Les 7 du Québec
Alstom – Siemens – Boeing – Bombardier
et les autres
Robert Bibeau

Mercredi 4 octobre 2017
Le mariage Siemens – Alstom.
Un média à la
solde, la revue Marianne,
déconcertée par la délocalisation
annoncée de l’industrie « nationale »
française, titre rageusement : « France,
ton industrie fout le camp! »,
tentant ainsi de culpabiliser le « peuple
citoyen » (ceux d’en bas), pour
la concentration de l’économie
européenne par en haut. Sur les médias
sociaux, des pèquenots reprennent cette
sentence et proclament que « Alstom
est bradée à l’Allemagne des boches.
Bradage de « notre » industrie française »
comme si ce pauvre bougre était
milliardaire et propriétaire de
« notre » industrie française… Mais elle
n’est pas à nous l’industrie de France.
De plus, le fait que l’actionnariat soit
français ne protège nullement les
emplois du prolétariat français… comme
en fait foi cette fusion
intercapitaliste (1). Incidemment,
Alstom possède du capital (des
usines) au Canada où elle concurrence
Bombardier la multinationale
canadienne. Cette fusion Siemens –
Alstom est donc une transaction
mondiale que nous allons examiner
succinctement.
Si la Française
Alstom est absorbée par l’Allemande
Siemens, les usines changeant
peut-être de propriétaires, mais pas de
prolétaires. Le capital financier
lui, qui représente ce capital productif
(usines, main-d’œuvre, technologie et
brevets) changera de main, passant de
Francfort à Paris, consolidant ainsi
l’union capitalistique France-Allemagne
et menaçant le capital financier
canadien, américain (Bombardier)
et chinois (CSR). Nous le
répétons inlassablement, la politique
impérialiste est le reflet de
l’économie capitaliste, en voici la
preuve évidente avec cette fusion
géante. Siemens en avalant les
capacités productives d’Alstom
s’approprie aussi le carnet de commande
de la Française. Parions que l’Allemande
se départira du prolétariat français,
mais jamais du carnet de commandes…
Mais pourquoi ce
jeu de chaise musicale entre ces deux
capitales du grand capital ? C’est
que depuis des années le grand capital
français s’est financiarisé en
accélérée, et les milliardaires français
sont devenus essentiellement des
commerçants et des usuriers, bref,
des spéculateurs boursiers, des
« tondeurs de coupons » disaient Lénine,
avant l’ère de la numérisation Internet.
Peu importe aux milliardaires apatrides,
occasionnellement résidents de
l’hexagone, que ce soient des ouvriers
français, canadiens, allemands ou
chinois qui rapportent la plus-value
pourvu que leurs actions en bourse (à la
City, mais plus pour
longtemps), à Francfort et à Paris,
fluctuent à la hausse – ce qui est le
cas présentement. Historiquement, le
grand capital allemand s’est vu
attribuer le rôle de père Fouettard
du capital manufacturier, charger de
presser le citron ouvrier jusqu’à
l’étrangler, ce en quoi il a excellé,
performance que Macron ne parviendra pas
à inverser malgré sa volonté et ses
mesures d’austérité.
Chacun son métier,
la trique est allemande, le prêt
usuraire est français, en tandem, l’un
est spéculateur boursier, l’autre
extracteur de plus-value sous-évaluer.
Vous comprenez maintenant pourquoi le
CAC40 s’approprie des profits
mirobolants alors que l’économie
française stagne. Qui pourrait contester
cette distribution des rôles sur
l’échiquier impérialiste mondialisé ?
Certainement pas l’État fétiche –
majordome des riches – des deux côtés du
Rhin. Et encore moins les ouvriers que
ces milliardaires méprisent au plus haut
point… de la chair d’expatriés – de la
graine d’exploités – quand ce n’est pas
de la chair à canon pour les tranchés.
Voilà un excellent motif pour les
routiers de bloquer les routes de France
et les raffineries des franchisés.
Les go-gauches
écolos-écono-nationaliste.
Les gauchistes
nationalistes sponsorisés voudraient que
l’ouvrier sacrifie sa vie pour conserver
le patrimoine industriel français au
pays de l’hexagone et cela contre le gré
de ses propriétaires nationaux avérés,
des Celtes de souche pourtant (2).
Engoncés dans leur écharpe tricolore,
socialistes et communistes « insoumis »
peuvent aller se rhabiller, les
milliardaires mondialisés n’ont rien à
faire de leurs remontrances
nationalistes. Le prolétariat français
n’est pas concerné par cette France d’en
haut qu’il méprise. Pour l’ouvrier
français ce qui lui reste à faire ce
n’est pas d’empêcher le grand capital de
l’hexagone de forniquer avec le capital
allemand pour consolider la division
internationale du capital – mais de se
battre pour conserver ses emplois, ses
conditions de vie et de travail – sans
compter sur l’État des riches, en
attendant de renverser ce système
capitaliste.
Alors que d’aucuns
se marient, d’autres se divorcent. En
Amérique, deux factions du grand capital
atlantique se disputent le marché
lucratif de l’aéronautique. Le géant
multinational Boeing attaque la
multinationale Bombardier.
Assurément, Boeing
(143 000 employés et 94 milliards USD
par année) est une grosse bouchée
comparée à Bombardier
(71 000 employés et 18 milliards USD par
année), pourtant, trois facteurs
avantagent Bombardier. D’abord,
l’importance de l’entreprise de Montréal
dans l’économie industrielle canadienne.
Le gouvernement des riches canadiens ne
peut laisser tomber Bombardier.
Ensuite, la solidité relative du capital
financier canadien (comparée à la
superstructure financière américaine).
Enfin, en Irlande du Nord, Bombardier
emploie 8000 salariés ce qui signifie
que la décision du secrétariat américain
au Commerce d’imposer des droits
compensatoires de 220% sur la valeur du
contrat de Delta Airlines
bouscule les intérêts britanniques et
ceux de Delta-USA. D’ailleurs,
l’exagération de la sanction est
l’assurance d’une stratégie de
« négociation ». D’autant plus que les
avions de la CSérie,
vendus par Bombardier,
sont d’une catégorie intermédiaire (110
à 160 passagers) ce que Boeing
ne produit plus depuis une décennie. Les
deux avionneurs s’activent sur des
marchés différents, non concurrents.
Le prolétariat
canadien.
Peu importe que
Boeing soit en service commandé pour le
compte du Département du commerce
américain en train de renégocier le
pacte de « libre échange » (sic)
de l’ALENA
(États-Unis–Canada-Mexique). Le
prolétariat canadien n’a pas à se
sacrifier pour défendre les capitalistes
canadiens contre les capitalistes
américains. Les deux sont solidement
intégrés au sein de la même structure
monétaire où tout s’équilibre de toute
manière (comme pour Alstom-Siemens).
Si ce n’est pas Bombardier
qui récolte la plus-value ouvrière
canadienne, ce sera Boeing
– qui promet des milliers d’emplois au
Canada suite aux contrats d’achats des
avions militaires FA-18 Hornet
par le gouvernement militariste
canadien. Comme son camarade de France,
le prolétaire canadien doit défendre ses
conditions de vie et de travail, quelle
que soit la multinationale spoliatrice
au drapeau étoilé ou à la feuille
d’érable unifoliée qui l’exploite, et ce
jusqu’au jour où il pourra lui aussi
renverser la dictature des riches.
Notes
-
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/alstom-siemens-stx-le-nouveau-197228
- Robert Bibeau
(2017). Question nationale et
révolution prolétarienne sous
l’impérialisme moderne.
L’Harmattan. Paris. 2017.
Reçu de Robert Bibeau pour
publication
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