Madaniya
Sénégal: Sous couvert de religion, la
compétition entre Israël et les Frères
Musulmans sur le plan politique
René Naba
Photo:
D.R.
Lundi 23 février 2015
L’opération de
séduction d’Israël en direction du
Sénégal
Paris-23.02.15-
Israël a lancé une opération de charme
en direction du Sénégal, pays vétéran de
l’Organisation de la Conférence
islamique (OCI), visant à compenser le
nouveau tropisme européen en direction
de la Palestine, parallèlement aux
démarches de la confrérie des Frères
Musulmans de s’aménager une nouvelle
plate-forme dans le pré carré français
par le contournement de l’Europe gagnée
par une vague d’islamophobie.
Fait sans précédent
dans les annales des relations
israélo-sénégalaises, une délégation de
six imams sénégalais, sous la conduite
d’El Hadji Omar Diène, directeur de
l’Organisation des Imams du Sénégal, a
effectué une visite insolite en Israël,
à la date hautement symbolique du 30
novembre 2014, coïncidant avec la
commémoration du 97eme anniversaire du
Plan de partage de la Palestine.
Le groupe a visité
Yad Vashem, assurant que cela lui avait
donné de nouveaux éclairages sur le
peuple juif et l’état d’Israël.:
«Aujourd’hui, nous avons appris d’un
événement dans l’histoire -la
destruction des Juifs d’Europe, un
événement qui ne peut être expliqué. La
tournée nous a permis de comprendre
Israël et les Juifs en profondeur et
nous nous félicitons des relations entre
nos deux pays», a déclaré le dignitaire
sénégalais. Ce déplacement visait à
améliorer les relations diplomatiques et
culturelles entre Israël et le Sénégal,
ainsi que le dialogue religieux entre
les deux pays. Le Sénégal préside en
outre le Comité pour les droits des
Palestiniens à
l’ONU. http://fr.timesofisrael.com/des-imams-senegalais-en-visite-en-israel/
Israël Sénégal
Les relations entre
Israël et le Sénégal, nouées dès
l’indépendance de l’ancienne colonie
française en 1960, avaient été rompues
en 1973, dans la foulée de la 3eme
guerre israélo-arabe d’Octobre 1973 et
du soutien de l’état israélien au régime
d’Apartheid d’Afrique du Sud. Toutefois,
les israéliens avent réussi à maintenir
des relations par le biais d’une
assistance technique dans le domaine de
l’irrigation via un partenariat
tripartite avec l’Italie.
Le séjour des
dignitaires sénégalais a été précédé
d’une prise de position tonitruante du
chef du groupe, en pleine offensive
contre Gaza, l’été 2014,«dénonçant le
Hamas et encourageait Israël à se
défendre». «Le Hamas, Boko Haram et Al
Al-Qaïda sont des terroristes de
première espèce. Israël a le droit de se
défendre et de protéger ses populations.
La justice et la vérité ne seront jamais
du côté des provocateurs», peut-on lire
dans la missive, datée du 17 juillet et
signée de El Hadji Omar Diène, adressée
à l’ambassadeur d’Israël à Dakar, Eli
Ben Turra.
Cette visite
s’inscrit dans le cadre d’une offensive
de charme menée par les Israéliens en
direction du maillon faible du Monde
musulman, les cercles intellectuels et
religieux en mal de notoriété: Ferhat
Mehenni, chef du fantomatique
gouvernement kabyle en exil, et son
ministre des affaires étrangères, Lyazid
Abid, Boualem Sansal (Algérie), l’Imam
de Drancy (France) le franco tunisien
Hassan Chalghoumi ainsi que la cineésate
tunisienne Nadia El Fanni.
Une opération de
séduction visant à compenser les
déconvenues diplomatiques des israéliens
sur le plan palestinien au niveau
européen et de masquer, dans le même
temps, leur vigoureuse campagne de
colonisation des terres dans le tiers
monde. Un fait qui place l’état
israélien au rang de l’un des gros
colonisateurs et pollueurs de la
planète.
Israël dont
l’expérience de la colonisation de la
Palestine l’a conduite à coloniser des
terres à travers le Monde, exerce un
contrôle sur des terres représentant
vingt fois sa superficie au détriment
des populations et de l’environnement
des pays pauvres:
En République Démocratique du Congo pour
la culture de la canne à sucre, en sus
de l’exploitation diamantifère.
Au Gabon pour la culture du Jatropha,
nécessaire à la production de
biocarburants;
En Sierra Leone où la colonisation
israélienne représente 6,9 pour cent du
territoire de ce pays de l’Afrique de
l’Ouest de surcroît diamantifère.
En Colombie, où Israël a pris le
contrôle d’immenses superficies pour
cultiver la canne à sucre.
Aux Philippines où la proportion des
terres confisquées atteint 17,2 pour
cent de la surface des terres agricoles
http://www.renenaba.com/liban-diaspora-2-2/
Le vote du
Nigéria contre la résolution sur la
Palestine: Du politique sous couvert de
religion
L’une des plus
récentes manifestations d’Israël en
Afrique a été la mise en échec de la
résolution palestinienne au Conseil de
Sécurité, le 30 décembre 2014. Deux
états africains ont voté contre ce
projet de résolution concernant le
cadrage des négociations
israélo-palestiniennes en vue de la
proclamation d’un état indépendant dans
un delai de deux ans: Le Nigeria, le
plus grand pays musulman d’Afrique, de
surcroît membre de l’Organisation de la
Conférence Islamique (OCI), et le
Rwanda, un pays victime d’un génocide
comparable au sociocide vécu par les
Palestiniens du fait de l’occupation
israélienne. Que deux pays anciennement
colonisés refusent leur soutien à
l’indépendance de l’un des pays du tiers
monde, victime de l’arbitraire colonial,
donne la mesure de la perversion mentale
de leurs dirigeants et du degré de leur
vassalisation au diktat
israélo-américain.
L’affichage du
président malien, Ibrahima Boubacar
Keita (IBK), aux côtés du premier
ministre israélien Benyamin Nethanyahu,
au premier rang des manifestations,
dimanche 11 janvier, en hommage de
solidarité à Charlie Hebdo, constitue
une autre facette de l’inconsistance
politique de ce groupe de dirigeants
africains réputés pour leur corruption.
Le vote du Nigéria
ne constitue en effet pas une grosse
surprise. Le président Goodluck Jonathan
est membre de l’église évangélique
nigériane «Word of Life Bible Church»,
affiliée à l’église évangélique des
Etats Unis, l’un des plus fermes
soutiens à Israël. Le President Goodluck
Jonathan et le Pasteur Ayodele Joseph
Oritsejafor, le chef de son église «Word
of Life Bible Church», ont effectué en
2014 un pèlerinage en Israel, au cours
duquel il ont eu n entretien avec le
pemier ministre israélien Benyamin
Netanyahu.
Une démarche
identique à celle des dignitaires
religieux sénégalais, qui consiste à
établir des relations politiques sous
couvert de la religion. Dans le cas
nigérian, sur fond de rumeurs de
l’interception par l’Afrique du Sud d’un
avion privé contenant 9,3 millions de
dollars, propriété d’un homme d’affaires
israélien établi au Nigéria, Eyal
Masika, un des passagers de l’avion,
dont le président Goodluck Jonathan en a
reclamé la restitution à son collègue
Jacob Zuma arguant du fait que la somme
était la propriété de son église.
Une troisième
action d’éclat à mettre au compte
d’Israël en Afrique pourrait être son
aide au Cameroun dans son combat contre
l’organisation djihadiste du Nigeria
Boko Haram. L’armée camerounaise a en
effet fait usage des drones pour
effectuer des bombardements à
l’intérieur du Nigeria, notamment à
Banki, fin décembre 2014. L’artillerie
camerounaise est intervenue depuis
Amchidé et Limani pour viser les
positions de Boko Haram dans cette
localité frontalière stratégique pour la
secte.
L’état israélien
qui gère officieusement la garde
présidentielle de Paul Biya et le
Bataillon d’Intervention Rapide (BIR),
est chargé de la protection de ce grand
démocrate camerounais. Grand producteur
de drones, l’état israélien a été
désigné du doigt comme possible
prestataire de service dans cette
opération, en mettant à la disposition
de l’armée camerounaise les relevés
topographiques de ces avions sans pilote
(1).
-
www.youtube.com/watch?v=MejdX0z-v0Q
-
www.youtube.com/watch?v=jSyt5mpOzIY
Ben Zimet ou la
perméabilisation de l’opinion
sénégalaise à la culture juive.
Ce rapprochement
inédit entre Israël et le Sénégal, par
le biais religieux, est partiellement
redevable au travail de Ben Zimet, beau
père de Rama Yade, ancienne secrétaire
d’état aux Droits de l’Homme sous la
présidence de Nicolas Sarkozy.
Installé depuis
quelques années au Sénégal, Ben Zimet,
père de Joseph Zimet, a entrepris un
travail de sensibilisation des
Sénégalais à la culture juive. Il y a
notamment monté un spectacle, La Casa
del Judio Tropical, racontant «le
périple des «Calypso Jews», les juifs
expulsés d’Espagne en 1492 qui, sur les
traces de Christophe Colomb, se sont
implantés au Nouveau Monde, dans les
Caraïbes, en Amérique du Sud, en Afrique
de l’Ouest. Un spectacle où sont
évoquées la traite des Noirs, la
colonisation, l’Inquisition (jusqu’en
1823 à Cuba) et la salsa bien sûr».
En mai 2007, Ben
Zimet a organisé à l’île de Gorée
(Sénégal), en sa qualité de directeur
artistique, la première édition du
«Festival international du conte et de
la parole», dans le cadre de la
commémoration de l’abolition de
l’esclavage. «Fils d’un juif polonais et
d’une juive allemande, Ben Zimet a été
«un enfant traqué» par les nazis durant
la Seconde Guerre mondiale. Petit,
dit-il, il avait déjà dans son
inconscient un «rêve africain». Pour
lui, le monde a besoin de la mémoire et
d’une prise de conscience pour entamer
sa marche vers l’abolition de tous les
crimes commis quotidiennement contre les
uns et les autres.
Indice de la
sinuosité de la diplomatie sénégalaise,
le Sénégal a interdit la diffusion sur
son territoire de l’édition post carnage
de Charlie Hebdo, alors que le président
Malick Sall avait fait personnellement
le déplacement pour soutenir la liberté
d’expression lors de la manifestation
d’hommage international organisée à
Paris le 11 mars à la mémoire des
journalistes tués du journal satirique.
Le Sénégal, base
de repli des Frères Musulmans, face à
une Europe jugée islamophobe ?
En superposition
aux démarches israéliennes, les Frères
Musulmans, le plus ancien parti
transnational du Monde arabe, ont
entrepris de s’implanter au Sénégal,
plaque tournante de l’Afrique
occidentale francophone, en vue de
s’aménager une base de repli face à une
Europe gagnée par l’islamophobie et de
compenser ainsi leurs déboires en
Egypte, en Arabie saoudite et en
Tunisie.
A dire vrai,
l’influence des Frères Musulmans au
Sénégal remonte à la décennie 1970, où
la confrérie a bénéficié du boom
pétrolier consécutif à l’usage par les
Arabes de l’arme du pétrole contre les
alliés d’Israël dans la guerre d’octobre
1973.
Deux autres
facteurs ont joué dans la propagation de
l’islamisme en Afrique noire: le
parrainage saoudien de la confrérie
ainsi que la rupture des relations
collectives entre l’Afrique et Israël
qui s’est ensuivie, de même que
l’instrumentalisation de l’Islam comme
arme de combat contre l’athéisme de
l’Union soviétique et de ses alliés
régionaux ou locaux.
Depuis cette date,
l’influence des FM s’est propagée de
manière diffuse, par l’entremise
d’associations de bienfaisance ou via
des mouvements étudiants qui leur sont
proches idéologiquement, tels
l’association des Élèves et Étudiants
Musulmans du Sénégal (AEEMS) créée en
1993 ou l’Association des Étudiants de
l’Université de Dakar (AEMUD), formée
entre 1984 et 1986.
Point de passage
vers l’Amérique latine, le Sénégal est
un territoire stratégique en Afrique de
l’ouest. Indépendant depuis 1960, il
occupe une place importante dans
l’Organisation Internationale de la
Francophonie (OIF); du fait de ses
relations étroites avec la France et une
place majeure au sein de l’Organisation
de la Coopération Islamique (OCI); aux
côtés de l’Arabie Saoudite et du Qatar.
L’islam est arrivé au Sénégal au XIème
siècle.
Rompant avec cette
tradition de discrétion, une délégation
de la confrérie a effectué, en février
2014, une visite officielle au Sénégal.
Cette première visite officielle des FM
a paru répondre à une logique de
légitimation de l’organisation, alors
que la confrérie venait d’être frappée
d’ostracisme par son ancien parrain,
l’Arabie saoudite.
L’islamisation de
la société sénégalaise à l’époque
contemporaine a été favorisé en outre
par le déploiement des banques
islamiques dans une société en voie de
paupérisation croissante tant du fait de
la sécheresse que des gros scandales de
corruption. Le Qatar, parrain de
substitution aux Frères Musulmans, a
constitué un puissant vecteur au
déploiement de la confrérie, notamment
via les finances islamiques et leur
chaîne vedette Al-Jazeera, un de ses
instruments de pénétration économique et
idéologique. Le Qatar a souhaité
implanter une antenne francophone de la
chaîne de télévision à Dakar, mais le
président sénégalais y aurait opposé son
veto à ce projet, privilégiant la chaîne
française France24
La stratégie
rampante des FM n’a pas l’heur de plaire
à tout le monde. L’un des plus virulents
censeurs de la confrérie est un
enseignant-chercheur de l’Université à
Saint-Louis, Bakary Sambe, qui n’a cessé
de mettre en garde contre l’islamisation
de la société sénégalaise. Dans une
polémique restée célèbre, qui l’a
opposée l’été 2013, à Tariq Ramadan,
Bakary Sambe a accusé notamment le petit
fils du fondateur de la confrérie «de
vouloir faire de l’Afrique francophone
sa nouvelle zone d’influence pour régler
ses comptes avec l’Occident».
Au delà de la
polémique et sans se prononcer sur le
bien fondé des arguments de l’un comme
de l’autre, l’universitaire sénégalais
gagnerait en objectivité s’il portait
les mêmes accusations à l’égard de
l’entrisme feutré israélien au Sénégal
et au delà en Afrique, dont l’objectif
sous jacent est de cogérer le pré carré
africain de la France en tandem franco
israélien. Selon le bout de la
lorgnette, la vue varie.
Ci joint
l’intégralité des échanges entre les
deux protagonistes
L’intervention de
Tariq Ramadan :
-
http://www.seneweb.com/news/Contribution/tariq-ramadan-et-le-cimef-entre-recherche-d-rsquo-influence-et-lifting-ideologique-de-l-rsquo-islamisme-senegalais_n_99645.html
La réponse de
Bakary Sambé :
-
http://www.dakaractu.com/Mise-au-point-de-Bakary-Sambe-Cher-Monsieur-Ramadan-la-diffamation-est-aussi-contraire-a-l-islam-et-a-l-ethique_a47847.htt
La défense du
pré-carré de la France en tandem avec
Israël :
-
http://www.renenaba.com/le-jeu-de-la-france-defense-du-pre-carre-en-tandem-avec-israel/
1 – Israël-
Cameroun et le BIR :
Depuis 2001, le BIR
(Bataillon d’Intervention Rapide) du
Cameroun bénéficie de l’encadrement
israélien, sous l’autorité d’AVI Abraham
SIRVAN, un Colonel retraité de l’armée
israélienne et ancien attaché de défense
à l’ambassade d’Israël à Yaoundé.
Rattaché directement à la présidence de
la République, le BIR va devenir peu à
peu l’atout stratégique majeur de la
défense camerounaise. L’implication
d’Israël dans l’encadrement du BIR en
particulier et de la sécurité
présidentielle en général date de la
tentative de coup d’État de 1984:
doutant de la loyauté des Français
(DGSE) qui assuraient jusque-là sa
sécurité, Paul Biya s’est tourné vers
les États-Unis. Ces derniers ont à leur
tour sous-traité le marché à Israël. Le
premier officiant israélien aura été
Meir Meyerkhous dit Meyer, auparavant
affecté au Zaire à la protection
pprochée de Mobutu. A partir des émeutes
de février 2008, le rôle du BIR a
considérablement changé. Il a été appelé
en renfort pour sécuriser Douala, puis
Yaoundé et le palais présidentiel,
menacés par les manifestants. Depuis
mars 2009, ses effectifs ont été
augmentés et il a remplacé à Bakassi les
forces traditionnelles. Mais cette
présence accrue du BIR, qui compte
désormais près de cinq mille (5000)
hommes, pose problème. Son importance a
suscité la défiance de l’armée
traditionnelle en ce que le BIR apparaît
comme une armée dans l’armée. Les
avantages et primes dont bénéficient ses
servants ont suscité jalousies et
tensions. Depuis 2010, le BIR est
associé à la sécurité du président.
S’il ne participe
qu’indirectement, sa présence s’explique
par l’image d’invincibilité et la
crainte qu’il suscite auprès des
camerounais. La présence du BIR aux
abords des itinéraires du cortège
présidentiel est surtout dissuasive. Si
le BIR est associé à la GP au dispositif
de sécurité présidentiel, sa mission
principale reste et demeure la défense
du territoire. En 2010, Avi Abraham
Sirvan, tué dans un accident
d’hélicoptère, est remplacé par Maher
Herez, lui aussi un ancien colonel du
Mossad. Les éléments de GP sont habillés
avec le même uniforme que celui de
l’armée israélienne et ceux du BIR
portent celui des forces spéciales
israéliennes.
Illustration
President Reuven Rivlin meets with a
delegation of imams from Senegal, at the
President’s Residence in Jerusalem on
November 27, 2014. (photo credit:
Mark Neyman/GPO/FLASH90)
Annexe
documentaire
Verbatim du débat à
Tunis entre Tariq Ramadan et
l’universitaire sénégalais Bakry Sambe
sur le thème : «RELIGIONS ET
EXTREMISMES: LE DEBAT A NE PAS ESQUIVER»
Titre:
tunis-ramadan-sambe
Reçu de
René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Afrique noire
Les dernières mises à jour
|