Les 7 du Québec
Le retrait américain d’Afghanistan
Robert Bibeau

Mercredi 3 avril 2018
Suite d’échecs cuisants
C’est en 1975 que
l’armée américaine a été chassée du
Vietnam. C’est en 1979 que les
Étatsuniens ont été chassés d’Iran, et
en 1983 qu’ils furent chassés du Liban.
C’est en 1993 que les Américains furent
chassés de Somalie et en 2013 qu’ils ont
été exfiltrés du Soudan. C’est en 2011
qu’ils ont été chassés d’Irak et en 2018
qu’ils furent expulsés de Syrie. Ce
pourrait être en 2019 qu’ils seront «
extradés » d’Afghanistan sans avoir
atteint leurs objectifs tactiques
initiaux, mais après avoir mis en place
une manigance machiavélique contre leurs
concurrents russe, chinois et iranien.
Les républicains
s’activent au Congrès
Les républicains
ont présenté au Congrès des États-Unis
un projet de loi dont l’objectif est de
cesser les hostilités qui se poursuivent
en Afghanistan depuis 2001. Au cours de
ces dix-huit années, l’effort de
destruction américain a été conséquent
puisqu’au total plus de trois millions
de soldats ont été déployés dans ce pays
et que 3 000 y ont perdu la vie, alors
que des milliers d’autres ont été
estropiés. Et surtout, plus de 100 000
afghans ont été exterminés. À
l’apogée de la « campagne contre le
terrorisme » (sic) de 2010 à 2013,
les effectifs de l’OTAN dépassaient 150
000 soldats occidentaux d’occupation.
Quelque 2 000 milliards de dollars ont
ainsi été dilapidés par le Pentagone :
« Si la loi est adoptée, elle forcera
les É.-U. à déclarer… une victoire en
Afghanistan (sic) et, dans les 45 jours,
concevoir un plan de retrait de toutes
leurs troupes au cours de l’année
suivante. Cette initiative a pour
objectif de poser les « fondations de la
réconciliation politique qui devra être
menée par les Afghans eux-mêmes ». Elle
contient également l’annulation de
l’autorisation d’utiliser la force
militaire contre le terrorisme, accordée
au Président par le Congrès en 2001, à
la suite des attaques du 11 septembre.
Autrement dit, il est prévu non
seulement de retirer les troupes
d’Afghanistan, mais également de laisser
ce pays se débrouiller seul. » (1)
Commentant ce
projet de loi, la revue The National
Interest écrit avec satisfaction que
l’armée a atteint ses objectifs
principaux : « Ben Laden
est mort et Al-Qaida entravée. Le
Département de la défense expliquait en
juin dernier : la menace d’Al-Qaida
sur les É.-U., leurs alliés et leurs
partenaires a diminué, et les quelques
membres importants de l’organisation qui
ont survécu sont concentrés sur leur
propre survie. » (2)
Faut-il croire ces
balivernes à propos de trois-millions de
soldats lancés à la poursuite de
l’épouvantail Ben Laden et
de sa secte de djihadistes ?
Incidemment, Al-Qaida est
aujourd’hui mieux implanté et plus
puissant en Afghanistan qu’il ne l’était
auparavant. Pire, en 2001, lors de
l’invasion du pays du pavot, Al-Qaida
et Daesh étaient
totalement absents d’Afghanistan (!)
« On nous cache
tout – on ne nous dit rien »
fredonnait la chanson. Les armées
d’Amérique et de l’OTAN n’ont évidemment
pas envahi un pays grand comme la France
et peuplé de 35 millions d’habitants
pour verbaliser un récidiviste en
cavale. Incidemment, quand l’exécutif
américain a décidé d’en finir avec cet
épouvantail, son assassinat
extrajudiciaire a été promptement
exécuté sous les feux des caméras, et
sous les yeux de Barak Obama
et de sa Secrétaire d’État (3).
Les plans américains
Aujourd’hui, les
forces militaires afghanes ont une
efficacité réduite. Jusqu’à 60% du
territoire afghan en journée, et jusqu’à
85% la nuit est contrôlé par ces
talibans que les Américains et leurs
alliés auraient « vaincus ». Et à
Kaboul, de sanglantes attaques
terroristes ont lieu fréquemment. Le
gouvernement de Kaboul a de la
difficulté à contrôler la capitale, où
de violentes attaques se déroulent
souvent entre les Talibans
en guerre contre Daesh (!)
Les belligérants prennent régulièrement
possession des capitales provinciales
pour montrer qui fait la loi dans le
pays. (4)
La plus grande
puissance militaire au monde,
constamment mise en échec comme nous
l’avons illustrée au début de ce papier,
a envahi ce pays exsangue afin
d’enfoncer un glaive au cœur du
Moyen-Orient – directement sur le trajet
des « Nouvelles Routes de soie »,
ses oléoducs, ses autoroutes et ses
voies ferrées – au carrefour stratégique
entre la Chine – la Russie – la CEI –
l’Iran et le Pakistan, au
centre des immenses ressources
énergétiques du golfe Persique et de
la mer Caspienne. Incapables de
gagner une guerre de partisans, les
troupes occidentales n’ont pas su
stabiliser le pays et forcer les
talibans à devenir leurs auxiliaires
militaires. Constatant leur échec
récurrent, et la guerre s’étendant dans
tout le Moyen-Orient, le Pentagone a eu
l’idée d’utiliser ses mercenaires
sponsorisés de Daesh pour
accomplir ce que les talibans refusent
de faire.
La décision d’en
finir avec la présence militaire
américaine et de ses alliés a été
annoncée après des hésitations, qui ont
eu pour conséquence l’augmentation du
contingent. Cela signifie que les
États-Unis ont acquis la conviction d’un
effondrement du gouvernement afghan
après leur départ. Ils espèrent que
l’incendie se propagera à l’Asie
centrale et que la Russie, la Chine,
l’Iran et le Pakistan auront à
l’éteindre. Afin de préparer les
conditions de cet embrasement régional,
les É.-U. font de vigoureux efforts pour
renforcer les positions de Daech
dans le nord et les régions non
Pachtounes de l’Afghanistan. Les
terroristes sponsorisés de Daech,
laissés sans activités suite à
l’intervention de la Russie en Syrie y
sont expédiés par hélicoptères
banalisés. Les commandants de Daech
sont libérés des cachots des Talibans
par les forces spéciales américaines.
Les Talibans, de leur côté,
veulent soumettre l’Afghanistan et les
territoires pachtounes du Pakistan, mais
n’ont aucunement l’intention de porter
le fer de l’islam radical vers le Nord,
ni de déstabiliser l’Asie centrale pour
la plonger dans la guerre, voilà
pourquoi ils ne sont d’aucune utilité
pour la stratégie américaine désespérée.
Les nervis de
Daesh exfiltrés, dont le sultanat
n’était pas viable aux confins de
l’Irak, de l’Iran, de la Syrie et de la
Turquie soutenue par la Russie, ont
besoin des Américains pour renforcer
leur nouvelle base d’opérations dans le
nord de l’Afghanistan et se rapprocher
de la Russie et y pousser par le chaos
des millions de réfugiés des anciennes
républiques d’Asie centrale. Un autre de
leur objectif (assigné par le Pentagone)
est de faire la jonction avec les
terroristes islamistes de la province
chinoise du Xinjiang.
Le projet de loi
soumis au Congrès est un signal : cette
région stratégiquement sensible va
bientôt connaitre de brutales
convulsions, davantage qu’au
Moyen-Orient rompu à ce type de
malversations impérialistes. Mais ce
sont là des machinations d’une puissance
en déclin qui voit s’effriter son
hégémonie économique, politique,
diplomatique, militaire et que ses
concurrents parviendront probablement à
contrer.
NOTES
- Dans quel
but les États-Unis retirent-ils
leurs troupes d’Afghanistan ?
Par
Sergeï Latychev − Le 6 mars 2019 −
Source
Katehon. Traduit par Michel pour le
Saker Francophone.
- Dans quel
but les États-Unis retirent-ils
leurs troupes d’Afghanistan ?
Par
Sergeï Latychev − Le 6 mars 2019 −
Source
Katehon. Traduit par Michel pour le
Saker Francophone.
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/lassassinat-extra-judiciaire-de-ben-laden-3/
- Dans quel
but les États-Unis retirent-ils
leurs troupes d’Afghanistan ?
Par
Sergeï Latychev − Le 6 mars 2019 −
Source
Katehon. Traduit par Michel pour le
Saker Francophone.
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 6 avril
2019
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