MADANIYA
L’Arabie Saoudite, lauréat
du « Prix de
l’humour du millénaire »
René Naba

Jeudi 26 novembre 2020
Ce papier est
publié à l’occasion du 58ème
anniversaire de l’abolition de l’Imamat
et la proclamation de la République du
Yémen, le 26 septembre 1962, alors que
les rebelles houthistes taillent des
croupières à l’Arabie saoudite, l’ancien
tuteur du pays, lequel livre depuis six
ans à la tête d’une coalition pétro
monarchique une guerre sans répit contre
le plus pauvre pays arabe L’Arabie Saoudite,
vraisemblablement l’un des plus grands
corrupteurs et l’un des plus corrompus
de la planète, le pays concepteurs des
«rétrocommissions et des sponsors
parasitaires» a décroché haut la main le
«Prix de l’humour du Millénaire» pour
ses rodomontades courroucées contre des
responsables yéménites, coupables de
crime de lèse majesté, en s’octroyant la
liberté d’imiter leurs parrains
saoudiens en soudoyant des officiels du
Royaume en charge du Yémen.
1- De la
mainmise saoudienne sur le Yémen.
Vieux remake d’un
comique de répétition de la fable de
«l’arroseur arrosé», ou, dans le cas
d’espèce, du corrupteur corrompu: Cette
histoire quelque peu surréaliste, pour
être pleinement savourée se doit d’être
replacée dans le contexte des rapports
saoudo-yéménites.
Le Yémen sert
habituellement de balise de sécurité à
l’Arabie saoudite sur son flanc sud, une
fonction identique à celle que remplit
Bahreïn sur le flanc Nord du Royaume, au
point que la dynastie pour sécuriser son
trône est intervenue militairement dans
ces deux pays aux premières lueurs du
printemps arabe, pour mater, en Février
2011, le soulèvement populaire de Manama
et faire refluer le soulèvement
populaire arabe vers les pays à
structure républicaine de la rive
méditerranéenne (Libye, Syrie), puis
contre le Yémen afin de terrasser
l’hydre houthiste du Yémen à l’aide de
son syndicat pétro monarchique et des
ses pays satellites.
Pendant trente cinq
ans de 1960 à 1995, l’Arabie saoudite a
ainsi exercé une emprise totale sur la
vie politique du Yémen, aussi bien sous
la mandature d’Ali Abdallah Saleh que de
ses prédécesseurs, notamment le colonel
Ibrahim Al Hamdi, qu’elle fera
assassiner, au point de s’opposer à la
constitution d’un ministère de la
défense pour pouvoir effectuer des
subventions directes tant aux forces
armées yéménites qu’aux grandes
confédérations tribales
Ali Abdallah Saleh
était d’ailleurs en possession d’un
document adressé par le Roi Khaled
d’Arabie (1976-1982) à Ibrahim Al Hamidi
déconseillant au président yéménite de
l’époque (1974-1977) de doter le Yémen
d’une armée moderne, lui enjoignant de
se contenter d’une force de police, afin
de maintenir sous sa coupe le Yémen,
dont il avait annexé trois provinces
(Assir, Jazane Najrane), dans la
décennie 1930, afin d’élargir la
superficie déjà considérable du Royaume.
2- Mohamad Ben
Salman au général yéménite Ali Mohsen Al
Ahmar: «Cesse de corrompre mes
officiers».
On croit rêver.
Dans un message acerbe adressé par
Mohamad Ben Salman, en sa qualité de
ministre de la défense, au Général Ali
Mohen Al Ahmar, vice président du
président fantoche pro saoudien Abed
Rabbo Hadi, le prince héritier saoudien
intime l’ordre au responsable militaire
chargé de mener les opérations de guerre
du côté yéménite de «cesser de
corrompre» les officiers saoudiens.
A la faveur de la
nouvelle guerre du Yémen, déclenchée,
-indice c’un grand panache- par une
coalition de cinq pétromonarchies du
Golfe contre le plus pauvre pays arabe,
un «Comité spécial» a été mis sur pied
par le Royaume saoudien en vue de
canaliser le flux financier déversé par
les pétromonarchies en faveur de leurs
partisans yéménites.
Quelle ne fut la
surprise des Saoudiens de constater que
la corruption se faisait à double sens.
Qui plus est par l’un de leurs meilleurs
alliés yéménites: Le Général Ali Mohsen
Al Ahmar, chef d’une puissante
confédération tribale et responsable de
la conduite de la guerre du côté
yéménite.
Une découverte qui
a plongé dans la consternation
l’héritier wahhabite et suscité un
rappel à l’ordre énergique à l’encontre
du vieux chef de guerre. Le récit de
cette scène surréaliste se trouve sur ce
lien pour le locuteur arabophone,
sur le site du quotidien libanais Al
Akhbar.
Précédé de la
mention laconique «ultra secret»: A
propos des offres et des cadeaux», le
message de Mohamad Ben Salman, en date
du 23 septembre 2017, reproche au
général Ali Mohsen Al Ahmar le fait
d’avoir soudoyé des officiers saoudiens
«non seulement dans la région
frontalière saoudo-yéménite mais aussi à
Riyad même».
En langage fleuri,
qui masque mal le courroux saoudien
d’avoir été doublé sur leur propre
terrain, le prince héritier saoudien
commence par vanter «les traditions de
générosité et d’hospitalité des
yéménites» avant de tancer son
interlocuteur:
«Nous n’ignorons
pas la générosité et l’hospitalité qui
caractérisent les Yéménites. Comme vous
n’ignorez pas que les traditions et les
usages différents selon les pays en ce
qui concerne les dons et cadeaux,
particulièrement dans les circonstances
présentes, notamment en ce qui concerne
de telles sommes aux militaires
saoudiens dans l’exercice de leur
fonction.
«Les cas mentionnés
dans ce message ne sont pas de cas
orphelins. Il a été constaté la
répétition de tels cas et les
bénéficiaires de cette attention nous en
ont aussi saisi.
«La totalité des
sommes offertes aux officiers saoudiens
a été récupérée et affectée aux martyrs
qui servaient tant dans l’armée qu’au
sein de la résistance.
Le prince saoudien
recommande alors au généreux donateur
yéménite de «s’abstenir de faire don de
quelque nature que ce soit au personnel
des forces armées saoudiennes et de
veiller à ce que ces recommandations
soient respectées par ses subordonnés
tant dans la région frontière saoudo
yéménite qu’à Riyad même.
Le message
mentionne le cas d’un officier saoudien,
dont l’identité n’est pas précisée,
d’avoir reçu, à la date du 9 septembre
2017, une gratification de 26.000
dollars «en compensation de la fatigue
de son déplacement». Le bénéficiaire
décrit précisément la scène à ses
supérieurs. Chargé de remettre une somme
de 2 millions de dollars au général
yéménite, l’officier d’ordonnance d’Ali
Mohsen Al Ahmar, «à réception de la
valise, l’a ouverte et dégagé la somme
de 100.000 ryals saoudiens (26.000
dollars) et l’a remise au convoyeur
saoudien en lui précisant «en guise de
compensation pour la fatigue occasionnée
par votre déplacement».
Récidiviste, Ali
Sleimane, Directeur du cabinet du
général yéménite a pris contact, neuf
jours plus tard, 18 septembre 2017 avec
un autre général saoudien, Falahi Ben
Mohamad Al Chahrani, demandant à le
rencontrer. La rencontre a eu lieu au
quartier Al Nakeel (Palmiers) à Riyad,
au cours de laquelle le yéménite a remis
au saoudien un «cadeau» de 300.000 RS
(79.000 dollars).
Le message ne donne
pas de précisions sur l’identité de M.
Chahrani. Mais, selon toute
vraisemblance, il s’agirait de
l’officier en charge du dossier Yémen,
ancien Consul d’Arabie Saoudite à
Sana’a, alors colonel de l’armée
saoudienne, cible d’un attentat
lorsqu’il était en poste au Yémen.
Pour mémoire,
l’Arabie Saoudite est passée à la
postérité pour la participation de 14 de
ses ressortissants sur 19 pirates au
raid apocalyptique du 11 septembre 2001
contre les symboles de l’hyperpuissance
américaine, entretenant une horde de
mercenaires terroristes pour les besoins
de sa cause: Le combat aux quatre coins
de la planète en vue de faire triompher,
son la liberté, le progrès et la
démocratie, mais sa conception rigoriste
wahhabite de la religion musulmane,
indifférente au risque de provoquer un
effacement durable du Monde arabe de la
scène internationale.
Elle s’est
distinguée dans le passé par une
rétrocommission d’un milliard de livres
sterling perçues par le Prince Bandar
Ben Sultan, ancien ambassadeur saoudien
à Washington, au titre de sa rétribution
pour son intervention dans la vente de
110 Tornado britanniques à l’Arabie.
Pour aller plus
loin sur cette affaire, ce lien
https://www.lemonde.fr/international/article/2007/06/07/bae-systems-aurait-verse-un-milliard-de-livres-de-pots-de-vin-a-un-prince-saoudien_919926_3210.html
Son frère, le
prince Khaled Ben Sultan, interface du
Général Norman Schwarzkof, commandant en
chef de la coalition internationale dans
la 1 er guerre contre l’Irak
(1990-1991), a eu l’ingénieuse idée,
lui, de prélever une dîme de 4 milliards
de dollars sur l’intendance du corps
expéditionnaire, alors que près 500.000
soldats de la coalition occidentale
volaient au secours de l’Arabie au péril
de leur vie pour sauver ce «Royaume des
ténèbres» et sa dynastie obscurantiste.
Cocasse le
spectrale d’un prince irascible drapé
dans sa dignité bafouée et sa vertu
outragée, au palmarès légendaire,
gauleiter de facto de Bahreïn depuis
2011 afin d’entraver la reconnaissance
des libertés fondamentales à son peuple,
preneur d’otage d’un premier ministre en
exercice Saad Hariri (Liban), en
novembre 2017, ordonnateur d’une
exécution extra judiciaire d’un
journaliste critique saoudien dans
l’enceinte même de la mission saoudienne
en Turquie Jamal Khashoogi (octobre
2018) et de la séquestration arbitraire
de plus de deux cents dignitaires du
régime saoudien qu’il rackettera de
plusieurs centaines de milliards de
dollars avant de leur rendre une liberté
surveillée…
Épilogue de
cette risible affaire: l’arroseur arrosé
Plus d’un an après
la révélation de cette affaire, le Roi
Salmane, sur suggestion de son fils,
Mohamad Ben Salmane, prince héritier
mais néanmoins ministre de la défense,
signait un décret plaçant d’office à la
retraite le commandant en chef des
forces coalisées pétro monarchiques dans
l’expédition du Yémen, le prince Fahd
Ben Turki Ben Abdel Aziz et sa
comparution devant une commission
d’enquête de la lutte contre la
corruption.
Une dizaine
d’autres officiers supérieurs et leurs
proches collaborateurs ont été relevés
de leurs fonctions et déférés devant
cette commission d’enquête, notamment le
propre fils du commandant en chef du
front du Yémen, le prince Abdel Aziz Ben
fahd Ben Turki, vice gouverneur de la
région d’Al Jauf, théâtre d’une
retentissante défaite militaire
saoudienne face aux Houthistes l’été
2020.
Une épuration
militaire sous couvert de lutte contre
la corruption en somme, sur le modèle de
l’incarcération du Ritz Carlton de 2018,
dont avaient été victime le prince Walid
Ben Talal et l’ancien premier ministre
libanais, Saad Hariri.
Signe d’insécurité
permanente au sein des cercles
dirigeants de la famille royale, ce
limogeage est le 5eme du genre, depuis
la nomination de MBS comme prince
héritier.
Ce royaume aux
mœurs florentines pratique, en fait, une
sorte de nettoyage par le vide, la
version bédouine des Borgia au XXI me
siècle, s’offusquant d’un bakchich de
quelques rials. Sans doute pour ne pas
brader les barèmes en vigueur chez ces
madrés bédouins. Une obole face aux
mirobolantes rétrocommissions perçues
par la dynastie wahhabite. Une
peccadille.
A se tordre de
rire. Impayable les Saoudiens au propre
comme au figuré. A conserver au
«Pavillon de Sèvres à Breteuil» en guise
de mètre étalon de l’humour …….. noir …
comme l’or noir dont ils sont les Rois.
Pour le locuteur
arabophone, la destitution du haut
commandement commandement des forces
coalisées pétro monarchiques au Yémen,
sur ce lien
Pour aller plus
loin sur ce thème
L’Arabie Saoudite
face au double défi du sunnite Oussama
Ben Laden (Al Qaida) et du chiite Hassan
Yémen-AN III: La
guerre à huis clos d’un rogue state.
La guerre du Yémen:
La guerre la plus idiote
Yémen: Le testament
du Roi Abdel Aziz
Pour le locuteur
arabophone,
sur ce lien le récit du site en
ligne «Ar Rai al Yom»: Arrestation d’un
haut fonctionnaire du ministère saoudien
de la Défense pour corruption, pot de
vin de 297.000 dollars. Les transactions
avec les milliardaires arrêtés lors du
coup de filet du 4 novembre 2017 ont
rapporté 1,2 milliards de dollars.
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Arabie saoudite
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