Les 7 du Québec
Les mystères des valeurs boursières
Robert Bibeau

Mercredi 2 novembre 2016
http://www.les7duquebec.com/...
Pour
comprendre le fonctionnement du mode de
production capitaliste, rien de mieux
que de revenir aux principes basiques
exposés au siècle dernier. Voici un
rappel de quelques notions et concepts
fondamentaux de la méthode matérialiste
dialectique prolétarienne de l’économie
politique capitaliste.
Accaparer le temps de vie d’autrui
Commençons par la description du
fonctionnement du mode de production
capitaliste. Un lecteur nous écrit
ceci : « Sous le capitalisme, la
reproduction du capital est certes une
condition, mais pas la finalité de ce
mode de production, celle-ci étant la
maitrise du temps de vie et sa
domination par autrui. Ainsi, si demain
il n’y a plus besoin de capital
monétaire ou industriel pour vivre selon
son désir, c’est à dire, asservir autant
de temps de vie que requis pour
satisfaire ses besoins alors le
capitaliste sera le premier à se
départir de cette façon de
capitaliser-accaparer le temps de vie
d’autrui. » (1)
Pour
notre part, nous pensons que la
finalité du mode de production
capitaliste est d’assurer la
reproduction de la société capitaliste
et que tant que ce mode opératoire sera
efficace et produira les résultats
escomptés il se perpétuera. Cependant,
quand il ne parviendra pas à assurer la
reproduction élargie de la société il
sera ostracisé et répudier. Nous
approchons de cette éventualité sous le
capitalisme dégénéré.
Il
nous semble évident que la finalité d’un
mode de production, quel qu’il soit
(esclavagisme, féodalisme, capitalisme),
n’est pas de contrôler le temps de vie
d’autrui. Cependant, effectivement, sous
le mode de production capitaliste, le
capital est forcé d’accaparer le temps
de vie d’autrui afin de lui imposer de
produire la valeur d’échange et
la plus-value ce nectar de jouvence
source de vie du capital et de la banque
comme nous l’avons démontré dans un
précédent papier (2).
Analogie : Ainsi, le mode de
production des abeilles n’a pas pour
finalité de contrôler le temps de vie
des abeilles. Il a pour finalité
d’assurer la reproduction de l’essaim
selon un mode opératoire particulier par
lequel l’espèce s’est dotée des
« outils », facultés et particularités
physiques et sociales qu’il lui fallait
pour que certaines abeilles dépensent
leur temps de vie à butiner – dotée des
poils requis pour capter et retenir le
pollen ; en faire du miel pour nourrir
la reine et les larves ; des ailes pour
voler et des yeux adaptés pour
reconnaitre les fleurs appropriées ; un
sens de l’orientation pour retrouver un
bosquet de fleurs ensoleillées, etc.
Tout ceci entraine que le temps de vie
de chaque abeille est accaparé et
dépensé aux fins de remplir sa mission
vitale – sa finalité sociale – assurer
que l’an prochain un nouvel essaim
naitra et perpétuera l’espèce.
Il en
est de même pour l’espèce humaine,
excepté que l’homme a changé de mode de
production – de mode opératoire – au
cours de son évolution. L’espèce humaine
est passée du mode opératoire chasse et
cueillette (communisme primitif), à
celui de l’esclavage (homme libre et
esclave), puis au mode opératoire féodal
(serfs et seigneurs), enfin, au mode
opératoire capitaliste (bourgeois
propriétaires et esclaves
salariés-prolétaires) et demain,
espérons-le, sans classe sociale, sans
État, sans argent, sans banque, sans
armée et sans guerre.
LE
CAPITAL – DETTE
La
dette joue un rôle particulier dans la
survie de l’espèce humaine, ce qu’aucune
autre espèce animale ne connait. La
dette d’un État, d’une entreprise, d’un
ménage ou d’un particulier est un impôt
anticipé, prélever sur la valeur
d’échange qui sera produite dans
l’avenir. La dette, est la promesse que
fait un débiteur qu’il remettra une
certaine quantité de capital,
usuellement sous forme monétaire, quand
il aura « produit » (si le
débiteur est un prolétaire salarié) ou
« obtenu » (si le débiteur est un
chômeur prestataire, un assisté social,
un pensionné-rentier, un fonctionnaire,
ou l’employé d’une ONG subventionné), ou
« exproprié » (si le débiteur est
un capitaliste) ce capital. Aucune autre
espèce vivante ne peut ainsi anticiper
et dépenser par avance une énergie pas
encore créer. Ceci est une propriété du
capital-argent – intermédiaire obligé
des différentes formes du capital.
LE CAPITAL CIRCULANT
Réitérons que le capital prend
différents aspects (formes) au cours de
son cycle de reproduction élargie. Il y
a un moment ou le capital circulant – et
il circule constamment, car c’est ainsi
qu’il réunit les conditions de sa
reproduction – prend la forme de moyens
de production (machines-outils, pétrole,
force de travail) ; puis, le capital
prend la forme-argent (euros, yuans,
dollars) ; puis, le capital circulant
prend la forme de marchandises de
consommation courante (casseroles, pain,
automobiles, cellulaires…) ; puis, le
capital prend la forme de titres
financiers (actions-obligations) ; puis,
il reprend la forme de marchandises, et
ainsi de suite selon un circuit
prépondérant. C’est la raison pour
laquelle il nous parait étrange de
prétendre que la phase impérialiste
du capitalisme serait accentuée par
l’exportation de capitaux financiers en
lieu et place du capital marchandises.
Tôt ou tard, tout capital financier est
appelé à devenir du capital marchandise
et vice-versa, même sous le capitalisme
mercantile-marchand comme Marx l’a
souligné. Autrement dit, la phase
impérialiste du capitalisme serait
identique à la phase antérieure et ne
constituerait en rien une phase
distincte et originale. Ce n’est pas
notre avis. Nous y reviendrons.
Chacun
doit observer qu’à chaque étape de
circulation du capital différents
métiers et différentes professions se
déploient pour assurer la transformation
du capital d’un état au suivant. C’est
la source de constitution des classes
sociales. Ainsi, la classe prolétarienne
s’active à l’étape de la valorisation du
capital ; et le banquier-financier
s’active à l’étape du placement –
montage financier et investissement ;
enfin, le petit-bourgeois s’active aux
fonctions de reproduction de la force de
travail sociale, à l’étape de la
commercialisation et à chaque étape
selon les besoins de circulation du
capital. De cette situation économique
et sociale découle le positionnement
politique et idéologique de chacune des
classes sociales en lutte.
LE
CAPITAL SE REPRODUIT AVANT D’ENTRER À LA
BOURSE
Ce
qu’il faut savoir c’est que cette
abstraction qui a nom « capital » se
valorise et fructifie à une seule étape
de son cycle de circulation forcée et à
aucune autre. C’est quand le
capital-argent se transforme en « capital-salaire »,
pour assurer l’achat (et la
reproduction) de la marchandise « force
de travail ». C’est alors que le
capital réalise le « miracle » de sa
« reproduction élargie » ; le miracle de
la valeur ajoutée – de la valeur
d’échange, c’est-à-dire que 1 (dollar de
force de travail) devient 2 ou 3
(dollars de capital). C’est que la
valeur de la force de travail produit à
la fois la valeur du travail
nécessaire (que l’on appelle aussi
le salaire pour faire vivre le
prolétaire), ainsi que la valeur du
surtravail (que l’on appelle aussi
capital-plus-value). Simple à
comprendre, cette dernière « valeur »,
ce capital-plus-value, fruit de la force
de travail dépensée par l’esclave
salarié, mais qui ne lui est jamais
versée, et lui est confisquée par le
patron, privé ou public (peu importe que
l’État soit néolibéral ou
« socialiste ») ; cette « valeur » est
incluse dans le capital marchandise
qu’il faudra transformer en
capital-argent, monnaie de dépôt et
monnaie de crédit, sous forme
scripturale ou numérique (actions,
obligations, livret bancaire, bons du
Trésor, traites bancaires, billets à
ordre, etc.) ou sous forme de monnaies,
billets de banque ou deniers.
De
ceci il découle que : 1) l’argent
– stocké à la banque ou en circulation
sur les marchés – doit obligatoirement
représenter le capital circulant et
uniquement. Dans le cas contraire
l’argent en surplus provoquera inflation
ou l’argent manquant provoquera la
déflation. 2) Que lorsqu’il est à la
banque le capital-argent perd son temps
et sa valeur ! Il doit donc être remis
en circulation prestement. 3)
Qu’en aucun temps le capital argent
ne peut se reproduire – fructifier – et
se valoriser – pendant son transit à la
banque – à la bourse ou lorsqu’il est
exporté (IDF) dans un pays étranger où
il devra nécessairement se transformer
en moyens de production et plus
particulièrement en force productive
salariée si le capitaliste souhaite le
valoriser. 4) Que « l’impôt »
plus-value, prélevé à chaque étape de
fabrication-transformation de la
marchandise entraine la concentration du
capital entre les mains d’un bien petit
essaim de capitalistes de plus en plus
riches. 5) Ceci implique que le prêt et
l’intérêt constituent soit : A)
une ponction réalisée sur la plus-value
produite par le capital salarié engagé,
ce qui en laisse d’autant moins pour les
autres acteurs capitalistes ; B)
soit, un mirage inflationniste dans une
comptabilité boursière bancaire qui tôt
ou tard devra s’ajuster à la réalité de
la productivité stagnante et de la
profitabilité déclinante.
LE
MYSTÈRE DE LA VALEUR BOURSIÈRE
Si
tout ceci est exact direz-vous, comment
expliquer que le capital action,
obligation, hypothèque, produits
boursiers dérivés augmentent
soudainement de « valeur », l’action de
AT&T et de Time Warner bondissant suite
à l’annonce de leur rapprochement (3) ?
Pourtant, aucune valeur nouvelle n’a été
produite suite à cette fusion de deux
dettes fortuites (150 milliards de
dollars au total). Deux faillites ne
font jamais une réussite ! C’est que ce
n’est pas la « valeur » des actions –
obligations ou produits dérivés qui ont
augmenté sur le marché boursier, mais
leur « prix » nominal. Le « prix » d’une
marchandise – y compris d’une
marchandise action et obligation – varie
en fonction de la « valeur d’échange »
qu’elle représente, mais aussi en
fonction de l’unité monétaire dans
laquelle elle s’échange (dollars, yuans,
euros, etc.) comme nous l’expliquions
dans un texte précédent (4).
Ainsi,
le prix d’un litre de lait varie en
fonction de l’inflation, mais sa
« valeur » ne varie pas à court terme (à
moins d’une subite hausse de
productivité dans l’élevage laitier).
Pour le dire autrement, au total, sur
l’ensemble du marché boursier, le
« prix » monétaire des actions varie
rapidement, mais leur « valeur » en
capital varie autrement et bien plus
lentement. Si le « prix » d’une action
monte, c’est que le « prix » d’une autre
descend, et la seule hausse globale est
due à l’augmentation de la masse de
plus-value générée sur le marché
mondial. On comprend ainsi que si la
valorisation globale du capital stagne à
l’échelle internationale, la valeur
totale du capital stagne également. Le
prochain krach financier sera chargé de
le rappeler aux milieux financiers qui
le savent bien, mais n’y peuvent rien.
La phase impérialiste moderne du mode de
production capitaliste
L’impérialisme moderne est la phase
économique (avant d’être politique) où
le mode de production capitaliste ayant
pris une extension internationale,
interreliant toutes les sources et
toutes les formes du capital, subit
mondialement ces ajustements. Ainsi, la
phase impérialiste moderne du mode de
production capitaliste ne
constitue en rien un changement de
paradigme, mais un changement d’échelle
de la contradiction fondamentale du
capital. À ce stade, les évènements
économiques sont systémiques, globaux et
mondiaux et le mode de production
capitaliste passe de l’hégémonie
formelle à l’hégémonie réelle sur
l’ensemble du capital, étape marquée par
la primauté de l’extraction de la
plus-value relative sur la plus-value
absolue, et les hausses de productivité
prennent le pas sur l’allongement de la
journée de travail pour régénérer le
capital (5).
C’est
que la sphère financière, le moment ou
le capital circulant prend la forme de
capital scriptural (anciennement papier,
maintenant numérisé) afin d’assurer sa
circulation, sa concentration, sa
transformation, permet au capital de se
déplacer rapidement et même de fourvoyer
les « gens » du placement, mais tout
ceci est éphémère, je ne dis pas
« irréel » comme le font les économistes
bourgeois – car l’augmentation de la
valeur du capital action est bien réelle
et se voit aux écrans –, mais ce qu’il
faut réaliser c’est que cette
augmentation du « prix » des
actions est bidon et se butera aux
difficultés de convertibilité en valeur
d’échange monétarisée. C’est ce que l’on
appelle le Krach boursier.
CAPITAL
ET RÉVOLUTION SOCIALE
On
aura compris que sous le mode de
production capitaliste (MPC) toute
révolution sociale devra obligatoirement
s’attaquer à cette confiscation du
capital-plus-value (cet impôt sur le
capital-travail salarié) et mettre fin à
cette expropriation – privée, publique
ou étatique – afin de détruire les
fondements du mode de production
capitaliste et créer les bases
économiques du nouveau mode de
production communiste. Si une
insurrection populaire ne s’attaque pas
à ce processus circulant du capital
affamé et ne remet pas en cause
l’appropriation privée (corporative ou
étatique) de la plus-value et au
principe de propriété (corporatif ou
étatique) qui le garanti cette
insurrection ne sera pas une Révolution
sociale. La Révolution russe bolchévique
et la Révolution de démocratie nouvelle
en Chine l’ont amplement démontré (6).
Notes
(1)
Voir les commentaires à la suite de
l’article
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-sophisme-de-loffre-et-de-la-demande/
(2)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-sophisme-de-loffre-et-de-la-demande/
(3)
http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2016/10/23/at-t-pret-a-racheter-time-warner-pour-86-milliards-de-dollars_5018708_1656994.html
(4)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-sophisme-de-loffre-et-de-la-demande/
(5)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/limperialisme-et-la-domination-reelle-du-capital/
(6)
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/limperialisme-et-la-domination-reelle-du-capital/
ANNEXE : LA LOI DE LA VALEUR ET LE PRIX
La
valeur marchande d’un produit
correspond à la valeur (la quantité – le
temps de force de travail dépensé pour
produire et acheminer ce produit de la
mine, du champ, de la mer, de
l’atmosphère, ou de l’usine jusqu’au
client ou jusqu’au consommateur.
Sachant qu’à chaque étape de
transformation d’un produit en
marchandise (le verre posé comme vitre
dans une voiture) une partie de la force
de travail est confisquée par le
capitaliste (l’impôt plus-value) et une
autre est remise au prolétaire (son
salaire).
Cette
opération de production (agraire dans un
champ, industrielle dans une
manufacture, minière, hauturière, sur un
chantier, etc.) a son équivalent en
terme monétaire – financier. C’est la
raison pour laquelle nous disons que la
monnaie est censée être le reflet
exact de ce processus de constitution de
la valeur marchande –
d’extraction-confiscation de la
plus-value constituant le nouveau
capital permettant de relancer un
nouveau cycle de valorisation, un
nouveau cycle du capital circulant.
S’il n’y avait pas de confiscation de la
plus-value – du temps de travail de la
force de travail prolétarienne à chacune
de ces étapes – le mode de production
capitaliste s’effondrerait. Ceci est
indépendant de la volonté de la classe
capitaliste et le capitaliste individuel
qui ne se soumet pas à la Loi de la
valeur d’échange est éliminé-absorbé par
ses concurrents plus efficients. On dit
alors qu’il y a concentration –
monopolisation du capital.
Il est
vrai que ceux qui assure la gouvernance
de la sphère monétaire financière tente
de tricher – de manipuler la variable
monétaire au sens large (crédit, dette,
emprunt, monnaie, actifs, etc.) et il
tente de hausser les prix ici, de
diminuer les prix, de devancer la
collecte de l’impôt-plus-value,
manigance éphémère et inutile. Les
lois économiques du capitalisme
s’imposent. Une marchandise est
toujours vendue à sa valeur marchande (à
son équivalent de temps de travail –
force de travail – dépensé pour sa
fabrication – transformation –
circulation). S’il n’en était pas ainsi,
si une marchandise pouvait être vendue
au-delà de sa valeur – au-delà du temps
de travail qu’elle contient, c’est que
quelqu’un quelque part possèderait une
baguette magique pour produire de la
valeur d’échange sans avoir recours au
temps de travail – à la force de
travail.
J’entends déjà l’économiste vulgaire
déclamer, et si je trouve une pépite
d’or pur dans un ruisseau et que je vais
la vendre au marchand – j’ai dépensé
bien peu de force de travail pour une
valeur d’échange très grande. Voilà la
preuve absolue de la fausseté de la loi
de la valeur ! Que nenni mon ami.
Tu oublies que chaque jour dans les
rivières de la Sierra Leone et ailleurs
en Afrique des milliers de prospecteurs
d’or misérables dépensent des milliers
d’heures de temps de travail pour que
dalle. Si une marchandise se vend
au-dessus de sa valeur en force de
travail, c’est qu’une autre marchandise
se vend en dessous de sa valeur
marchande, de sa quantité de temps de
travail dilapidée. Seule la quantité de
valeur d’échange produite dans le
système peut être engagée. Une quantité
peut être gaspillée ou détruite mais
aucune quantité ne peut être inventer.
L’or ne fait pas exception à la loi de
la valeur malgré les manipulations dont
le précieux métal est l’objet à la
bourse et ailleurs – tôt ou tard les
lois de l’économie politique capitaliste
s’abattent sur ce produit. Ce
n’est pas la rareté ou l’abondance de
l’or qui lui attribue sa valeur
marchande, mais la quantité de travail
social que contient une once d’or –
tôt ou tard cette loi s’appliquera et
alors le prix de l’or augmentera.
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