Les 7 du Québec
La Révolution d’octobre et
les luttes de libération nationale.
Le droit du peuple catalan à disposer de
lui-même
Robert Bibeau

Mercredi 1er novembre 2017
Le droit des nations à disposer
d’elles-mêmes.
Le principe du « droit
des nations à disposer d’elles-mêmes »
dissimule sa vraie nature chauvine et
bourgeoise sous le masque de
l’imaginaire lutte contre l’oppression
nationale et contre la réelle
exploitation de classe, confondant l’une
et l’autre afin de placer l’une au
service de l’autre. Nous nous
expliquons, Bruno Guigue écrit :
« En 1916, Lénine publia ses
fameuses Thèses sur le droit des
nations à disposer d’elles-mêmes,
sans doute l’un de ses textes les plus
féconds. La lutte pour l’émancipation
nationale distrait le prolétariat de la
révolution socialiste, lui disent
ses camarades. Lénine leur répond que
le socialisme signifie la lutte contre
toute forme d’oppression, y compris
l’oppression nationale. À rebours de
l’orthodoxie socialiste, il prend au
sérieux la question de
l’autodétermination nationale,
récusant un internationalisme abstrait »
(1).
Samir Amin
proclame quant à lui que : « Sans la
Révolution d’octobre il n’y aurait pas
eu de Révolution chinoise (1949), pas eu
de Révolution vietnamienne (1975), pas
eu de Révolution cubaine (1959), de
Révolution algérienne (1963), bref, il
n’y aurait pas eu cette capacité des
peuples d’Asie et d’Afrique à
reconquérir leur indépendance
nationale, et enfin il n’y aurait
pas eu la naissance de ces puissances
« émergentes » comme la Chine. Autrement
dit, la Révolution d’octobre a inauguré
la transformation du monde moderne »
(2).
Nous sommes
d’accord avec ces auteurs à l’effet que
la Révolution russe d’octobre 1917
fut, comme la Révolution française
précédemment, la plus grande révolution
sociale bourgeoise et antiféodale du XXe
siècle. Elle marqua le début d’une suite
imposante de révolutions nationales
bourgeoises antiféodales que la
go-gauche qualifia abusivement
d’anticoloniales et d’antiimpérialistes.
Ces multiples révolutions
tiers-mondistes furent toutes, sans
exception, des révolutions de soi-disant
conquête de l’« indépendance –
autodétermination nationale ». En
d’autres termes, des luttes pour la
construction de l’État national
bourgeois sur les ruines des anciens
rapports de production féodaux,
aristocratiques et absolutistes
impériaux. Ces anciens rapports de
production féodaux étaient parfois
portés par la noblesse locale, parfois
par l’aristocratie impériale, parfois
par d’anciens nobles territoriaux ou par
des membres des castes dominantes
(Inde-Népal) que les puissances
coloniales avaient pris soin de
maintenir en place afin de servir de
marchepieds, de garde-chiourmes et
d’entremetteurs entre elles et les
populaces régionales asservies (les
« peuples » comme les appelles la
go-gauche occidentale). Aucune de ces
luttes de soi-disant « autodétermination
nationale » n’apporta « libération ou
indépendance » et toutes amenèrent au
pouvoir les bourgeoisies nationalistes
qui prirent simplement le relai des
anciens conscrits aristocratiques dont
ils renégocièrent les ententes – les
traités – et les accords commerciaux et
financiers. Trois exemples parmi
d’autres. Les pays africains « libérés,
indépendants et autodéterminés » (sic)
du joug colonial français se lièrent à
leur puissance néocoloniale par
l’entente sur le franc CFA
de la Françafrique
administrée par la Banque de France.
Depuis 2016, le Vietnam socialiste est
membre de l’Accord de partenariat
Transpacifique (TPPA) imposé par
l’impérialisme américain son ancien
bourreau. Enfin, la Russie ex-soviétique
absorba dans son Ère d’ingérence
impérialiste les pays « indépendants et
autodéterminés » de l’Europe orientale
après la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, la Russie impose son dictat
aux ex-républiques soviétiques
asiatiques « autodéterminées et
libérées ».
Lénine ne
s’est pas trompé il s’est adapté.
Lénine,
avait compris, au cours de la Grande
Guerre des tranchées patriotiques, ou
Boshs, frogues et Beefs s’entretuaient à
l’exemple de dizaines d’autres nations
et peuples européens – dont notamment
les ethnies de toutes les Russies –
qu’il était impossible d’enjamber les
luttes de pseudo indépendance nationale
bourgeoises pour la constitution des
frontières douanières, fiscales et
juridiques en vue du renforcement des
forces productives nationales pour la
production de plus-value et pour le
développement des marchés et des
capitaux nationaux, ce que nous avons
présenté dans notre dernier
ouvrage sur la question nationale
(3). Aussi, quand les bolcheviques
s’emparèrent de la direction de la
Révolution russe antiféodale visant à
renverser l’aristocratie tsariste, ils
ne pouvaient transformer cette
insurrection populaire en révolution
prolétaire (faute de prolétaires et
faute d’un développement suffisant des
forces sociales productives) et ils
assurèrent donc la victoire de la
révolution nationale bourgeoise contre
l’oppression féodale (et impériale pour
les peuples non russes) qu’ils eurent
l’opportunisme d’appeler la
Révolution socialiste non pas des
prolétaires, mais des peuples de Russie.
On comprendra bien plus tard que le mode
de production socialiste n’existe pas,
et que socialisme signifie ici
capitalisme d’État populiste comme
phase transitoire vers l’éventuel mode
de production communiste prolétarien…qui
n’est jamais apparu.
De la révolution
nationaliste bolchevique au « Petit père
des peuples ».
Depuis
l’imposition, par la IIIe
Internationale communiste de
cette ligne politique opportuniste –
réformiste – nationaliste, plaçant les
mouvements ouvriers, socialistes et
communistes, à la remorque des objectifs
des bourgeoisies nationalistes, des
dizaines de guerres interethniques ont
été déclenchées dans les Russies
tsaristes, de Saint-Pétersbourg à
Vladivostok (9 000 kilomètres et
quelques centaines de peuples et de
nations à soi-disant libérer
politiquement sans les libérer
économiquement), dont les bolcheviques
ont longtemps pensé avoir forcé l’unité
(du temps de Staline notamment), jusqu’à
ce qu’un certain Boris Eltsine
désacralise tout ceci et d’un trait de
plume révèle que les racines chauvines,
xénophobes, racistes, religieuses,
ethniques des multiples paysanneries
féodales, et ensuite soviétiques,
n’avaient nullement disparu des Russies
orthodoxes du capitalisme étatique
populiste.
C’est que la
souveraineté – l’autonomie – le droit de
disposer de son sort national et la
liberté politique ne précède pas le
développement des forces productives et
l’indépendance économique, mais lui
succède. Elles en sont les
résultats, et non les prémices. Seule
la conquête de l’autodétermination
économique peut engendrer la
souveraineté politique, jamais l’inverse.
Les rapports de production sont forgés
pour servir les forces productives.
L’empire soviétique dépendant des
technologies capitalistes occidentales
pour ses hausses de productivité, et lié
au capital occidental pour son commerce
international ne s’est jamais totalement
autodéterminé, et il a succombé, pas du
tout sous les coups de la ridicule « Guerre
des étoiles », qui n’a jamais eu
lieu, mais sous les coups du capital
financier international. L’URSS du
capitalisme d’État industriel n’a pas su
muter vers le capital financier,
si ce n’est en s’immolant pour renaître
sous l’Ère Poutine, le milliardaire de
l’ex-KGB.
Les communistes ont
dilapidé leurs acquis de sympathie
ouvrière.
À travers le
tiers-monde, dans nombre de ces luttes
de soi-disant « libération
nationaliste pour acquérir le droit
caméral de disposer d’eux-mêmes »
ce sont des communistes, des
socialistes, des Vietcong, des Khmers
rouges, des castristes, des guévaristes,
des sankaristes qui dirigèrent la lutte
au nom de la paysannerie et de la
bourgeoisie nationale sous prétexte,
comme disait Lénine, que le « socialisme
signifie la lutte contre toute forme
d’oppression », pour le droit
des bourgeoisies nationalistes
d’opprimées leur prolétariat
nationalisé. Aucune de ces multiples
luttes antiféodales, et anticoloniales,
pour constituer un État régalien
capitaliste (libéral) ou socialiste
(capitaliste d’État populiste) n’a
jamais engendré une société
prolétarienne édifiant le mode de
production prolétarien communiste. La
Corée du Nord elle-même récuse son
appartenance communiste ou socialiste et
préconise un galimatias nationaliste
chauvin appelé « Juche ».
La Chine des milliardaires
psalmodie encore quelques rapsodies
écrites par Mao et en rit. L’URSS
fut l’expérience qui parvient à
maintenir l’illusion le plus longtemps
(75 ans de « socialisme réel » (sic)
affirment les nouveaux opportunistes)
jusqu’à ce qu’une estafette brise le
miroir aux alouettes.
Qu’est-ce que le
mouvement communiste international a
obtenu d’avoir organisé et dirigé le
sacrifice suprême de millions de paysans
et de prolétaires dans des holocaustes
nationaux pour construire les bases
sociales du capitalisme d’État qui
enrichiront plus tard leurs
millionnaires vernaculaires chauvins ?
Ils ont obtenu des sinécures dans
l’oligarchie bourgeoise nationale et un
profond mépris de la classe ouvrière
internationale qui ne veut plus entendre
prononcer les mots « communisme,
socialisme, dictature du prolétariat,
révolution, pas davantage que
nationalisme et indépendance nationale ».
Ces misérables ont pris sur leurs
épaules les crimes de la bourgeoisie et
les illusions de la petite-bourgeoisie.
Aucune section « nationale »
du prolétariat mondial ne s’est libérée
économiquement, politiquement ou
idéologiquement de la dictature
bourgeoise en passant par la trappe
nationaliste chauvine. Quel triste
bilan après un siècle d’affrontement !
Heureusement, on apprend de ses erreurs
et maintenant nous savons avec Rosa
Luxembourg que le nationalisme est
incompatible avec l’internationalisme
prolétarien quoiqu’en dise Lénine.
La première
révolution prolétarienne, qui est à
venir, sera dirigée par le prolétariat.
Sans étape nationale préalable, elle
visera directement le renversement de
l’État capitaliste bancal et
l’élimination de la propriété sur les
moyens de production, de communication
et de commercialisation et elle sera
internationaliste et pas nationaliste,
assurance d’une véritable indépendance
d’une classe autodéterminée.
À SUIVRE :
L’ILLUSTRATION CATALANE.
NOTES
- Bruno Guigue
(2017). L’étincelle d’octobre
II.
https://www.legrandsoir.info/1917-2017-ii-l-etincelle-d-octobre.html
- Samir Amin
(2017). Révolution d’octobre et
mouvements de libération nationale”
https://vimeo.com/239809567?from=outro-embed
- Robert Bibeau
(2017). Question nationale et
révolution prolétarienne sous
l’impérialisme moderne. L’Harmattan.
https://www.amazon.ca/Question-nationale-r%C3%A9volution-prol%C3%A9tarienne-limp%C3%A9rialis/dp/2343114749/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1496234995&sr=8-1&keywords=Robert+Bibeau
-
https://www.legrandsoir.info/1917-2017-ii-l-etincelle-d-octobre.html
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