Madaniya
Média et terrorisme : La Jordanie,
passante du sans souci du printemps
arabe
René Naba
Lundi 25 mai 2015
« Mal nommer les choses, c’est
ajouter aux malheurs du Monde » (Albert
Camus).
Texte d’une intervention de l’auteur
au colloque « Balancing Counter-terrorism
and Human Rights Challenges and
opportunities » Genève 16-17 Février
2015, organisé par Global Network for
Rights and developpment (GNRD), une
organisation non gouvernementale
norvégienne dont le siège social est à
Stavanger (Norvège). Le signataire dédie
son texte aux participants à ce
colloque, en les assurant, sans malice,
de toute sa sympathie
Prologue : Songe
d’une nuit d’été (1)
Le nec plus ultra du renseignement
sur le point le plus aigu de la
polémologie contemporaine, le
terrorisme, et, à portée de voix et de
doigt, un panel prestigieux de chefs de
services de renseignements de pays à la
réputation légendaire dans la gestion
rugueuse du djihadisme planétaire
(Afghanistan, Pakistan, Turquie,
Jordanie, Belgique,France). Avec, en
toile de fond, d’honorables
correspondants dévissant aimablement sur
les avantages comparatifs du terrorisme
et des droits humains. Tous protestant
de leur bonne foi dans leur dévouement à
l’éradication du phénomène majeur de
l’époque contemporaine, de ses effets
pernicieux de sa prolifération
cancéreuse… Le spectacle qui s’est
offert au signature de ce texte lors de
son passage à la tribune de ce colloque,
a fait naître en lui l’illusion de vivre
un songe d’une nuit d’été. Un court laps
de temps.
Face à un tel aréopage, quel pouvait
être, quel devait être, en effet, le
comportement d’un observateur solitaire,
sans attache partisane, sans adossement
à la moindre structure pour sa substance
intellectuelle et sa subsistance
matérielle ?
Puiser en lui les ressources de sa
démonstration. Articuler son
argumentation sur les propres données
fournies à lui par les… données de la
vie et de la naissance : un journaliste
d’origine arabe, de naissance africaine,
de culture et de nationalité française,
avec pour viatique, son mode opératoire,
une lecture fractale de la
géostratégique planétaire, loin du
conformisme ambiant, fondée sur une
expérience professionnelle tri
continentale (Afrique, Asie, Europe),
pour une démonstration sans concession.
En somme le contraire d’une vision
hémiplégique du journalisme de
révérence, le phénomène majeure de
l’époque contemporaine, sans doute le
plus corrosif pour la survie de la
démocratie, particulièrement dans sa
connivence avec le phénomène terroriste.
Pour ce songe d’une nuit d’été,
l’auteur a décidé de donner pour titre à
son intervention : « La Jordanie,
passante sans souci du printemps arabe
»(2). Un peu de poésie dans un monde de
brutalité ne paraît pas superfétatoire.
La Jordanie,
passante sans souci du mal nommé «
printemps arabe »
Dans un paysage aussi dévasté que le
Moyen Orient, se meut, en arrière plan,
un personnage sinon trouble à tout le
moins troublant, une ombre. Furtive.
Subreptice. Tel un passant du sans
souci, à l’image de cette figure
classique de la littérature française.
Nullement comparse.
Mentionnée épisodiquement, d’une
manière incidente et périphérique.
Toujours pour des faits glorieux, jamais
pour ses faits pernicieux. Toujours
d’une manière marginale, rarement pour
son rôle principal dans l’ampleur du
phénomène djihadiste.
Ce passant du sans souci est le
Royaume Hachémite de Jordanie, au
palmarès pourtant consistant du «
septembre noir » palestinien (1970), à
la rendition, la sous traitance pour le
compte de son maître américain de la
torture des prisonniers, à son rôle
tremplin à l’invasion américaine de
l’Irak, en 2003.
La première mention de la Jordanie en
ce « printemps arabe » a été faite à
propos du camp de Zaatari pour souligner
la méritoire contribution du Royaume au
drame humain représenté par l’afflux des
réfugiés syriens dans ce camp de
personnes déplacées entassées dans la
zone frontalière syro-jordanienne.
La deuxième mention s’est produite à
l’occasion de la présence du couple
royal jordanien… Avec les exclamations
rituelles des gazettes mondaines sur «
La Belle Reine Rania » – à l’hommage
mondial organisé à Paris dans la foulée
du carnage du journal satirique Charlie
hebdo, le 10 janvier 2015.
La troisième mention s’est signalée à
l’occasion de la carbonisation d’un
pilote jordanien capturé par Da’ech lors
d’un raid contre les positions de l’état
islamique, c’est à dire en janvier 2015,
soit sept mois après le surgissement du
phénomène Da’ech.
Dans l’intervalle, la Jordanie a
constitué, par excellence, un angle mort
de l’actualité internationale. Pourtant,
le camp de Zaatari a donné lieu à un
important trafic sous forme de traite
des blanches, matérialisé par l’assaut
des lubriques gérontocrates
pétromonarchiques sur les pré-pubères
syriennes, de l’ordre de 3.000 dollars
la transaction pour une fille de 15 ans.
L’occasion pour une journaliste d’un
journaliste faussement de référence
Annick Cojean (le Monde), de vilipender…
Le harcèlement sexuel des combattants du
Hezbollah sur les Syriennes.
Brookings Institution de Doha, en
2014, dans son rapport annuel sur la
Syrie, n’a jamais validé ce fait.
Gageons que cette institution
américaine, basée dans une dépendance
américaine (le Qatar), par ailleurs fer
de lance de la contre révolution arabe,
-à ce titre nullement suspecte de la
moindre sympathie à l’égard de la
formation para militaire chiite
libanaise-, se se ferait un malin
plaisir, si tel avait été le cas, d’en
pointer les déviances sexuelles. Au
grand étonnement des islamophilistes,
elle a, au contraire, mentionner les
performances militaires du Hezbollah en
de termes si élogieux qui en ferait
pâlir de jalousie plus d’un commentateur
médiatique :
« Le Hezbollah a réussi à assumer un
rôle distinctif croissant dans la
direction des opérations de l’armée
syrienne lors d’offensives majeurs des
forces gouvernementales. À Qoussayr
(Juin 2013), le Hezbollah a pris
directement en main le commandement des
opérations, assumant, parallèlement, la
surveillance aérienne permanente du
champ de bataille, via des drones ».
http://www.renenaba.com/rapport-syrie-brookings-doha-center-report/
1- La Jordanie, une
fonction stratégique identique à la
Turquie sur le front sud de la Syrie
La Jordanie peut donner, pourtant,
matière à reportage de guerre en ce
qu’elle remplit une fonction stratégique
identique à la Turquie : Une plate-forme
opérationnelle pour le financement et le
transit djihadiste vers le front Sud de
la Syrie, via Dera’a, quand la Turquie
attise le Front Nord, via
l’agglomération d’Alep.
Autre motif de reportage, la présence
d’un PC commun de l’Otan et des
pétromonarchies à Amman, sous l’autorité
du prince Salmane Ben Sultan, le frère
cadet de Bandar Ben Sultan, l’ancien
cappo di tutti cappi du djihadisme
erratique planétaire.
L’Hôtel Four Seasons
d’Amman et le PC de Mafrak
Pour le lecteur non averti, en vue de
faire taire définitivement les cris
d’orfraie des affidés jordaniens du
trône, en ce que le déni de réalité ne
saurait constituer une politique, le
Grand Quartier Général islamo-atlantiste
était installé au sein de l’hôtel « Four
Seasons » d’Amman et le PC opérationnel,
incluant la Turquie, aménagé, lui, à
Mafrak, à une 50 km de de la frontière
syrienne de Dera’a, dans l’ancien PC
mixte israélo jordanien de 1988, pour y
synchroniser les opérations contre le
pouvoir de Damas.
Un pont aérien avait été établi de la
Jordanie vers la Turquie pour consolider
le Front Nord (Alep) où les djihadistes
étaient en mauvaise posture. Le prince
Salmane Ben Sultan, demi-frère du prince
Bandar, était chargé de la gestion du
flux djihadiste depuis la Jordanie vers
la Syrie, et la coordination de
l’intendance, leur ravitaillement en
armes et munitions.
http://www.al-akhbar.com/node/203853
Point de départ des convois protégés
de ravitaillement en armes et en
munitions via le secteur frontalier de
Dera’a, convois encadrés par des agents
de a CIA, ce PC a traduit, concrètement,
sur le terrain, la connivence organique
des grandes démocraties occidentales et
des régimes rétrogrades arabes dans la
propulsion de la contre-révolution
arabe.La Jordanie constitue le point de
transit des djihadistes de et vers la
Syrie. Zohrane Allouche, chef de Jaych
Al Islam (armée de l’islam), l’homme
lige des saoudiens au sein de la
nébuleuse djihadiste en Syrie, qui se
propose de restaurer le califat des
Omeyyades, coincé dans la périphérie de
Damas depuis des mois, en 2015, a pu
ainsi s’échapper via la Jordanie pour
réapparaître en Turquie, le 20 avril, au
plus fort de la guerre saoudienne contre
le Yémen, dans un message subliminale
monarchique augurant d’une réactivation
du conflit syrien dans une opération de
dérivation médiatique à propos du Yémen.
Le Golan,
plate-forme de combat contre la Syrie et
non contre Israël
La mort d’un officier israélien sur
le Golan a signé concrètement cette
connivence jusque-là souterraine.
L’officier israélien a été tué le 10
mars 2015 lors d’un assaut de l’armée
syrienne contre les milices
collaboratrices avec Israël au sud de la
Syrie. Selon la télévision israélienne.
Johnny participait, en compagnie d’une
équipe technique israélienne à une
réunion de travail avec les chefs de
milices dans la cadre d’une alliance de
milices pro israéliennes, baptisée Armée
Première (AP) dans la localité al-Fatiane,
dans le gouvernorat de Quneitra. Un chef
de l’Armée syrienne libre (ASL) Abou
Hamza al-Nouaïmi a été tué ainsi que 12
autres chefs de milices. Plus de 80
miliciens blessés dans l’attaque ont été
soignés dans les hôpitaux israéliens. Un
officier jordanien de la cellule MOC
était également présent à la réunion,
mais son sort n’a pas été mis au clair.
MOC (Military Opération Center) regroupe
des représentants de services de
renseignement jordanien, saoudien,
américain, français et israélien. Il
commandite les activités de la milice
Première Armée au sud de la Syrie.
Cf à ce propos : Raid syrien sur le
PC Golan de la première armée syrienne
un officier israélien tué. http://www.al-akhbar.com/node/228230
Cas unique dans la sociologie des
conflits, le fait que le vent de la
révolte ait fait ployer la quasi
totalité des pays arabes à structure
républicaine (Égypte, Libye, Tunisie,
Syrie, Irak, Yémen), sans souffler la
moindre brise sur les monarchies, aurait
dû susciter des interrogations légitimes
quant à l’immunité monarchique face au
courroux populaire. Un fait qui n’aurait
pas dû échapper à la sagacité des
observateurs de la « Grande Presse » en
ce que cette singularité ne relève pas
d’un heureux hasard, mais d’une
politique bien déterminée des prédateurs
occidentaux des économies arabes.
Dans cette perspective, l’entrée en
guerre de la Jordanie contre Da’ech a
répondu à des considérations qui vont
bien au delà d’une simple vengeance d’un
pilote carbonisé par les djihadistes.
Comment expliquer, sinon, la guerre
jordanienne contre Da’ech, parallèlement
à une collaboration hachémite sur le
front syrien du Golan, avec son rival,
le Jabhat An Nosra, pourtant deux
versants d’un même chancre ?
Comment expliquer l’engagement de la
Jordanie et du Maroc aux côtés des
pétromonarchies du Golfe dans la guerre
du Yémen, sinon autrement que par
réflexe de survie dynastique de cette
corporation atlantiste ?
Sur le rôle occulte de la diplomatie
souterraine de la Jordanie et du Maroc
au service des menées atlantistes cf,
http://www.renenaba.com/la-jordanie-et-le-maroc-deux-voltigeurs-de-pointe-de-la-diplomatie-occidentale/
II- La forfaiture
des Frères Musulmans… De Jabhat An Nosra
au Hamas
Dans ce contexte, comment expliquer
la connivence de Jabhat An Nosra avec
Israël. En d’autres termes plus
explicites, la collaboration de la
branche syrienne de la confrérie des
Frères Musulmans avec l’état destructeur
à répétition de l’enclave de Gaza, fief
du Hamas, la branche palestinienne des
Frères Musulmans ?
Cas unique dans les annales des
guerres de libération nationale, la
décision du Hamas d’installer son
quartier général politique à Doha a
constitué une aberration mentale
équivalant, dans l‘ordre symbolique, à
se placer sous la coupe de son bourreau,
équivalant, pour bien le souligner, à
l’implantation du QG du FLN algérien à
proximité de Taverny, le PC de la force
stratégique aérienne française, ou du
ViêtCong vietnamien à Pearl Harbour, la
plus importante base américaine de la
zone Asie Pacifique.
Un mouvement de libération nationale
qui renonce de facto à libérer son pays
occupé pour privilégier un alignement
sectaire, non sur sa religion, mais sur
une école de pensée religieuse, cesse
ipso facto d’être un mouvement de
libération. Toutefois, le premier
percement balistique de l’espace aérien
israélien par sa trajectoire
transnational de Gaza à Tel Aviv, opéré
en riposte à « Bordure protectrice »,
devait, dans l’esprit de ses dirigeants,
rompre la réclusion du Hamas consécutive
à son alignement sectaire sur les
pétromonarchies rigoristes.
En replaçant la revendication
palestinienne au centre du débat
international, il visait à sortir de son
isolement et à renflouer, simultanément,
la branche palestinienne des Frères
Musulmans. En renouant ses relations
avec ses anciens frères d’armes, le
Hezbollah et l’Iran, le Hamas a veillé à
se replacer parmi les principaux
interlocuteurs de ce conflit. Un exploit
technologique réalisé avec le concours
exclusif – bien exclusif de l’Iran, du
Hezbollah et de la Syrie, c’est à dire
«les renégats de l’Islam», selon la
nomenclature de l’Islam djihadiste
salafiste wahhabite, en gros les
pétromonarchies sous tutelle américaine.
Toutefois, en scellant sur le
territoire syrien sa connivence avec
l’occupant israélien du Golan, le Hamas
a mimé sa crédibilité, en ce que cette
alliance contre-nature a placé désormais
la branche palestinienne des FM, -dont
le chef Khaled Mecha’al a été l’hôte de
la Syrie pendant 15 ans-, sous la coupe
totale et absolue des pétromonarchies,
la structure politico-militaire la moins
encline aux guerres de Libération.
Errare Humanum Est, mais la récidive du
Golan, diabolique, lui aura été fatale.
Sur l’impasse du Hamas
http://www.renenaba.com/qatar-hamas-un-an-apres-hamad-du-qatar-en-rade-et-le-hamas-en-panade/
Sur le rôle souterrain de la Jordanie au
service de la stratégie occidentale
http://www.renenaba.com/hassan-et-hussein-le-modernisme-au-service-de-larchaisme/
II- La proclamation
du Califat et ses conséquences sur la
hiérarchie spirituelle du Monde musulman
Duplicité ? Incohérence ou réflexe de
survie ? L’immolation du pilote
jordanien capturé par Da’ech a servi de
prétexte déclencheur contre un mouvement
qui met en péril le principe de
sacralité des régimes monarchiques à
l’effet de saper à terme les fondements
des trônes arabes. La proclamation du
califat sur l’ancien territoire des deux
premiers empires arabes (Omeyade-Syrie
et Abbasside-Irak), dimanche 29 juin
2014, premier jour du mois sacré du
Ramadan, au-delà de sa portée symbolique
dans l’ordre religieux et
politico-historique, a en effet
bouleversé radicalement les données de
l’échiquier régional.
Sur le plan rituel, l’instauration de
ce 5eme califat de l’histoire musulmane,
dans la foulée de l’irruption des
djihadistes sunnites sur la scène
irakienne, a placé sur la défensive les
monarques arabes. Par son auto
proclamation, acte d’autorité s’il en
est, le nouveau calife Ibrahim, de son
nom de guerre Abou Bakr Al Baghdadi, a
cumulé pouvoir politique et spirituel
avec autorité sur l‘ensemble des
musulmans de la planète.
Une posture qui l’a hissé, dans
l’ordre symbolique et effectif, au rang
de supérieur hiérarchique du Roi
d’Arabie, le gardien des lieux saints de
l’Islam de La Mecque et de Médine, du
Roi de Jordanie, descendant de la
dynastie hachémite, la famille du
prophète, du Roi du Maroc, le commandeur
des croyants, d’Ayman Al Zawahiri, le
successeur d’Oussama Ben Laden à la tête
d’Al Qaida, du directeur d’Al Azhar, la
plus prestigieuse Université égyptienne
de législation islamique, du président
de la confédération mondiale des oulémas
sunnites, Youssef Al Qaradawi, le télé
prédicateur de l’Otan.
Ah la belle audience califale en
perspective. Ah La belle cérémonie
d’allégeance des augustes obligés du
nouveau calife Ibrahim Abou Bakr Al
Baghdadi.
Si les précédents califats ont eu
pour siège des métropoles d’empire,
-Damas, Bagdad, Le Caire (chiite
Fatimide) et Constantinople (Ottoman)-,
le dernier venu a planté son pouvoir
dans une zone quasi désertique à
proximité toutefois des gisements
pétroliers générateurs de royalties, les
nerfs de sa guerre. De même sur le long
chemin du Djihad, des Émirats islamiques
ont été institués au Kandahar
(Afghanistan), à Falloujah (Irak) et au
Sahel, mais aucun n’a jamais songé à
planter sa capitale à Jérusalem. Quelle
est loin la Palestine des préoccupations
de ces joyeux guerriers.
Ce bouleversement symbolique dans la
hiérarchie sunnite sur fond
d’exacerbation du caractère sectaire de
la rivalité sunnite-chiite a modifié
sensiblement les termes du conflit. Un
retournement de situation qui a placé en
porte à faux leurs bailleurs de fonds,
principalement l’Arabie saoudite, qui
pourrait pâtir de ce débordement
rigoriste et en payer le prix au titre
de dommage collatéral. La prohibition
par le nouveau calife de la démocratie
aux Musulmans va, à coup sûr, combler
d’aise les Occidentaux, les parrains
originels du djihadisme planétaire, et
renforcer leur vive sympathie pour les
pétromonarchies rétrogrades.
Fruit de la copulation ancillaire
entre Al Qaida et d’anciens dirigeants
baasistes happés par la tentation d’un
alignement sectaire, le commandement de
l’ISIS est exclusivement irakien. Autour
du noyau central se sont greffés des
membres des tribus sunnites d‘Irak lésés
par la disparition de Saddam Hussein,
des Frères Musulmans irakiens, des
Nachkabandistes. Une structure
hétéroclite, scellée par une alliance
contre nature liée entre Izzat Ibrahim
ad Doury, ancien vice-président du
Conseil de la Révolution irakienne et
successeur de Saddam Hussein à la tête
de la guérilla anti-américaine en Irak,
et son ancien bourreau, le Prince
saoudien Bandar Ben Sultan, un des
artisans de la destruction de l’Irak et
des assises du pouvoir baasiste sunnite
dans ce pays, en vue de restaurer le
primat sunnite à Bagdad, dans l’ancienne
capitale abbasside.
Trois des grandes capitales de la
conquête arabe des premiers temps de
l’Islam échappent au contrôle des
sunnites : Jérusalem, sous occupation
israélienne, Damas, sous contrôle
alaouite et Bagdad, sous contrôle kurdo-chiite.
Il était st devenu urgent pour les
wahhabites et autres hachémites, de
crainte d’être démasqués, de laver cette
souillure. Pour la Jordanie de détourner
la menace pesant sur un royaume, dont la
population est constituée dans sa grande
majorité de Palestiniens ayant vocation,
à ce titre, à servir de patrie de
rechange pour les Palestiniens dans
l’éventualité d’un règlement de paix
selon les termes d’un diktat
israélo-américain.
La Syrie de la décennie 2010 remplit
une fonction analogue à celle de
l’Afghanistan de la décennie 1980. Une
guerre dont l’objet a été de dériver le
combat pour la libération de la
Palestine et de le déporter à 5 000 km
du champ de bataille. Dans la pure
tradition de la guerre froide
soviéto-américaine. Pour preuve, quatre
ans de combat en Syrie ont permis à
Israël d’achever de phagocyter la
totalité de la Palestine.
Un défouloir absolu du djihadisme
erratique que les pétromonarchies
préfèrent sacrifier sur le théâtre des
opérations extérieures plutôt que le
réprimer sur le sol national, avec son
cortège de représailles. Un dérivatif au
combat pour la libération de la
Palestine, la « grande oubliée du
printemps arabe ».
À contre-courant du flux de la
mondialisation, la guerre de Syrie aura
été la première opération de
délocalisation sud nord d’une «
révolution » en ce que ses meneurs
auront été des porteurs de nationalité
occidentale, salariés de l’ancienne
administration coloniale. Des
supplétifs, ivres de notoriété, de
vanité et de cupidité.
Le surge de l’ISIS apparaît dans un
tel contexte comme un coup de semonce
aux Arabes, afin qu’ils cessent d’être
des pantins désarticulés, complices de
leur sujétion.
III- Les fariboles
de Christine Lagarde
Saluer la mémoire du roi d’Abdallah à
son décès en le qualifiant d’« homme de
progrès » et de « modéré » a relevé de
la faribole révélant, par contrecoup, le
degré de veulerie de la classe politique
occidentale à l’égard du roi du pétrole,
d’autant plus choquante que cet hommage
a émané d’une grande dame de la haute
fonction publique internationale,
Christine Lagarde, Directrice du Fonds
Monétaire International (FMI).
Que ne s’est elle contentée de saluer
la mémoire du défunt de la ritournelle
de « grand homme d’état », sans
conséquence sur sa perspicacité, alors
que le wahhabite traîne une solide
réputation de polygame compulsif (21
épouses, 63 enfants), que les dames du
Royaume pâtissent toujours du statut de
« dépendante », à la merci d’un tuteur
machiste, sans possibilité de conduire,
ni de voyager, que le 1/3 des violences
sexuelles sur mineur sont d’origine
familiale et qu’enfin, l’Arabie saoudite
aura été au XXIme siècle, l’incubateur
absolu du djihadisme erratique dans
toutes ses déclinaisons, responsable par
ricochet des supplices des Chrétiens
arabes, dont la France, le pays de Mme
Christine Lagarde, en est la protectrice
pluri-séculaire (3).
Sur les répercussions de la politique
occidentale sur le sort des chrétiens
arabes, Cf. à ce propos
http://www.renenaba.com/france-vatican-les-deux-francois-et-la-chretiente-d-orient/
IV- Le IV me pouvoir
et les Droits de l’Homme : La presse
complice du terrorisme ?
Du Timisoara à Sebrenica, à la poudre
de pirlin pimpin de Colin Powel sur les
armes de destruction massive en Irak,
aux gazés de Syrie par les lièvres de la
DGSE du journal de référence, aux
meurtrières perfides des sous marins de
l’administration française avec leur
cortège de falsifications… Les erreurs
de la presse, quoiqu’en disent les
figures de la corporation ne relèvent de
l’ordre véniel. Elles ne relèvent pas de
l’approximation mais de la
désinformation.
Une journaliste d’investigation,
Leslie Varenne (4), pointera du doigt,
lors de ce colloque, un « journalisme de
soumission, résultante de
l’inconséquence et de l’indigence »,
déplorant le fait que « la presse se vit
ans le court terme, sans investissement
sur le long terme en ce que 92 pour cent
des reportages en zone de conflits
soient le fait des Free lance », les
fameux électrons libres de la
profession, accréditant l’idée, par
contrecoup, d’une corporation en état
d’impotence et de stagnation. À l’instar
d’une erreur de pilotage, d’une erreur
de diagnostic médical ou de striction
chirurgicale, les erreurs du journalisme
se doivent d’être traitées comme telles.
Une faute lourde, à ce titre, passible
de sanctions exemplaires. Une profession
qui s’érige en censeur de la vie
politique ne saurait s’exonérer de la
censure en ce qu’un spécialiste qui se
trompe sur l’objet de sa spécialisation
cesse d’être un spécialiste et se doit,
pour l’honneur de la profession, d’en
tirer les conséquences.
Victime ou complice ? Au delà de
cette interrogation, la presse
entretient avec le terrorisme des
liaisons dangereuses, matérialisées avec
le journalisme embedded, apparu à
l’occasion de l’invasion américaine de
l’Irak (2003), signe d’une grave dérive,
amplifié par les blogs associés apparus
à la faveur de la guerre de Syrie
(2011-2014); des micro bloggeurs
recrutés dans les zones grises de
l’administration publique, nichés dans
les rédactions, n’appartenant pas au
journal mais tirant crédit de la
réputation de leur hébergeur pour
discréditer leur contestataire, sans
droit de réponse… Sans la moindre
déontologie.
Dans le cas de la France, deux des
journaux d’accompagnement de la
diplomatie hollando-fabiusienne dans la
guerre de Syrie -Le Monde et Libération-
ont implosé par perte de sens et de
finance, évinçant dans l’urgence leur
directeur : Nicolas Demorand
(Libération) par suite d’une motion de
défiance et Nathalie Nougayrède (Le
Monde) dans la foulée de la démission
collective de sept rédacteurs en chef.
Amplificateur multiplex des thèses
atlantistes du pouvoir socialiste, le
journal Le Monde actera la défaite
française, dans son édition du 1 er
octobre 2013. « Loin d’être à la
remorque des Américains, la France a
cherché à les tirer vers une politique
plus décisive sur une politique qui a
fait 110.000 morts et menace tout le
Moyen orient », soutiendra la directrice
du quotidien Nathalie Nougayrède. Dans
un éditorial intitulé « les limites de
l’influence française », elle vantera la
fonction de « diplomatie de repère » de
la France, confondant sans doute le fait
que la France n’assumait pas une
fonction de « diplomatie de repère », ni
de balises, mais une diplomatie de
repaires et de tanières. Point n’était
besoin d’abriter au sein de ce journal
un agent d’influence des services
français, la grande oreille Ignace
Leverrier Wladimir Glassman Al Kazzaz,
ou celle du Qatar Nabil Ennasri. Un
choix fatal à son magistère.
« Le Monde et Libération, deux
bateaux ivres, bientôt fantômes ?»,
s’est interrogé au vu de ce bilan
Jacques Le Bohec, spécialiste de la
sociologie des Médias à l’Université
Lyon III qui soutient que ce qui menace
ces deux quotidiens est une « déchéance
et une implosion progressives…» « Deux
quotidiens qui furent prestigieux, que
l’on consomma avidement et qui ne
servent plus que de moyens de pression
dans le secteur de la téléphonie mobile
». (Golias hebdo N° 337- semaine du 22
au 28 mai 2014).
Pur hasard ou coïncidence fortuite ?:
le chef de meute des islamophilistes
français durant la bataille de Syrie,
François Burgat, alias « Burqa », le
parrain idéologique absolu des thésards
-Romain Caillet (IFPO-Liban),
fraïchement dégagé de Beyrouth, de
l’islamo quatarien Nabil Ennasri
(blogueur au journal Le Monde) et Thomas
Pierret (blog Médiapart), sera affecté
en Jordanie après sa déconfiture
libyenne (2012-2013), doté d’un pactole
de 2 millions d’euros pour ses
vaticinations, avant d’être propulsé à
la tête du bureau français du Conseil
Européen des Relations Extérieures, le
lobby intellectuel de l’Otan. Les plus
en vues des atlantistes français,
notamment Alain Minc, Bernard Kouchner
et Christine Ockrent siègent au comité
de parrainage de cette instance chargée
de formater les futurs cadres de
l’Université Française, par l’octroi
d’une allocation de thèse aux aspirants
doctorants.
Pour aller plus loin :
les égarements de la presse française
:
http://www.renenaba.com/les-islamophilistes-tontons-flingueurs-de-la-bureaucratie-francaise/
http://www.renenaba.com/les-mediactivistes-francais-une-lecture-de-l-histoire-par-le-filtre-religieux/
Le terrorisme au sens moderne est
contemporain du journalisme et la «
société du spectacle », chère à Guy
Debord, n’est désormais plus
occidentale, mais universelle. 60% des
canaux islamistes incitent à la haine et
à la violence faisant de l’émetteur un
participant actif à l’exacerbation des
antagonismes, alors que parallèlement
les violations des droits de la presse
ont décuplé durant la dernière décennie
et qu’une banalisation de l’état
d’exception s’est généralisé, selon les
indications fournies lors d’un colloque
sur « La protection des journalistes en
zone de conflit » tenu à Genève le 18
avril 2014 sous l’égide de l’Institut
Scandinave des Droits de l’Homme.
La guerre contre le terrorisme se
doit donc de se mener et se gagner dans
la clarté : Le texte, le contexte et le
prétexte en ce que « la liberté
d’information est un leurre, si
l’information sur les faits n’est pas
garantie et si ce n’est pas les faits
eux-mêmes qui font l’objet du débat »
(Hannah Arendt) et que « la fonction
d’un journaliste est de se ranger, non
du côtés des puissants, mais du côté de
leurs victimes »(Albert Camus).
1- Le Songe d’une nuit d’été (A
Midsummer Night’s Dream) est une comédie
de William Shakespeare écrite entre 1594
et 1595. La première inscription de la
pièce au registre des Libraires date du
8 octobre 1600. Cette histoire complexe
dont l’action se déroule en Grèce,
réunit pour mieux les désunir deux
couples de jeunes amants. Dans le cas de
ce colloque, l’auteur a visé à découpler
terrorisme et droits humains, d’une
part, et presse et terrorisme, d’autre
part.
2- Une passante de sans souci est le
titre d’un roman de Joseph Kessel.
Indifférente d’apparence, porteuse
néanmoins d’un lourd secret, elle est à
l’image du traitement réservé par la
presse internationale au sombre rôle
assumé par la Jordanie lors du mal nommé
« printemps arabe ».
3- Pour aller plus loin sur l’Arabie
saoudite, Cf. à ce propos « l’Arabie
Saoudite, un royaume des ténèbres » René
Naba Éditions Golias. http://www.renenaba.com/l-islam-otage-du-wahhabisme/
4- Leslie Varenne est l’auteure des
ouvrages suivants : Abobo-la-guerre
: Côte d’Ivoire : terrain de jeu de la
France et de l’ONU (Fayard)
Ségolène : Reine d’un jour, reine de
toujours ? (Hugo Doc)
Illustration
© Louai Beshara, AFP | Le poste
frontalier de Nassib était le dernier
point de contrôle entre la Syrie et la
Jordanie encore contrôlé par le régime
Assad.
Reçu de
René Naba pour publication
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