MADANIYA
Non-alignés, Tricontinentale : 60 ème
anniversaire 2/2
René Naba
Samedi 26 décembre 2015
1955 -1965 : La
revanche des «damnés de la terre»
La bataille de Dien Bien Phu,
tournant majeur de la configuration
stratégique mondiale, va durer 18 mois
(20 Novembre 1953-7 mai 1955) et la
chute de la place forte française (5.000
morts) va coïncider avec la Conférence
de Bandoeng (17-24 avril 1955), point de
naissance du mouvement des Non-alignés,
c’est à dire des exclus de la Charte de
San Francisco, la charte fondatrice des
Nations Unies.
- 1955: Dien Bien PHU, première
défaite d’une armée blanche contre
un peuple basané, un revers
stratégique majeur, marque un
tournant dans les relations
internationales. Le point de départ
des guerres de libération nationale
avec en toile de fonds, le début de
la guerre d’indépendance de
l’Algérie (1 er novembre 1954).
- 1956 -La nationalisation du
Canal de Suez, première
nationalisation réussie dans le
tiers monde. Suivie de l’agression
tripartie de Suez (France, Royaume
Uni et Israël et de la révolte de
Budapest (novembre 1956), ouvre la
voie aux futures nationalisations
des installations pétrolières de la
décennie 1970 (Irak, Libye,
Algérie), voire même de la firme
saoudo-américaine ARAMCO.
- 1 er janvier 1957: l’arrivée des
Barbudos à la Havane, dans la foulée
de la nationalisation du Canal de
Suez, et des revendications
nationalistes au Maghreb (Tunisie,
Maroc), galvanisées par le
soulèvement algérien, pose, sur le
terrain, dans l’action
révolutionnaire, le trépied de la
Tri continentale.
- 1958 : L’union syro égyptienne
entraîne une riposte militaire
occidentale, avec le débarquement
américain au Liban et le parachutage
de troupes anglaises en Jordanie.
La riposte occidentale
interviendra à trois niveaux :
- La mise sur pied du Pacte de
Bagdad -Le CENTO-, le pacte central,
groupant les états musulmans pro
américains (Irak, Iran, Jordanie,
Turquie, Pakistan), en un maillon
intermédiaire entre l’OTAN et
l’OTASE.
- Le débarquement américain à
Beyrouth à l’occasion de la 1re
guerre civile libanais a été doublé
de l’intervention de parachutistes
anglais en Jordanie, en juillet
1958, pour préserver la chasse
gardée britannique constituée par la
dynastie hachémite dont la branche
aînée venait de chuter, avec
l’abolition de la monarchie en Irak
et la pendaison de Noury Saïd,
l’homme des anglais par excellence.
Cette double opération militaire
anglo saxonne, deux ans après Suez,
a constitué la bonne preuve que
l’OTAN est l’adversaire le plus
résolu aux aspirations unitaires du
Monde arabe : Le Cheikh Youssef Al
Qaradawi, le prédicateur
millionnaire devrait s’en souvenir,
lui qui implorait l’Otan de
bombarder la Syrie, quand le pape
François priait pour la paix.
- L’invasion de la baie des
Cochons pour tuer dans l’œuf la
révolution cubaine, dans
l’arrière-cour des États Unis
(1961).
Afrique : L’onde de
choc de Dien Bien Phu et de la guerre
d’Algérie
Une indépendance tardive et formelle
: Contrecoup de ses revers militaires au
Vietnam et en Algérie, la France
maquille ses défaites en victoires.
A son corps défendant, elle octroie
l’indépendance à ses colonies d’Afrique,
dans la décennie 1960, et, pour élargie
sa marge de manœuvre, assume un rôle
pionnier dans la reconnaissance de la
Chine, le 27 janvier 1964, première
brèche dans le dispositif occidental du
confinement diplomatique de celui qui
deviendra dès la fin du XX me siècle le
géant chinois.
L’Afrique est le continent qui a le
plus tardivement accédé à
l’indépendance, particulièrement la zone
subsaharienne. Le Ghana, ancienne Gold
Coast, l’a été en 1957 et la
décolonisation de l’Afrique noire
francophone dans la décennie 1960, sans
la moindre guerre de libération
nationale.
Les seules guerres de libération
menées ont été les guerres de libération
des places, les guerres d’accaparement
des palaces et des limousines. Nullement
le fait de la générosité française,
l’indépendance octroyée d’un trait aux
13 colonies de l’Afrique occidentale et
centrale française (Sénégal, Mauritanie,
Guinée, Mali, Côte d’Ivoire, Niger,
Gabon, Tchad, Cameroun, Congo
Brazzaville, Haute Volta, Dahomey,
République Centre Africaine) répondait à
des nécessités de survie démographique.
Bien que les statistiques ethniques
soient officiellement bannies en France,
elles n’en sont pas moins intégrées dans
l’ordre subliminal dans les prospectives
stratégiques de la nation. Les pertes de
l’armée française durant la II e guerre
Mondiale (1939-1945), de l’ordre de
100.000 soldats, cumulées aux pertes
françaises lors de la défaite de Dien
Bien Phu, qui marqua la fin de la guerre
d’Indochine dix ans plus tard, de
l’ordre de 5.000 soldats, surajoutées
aux pertes françaises dans la guerre
d’Algérie, de l’ordre de 15.000 soldats
du contingent…la blancheur immaculée de
la population française risquait de
pâtir à terme de la pigmentation de
l’apport mélanoderme résultant des
besoins en main d’œuvre d’un pays en
phase de reconstruction.
Le lestage de l’empire français s’est
opéré sous couvert d’une Grande
Communauté Franco Africaine, permettant
à la France de concéder une indépendance
formelle à ses anciennes colonies, tout
en maintenant sous contrôle ses
anciennes possessions. Du beau travail
d’équilibriste.
La décapitation des
figures emblématiques : «Il y a
quelqu’un de pire qu’un bourreau, son
valet» Mirabeau.
Toutes les figures emblématiques du
combat pour l’indépendance ont été
limogées par leurs compatriotes,
sous-traitants des anciens
colonisateurs, quand ce n’est par le
colonisateur lui-même qui s’en est
chargé, comme ce fut le cas avec Félix
Moumié, le dirigeant nationaliste du
Cameroun (UPC) empoisonné par l’homme en
charge du dossier Afrique sous la
présidence du Général Charles de Gaulle
(1959-1969) Jacques Foccart en personne.
Il en a été ainsi de Modibo Keita
(Mali) par le lieutenant Moussa Traoré,
de Thomas Sankara (Burkina Faso) par son
frère d’armes Blaise Compaoré, de
Patrice Lumumba par le sergent Joseph
Désiré Mobutu, agent de la CIA, d’Amadou
Aya Sanogo contre l’ordre républicain de
son pays. le Mali. Aucun putschiste n’a
payé son forfait et Dakar et Abidjan
tendent à devenir le lieu d’échouage des
anciens éléphants de la France-Afrique :
Hissène Habré (Tchad), Amadou Toumany
Touré (Mali), Blaise Compaoré (Abidjan).
Tous les potentats se sont assuré une
police de survie en alimentant la classe
politique française de djembés et de
mallettes de Félix Houphouët Boigny
(Côte d’Ivoire), à Omar Bongo (Gabon), à
Joseph Désiré Mobutu (Congo Kinshasa) à
Denis Sassou Nessos (Congo Brazzaville).
Une pratique qui perdure près de 60 ans
après l’indépendance, alors que
l’Afrique a fait l’objet de la plus
forte dépossession de l’histoire, de la
plus forte spoliation de l’Histoire.
La France, vassale de l’Amérique,
rescapée parmi les grands vainqueurs de
la 2me guerre mondiale, dote le régime
d’Apartheid d’Afrique du sud de l’arme
nucléaire. Elle favorise la sécession de
la région pétrolière du Biafra et
soutient Jonas Savimbi, l’agent de la
CIA en Angola, dans sa lutte contre les
nationalistes angolais en guerre
d’indépendance contre le colonialisme
portugais en Angola et au Mozambique. En
réplique, Cuba dépêchera dans la
décennie 1960 un corps expéditionnaire
en soutien aux nationalistes angolais en
guerre d’indépendance contre le
colonialisme portugais en Angola et au
Mozambique.
Penser Global agir
local : la Tri continentale, contrepoint
de la Trilatérale (Etats-Unis, Europe,
Japon) et du groupe de Bilderberg, le
cénacle des cosmocrates de la planète.
1965-1975 : La décapitation de la
tricontinentale avec l’élimination de
Mehdi Ben Barka, de Che Guevara (1967)
et la neutralisation de Nasser (1967),
sur fond de fournaise américaine dans la
guerre du Vietnam (52.000 soldats
américains tués), dix ans après Dien
Bien Phu.
L’Indonésie, préfiguration du
Plan Condor.
Auparavant, l’Indonésie, pays hôte de
la conférence de Bandoeng, sera noyée
dans un bain de sang, en 1964, à la
veille du 10me anniversaire de la
conférence actant le réveil des peuples
colonisés. Le président Ahmad Soekarno
est renversé par un coup d’état. Son
substitut, Suharto, déclenche une vague
de répression entraînant la décapitation
du principal parti communiste du Monde
musulman, avec l’assassinat de près de
trois millions communistes indonésiens.
Préfiguration de l’opération Phoenix au
Vietnam, en 1966, et du plan Condor, en
Amérique latine, dix ans plus tard, sous
l’égide du secrétaire d’état américain
Henry Kissinger. La chasse aux
communistes indonésiens, banc d’essai
des futures campagnes d’épuration, a été
menée sur la base de listes établies par
l’ambassade américaine à Djakarta
actualisées par les relevés quotidiennes
de la presse indonésienne des
déclarations anti-américaines des
opérateurs locaux.
1965 : Conséquence de l’engagement
massif des Américains dans la 2me Guerre
du Vietnam et de son enlisement au plus
fort de la rivalité soviéto-américaine,
l’épreuve de force se répercute, en
Amérique latine, non seulement par le
blocus de Cuba qui a suivi la crise des
Missiles, mais aussi par la destruction
du MR-8, le Mouvement Révolutionnaire
Brésilien par le général Medici (1964).
Deux ans plus tard, en 1967, les
conseillers américains au Vietnam, au
nombre de 30.000, sont remplacés par un
corps expéditionnaire de 500.000 soldats
en vue d’endiguer le déferlement
communiste.
En application du principe «Penser
global agir local» Che Guevara et Nasser
en seront les deux victimes collatérales
de ce mot d’ordre impérialiste.
En prévision de la première
confrontation directe entre Américains
et communistes, qui culminera en janvier
1968 avec l’offensive communiste
victorieuse du Têt, les Etats Unis
s’emploient à «assécher le marigot» de
leur arrière-cour. La Guerre de juin
1967 contre Gamal Abdel Nasser, dix ans
après Suez, châtie le chef charismatique
du nationalisme arabe de son soutien aux
indépendantistes du Sud Yémen et conduit
l’Égypte à se désengager de la Péninsule
arabique, zone névralgique du système
énergétique mondial. Nasser laisse de ce
fait les mains libres à l’Arabie
Saoudite pour assurer, à des prix
compétitifs, et en toute quiétude, le
ravitaillement de la Vème (Golfe-Océan
Indien) et la VIIème flotte américaine
(Pacifique) en opération au Vietnam. Les
États Unis alignaient alors une force de
frappe de 3 porte-avions, 500 avions de
combats, sans compter les hélicoptères,
les chars et blindés et les transports
de troupe.
La relève nassérienne sera assurée
par la guérilla palestinienne pendant
quatorze ans (1968-1982), de la bataille
de Karameh, en 1968, à la perte du
sanctuaire libanais des Palestiniens, en
1982, dans la foulée de la première
invasion israélienne du Liban. Le combat
palestinien en sortira exsangue, tant
par les coups de butoirs répétitifs de
ses ennemis, le trône hachémite avec le
septembre noir jordanien 1970, la guerre
de dérivation du Liban pour en faire une
«patrie de substitution» aux
Palestiniens (1975-1983) que par ses
dérives de type mafieuses.
Le FLN vietnamien faisait usage des
bordels de Saigon comme source de
revenus, les Palestiniens des lupanars
de Beyrouth, les lieux de leurs propres
débauches.
Sur le flanc sud des États Unis, Che
Guevara est assassiné quatre mois plus
tard en Bolivie, en octobre 1967,
provoquant un coup d’arrêt brutal à la
guérilla transaméricaine.
Au plus fort de la guerre froide
soviéto-américaine (1945-1990), alors
que la religion était instrumentalisée
par les États-Unis comme arme de combat
contre l’athéisme marxiste, notamment
dans les pays arabes et musulmans,
l’Amérique latine forgera un concept
novateur «la théorie de libération» pour
justifier au nom de cette même religion
le combat contre l’hégémonie
nord-américaine.
Que des prêtres aient pu prôner une
«Théologie de la Libération» vingt
siècles après l’avènement du
Christianisme, sur l’une des terres
d’élection de la chrétienté, l’Amérique
latine du Che Guevara, donne la mesure
des frustrations accumulées par les
ravages d’un capitalisme effréné. Ce mot
d’ordre révolutionnaire va retentir dans
le contexte exacerbé de la guerre froide
soviéto-américaine comme un mot d’ordre
subversif pour les tenants de l’ordre
établi, que cela soit au sein de la
hiérarchie cléricale ou parmi les
latifundiaires et leurs alliés les
dirigeants des conglomérats américains
de l’industrie agro-alimentaire «United
Fruit», de l’industrie minière
«Anaconda» ou des télécommunications IIT
(International Telephone and Telegraph),
qu’ils combattront comme tel.
Le Plan
Condor
Tous les grands pays seront en proie
à la déstabilisation. Les dictatures
militaires, souvent installées en
sous-main par la CIA, la centrale
américaine du renseignement, noieront
dans le sang toute velléité
revendicatrice.
Du Guatemala (1954), au Nicaragua
(1980), en passant par le Brésil (1964),
la Bolivie (1967), le Chili (1973), et
l’Argentine, toutes passeront à la
postérité pour leur macabre bilan. Le
plus élaboré des plans concertés de
répression collective, le plan Condor de
sinistre mémoire, offre l’édifiant bilan
suivant :
De 1975 à 1983, de la chute de
Saigon, bastion de la présence militaire
américaine en Asie, au démantèlement du
sanctuaire palestinien à Beyrouth, la
vaste et impitoyable chasse aux
opposants aux dictatures
latino-américaines est lancée sur
l’ensemble du Cône sud. A l’instigation
du secrétaire d’état Henry Kissinger,
avec la collaboration des dictateurs du
Paraguay, Alfredo Stroessner, et du
Chili, Augusto Pinochet, fera plusieurs
dizaines de milliers de victimes dans
six pays d’Amérique latine : Argentine
(30.000), Bolivie (350), Brésil (288),
Chili (3.000), Paraguay (2.000) et
Uruguay (178).
La répression n’épargnera pas non
plus le clergé catholique : L’Amérique
latine a aussi produit des figures
mythiques dans l’ordre religieux, de
véritables icônes modernes du continent,
tels Camillo Torres, le prêtre
colombien, -l’ami de l’Abbé Pierre,
parrain des déshérités français-,
l’animateur du «Frente Unido». Une autre
figure mythique du clergé militant a été
Don Helder Camara, Archevêque de Recife,
«l’évêque rouge» des bidonvilles et
pourfendeur de la course aux armements
ou encore le père Rutilo Grande, tué le
12 mars 1977 par un mystérieux escadron
de la mort l’année de l’intronisation de
son ami, Mgr Oscar Roméro, l’archevêque
de San Salvador, qu’ils assassineront
trois ans plus tard.
La chasse aux prêtres-guérilleros
débordera même de dix ans la période du
plan Condor tant la religion peut
paraître corrosive aux yeux d’une
population croyante.
Sur le plan condor : L’hispaniland,
un rôle galvaniseur dans la dynamique
contestataire de l’ordre mondial par
René Naba
http://www.renenaba.com/hispaniland-un-role-galvanisateur-dans-la-dynamique-contestataire-de-lordre-mondial/
En Asie, l’Indonésie, déjà précitée,
le plus grand pays musulman, tombera
dans l’orbite américaine au terme d’une
sanglante opération de déstabilisation
entraînant le massacre de 3 millions de
personnes et la destitution du président
Ahmad Soekarno, un des plus actifs
participants à la Conférence de
Bandoeng, et le démantèlement du PC
indonésien, le 3me parti communiste par
ordre d’importance au Monde après ceux
de l’URSS et de Chine.
Dans le Monde Arabe, Mehdi Ben Barka,
une des figures de l’opposition du Tiers
monde, cheville ouvrière de la
tricontinentale, le fer de lance des
non-alignés, est assassiné dans de
ténébreuses conditions, dans une
opération conjuguée mêlant le MOSSAD, la
CIA et les services français, le 29
octobre 1965, alors qu’il préparait la
tenue de la 2me conférence de la
tricontinentale prévue en Janvier 1966 à
la Havane.
Le Maroc, membre du SAFARI CLUB
(France, Arabie saoudite, Maroc), chargé
de la protection des dictateurs
africains pro occidentaux (Mobutu Zaïre,
Eyadema Togo, Bongo Gabon) faisait
office de base de repli au commandement
politique et militaire français en cas
d’effondrement de la France face à une
poussée soviétique.
Sur l’implication du Mossad
dans l’assassinat de Mehdi Ben Barka
Soekarno, Ben Barka, Guevara, les
Palestiniens anéantis en Jordanie lors
du «septembre noir» de 1970, Nasser qui
décédera dans la foulée, un mois plus
tard, le PC communiste soudanais avec
ses chefs mythiques Abdel Khaleq Mahjoub
et Hachem Al Atta, décapités avec l’aide
du libyen Kadhafi en tandem avec les
Anglais, puis Salvador Allende, au Chili
en 1973, les Sandinistes au Nicaragua…Le
neutralisme paraît déstabiliser par
l’élimination brutale de ses figures
emblématiques.
1975-1985 : Le
triomphe du néo conservatisme du Tandem
Reagan-Thatcher
1973- L’intermède de Salvador
Allende, la destruction de la ligne Bar
Lev et l’arme du pétrole
Face à une défaite prévisible au
Vietnam, les États Unis vont durcir la
répression dans leur pré carré. Salvador
Allende est assassiné le 11Septembre
1973, et un mois plus tard, Anouar Al
Sadate opère un changement d’alliance,
lâche Moscou au profit de Washington et
se lance dans la guerre d’octobre 1973
pour la récupération du Sinaï.
L’usage de l’arme du pétrole par
l’Arabie saoudite fait basculer le
centre de gravité du Monde arabe des
rives des Républiques populeuses et
frondeuses des rives de la Méditerranée
à la zone d’abondance du Golfe. Des pays
du champ de bataille contre Israël à la
zone sous protectorat occidental. Le mot
d’ordre UNITE ARABE cède la place au
nouveau mot d’ordre SOLIDARITE
ISLAMIQUE.
La chute de Pnom Penh et de Saigon,
le 30 mars 1975, est suivie 15 jours
plus tard du déclenchement de la guerre
civile libanaise, première guerre civile
interurbaine de l’époque contemporaine,
précurseur des guerres d’épuration
ethnique de la décennie 1990 en Bosnie
Bosnie-Herzégovine et de la mise en
œuvre de la théorie des combats de
chiens. Plus connue sous le vocable
scientifique de « théorie de la
dissension sociale », elle a été
conceptualisée par Peter Galbraith, le
fils de l’économiste James Kenneth
Galbraith, et interface de la
pakistanaise Benazir Bhutto pour le
compte de la CIA.
Venger la défaite des armes
américaines au Vietnam, l’obsession
d’Henry Kissinger, va ravager le Moyen
Orient.
Sur fond d’une guerre
inter-factionnelle, à combustion
régionale, à propulsion internationale,
la guerre du Liban (1975-1990) va
dégager la voie à une mutation
progressive du dialogue euro arabe en
une alliance islamo atlantiste, d’abord
un dialogue Europe Conseil de
Coopération du Golfe, puis dialogue
euro-méditerranéen, de manière à y
inclure Israël.
L’instrumentalisation de l’Islam
comme arme de combat contre l’athéisme
soviétique, matérialisée par la guerre
anti soviétique d’Afghanistan
(1980-1989), va déporter le combat
principal des Arabes, le combat pour la
Palestine, à cinq mille km du champ de
bataille, à Kaboul.
Cinquante mille (50.000) combattants
vont s’engager dans cette bataille
pendant dix ans, contre le principal
fournisseur d’armes aux pays du champ de
bataille (OLP, Syrie, Égypte, Irak,
Libye, Soudan, Algérie, Somalie et
Yémen), sans tirer le moindre coup de
feu en faveur de la Palestine. Pire, sur
le plan israélo-arabe, l’Égypte signe la
paix avec Israël, en 1979, mais le Monde
arabe ne tire pas profit du basculement
de l’Iran dans le camp anti occidental,
avec la chute du Shah. Au contraire, les
pétromonarchies, simultanément à la
guerre anti soviétique d’Afghanistan,
finance via l’irakien Saddam Hussein
contre la Révolution islamique iranienne
(1980-1989).
Deux des pays contestataires à
l’hégémonie occidentale vont être ainsi
neutralisés : l’Iran et l’Union
soviétique. L’OLP, dans un grand
isolement arabe, perd son sanctuaire
militaire du Liban, en 1983.
Mais cette décennie 1975-1985 va
sanctionner le triomphe du néo
conservatisme du tandem Reagan-Thatcher,
sur le plan économique avec la
consécration de l’ultralibéralisme de
l’École de Chicago de Milton Friedman,
et l’élaboration du consensus de
Washington. Sur le plan militaire, la
défaite argentine des Malouines, en
1982, mettant fin à la dictature de
Jorge Rafael Videla (1976-1983), dix ans
après l’assassinat d’Allende, débouche
en Europe sur le démantèlement du Mur de
Berlin (1989), symbole de la démarcation
entre deux Mondes, conséquence de
l’implosion de l’Union Soviétique du
fait de la guerre d’Afghanistan.
La décennie 1990 marque le début d’un
monde unipolaire sous le leadership
américain, contesté toutefois, par Cuba
en Afrique avec la victoire de Cuito
Cuanavale (1988), en Angola prélude à la
décomposition du régime d’Apartheid, à
l’indépendance de l’Angola et de la
Namibie.
L’unilatéralisme atlantiste dans les
relations internationales est favorisé
par la décomposition de l’ancien bloc
soviétique. La Russie est en état de
coma éthylique avec la présidence
fortement alcoolisée de Boris Eltsine
(1991-1999).
1985-1995 : L’Adieu
aux armes des Palestiniens
L’accord d’Oslo, le 13 septembre
1993, signe l’adieu aux armes des
Palestiniens ; accord fatal en ce qu’il
sanctionne une renonciation sans
condition, sans contrepartie. L’OLP
passera dans l’histoire comme la
première organisation de libération au
Monde à renoncer à la lutte armée sans
être parvenue à la réalisation de ses
objectifs nationaux.
Normalisation rampante versus
annexion rampante : Normalisation
rampante du côté arabe proportionnelle à
la montée en puissance du mouvement du
boycottage d’Israël sur le plan mondial.
Alors que l’Algérie sombre dans la
guerre civile à soubassement religieux,
première manifestation à l’échelle arabe
d’un conflit propulsé par les
pétrodollars salafistes, Yasser Arafat,
fragilisé par la première guerre d’Irak
(invasion du Koweït en 1990), dix ans
après la perte de son sanctuaire
libanais, est confiné à Tunis, à des
milliers de km du champ de bataille. Il
retrouvera la terre de Palestine après
48 ans d’exil, sans la moindre garantie,
sans la moindre perspective, à la merci
de ses geôliers israéliens.
Prix Nobel de la Paix, Arafat finira
sa vie confiné dans son complexe de
Ramallah, sous la menace des soldats
israéliens, preuve vivante que le Prix
Nobel ne protège pas les damnés de la
terre de l’impétuosité des tyrans, quand
bien même son bourreau Ariel Sharon
finira en légume encombrante pour le
budget israélien. Dans la foulée, la
Jordanie s’engouffre dans la brèche et
signe un traité de paix avec Israël, en
1995.
La normalisation rampante des
monarchies arabes va s’opérer au
diapason de l’annexion rampante de la
Palestine par Israël. Abou Dhabi confie
la protection de ses frontières à une
firme israélienne, Qatar autorise une
représentation commerciale faisant
office d’ambassade, sans parler du
Maroc, l’allié souterrain permanent
d’Israël dans la zone, dont la Reine
décerne un collier de perles à Tzipi
Livni, coordonnateur de la destruction
de gaza, en 2008.
1995-2005 : Le
sursaut latino-américain et le coup
d’arrêt du Hezbollah à la logique de
vassalité arabe.
Le sursaut viendra d’Amérique latine
avec l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir,
en 1998, dans un état pétrolier,
première percée significative d’une
modification des rapports de force dans
le sous-continent
Un mouvement qui connaîtra son apogée
avec les élections successives du
syndicaliste Lula au Brésil (2003), d’Evo
Morales en Bolivie (2006), de l’ancien
chef des Tupamaros Pépé Mujica
(Uruguay), en 2009, enfin de Michèle
Bachelet, en 2013.
L’Amérique latine devient ainsi la
première zone géostratégique engagée
dans un processus spécifique de
dépassement de sa dépendance antérieure
par une plus grande autonomie de
décision politique. Le Forum de Porte
Alegre est fondé, en réplique au forum
de Davos, le Brésil fait son entrée au
BRICS.
Dans le Monde arabe, sur fond
d’exacerbation du conflit latent entre
Oussama Ben Laden et de ses parrains
saoudiens et américains, un coup d’arrêt
à la logique de vassalité intervient
avec le Hezbollah libanais, qui obtient
le dégagement militaire israélien, sans
condition. L’antithèse, en somme des
accords israélo-palestiniens d’Oslo,
sans négociation, ni traité de paix,
sans renoncer à ses armes. Un exploit
identique à ses aînés.
http://www.renenaba.com/liban-diaspora-2-2/
En comparaison, le Viet Minh a défié
les accords de Genève et a insisté pour
marcher sur Saigon et unifier le pays
sous son régime. Le Front de libération
National (FNL) algérien a défié la
direction du Parti Communiste Français
de donner la priorité à la lutte de
classes en France et a lancé sa lutte
pour l’indépendance. Et les groupes de
guérilleros cubains, en renversant la
dictature de Batista, ont forcé l’Union
soviétique à les aider à se défendre
contre l’invasion américaine, après
avoir arraché l’étiquette de Parti
Communiste au groupe qui avait pactisé
avec Batista.
Le raid du 11 septembre 2001 inaugure
une décennie de «guerre contre le
terrorisme» entre les anciens alliés de
la guerre anti soviétique d’Afghanistan:
L’Afghanistan (2001) puis l’Irak (2003)
, les deux points de percussion de la
collaboration saoudo-américaine dans la
sphère arabo musulmane, la première
contre l’Union soviétique, le second
contre l’Iran, vont saper les fondements
de la suprématie américaine. Tant par le
coût de ses expéditions punitives que
par les pertes humaines, que par
l’intronisation du djihadisme planétaire
comme une donnée permanente des guerres
asymétriques de l’échiquier mondial,
avec une alliance ambiguë des
groupements takfiristes avec le bloc
atlantiste, contre les anciens alliés de
l’Union soviétique, à tout le moins dans
la sphère arabo musulmane.
2005, l’assassinat de l’ancien
premier ministre libanais Rafic Hariri,
chef de file du clan saoudo américain au
Moyen orient, génère un retrait syrien
du Liban et la mise de damas sous
pression avec l’adoption par le congrès
américain de la «Syrian Accountability
Act». En 2006, deuxième fait d’armes
victorieux du Hezbollah, en mettant en
échec une offensive israélienne contre
le Liban, propulse la formation
paramilitaire chiite libanaise au rang
du FLN vietnamien, du FLN algérien et
des Barbudos cubains.
Le printemps arabe
et la montée en puissance du BRICS lors
de la guerre de Syrie (2011-2015)
Le printemps arabe qui éclot en 2011,
va déboucher sur la plus forte
glaciation politique, intellectuelle et
morale du Monde arabe avec l’entrée en
force des pétromonarchies wahhabites
(Arabie saoudite et Qatar), les
meilleurs alliés du bloc atlantiste
durant la guerre froide soviéto
américaine et leur roue dentée, la
Confrérie des Frères Musulmans.
Révolte authentiquement populaire au
départ en déboulonnant les supplétifs
occidentaux Zine El Abidine Ben Ali
(Tunisie) et Hosni Moubarak (Égypte),
les deux béquilles du projet sarkozyste
de l’Union Pour la Méditerranée, le
printemps arabe va être dévié de son
cours pour finir par présenter cette
singularité unique dans l’histoire des
luttes de libération de s’attaquer
exclusivement aux régimes à structure
républicaine, professant une idéologie
laïcisante .
Le Soudan, principal fournisseur
d’énergie de la Chine, sera démembré, la
Libye, principal fournisseur d’énergie
de la Russie sera détruite, la Syrie,
maillon intermédiaire du ravitaillement
stratégique du Hezbollah face à Israël,
sera démantelée, sans que la moindre
pétromonarchie ne soit inquiétée.
Intervenant au terme de dix ans de
guerre contre le terrorisme, dans la
foulée de la crise du système bancaire
américaine, qui a entraîné une perte de
capitalisation boursière de l’ordre de
25 mille milliards de dollars, de la
crise systémique de l’endettement
européen, le printemps arabe est ainsi
apparu rétrospectivement comme une
guerre de prédation économique visant à
affaiblir le BRICS (Brésil, Russie,
Chine, Afrique du Sud) par une alliance
contre nature entre les «grandes
démocraties occidentales» et les
pétromonarchies arabes parmi les plus
répressives et les plus régressives du
Monde.
Par quatre veto opposés par le BRICS
face au bloc atlantiste au Conseil de
sécurité de l’ONU, lors de la guerre de
Syrie, (2011-2015), la Chine, désormais
première puissance économique du Monde,
la Russie, victorieuse de l’Otan en
Ukraine par la récupération de la
Crimée, ont mis fin à l’unilatéralisme
occidental dans la gestion des affaires
du Monde.
Épilogue 2015 : Cuba
et l’Iran vainqueurs par KO technique de
tous les supplétifs de la stratégie
atlantiste.
En 60 ans, tous les supplétifs de la
stratégie atlantiste ont péri de mort
violente : Noury Saïd, l’incitateur de
l’agression tripartite de Suez contre
Nasser et le Roi Faysal d’Irak (1958),
l’homme du septembre noir Wasfi Tall
(Jordanie-1972), Anouar Al Sadate,
l’homme de la normalisation avec Israël,
(Égypte-1981), le phalangiste Bachir
Gemayel (président éphémère du Liban
1982), Rafic Hariri (Liban-2005),
Benazir Bhutto (Pakistan-2007), un
tandem situé aux deux extrémités de
l’axe visant à l’avènement du Grand
Moyen Orient, Wissam Al Hassan (Liban
2012), la dague sécuritaire du clan
saoudo américain au Liban. De même,
qu’une fois leur forfait commis, Saddam
Hussein (Irak) contre l’Iran (1979-1989)
et Mouammar Kadhafi (Libye), le livreur
aux anglais des secrets de la
coopération nucléaire interarabe.
En contrechamps, les deux pays soumis
au blocus occidental, et absent du
premier congrès fondateur des
Non-alignés en 1955, -Cuba (54 ans de
blocus) et l’Iran (33 ans d’embargo),
désormais puissance du seuil nucléaire-,
sont activement courtisés par les États
Unis en vue d’une normalisation, en
2015, date commémorative du 60e
anniversaire de la conférence de
Bandoeng.
En apothéose au 60 me anniversaire du
lancement du Mouvement des Non Alignés,
le Vietnam, vainqueur à la fois des
États Unis et de la France, est reçu en
grande pompe le 7 juillet à la Maison
Blanche en la personne du chef du parti
communiste vietnamien, le fer de lance
du combat anti-atlantiste, et Cuba est
promu, le 1er juillet 2015, au rang de
premier pays au monde à avoir éliminé la
transmission du virus du Sida (VIH) et
de la syphilis de la mère à l’enfant, un
des grands accomplissements en matière
de santé publique, selon l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS).
Soixante ans après le lancement du
Mouvement des Non lignés, et comme pour
saluer l’événement, les BRICS (Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud),
réuni pour son sixième sommet annuel à
Fortaleza, au Brésil, ont acté le 15
juillet 2015, la création d’une banque
de développement et d’une réserve de
change commune.
Une contribution importante pour la
reconfiguration de la gouvernance
économique mondiale, en ce que la Banque
des BRICS vise à créer un système
alternatif aux institutions dominées par
les nations occidentales, Fonds
monétaire international (FMI) et Banque
mondiale.
La Banque de Développement, basée à
Shanghai, aura pour objectif de financer
de grands projets d’infrastructures dans
les pays concernés. Sa capitalisation de
départ sera de 50 milliards de dollars,
apportés par les cinq participants. A
terme, sa force de frappe pourra
atteindre les 100 milliards de dollars.
Surtout, elle n’assortira pas ses prêts
de conditionnalités contraignantes.
Moralité : Le combat contre
l’impérialisme maintient vivace l’ardeur
militante, vivante la revendication, en
même temps qu’il vertèbre le militant en
le maintenant en posture verticale et
non reptile, et force le respect de ses
adversaires. Telle pourrait être la
principale leçon de cette séquence
historique.
Références bibliographiques
- «Média et Démocratie, la
captation de l’imaginaire, un enjeu
du XXI me siècle» par René Naba –
Golias 2013 -«La propagande
culturelle au service des Affaires»,
Herbert Schiller, professeur à
l’Université de Californie à San
Diego, in Manière de voir n°47
(Cinquante années qui ont changé
notre Monde), avril -mai 2004.
- -Révélation$ par Denis Robert et
Ernest Backes, Les Arènes éd., 2001.
Who paid the piper par Frances
Stonor Saunders, productrice de
documentaires historiques pour la
BBC, Granta Books éd., 1999. Version
française : Qui mène la danse ? La
CIA et la guerre froide culturelle,
Denoël éd., 2003.
- -Holocaust and Collective Memory
par Peter Novick, Bloomsbury
Publishing Ed. 2001. Version
française : L’Holocauste dans la vie
américaine, Gallimard éd., 2001.-«Evangelized
foreign policy?» par Howard
LaFranchi, The Christian Science
Monitor, 2 mars 2006. Version
française : «Quand les évangéliques
dictent la politique étrangère
américaine», Le Courrier
International, n°803 du 23 mars 2006
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