Les 7 du Québec
« America Comes First
Again ! »
Réalité ou utopie
Robert Bibeau

Mercredi 4 janvier 2017
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Pendant toute la campagne électorale,
Donald Trump a martelé le slogan « America
Comes First Again ! »,
sous-entendant ainsi qu’avec lui et par
lui les États-Unis allaient redevenir la
première puissance industrielle de la
planète, ce que les États-Unis ne sont
plus depuis belle lurette, dépassée en
cela par la Chine « émergente » et
immense. D’ailleurs, le Président Trump
ne s’y est pas trompé et abandonnant la
croisade militaire Obama-Clinton contre
le russe, deuxième de peloton, il darde
ses ogives vers la mer de Chine (1).
Pour réussir une « réindustrialisation »,
à supposer que l’Amérique soit
« désindustrialisée » – ce qui n’est pas
assuré comme nous le verrons bientôt –
l’économie américaine doit parvenir à
maintenir un équilibre précaire entre
six variables fluctuantes et
interdépendantes, sur lesquelles
l’appareil d’État capitaliste – quels
que soient les titres du Président en
titre – a souvent peu d’emprise. La
première variable est la monnaie,
sa valeur et son taux de change par
rapport aux monnaies concurrentes. Cette
variable est un révélateur de la santé
économique d’un pays et elle influe sur
les autres variables comme nous le
verrons tantôt. La deuxième variable est
la fiscalité, le cout des taxes
et des impôts nationaux, reliée à
l’équilibre budgétaire et à la dette
souveraine, ce qui révèle que cette
deuxième variable est fortement corrélée
avec la première. La troisième variable
concerne les marchés intérieurs
et extérieurs pour ces marchandises à
commercialiser. Via la balance
commerciale cette troisième variable
influe fortement sur la monnaie – sa
valeur – son taux de change, qui a son
tour conditionne l’accès aux marchés. La
quatrième variable est le cout des
moyens de production, notamment de
la main-d’œuvre (le prix de la
force de travail qui produira la
plus-value seule raison de l’opération)
et de l’énergie. Cette variable
aussi est connectée à la première. La
cinquième variable avec laquelle
l’administration Trump devra jongler est
la productivité du travail. Cette
variable influe sur les salaires, et le
pouvoir d’achat des légionnaires de la
consommation, et elle dépend des
investissements dans les domaines de la
formation de la main-d’œuvre, mais aussi
de la mécanique, de la robotique, de
l’informatique, et du numérique. Enfin,
pour coiffer le tout, une sixième
variable non pas déterminante, comme le
pense la gauche incompétente, mais
déterminée, résultante des précédentes,
les législations commerciale,
fiscale, et du droit du travail, qui
prennent la forme d’accords de
libre-échange qui viendront, non pas
organisée ou structurée l’ensemble de
ces variables, mais les validées. C’est
d’ailleurs une erreur majeure des
économistes « scandalisés » et des
analystes à la solde d’avoir prétendu
que Donald Trump et la clique qui
l’a porté au pouvoir souhaitaient
abroger les accords de libre-échange
négociés par les administrations
précédentes (Démocrate et Républicaine).
L’establishment économique qui a placé
leur protégé à la Présidence sait
très bien que ces accords ne font
qu’entériner les rapports de force
économique, politique et militaire et
qu’il faut d’abord modifier ces rapports
de force internationaux avant d’espérer
rouvrir les négociations pour obtenir de
nouvelles concessions de ses alliés et
concurrents. C’est ainsi qu’avant même
d’être intronisé, le tonitruant
Président est déjà en campagne
d’intimidation vis-à-vis le véritable
adversaire de l’Amérique, la Chine
impérialiste (2).
Qui attire les
capitaux ?
Examinons d’abord
le niveau d’attractivité industrielle
des différents pays concurrents de
l’Amérique. La carte 1 indique
l’importance de chaque pays et donne un
indice de sa force attractive en termes
d’accueil des opérations (production,
informatisation, gestion, distribution,
communication, recherche/développement)
externalisées et/ou délocalisées. Il est
aisé de remarquer que la Chine et l’Inde
s’arrogent la part du lion, mais il est
à noter aussi que depuis 2011 l’Inde est
plus attractive que la Chine en termes
d’externalisation/délocalisation des
pays fortement développés vers les pays
appelés « émergents », délogeant la
Chine qui pour se créer un marché
intérieur laisse augmenter les revenus
de ses salariés. De plus, les
capitalistes chinois s’intéressent de
moins en moins à la production de
babioles et montent leur production en
gamme nécessitant des employés mieux
qualifiés et mieux payés (3).
Carte 1
La taille du pays
représente sa force attractive en
termes d’externalisation/délocalisation
des opérations de production, gestion ou
commercialisation.

La variable
monétaire.
Si l’on considère
la variable monétaire, le dollar
américain est en fort mauvaise position
pour soutenir les ambitions du locataire
de la Maison-Blanche. Nonobstant la
phase de frénésie spéculative qui s’est
emparée des cambistes américains au
lendemain de l’élection : « Non
seulement Wall Street n’a pas enregistré
les reculs prédits, mais a enchainé les
hausses. Au lendemain de l’élection,
l’indice total du marché américain Dow
Jones Wilshire 5000 (noté W5000)
clôturait en hausse de 1,41%, l’indice
des 30 « blue chips » américaine Dow
Jones Industrial Average (noté DJI)
gagnait 1,40%, tandis que l’indice des
valeurs technologiques Nasdaq (noté
IXIC) se contentait d’un gain de 1,11%.
Deux semaines après l’élection, les
gains enregistrés depuis le 8 novembre
s’établissent à respectivement +4,13%,
+3,77% et +3,71% pour ces trois indices »
(4). Il est à noter que la hausse des
cours boursiers aux États-Unis est
spéculative puisqu’aucune augmentation
des capacités de production n’a été
enregistrée au pays depuis le 8 novembre
dernier.
Pour leur part, la
plupart des bourses européennes et
asiatiques ont adopté un cours baissier
: « Les places financières ont réagi
de manières dispersées au lendemain de
l’annonce de la victoire de Donald Trump.
Les Asiatiques ont reculé : plus de 5%
de perte pour les indices Nikkei à Tokyo
et Hang Seng à Hong Kong. Les
Européennes ont boudé oscillant entre
-0,4% à Madrid et +1,99% à Zurich, le
BEL20 et le CAC40 s’appréciant de
respectivement +1,42% et +1,49% » (5).
Dans le même temps l’or résistait
dans son rôle de valeur refuge et
s’appréciait de plus de 5 %, signe que
les investisseurs ne partagent pas
l’optimisme des boursicoteurs
américains.
Le dollar est
surévalué par rapport à ses principaux
concurrents, et cela même si l’euro
approche de la parité, et même si le yen
n’en finit plus de dégringoler, de même
pour la livre sterling et le yuan que
les autorités chinoises laissent
déprécier : « Les autorités chinoises
ont clairement dit qu’elles jugeaient
une dépréciation de leur devise
nécessaire tout en prévenant qu’elles
veilleraient à ce que le processus ne
soit pas désordonné » (6). « Nous
sommes en ce moment à 6,90 yuans pour un
dollar, même si le yuan devait baisser
jusqu’à 7,25 contre le dollar, la
dépréciation ne serait que de 4% par
rapport à ses niveaux actuels quand le
yen a cédé 16% contre la devise
américaine au cours des cinq dernières
semaines » (7).
Incidemment, la
hausse relative du dollar a l’effet
d’une bascule et permet de réduire la
chute du yuan. La hausse du dollar est
de mauvais augure puisqu’elle restreint
les perspectives d’exportation pour les
entreprises américaines dont les
installations de production sont situées
aux États-Unis. Cette hausse de la
devise est par contre avantageuse pour
les entreprises américaines dont les
installations de production sont à
l’extérieur du pays. Elles pourront, via
les paradis fiscaux, rapatrier leurs
profits libellés en yuan, ou en yen et
les renchérir en les transformant en
dollars. Mais pour cela les taux
d’intérêt devront être majorés.
Ainsi, la Réserve
fédérale américaine vient d’annoncer une
hausse de son taux directeur afin de
colmater l’hémorragie de devises qui
s’enfuient du pays. D’autres
augmentations sont prévisibles. On peut
anticiper que la hausse du loyer de
l’argent entrainera la faillite de
millions de foyers américains –
semblable à ce que le pays a connu en
2008. De nombreux ménages seront
incapables d’effectuer leurs paiements,
d’où une baisse des ventes, des surplus
d’inventaires et des faillites
d’entreprises incapables d’écouler leurs
produits, et ultimement une baisse des
profits généralisés, y compris pour les
entreprises américaines établies à
l’étranger.
Le Président Trump
a beau multiplier les mises en garde à
ses fidèles alliés comme l’Arabie
Saoudite et les Émirats du golfe
Persique, rien n’y fait, ils se
débarrassent de leurs dollars plombés.
Même l’Iran, qu’Obama était parvenu à
mettre au pas, est l’objet de menace du
Président élu qui voudrait que ce pays
calme sa frénésie et cesse de se
débarrasser de son monceau de dollars
par l’achat d’avions dispendieux et pour
qu’il continue de vendre son énergie en
pétrodollar (8).
Conclusion, du côté
de la monnaie les conditions ne sont pas
réunies pour attirer les investissements
industriels ni le capital argent dans
l’antre de la « démocratie » capitaliste
mondialisée. Analysons les conditions de
la deuxième variable, la fiscalité.
La variable
fiscale.
Les capitalistes
étatsuniens ont toujours eu un rapport
antagoniste avec le fisc et ceci est
particulièrement évident depuis que
l’économie américaine a amorcé son
déclin inéluctable à la fin des années
soixante-dix. Si au cours des années
cinquante le taux d’impôt sur les
profits des entreprises dépassait les
cinquante et les soixante pour cent, il
y a longtemps que l’évasion fiscale,
couplée à la réduction du taux d’impôt
amorcée sous l’ère Reagan, a fait fondre
les recettes de l’administration
centrale.
Dès l’époque des
Présidents Nixon et Reagan, les
politiciens de gauche comme de droite
ainsi que les économistes dits
« néolibéraux » prétendaient que les
baisses de taxes et d’impôts libéraient
du capital pour l’investissement
générant de la croissance et des revenus
accrus pour l’État. Cette tactique
pourrait se justifier si le problème de
l’économie américaine était le manque de
liquidités pour développer, mais il n’en
est rien. Le capital est surabondant, il
y a surproduction dans la plupart des
secteurs et la Chine pourrait doubler
son offre de produits si requis. C’est
le marché domestique qui est paralysé
d’où l’équipe Trump l’ayant compris
lance de vastes programmes
d’investissements publics qui créeront
temporairement de la demande.
Cette aversion
vis-à-vis la taxation est tellement
incrustée dans la mentalité américaine
que le Tea Party en a fait son
thème privilégié, et Donald Trump, le
multimilliardaire s’est vanté à la télé
d’être un « smart guy » et de n’avoir
rien payé au fisc pendant des années. Le
Président élu a d’ailleurs promis de
réduire l’impôt sur le revenu tout en
garantissant qu’il augmentera
considérablement les investissements
publics dans les infrastructures et les
dépenses en armement. Notons cependant
que si les investissements en
infrastructure sont productifs, les
dépenses en armement sont économiquement
in productives. Doit-on en conclure
qu’il y a là une variable favorable à la
réindustrialisation de l’Amérique ?
Pas du tout. Le
budget fédéral tout comme celui des
autres niveaux de l’administration
publique (États et municipalités) est
déficitaire depuis des décades, ces
baisses de revenus prévues couplées à
l’augmentation des dépenses annoncée
entraineront la dette souveraine dans
des profondeurs abyssales. D’autant plus
que la hausse de la valeur relative du
dollar, associée à la hausse des taux
d’intérêt feront augmenter le prix des
obligations d’épargne gouvernementales,
la Réserve fédérale se substituant au
marché pour acheter ces obligations
flouées, accroitra d’autant la quantité
de dollars de pacotilles en circulation.
Cette conjoncture catastrophique
poussera dans le sens d’une dévaluation
drastique du dollar après une remontée
spectaculaire suite à une spéculation
boursière frénétique comme avant
chaque krach boursier. C’est la raison
pour laquelle la Chine, notamment, se
débarrasse de ses dollars : « De
plus, même si Japon a ravi à la Chine le
rang de premier détenteur de bons du
Trésor américains selon des données
officielles publiées jeudi 15 décembre
et détenait en octobre 1 131,9 milliards
de dollars contre 1 115,7 milliards
accumulés par la Chine continentale
(hors Hong Kong), Pékin garde un levier
de pression sur le financement de
l’endettement américain » (9).
Pour conclure,
disons qu’avec la mondialisation de
l’économie, chaque pays concurrence son
voisin sur le plan de la fiscalité si
bien que cette variable n’a plus qu’une
incidence secondaire sur la localisation
des investissements.
La variable
marché domestique et marchés étrangers.
Dans une économie
impérialiste globalisée et intégrée, il
est difficile de contrôler l’ensemble
des variables pouvant assurer la relance
industrielle et commerciale. Ainsi,
l’injection de dollars US dans le
circuit financier international a
maintenu la puissance du dollar (monnaie
de réserve) et nourrit la spéculation
boursière avec du numéraire de
pacotille, c’est-à-dire de l’argent non
adossé à du capital concret (moyens de
production, d’échanges ou de
communication). D’un autre côté, cet
argent a provoqué l’inflation
(surtout pour les biens de consommation
courants) et réduit d’autant le pouvoir
d’achat des travailleurs américains.
Ainsi, depuis la crise de 2008 aux
États-Unis, des milliers de familles
vivent dans les parcs ou dans leur
voiture et le tiers des jeunes ménages
sont retournées vivres chez leurs
parents. C’est dire que la valeur de la
marchandise « force de travail » s’est
effondrée en même temps que la valeur
réelle de la monnaie. La dévaluation
d’une devise a toujours un cout pour les
salariés et constitue toujours une façon
de transférer le poids de la crise
économique sur le dos de la classe
ouvrière ce qu’aucun économiste-coolie
n’osera confirmer. Ainsi, depuis
quelques mois l’euro n’est plus supporté
par la Banque Centrale européenne (BCE)
et ce sont les ouvriers européens qui en
paieront le prix.
Quand on pense que
70 % du PIB américain repose sur la
consommation (contre 40% du PIB
chinois), tout ceci a un impact direct
sur le marché domestique et
d’exportation. Les travailleurs
consommateurs voient leur pouvoir
d’achat s’étioler comme peau de chagrin
pour cause d’un trop-plein d’argent en
circulation entrainant la dévaluation de
ce capital-argent. Comme il est
impératif que la marchandise soit mise
en marché – vendue et consommée – pour
réaliser la plus-value, unique objectif
de l’activité économique, les
capitalistes internationaux ont donc
imaginé un subterfuge, le crédit,
la dépense anticipée du salaire du
prolétaire – et du revenu du rentier –
qui ne sera peut-être jamais versé ni
encaissé. Ce faisant, les capitalistes
creusent plus profondément les
catacombes de leurs ambitions,
provoquant davantage d’inflation et la
dépréciation de la monnaie réduisant
encore la consommation, les marchés, et
les possibilités d’écouler la
production. Il est alors facile
d’imaginer que faute de marché, la
production s’arrête, et ce faisant cesse
la valorisation du capital finalité de
l’activité économique capitaliste.
Depuis 1976 les
États-Unis enregistrent chaque année un
déficit de leur balance commerciale
(10). En 2015 ce déficit astronomique
atteignait 530 milliards de dollars US
soit 3% du PIB américain (11). Ces
données reflètent le manque de
compétitivité de l’appareil de
production étatsunien dans le secteur
des biens de consommation courants, mais
elles dissimulent des excédents dans les
secteurs de haute technologie (armement,
informatique, communication, services de
haut niveau, etc.). Quoi qu’il en soit,
une économie nationale ne peut survivre
indéfiniment en vivant aux crochets de
pays étrangers avec lesquels elle
accumule dettes et déficits répétitifs.
Il est facile de prévoir que les
créanciers de ce débiteur insolvable
finiront par refuser de le financer.
C’est alors que le danger d’un
affrontement militaire atteindra son
apogée.
Il faut se rappeler
qu’il ne peut y avoir vente de
marchandises s’il n’y a pas production
de marchandises et qu’il ne peut y avoir
capitalisation s’il n’y a pas d’abord
production et ensuite commercialisation.
Comme on le constate la variable marché
domestique et/ou marché d’exportation
est une variable dépendante dont le sort
dépend de l’évolution des variables
indépendantes qui sont en amont.
Incidemment, la variable monétaire
dévoile ici sa sensibilité relativement
aux couts des moyens de production et
particulièrement au prix social de la
force de travail conditionné par le
niveau de productivité du travail,
productivité qui fixe la rentabilité de
l’investissement capitalistique que nous
allons maintenant examiné.
Les variables
couts des moyens de production – énergie
et main-d’œuvre.
On aura noté que le
candidat Trump et sa faction de
l’establishment avaient un véritable
programme de campagne. Ces gens
poursuivent un but très précis et vous
remarquerez que pour chacune des
variables énumérées ils présentaient des
propositions, tout comme l’équipe
Clinton incidemment – blanc Bonnet est
pareil à Bonnet blanc évidemment.
En ce qui concerne
l’énergie, l’équipe Trump repousse les
billevesées écologiques et entend
relancer la production de charbon, de
gaz et de pétrole de schiste, la
construction des oléoducs Canada-USA,
etc. Le prix du baril de pétrole devra
cependant augmenter. Vous comprenez
maintenant la raison des admonestations
du Président élu à l’endroit de son
fidèle allié saoudien à l’effet que
l’Amérique entend réduire son
approvisionnement énergétique vis-à-vis
des régions excentriques comme le golfe
Persique où elle contrôle de moins en
moins la situation se repliant sur ses
alliés canadien (40 pour cent de son
approvisionnement) et mexicain.
Pourtant, tout ce fatras politique et
diplomatique n’empêche pas de constater
que les États-Unis n’ont aucun problème
d’approvisionnement énergétique et que
quelques mesures d’économie d’énergie
pourraient facilement engendrer des
surplus… Mais depuis quand l’économie
d’énergie entraine-t-elle
l’accroissement des profits ?
Le cout des
transports.
L’affaissement du
cout des transports intercontinentaux
(par paquebots, conteneurs et vraquiers)
explique également la facilité avec
laquelle les usines peuvent se déplacer
d’un pays à un autre, d’un continent à
un autre. Il y a quelques années, un
scandale alimentaire à propos de viande
avariée en Europe a démontré que pour
produire un simple plat surgelé pas
moins de six entreprises et usines
situées dans six pays différents
étaient mises à contribution dans la
fabrication-commercialisation de ces
portions. Cependant, avec la
mondialisation de la production cet
avantage est international et n’avantage
pas davantage les États-Unis que les
autres pays.
Par contre,
l’impérialisme américain performe plus
que les autres dans la gestion des flux
physiques et matériels dont la
circulation exige un immense et complexe
système de transport, de stockage et
d’expédition. Aux États-Unis, la
logistique emploie 3,5 millions de
personnes, dont 85% dans les zones
urbaines. Les « clusters », bases de
réception, de préparation et de
distribution de Los Angeles, Chicago et
New York regroupent chacun environ
100 000 salariés. UPS en emploie 20 000
à Louisville et Fedex 15 000 à Memphis
(12). On le constate, les États-Unis
sont restés un pays industrialisé à
forte productivité.
Salaires, cout
de la force de travail et productivité.
Il faut d’abord
spécifier que salaire et cout
de la force de travail ne sont pas
des équivalents. Le salaire ne comprend
que la rémunération brute encaissée par
le salarié, comprenant les impôts qu’il
devra verser, alors que le cout social
de sa force de travail comprend les
taxes et les frais indirects requis pour
assurer sa reproduction élargie
(allocation de revenu fourni par l’État,
services de santé, d’éducation, culturel
et sportif et autres services
étatiques).
Salaires et cout de
la main-d’œuvre voilà une variable
importante que l’équipe Trump a abordée
avec célérité. Depuis les années
quatre-vingt, la bourgeoisie américaine
mène une guerre de tous les instants
contre la classe prolétarienne
américaine et elle y connait de grands
succès. Ainsi, aussi peu que 11,3 % de
la main-d’œuvre salariée est syndiquée.
La syndicalisation est extrêmement
difficile et maints ouvriers étatsuniens
jugent qu’il est inutile de se syndiquer
aux vues des luttes économiques
liquidées par l’aristocratie petite
bourgeoise et la bureaucratie syndicale.
« La précarité
n’est qu’un aspect de la dégradation
générale des conditions de travail et de
vie de la majorité des
salariés américains : baisse des
salaires réels horaires et
hebdomadaires, aujourd’hui inférieurs au
niveau de 1972 ; impossibilité pour
30% des travailleurs de vivre sans
recourir à des aides publiques ;
déséquilibre du rapport profit/salaire,
la part du capital dans le revenu
national étant passé entre 1979 et 2010
de 18,8% à 26,2% » (13). La
précarité c’est aussi le nombre de
salariés en contrat court ou à temps
partiel forcé qui est passé de 18,7
millions en 1995 à 21,6 millions en
2005. On dénombre plus de 22 millions de
travailleurs en position vulnérable
(c’est-à-dire plus vulnérable encore que
les autres) ce qui crée une pression à
la baisse des rémunérations et
l’aggravation des conditions de travail
pour l’ensemble des salariés. Démagogue,
Trump a surfé sur cette désespérance
ouvrière en attribuant la cause aux
travailleurs immigrés alors que les
immigrants illégaux ne peuvent même pas
prétendre à ces postes de mauvaise
qualité. Ils se contentent de boulots
encore plus misérables. Certes, là où
27% des salariés du privé travaillaient
en usine en 1980, ils ne sont que 11% en
2010. « Mais pourquoi 5 millions
d’emplois de ce type ont-ils disparu ?
Et où ? Surtout dans les secteurs
traditionnels comme l’acier et le
textile. Seul le cinquième de ces 5
millions d’emplois détruits l’ont été
par les importations venues de pays à
bas salaires. Délocalisation et
sous-traitance n’expliquent pas tout.
Dans les produits Made in USA, la part
des composants fabriqués sur le sol
étatsunien (…) est estimée à 85-90% » (14).
« En termes
réels, la production industrielle
étatsunienne a crû de 131 % entre 1982
et 2007 (avant la crise de 2008), soit
de 5% par an : une croissance ralentie
comparée à celle des années 1960,
cependant la différence est bien moindre
qu’on l’imagine (les « Trente
Glorieuses » s’enorgueillissaient d’une
augmentation annuelle de 6%). Cette
progression a été effectuée par une main
d’œuvre nettement réduite, mais les
pertes d’emploi ont surtout eu lieu
pendant les quatre grandes récessions :
moins 2,5 millions d’emplois lors de la
crise de 1980-82, moins 725.000 lors de
celle de 1990-92, moins 678.000 lors de
celle de 2000-2003, et 2 millions de
moins après 2008 » (15).
Pour ce qui a trait
au mouvement féministe petit-bourgeois
supporteur inconditionnel de la
multimillionnaire et criminel de guerre
Hillary Clinton, disons que de
1990 à 2010, 8 millions de femmes
supplémentaires se sont « libérées »
pour travailler dans des « sweats shops »
à pratiquer des métiers manuels,
pénibles et mal payés créant une
pression supplémentaire à la baisse sur
les salaires.
En 2016, le
Président Obama a haussé de
quelques sous le salaire minimum
pour les employés sous-payés de l’État
fédéral. C’est que l’État capitaliste
s’est aperçu de deux choses : d’une
part, le niveau des salaires est si bas
aux États-Unis qu’il ne permet plus à
une portion de la classe ouvrière
d’assurer sa reproduction élargie
(reproduire sa force de travail et celle
de sa famille), ce qui provoque des
pénuries d’employés dans certains
secteurs d’activités entrainant une
pression à la hausse sur les salaires.
Ensuite, le niveau dérisoire des
salaires entraine l’abandon du travail
légal par une portion des salariés qui
préfèrent offrir leurs services sur le
marché illicite et pour les activités du
monde interlope. Le banditisme et le
crime contre la personne explosent aux
États-Unis, ce qui coute cher en
assurance, en service de police
répressif, et encombre le système de
justice ainsi que le système carcéral.
Enfin, la diminution constante du
salaire moyen et médian réduit
globalement le marché de consommation
solvable pour une portion de plus en
plus grande des salariés qui aujourd’hui
surendettés ne trouvent plus à emprunter
et cessent de consommer d’où l’explosion
des friperies, des soupes populaires et
autres œuvres caritatives absolument non
lucratives pour le grand capital.
En 2015-2016,
l’administration Obama a implanté la
loi sur l’assurance maladie obligatoire
pour tous les employés, loi qui vise à
soutenir la consommation de produits de
santé et la tonte des brebis ouvrières
par le grand capital pharmaceutique, les
services médicaux privés et les
compagnies d’assurance. Sous prétexte de
fournir à chaque ouvrier une assurance
pour ses soins de santé l’industrie des
soins médicaux a imaginé taxer
directement les ouvriers afin de remplir
ses goussets et ceux des compagnies
d’assurance. Les petits bourgeois et les
plumitifs compassés ne comprennent pas
pourquoi les ouvriers étatsuniens, qui
auparavant étaient assurés par leurs
employeurs, se rebiffent contre le fait
que l’État Démocrate « progressiste » a
déchargé les grandes entreprises de
cette responsabilité pour la mettre sur
le dos des salariés alors que les
employés qui n’étaient pas assurés n’ont
toujours pas les moyens d’assurer leur
santé au travail avec ces tarifs
prohibitifs. Incidemment, le candidat
Républicain Donald Trump a surfé
sur cette insatisfaction lors des
élections. Sitôt élu il a trahi sa
promesse d’abolir ce programme très
avantageux pour les capitalistes de
l’assurance, de la santé et de la
pharmacologie et promis de simplement
modifier la législation. Ainsi, les
ouvriers ont pu confirmer au cours de
cette élection bidon que Républicain ou
Démocrate c’est du pareil au même et que
les élections bourgeoises sont
des « pièges démocratiques ».
Au final, comme le
démontre ces données, la première cause
du déclin économique américain n’est pas
la délocalisation, qui ne constitue
qu’une forme d’adaptation du capital
productif aux conditions d’expansion
(géographique) et d’intensification
(physique) de l’exploitation de la force
de travail mondial, mais l’augmentation
de la productivité, c’est-à-dire
l’intensification systématique par la
mécanisation, la robotisation,
l’informatisation de l’exploitation de
la force de travail, ce qui signifie que
les mesures préconisées par l’équipe des
ploutocrates dirigeant le gouvernement
de Donald Trump pourront éventuellement
provoquer une expansion de la production
sans générer pour autant un
accroissement de l’emploi, mais plutôt
une intensification de l’exploitation de
salariat pourtant déjà surexploité.
La variable des
accords de libre-échange.
Nous l’avons
indiqué précédemment, cette variable est
dépendante, en ce sens qu’elle ne
s’impose pas au début du processus de
délocalisation industrielle ou de « réindustrialisation »
forcée comme l’appellent les
« économistes indignés ». Elle survient
à la fin du processus de redéploiement
industriel, quand les oligopoles
multinationaux ont finalement redéployé
leurs activités afin d’exploiter la
« force de travail » local dans chacune
des régions du globe où elle s’avère la
plus « exploitable ». Ainsi, la
production d’avions ne sera pas
délocalisée au Vietnam, mais elle le
sera en direction de la Chine si cette
contrée peut offrir une main-d’œuvre
hautement formée et qualifiée (aux frais
du prolétariat local), mais à un prix
déclassifié. Les accords internationaux
de libre-échange viendront cristalliser
ces rapports de force et pacifier ces
rapports de production entre puissances
internationales alliées et concurrentes.
L’ennemie ultime de chacun de ces
belligérants impérialistes n’est pas le
concurrent capitaliste, mais la classe
prolétarienne de chacun de ces pays
prétendants aux profits
d’investissement. Nous sommes ici au
cœur du mode de production capitaliste
rendu à sa phase impérialiste. Toujours
se rappeler que l’impérialisme
n’est pas une politique hégémonique de
grande puissance comme on le pense
depuis Lénine, mais un stade de
développement économique affectant
l’ensemble d’un mode de production et
produisant conséquemment des
comportements sociologiques, politiques,
militaires et diplomatiques spécifiques…
des comportements de survie d’un mode de
production décadent voué à disparaitre.
Les législations
douanières, tarifaires, du droit du
travail, et du droit fiscal que se sont
façonnées (ou qui ont été forgées par
les fonctionnaires de Bruxelles, de
Washington, d’Ottawa et de Canberra) les
multinationales présentes dans l’espace
de Schengen, dans l’aire de l’ALENA et
dans la sphère de l’OMC (Organisation
mondiale du commerce) assurent que la
force de travail salarié, au plus bas
prix payé, sera exploitée par les
multinationales apatrides et qu’ensuite
leurs profits pourront migrer
sereinement vers les paradis fiscaux
afin de se soustraire à l’impôt et aux
charges sociales toujours considérées
comme exécrables par ceux qui ont
vocation de recueillir le maximum de
profit à redistribuer aux actionnaires
avides de réinvestir ce capital pour un
nouveau cycle de reproduction élargie,
et ainsi va la vie économique sous
l’impérialisme décadent.
La classe
prolétarienne.
En définitive, le
problème de l’Amérique n’en est pas un
de délocalisation industrielle, de
profusion de main-d’œuvre immigrante
apatride, de médiocrité d’alliés
affamés, ou de concurrence déloyale de
pays capitalistes « émergents », mais
strictement un problème de valorisation
du capital surabondant dans une économie
mondiale ayant atteint sa maturité et
une forte productivité grâce au travail
robotisé. Si le capital revenait aux
États-Unis ou dans tout autre pays amis
ou ennemis – mais toujours concurrents –
c’est que le taux de profit y aurait été
rétabli à l’avantage du capital
international et la situation ne
pourrait être que temporaire puisque la
composition organique du capital ne
pourrait que recommencer à se détériorer
jusqu’à la prochaine guerre généralisée.
Comprenez-moi bien,
le problème de l’Amérique est celui que
connaitront tous les capitalistes de ce
monde impérialiste, il se présente avec
plus d’acquittés en Amérique parce que
ce capital est plus avancé que les
autres dans la maturation de ses
contradictions. Ce qui se passe
aujourd’hui en Amérique préfigure ce qui
se passera partout ailleurs dans
quelques années.
Deux voies
s’offrent au prolétariat du monde
entier, enfin mondialisé : soit, suivre
l’exemple de certains salariés
étatsuniens et vendre leur force de
travail en dessous du prix de revient –
sous le seuil de reproduction élargie –
jusqu’à leur extinction en tant que
classe d’exploitation ; ou alors,
résister de toute leur force à la
disparition, refuser les fermetures
d’usines et les baisses de salaires,
faire grève jusqu’à participer à
l’insurrection populaire qui surviendra
inexorablement, renverser et détruire
l’État policier et ne pas en prendre le
contrôle ou la direction comme le
propose les gauchistes, prendre la
direction de l’insurrection en tant que
classe « en soi » et « poursoi » et
enclencher la révolution prolétarienne,
ou périr, car n’ayez aucune illusion
camarades, les capitalistes seront
poussés jusqu’à la guerre nucléaire pour
s’accrocher à ce mode de production
moribond.
NOTES
(1)
Robert Bibeau (2016) http://www.les7duquebec.com/7-au-front/aggravation-de-la-guerre-monetaire-preparant-la-guerre-nucleaire/
(2) Luc Mampaey
directeur du GRIP.
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/trump-et-wall-street-anticipations-positives-pour-le-secteur-de-larmement/
(3) Robert Bibeau
(2015)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/les-entreprises-americaines-delocalisent-aux-etats-unis/
(4) Luc Mampaey
directeur du GRIP.
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/trump-et-wall-street-anticipations-positives-pour-le-secteur-de-larmement/
(5) Luc Mampaey
directeur du GRIP.
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/trump-et-wall-street-anticipations-positives-pour-le-secteur-de-larmement/
(6)
https://investir.lesechos.fr/traders/forex-infos/la-baisse-du-yuan-revient-hanter-les-marches-1620385.php#57emqAUS442pVoGs.99
(7)
http://www.boursorama.com/actualites/enquete-le-yuan-a-la-baisse-avec-le-dollar-et-les-sorties-de-capitaux-e510052236dbdb909c05d3430fa99b5f
http://investir.lesechos.fr/traders/forex-infos/la-baisse-du-yuan-revient-hanter-les-marches-1620385.php
(8)
http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0211584683296-liran-achete-80-avions-a-boeing-2049567.php
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/12/11/97002-20161211FILWWW00041-l-iran-a-signe-avec-boeing-l-achat-de-80-avions.php
(9)
http://www.boursorama.com/actualites/enquete-le-yuan-a-la-baisse-avec-le-dollar-et-les-sorties-de-capitaux-e510052236dbdb909c05d3430fa99b5f
(10)
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/USA/fr/NE.RSB.GNFS.ZS.html
(11)
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/USA/fr/NE.RSB.GNFS.CD.html
(12)
D’après
https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260.
Référence Kim Moody,
US Labor : What’s New, What’s Not ?
2016. Kim Moody a participé à
l’International Socialist Organisation,
et fondé et longtemps animé la revue
Labor Notes. Parmi ses livres :
US Labor in Trouble & Transition,
Verso, 2007.
(13) D’après
https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260.
Référence Kim Moody,
US Labor : What’s New, What’s Not ?
Kim Moody a participé à l’International
Socialist Organisation, et fondé et
longtemps animé la revue Labor Notes.
Parmi ses livres : US Labor in
Trouble & Transition, Verso, 2007.
(14)
D’après
https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260
« Selon le Ministère du Commerce
américain, en 2014, « Le contenu interne
[domestic content] se montait à 51 cents
pour chaque dollar dépensé par les
consommateurs et les entreprises dans
l’achat de produits manufacturés. »
Cette statistique indique une moyenne,
la proportion variant fortement, de 79%
pour les produits alimentaires à 7% pour
le tabac. Chiffres sensiblement
différents de ceux de Moody, mais qui en
tout cas ne confirment pas l’idée d’un
raz-de-marée désindustrialisateur »
http://www.esa.doc.gov/sites/default/files/whatismadeinamerica_0.pdf
(15) D’après
https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1260.
Référence Kim Moody,
US Labor : What’s New, What’s Not ?
Kim Moody a participé à l’International
Socialist Organisation, et fondé et
longtemps animé la revue Labor Notes.
Parmi ses livres : US Labor in
Trouble & Transition, Verso, 2007.
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