MADANIYA
Ali Akbar Asghari :
Du terrorisme et de la duplicité du
discours occidental
René Naba
Photo:
D.R.
Lundi 19 octobre 2015
Paris -Ali Akbar Asghari, le cerveau
des attentats anti occidentaux de
Beyrouth, particulièrement l’attentat
contre l’ambassade américaine, en 1983,
a fait défection et vit aux États-Unis ;
une révélation qui réduit à néant les
propos martiaux de l’administration
américaine sur la guerre contre le
terrorisme.
La révélation est contenue dans un
ouvrage du journaliste américain Kay
Bird, lauréat du prix Pulitzer, intitulé
« The “Good Spy” & America’s secret wars
in the Middle East».
Elle paraît répondre à un double
objectif :
Sur le plan interne : si
elle démontre, par contrecoup, la
duplicité du discours occidentale
concernant la « guerre contre le
terrorisme », elle relativise les
critiques suscitées aux États-Unis sur
l’échange de cinq prisonniers taliban de
Guantánamo contre un soldat américain
capturé en Afghanistan. Elle pourrait
servir de justificatif à la récente
décision de l’administration américaine
de nouer des contacts avec des
ravisseurs d’otages américains.
Sur le plan international
: Tout porte à croire
que cette révélation, pour
sensationnelle qu’elle soit, en levant
le voile sur l’un des plus épais mystère
des deux dernières décennies, paraît
destinée à dissiper du même coup toute
ambiguïté sur la destination finale de
l’ancien maître espion iranien et à
signifier à Téhéran qu’il est « Under
control ».
Précédant la décision de
l’administration américaine de couper
les vivres aux chiites libanais
pro-américains, anti Hezbollah, à
l’instar du publiciste Lokmane Slim, de
l’ordre de 600.000 dollars par an, sur
fond de négociations sur le nucléaire
américain, elle pourrait avoir déblayé
le terrain à un éventuelle convergence
de facto entre l’Iran et les États-Unis
en Irak, après la proclamation du
califat sur les territoires de Syrie et
d’Irak.
….((Un autre des « retournés »
célèbres n’est autre que Mossa’b Hassan
Youssef, fils d’un des fondateurs du
mouvement islamiste palestinien Hamas, «
une taupe » du Shin Beth, les services
de renseignements israéliens, réfugié en
Californie, converti au catholicisme et
ayant subi une opération de chirurgie
esthétique.
…..((Les informations que Mossa’b
Youssef a livrées aux Israéliens ont
conduit aux arrestations d’Ibrahim
Hamid, un chef militaire du Hamas en
Cisjordanie et de Marwan Barghouti, la
figure emblématique du Fatah en
Cisjordanie. Il était surnommé par ses
agents traitants le « prince vert »,
vert comme la couleur de l’islam. Et
prince parce qu’il devait leur rappeler
le « prince rouge » : Ali Hassan Salameh,
l’homme des premiers contacts entre
l’OLP de Yasser Arafat et la CIA que le
Mossad assassina à Beyrouth dans la
décennie 1980))…
Une duplicité, matérialisée du côté
français par l’opération de blanchiment
de l’ancien dirigeant djihadiste libyen,
Abdel Hakim Belhadj, reçu au Quai
d’Orsay, avec à la clé, un livre à sa
gloire de la journaliste du Monde
Isabelle Mandraud, expliquant doctement
la transition du djihadisme erratique
vers la démocratie.
L’ouvrage relate l’action clandestine
américaine dans les décennies 1970-1980
au Moyen orient. Il éclaire d’un jour
nouveau l’attentat contre l’ambassade
américaine, qui s’est produit l’année
suivant l’invasion israélienne du Liban
et le siège de Beyrouth ; une année
cruciale avec la perte du sanctuaire
libanais de l’OLP, l’élection du chef
phalangiste Bachir Gemayel à la
Présidence de la république, son
assassinat à la veille de sa prise de
fonction, enfin l’abolition sous la
pression populaire du traité de paix
libano israélien.
Sur le rôle de Beyrouth dans la
guerre de l’ombre, CF :
-
http://www.renenaba.com/le-tribunal-special-sur-le-liban-a-lepreuve-de-la-guerre-de-lombre/
Ali Hassan Salameh
et son épouse Georgina Rizk, Miss
Univers 1971, à Disneyland aux frais de
la CIA
Kay Bird relate la carrière d’un chef
espion, Robert « Bob » Ames, une
autorité dans le monde du renseignement
américain, tué dans l’attentat de
Beyrouth ainsi que 78 personnes. Bob
Ames était notamment chargé des liaisons
avec l’OLP, particulièrement avec Ali
Hassan Salameh, fils d’un grand
résistant palestinien à l’époque du
mandat britannique en Palestine,
surnommé le « prince rouge » en raison
de sa flamboyance, de son train de vie
tapageur, qui épousa Georgina Rizk, Miss
Liban et Miss Univers 1971, chargé de
surcroît de la protection rapprochée de
Yasser Arafat.
La relation avait été nouée, en 1973,
dans la foulée de l’assassinat de
l’ambassadeur et du chargé d’affaires
américains au Soudan, en mars 1973, et
de la guerre d’octobre de la même année.
Un pacte de non-agression avait été
conclu entre les deux parties et les
Palestiniens assureront la sécurité de
l’évacuation des Américains résidant à
Beyrouth en 1978, durant la guerre
civile libanaise.
En contrepartie, les Américains
alertaient les Palestiniens sur les
projets d’attentats israéliens contre
les Palestiniens, prenant même en charge
un programme de formation des services
palestiniens à la protection rapprochée.
C’est ainsi qu’Arafat et Salameh ont pu
échapper au carnage opéré par un
commando israélien à Beyrouth, en avril
1973, contre la centrale palestinienne,
provoquant l’assassinat de trois
dirigeants palestiniens, Kamal Nasser,
porte-parole de l’OLP, Abou Youssef al
Najjar, son ministre de l’intérieur et
Kamal Adouane, le chef du mouvement de
la jeunesse du Fatah.
Kay Bird affirme, sur la foi des
témoignages d’anciens espions
américains, qu’Ali Hassan Salameh et sa
deuxième épouse Georgina Rizk, Miss
Univers 1971, ont effectué un séjour
touristique aux États-Unis, incluant une
journée à Disneyland, aux frais de la
centrale américaine.
Toute chose a une fin : Les
Israéliens s’opposaient à tout contact
entre Américains et Palestiniens. La
vigilance américaine sera trompée, Ali
Hassan Salameh sera tué dans un attentat
à la voiture piégée à Beyrouth en
janvier 1979, une période marquée par la
finalisation du traité de paix entre
Israël et l’Égypte, -le traité de
Washington sera signé le 29 mars 1979-
et le triomphe de la Révolution
islamique en Iran avec le retour le 9
février 1979 de l’Imam Ruhollah
Khomeiny.
Ali Akbar Asghari et
Imad Moughnieh, maîtres d’œuvre de
l’attentat contre l’ambassade américaine
de Beyrouth 1983
Selon Bird, Ali Hassan Salameh
comptait parmi ses lieutenants, un
certain Imad Moughnieh, membre de
l’unité d’élite chargée de la protection
rapprochée de Yasser Arafat.
À la mort de Hassan Saleh, et
l’avènement de la République Islamique
iranienne et le lancement du Hezbollah,
en 1982, dans la foulée du dégagement de
l’OLP de Beyrouth, Imad Moughniyeh
rejoint les rangs du Hezbollah dont il
sera le chef de sa branche militaire et
l’artisan de ses plus importants faits
d’armes : Le dégagement militaire
israélien du sud Liban, en 2000, sans
traité de paix ni négociation, et la
riposte balistique victorieuse lors de
la guerre de destruction israélienne du
Liban, en 2006.
Hajj Radwane, son nom de guerre,
périra dans un attentat à la voiture
piégée le 12 Février 2008 à Damas, non
sans avoir asséné des coups durs aux
pays occidentaux, particulièrement aux
États Unis et à la France, à l‘époque
les principaux soutiens de l’Irak dans
sa guerre contre l’Iran. La double
attaque meurtrière contre l’ambassade
américaine à Beyrouth et contre les
bases des Marines américains et des
paras français, en 1983, avaient forcé
les Occidentaux à se retirer du Liban,
faisant 350 morts, de même que
l’enlèvement et de l’exécution en 1984
du chef du bureau de la CIA au Liban,
William Buckley. Son supérieur, Robert
BOB Ames, avait, lui, péri dans
l’attentat un an plus tôt.
Bob Ames avait joué un rôle marquant
dans la définition de la politique
étrangère américaine en direction du
Moyen orient. Il est l’un des
inspirateurs du « Plan Reagan » lancé
par le président Ronald Reagan dans son
discours de Burbank (Californie), en
Août 1982, pour prix du dégagement de
l’OLP du siège de Beyrouth.
Le mystérieux
général Ali Akbar Asghari
Curieusement, aux mépris de leurs
principes affichés, l’un des cerveaux de
ce double attentat meurtrier, le général
Ali Akbar Asghari, coule des jours
paisibles aux États-Unis.
Vice-ministre de la défense sous le
régime du Président Mohamad Khatami,
évincé par son successeur Mohamad Ahmadi
Nijad, le général Asghari est l’ancien
responsable des Pasdarans et des
services secrets iraniens au Liban.
Disparu le 7 février 2007 à Istanbul, il
avait fait défection.
Kay Bird confirme qu’il est désormais
officiellement réfugié aux États-Unis où
il « réside confortablement ». Jugée «
belle prise de guerre », Asghari a été
conduit dans la banlieue de Washington
pour un débriefing complet. Ses aveux
ont permis le repérage de la centrale
nucléaire d’Al-Kibar (en Syrie)
bombardée par les Israéliens en 2008.
Dans une opération d’enfumage
médiatique destinée à brouille les
pistes, des informations fuitées dans la
presse laissaient entendre que
l’officier iranien aurait été liquidé
par ses tortionnaires israéliens après
un interrogatoire musclé sur la
coopération du Hezbollah avec l‘Iran
notamment le rôle de la brigade de
Jérusalem (Faylaq Al Qods) de la garde
révolutionnaire iranienne dans la
défense de la banlieue sud de Beyrouth
lors de la guerre israélienne contre le
Hezbollah, en juillet 2006.
Asghari aurait fait des aveux sur la
prétendue participation du Hezbollah à
l’assassinat de l’ancien premier
ministre libanais Rafic Hariri, dans une
tentative de masquer les manipulations
israéliennes dans cette affaire en ce
que la quasi-totalité du réseau libanais
de téléphonie était infestée d’agents
israéliens. Autrement dit, le général
Asghari aurait-il servi de blanchisseur
aux turpitudes israéliennes, en accord
avec les États-Unis. Au vu des
dysfonctionnements relevés dans la
mission du tribunal, la question mérite
d’être posée
Imad Moughnieh et la
responsabilité des attentats du 11
septembre
Dans une tentative d’écarter tout
soupçon sur les incubateurs du
djihadisme,
Imad Moughnieh ainsi que
l’Iran, seront mis en cause dans les
attentats du 11 septembre dans une
déposition faite devant un tribunal du
district de Manhattan.
Le spécialiste des affaires du
renseignement au journal israélien
Yediot Aharonoth, Ronine Bergman, a
rapporté le 26 août 2011, cette
information surréaliste se référant à
des responsables du renseignement
américain. Selon le journal, Imad
Moughnieh aurait personnellement assuré
la livraison des explosifs.
Curieux cheminement que cette
information qui reviendrait à imputer la
responsabilité des attaques du 11
septembre aux Chiites et à blanchir
rétrospectivement les Sunnites,
particulièrement les sunnites alliés de
l’Amérique, les adversaires implacables
tant de l’Iran que des chiites, qu’ils
considèrent comme des parias de l’Islam,
alors que les États-Unis ont envahi
l’Afghanistan précisément pour châtier
les Taliban de cette opération, l’Irak
laïc pour sa connivence supposée avec Al
Qaïda, enfin le Pakistan pour
l’élimination du chef d’Al Qaida,
Oussama Ben Laden.
Doublement curieux le cheminement que
cette information qui consiste à confier
à un ancien responsable des services de
renseignements israéliens de charger
l’Iran et le Hezbollah en se référant à
des anciens responsables de la CIA. Que
n’a-t-on cité directement les
responsables américains, sans s’abriter
derrière les Israéliens ?
Pourquoi une telle révélation si
tardive ? Pourquoi avoir attendu dix ans
pour révéler une information explosive
détenue par les Américains eux-mêmes ?
S’agissait-il de préparer une nouvelle
campagne de diabolisation de « l’axe du
mal » en de détourner l’attention sur la
question palestinienne, en pleine
offensive diplomatique pour la
reconnaissance de l’état de Palestine à
l’ONU.
Le lendemain, le Yediot Aharonoth, en
phase d’inspiration aiguë, faisait état
de l’installation d’une base de
Hezbollah à Cuba, pour servir de tête de
pont au déploiement du mouvement chiite
pour l’observation et le repérage des
activités américaines et israéliennes
dans la zone des Caraïbes.
Intervenant après la chute de Tripoli
aux mains de l’Otan, dans la foulée de
la déstabilisation de la Syrie, la mise
en cause du Hezbollah visait à
stranguler le noyau dur de la résistance
à l’hégémonie israélo-américaine dans la
zone, en cherchant à faire
rétrospectivement au trio
Hezbollah-Syrie-Iran, par le biais
judiciaire, la responsabilité des
attentats anti occidentaux de Beyrouth,
contre le QG des marines à Beyrouth, en
1983, et les deux attentats contre
l’ambassade américaine, en 1983 et 1984.
Les instances judiciaires de Manhattan
paraissent répondre aux mêmes
motivations que le Tribunal spécial sur
le Liban, mettant en cause le Hezbollah
dans l’assassinat de l’ancien premier
ministre Rafic Hariri sur la base des
relevés des données téléphoniques, sans
tenir compte du fait que le réseau
libanais des télécommunications était
virusé par des taupes israéliennes.
L’équipe des enquêteurs internationaux
en rapport avec la CIA, affectée au
service du TSL, témoigne en tout état de
cause de cette préoccupation.
Dans la guerre de l’ombre, il est
difficile de distinguer les amis des
ennemis. Tout aussi difficile de
comprendre que la guerre globale contre
le terrorisme n’a épargné personne, sauf
les incubateurs du djihadisme à
l’échelle planétaire, l’Arabie saoudite
et le Qatar. La démocratie est-elle
soluble dans le pétrole ? « Carbon
Democracy » (1) constitue-t-elle la
planche de salut des États-Unis et de
leurs alliés occidentaux ou la planche
pourrie qui va pourrir la démocratie ?
Mais la gangrène et la pourriture ne
sont pas exclusivement du côté
occidental : Le cas de Ali Hassan
Salameh mérite réflexion : A-t-on jamais
vu Guevara (Cuba), Ali la pointe
(Algérie), ou Djamila Bouhired, épouser
des Apollons de beauté en pleine guerre
de libération et se pavaner en voiture
décapotable ? ou se rendre en territoire
ennemi pour des week-ends des centres de
loisir ? Accepter un voyage tout frais
pays dans le pays de leur oppresseur
pour des vacances de milliardaire ?
Dans la décennie 1970, l’OLP était
inscrite sur la liste noire américaine
et représentait l’équivalent d’Al Qaida,
au regard de l’opinion occidentale. De
nos jours, elle est tout simplement
rayée de l’équation régionale. Et, à
force de protéger, au-delà de toute
vraisemblance, les rois fainéants du
golfe, les États-Unis ont généré au-delà
de l’OLP, Al Qaida, Ansar Eddine, enfin
Dae’ch (ISIS), enfin dernier et non le
moindre, le 6 ème califat aux confins de
la Syrie et de l’Irak.
Le sommeil de la raison engendre des
monstres.
Références
A propos de la Carbon Democracy
-
http://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-carbon-democracy-revue-esprit-2013-09-04
Pour le lecteur arabophone, une
recension critique du livre de Kay Bird
par le politologue libanais Assad Abou
Khalil
-
http://www.al-akhbar.com/node/209958
© madaniya.info -
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