désarmement, l’irrigation, et
le soutien de l’État prolétarien aux
populations prolétariennes dans le
besoin, non pas pour maintenir l’ancien
mode de production féodal et ses anciens
rapports de production délétères, mais
pour assurer le passage de cette époque
ancestrale vers le nouveau mode de
production communiste mécanisé,
robotisé, irrigué, modernisé, dans le
respect de la Terre mère et des sociétés
qui en vivent.
Robert Bibeau
Directeur. Les7duQuébec.com
À lire sur l’Afrique :
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/afrique-le-dernier-eldorado/
Robert Bibeau (2014)
Manifeste du parti ouvrier.
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
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