MADANIYA
L’extraordinaire sang-froid de Saddam
Hussein
face à ses bourreaux, face à la mort
René Naba
Vendredi 23 décembre 2016
Face à l’annonce de
l’exécution des descendants mâles de sa
famille.
Saddam
Hussein a appris la nouvelle du décès de
ses deux enfants, l’aîné Oudaï, le cadet
Qoussaï et son petit-fils Moustapha, par
un compatriote qui lui avait offert
l’hospitalité dans le nord de l’Irak.
Les descendants mâles de sa famille ont
tous trois tués, le même jour, au cours
d’un raid des forces spéciales
américaines dans le Nord de l’Irak. Ci
joint le récit tiré des mémoires de son
avocat Khalil Al-Douleimy
-L’
hôte: j’ai une nouvelle à la fois triste
et dérangeante. Oudaï est tombé en
martyr.
-Saddam: A-t-il combattu ?
-L’hôte: Oui
-Saddam: Bravo. Il a bien fait.
La
scène, identique, se répète avec
l’annonce du décès du cadet, Qoussaï,
puis le décès du petit fils Mustapha. A
l’expiration de cette énumération
morbide, qui a éradiqué sa dynastie,
Saddam de s’exclamer sans le moindre
trémolo dans la voix: «Je remercie Dieu
de m’avoir fait l’honneur que mes
enfants soient tombés en martyr dans la
défense de leur patrie».
Face à ses geôliers
américains
«Dix
jours après mon arrestation, un général
américain flanqué d’un interprète me
lâche tout à trac: «Alors Tu seras quoi?
Napoléon Bonaparte ou Benito Mussolini».
Réponse
de Saddam: Je serai Saddam Hussein.
Uniquement Saddam Hussein. Je rejette
toute compromission. Je ne demanderai
jamais à mon peuple de capituler. Bien
au contraire, je vais les inviter à
résister et à combattre».
Une
posture qui tranche avec celle d’un
autre dirigeant irakien, Noury Said,
premier ministre du temps de la
monarchie, qui cherchera à fuir le pays,
déguisé en femme, en 1958, pour échapper
à la foule en colère qui sera finalement
démasqué et lyncher par la foule. Une
attitude à l’opposé de cette de Mouammar
Kadhafi, qui après avoir révélé aux
services occidentaux les circuits de la
coopération nucléaire souterraine inter
arabe, tentera de fuir en convoi armé au
moment de la chute de Tripoli pour finir
lynché par la foule, lui aussi.
La mémorable
séquence de la pendaison
En prélude, une séquence de son
procès
« Saddam
est monté calmement à la potence, il
était résolu et courageux », admet un de
ses pires adversaires, le conseiller à
la sécurité nationale, Moaffaq al-Roubaï.
« Il n’a pas essayé de résister, n’a
rien demandé. Il tenait un coran dans sa
main qu’il a souhaité envoyer à une
personne ». Il avait « les deux mains
attachées quand il a été pendu ».
Le juge
a alors lu au président irakien la liste
des chefs d’accusation portés contre
lui, tandis qu’il répétait, en guise de
réponse: «Mort à l’Amérique ! Mort à
Israël ! Longue vie à la Palestine !
Mort aux mages perses !» Il ne l’a pas
entendu regretter quoi que ce soit.
Roubaï
l’a ensuite amené dans la pièce, pleine
de monde, où il allait être exécuter. En
voyant la potence, Saddam s’est tourné
vers lui et en le regardant droit dans
les yeux lui a dit: «Docteur, est cela
pour les hommes !».
Ses
dernières paroles ont été: « J’espère
que vous resterez unis et je vous mets
en garde: ne faites pas confiance à la
coalition iranienne, ces gens sont
dangereux. » L’ancien président, âgé de
69 ans, a été pendu le jour de la fête
religieuse musulmane d’Al Adha, (fête du
sacrifice).
Le message de Saddam
Hussein aux dirigeants arabes :
N’intercédez pas en ma faveur. Préserver
l’unité de l’Irak
L’avocat
Khalil Al-Douleimy assure avoir été
chargé de transmettre aux dirigeants
arabes un «message oral» de l’ancien
président irakien, de «derrière les
barreaux», dont la teneur est la
suivante:
«N’intercédez pas pour sauver ma nuque
que j’ai d’ores et déjà confiée à Dieu.
Veuillez à préserver l’Unité de l’Irak
que l’on égorge». Le message précise
qu’il a vu un dirigeant irakien pleurer
à la réception de ce message.
«Je ne
suis l’agent de personne. Si les
Américains m’avaient propulsé au
pouvoir, ils m’auraient dénoncé à mon
premier affrontement avec eux», conclut
Saddam Hussein dans mes mémoires dictés
à son avocat Khalil Al Douleimy, d’où
sont tirés ces passages.
De l’influence
résiduelle du Parti Baas en Irak: 17.000
irakiens éradiqués, privés d’emplois et
de pension de retraite, terreau du
djihadisme.
Le
constat d’Ihsan Al Chamary, professeur
de Sciences politiques à l’Université de
Bagdad. Interview au journal en ligne
«Al Rai Al Yom» le 3 mai 2015. Le
successeur de Saddam Hussein à la tête
de la guérilla anti américaine a été tué
par les brigades «Hezbollah», une milice
chiite qui combat aux côtés de l’armée
irakienne dans la bataille pour la
reconquête du Nord de l’Irak sous
contrôle de Da’ech.
http://www.raialyoum.com/?p=252139
«L’affluence populaire qui s’est
manifestée sur le parcours du convoi
funéraire d’Izzat Ibrahim Ad Doury, tué
le 20 avril 2015, témoigne de la
persistance du prestige de l’ancien
président irakien, douze ans après
l’invasion américaine de l’Irak, neuf
ans après sa pendaison.
«Le Baas
est toujours actif. Quiconque dit que le
Baas est fini ou que les baasistes sont
finis contredit la vérité. Les symboles
-Saddam Hussein ou Izzat Ad Doury-
peuvent disparaître, mais bon nombre de
dirigeants demeurent actifs et tentent
de mettre en échec le système politique
mis en place depuis la chute du régime
baasiste.
«Il est
prématuré de se débarrasser en Irak du
fantôme de Saddam, qui a tout de même
gouverné le pays pendant trente ans.
Nous aurons besoin de plusieurs
décennies pour nous débarrasser de
l’empreinte de Saddam et de son legs.
«Les
Baasistes sont accusés de jouer un rôle
néfaste notamment dans la perpétuation
de la violence qui sévit dans le pays
depuis 2003. De même, ils sont accusés
de collaborer avec Da’ech, qui occupe
une superficie importante du pays,
notamment Mossoul et Takrit, deux points
d’ancrage traditionnels du Baas.
A
l’appui de son affirmation,
l’universitaire cite le rapport du
journal allemand «Der Spiegel», en date
du 19 avril 2015, faisant état d’une
stratégie visant à l’expansion
territoriale de Da’ech, mise au point
par un ancien officier des
renseignements irakiens, Samir Al
Khleifaoui. «Les Irakiens sont désormais
convaincus que Da’ech sert de façade et
masque une autre réalité: Une tentative
de reconquête de pouvoir par le Parti
Baas.
Les précisions de
Bassem al Boudeiry, chef de l’instance
«questionnement et justice»: 17.000
Irakiens éradiqués, privés d’emplois et
de pension de retraite, terreau du
djihadisme.
Le
nouveau pouvoir post Saddam a tenté, en
2003, de limiter l’influence du Baas par
une série de dispositions notamment la
dissolution de l’armée et la «loi
questionnement et justice» qui a suivi
la décision d’éradiquer le Parti Baas.
Selon
Bassem Al Boudeiy, chargé du programme
«Questionnement et Justice», 130.000
personnes ont été visés par le
dispositif éradicateur, dont 17.000
effectivement éradiqués définitivement
avec perte d’emploi et privation d’une
pension de retraite. L’objectif de ce
dispositif était d’épurer les
institutions officielles de tous ceux
qui avaient commis des crimes à
l’encontre du peuple irakien. Le Baas
sert de point d’appui au terrorisme.
«En dépit du rétablissement de certains
officiers dans leurs droits, beaucoup de
ceux qui ont pâti de ces mesures
manifestent leur mécontentement, à leur
façon de la manière qu’ils peuvent.
Le cas
du Général de corps d’armée, Abou
Moutlaq (62 ans) est à cet égard
significatif: «Pas un officier forcé à
démission n’est resté passif. Tous ont
témoigné leur sympathie ou participé à
des activités des groupements
anti-américains. Le général, qui s’est
résolu à devenir chauffeur de taxi pour
subvenir aux besoins de sa famille
s’explique: D’un trait j’ai été licencié
et privé de moyens de subsistance pour
ma famille. Comment voulez-vous que je
participe à un processus visant à
l’édification d’un nouveau système
politique qui m’a, lui-même, privé de
tout et exclu de tout».
Le mois d’Avril dans
le rituel baasiste.
Mois de
naissance de Saddam Hussein, Avril
occupe une place particulière dans le
rituel baasiste. En 2015, il a donné
lieu à diverses actions de solidarité
symbolique avec l’ancien président, né
le 28 avril.
C’est ainsi que les forces irakiennes
ont reconquis Tikrit, chef-lieu de la
région natale de Saddam Hussein, le 18
avril, dix jours avant sa date
d’anniversaire. Le porte-parole du
premier ministre Raghed al Joubouri, a
été contraint à la démission, ce
mois-là, après la diffusion d’une
chanson qu’il avait composée à la gloire
de Saddam Hussein, il y a quinze ans.
De vives divergences persistent
au sein de la population à propos du
bilan de Saddam.
Le Kurde
Anas Abed (41 ans) est catégorique: «Je
tremble encore au nom de Saddam à la
radio ou à la télévision. Je tremble non
de peur, mais de dégoût. Je suis très
affecté par ma solitude familiale. Douze
des membres de ma famille ont été tués
lors de l’attaque aux armes chimiques à
Hallabja en 1988.
Autre
son de cloche chez les partisans de
Saddam: «A l’évocation du nom de
l’ancien président, les larmes coulent
des yeux de ce septuagénaire adhérent au
Parti Baas depuis cinquante ans.
«Le
parti existe. Où voulez-vous qu’il
parte? Il est présent dans notre cœur.
Quand tu es animé d’une idéologie, il
est impensable que tu y renonces. Les
responsables redoutent encore le Parti
Baas et craignent Saddam.
«Chaque
fois que je vois sa photo mon cœur
palpite. Quand son visage apparaît à la
télévision, j’éprouve une envie folle
d’ôter ma chaussure pour la lancer
contre l’écran».
Un procès «entaché d’irrégularités,
aussi bien sur la forme que sur le fond»
et «foncièrement inéquitable».
Le 5
novembre 2003, Saddam Hussein a été
condamné à mort par pendaison pour crime
contre l’humanité. Plusieurs autres
membres de l’ancien Parti Baas ont été
également condamnés à mort ou à des
peines allant jusqu’à l’emprisonnement à
perpétuité, parmi lesquels:
-
Taha Yassine Ramadan, ancien
vice-président (exécuté par
pendaison le 20 mars 2007) ;
-
Barzane Al Takriti, ancien chef des
renseignements (exécuté par
pendaison le 15 janvier 2007) ;
-
Awad Ahmad Al Bandar, adjoint du
chef de cabinet de Saddam Hussein
(exécuté par pendaison le 15 janvier
2007) ;
-
Abdallah Kadhem Roueid, responsable
local du parti Baas (condamné à 15
ans de prison le 5 novembre 2006) ;
-
Mezhar Abdallah Roueid, responsable
local du parti Baas (condamné à 15
ans de prison le 5 novembre 2006).
-
Tareq Aziz, ministre des Affaires
étrangères, est mort en captivité en
Mai 2015 des suites d’une longue
maladie.
Le 25
décembre 2006, la Cour d’appel irakienne
confirme la condamnation à mort de
l’ancien président irakien Saddam
Hussein et refuse d’accéder à sa
dernière volonté d’être fusillé, comme
le prévoyait l’ancienne Constitution
irakienne pour les crimes politiques.
Elle confirme l’exécution par pendaison,
réservée en Irak aux criminels de droits
communs. Human Rights Watch a estimé que
le procès a été «entaché
d’irrégularités, aussi bien sur la forme
que sur le fond» et qu’il a été
«foncièrement inéquitable».
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