Madaniya
Saad Hariri,
bilan d’une décennie de
pouvoir (2005-2015)
René Naba
Photo:
D.R.
Vendredi 14 février 2015
Liban – Saad Hariri,
bilan d’une décennie de pouvoir
(2005-2015) : Récit d’une dilapidation,
la fortune personnelle et le crédit
politique du père.
Il y a dix ans Saad
Hariri était intronisé héritier
politique de son père Rafic Hariri,
l’ancien premier ministre et
milliardaire libano saoudien, assassiné
le 14 février 2005.
Retour sur le
parcours de Saad Hariri, un héritier
problématique, un dirigeant off
shore. Version réactualisée d’un papier
publié en mars 2014
De la fuite
comme mode de gouvernement
L’histoire des
relations internationales abonde
d’exemples de gouvernement en exil, de
gouvernement provisoire ou de
gouvernement transitoire, mais nulle
part ailleurs qu’au Liban ne s’est
pratiqué l’exercice au quotidien d’un
gouvernement off shore. Un chef de
gouvernement dûment investi mais
quasiment absent du siège de son
pouvoir, n’y faisant escale qu’entre
deux voyages, gérant à distance un pays
pourtant considéré comme l’épicentre
d’une zone névralgique.
Le mérite en
revient à Saad Hariri, l’héritier
problématique de son père assassiné,
Rafic Hariri, le milliardaire libano
saoudien, dont la mandature
gouvernementale constituera, c’est là
son unique titre de gloire, une rare
contribution à la science politique
contemporaine. Le premier cas dans
l’histoire d’un gouvernement par
télécommande (remote control), dans la
double acception du terme, un
gouvernement téléguidé par ses
commanditaires saoudiens, dont il
répercute les consignes par
télécommande, depuis son lieu d’exil, à
ses collaborateurs délocalisés au Liban.
Premier ministre du
Liban du 27 juin 2009 au 12 janvier
2011, en 548 jours de pouvoir l’homme
aura passé 200 jours hors du pays, la
moitié de sa mandature gouvernementale,
de surcroît jamais un mois plein au
Liban. Chargé de l’expédition des
affaires courantes dans la foulée de sa
démission forcée, en janvier 2011, il
vaquera à ses propres affaires,
désertant et le sérail et sa capitale,
dont il est l’élu, faisant le siège du
royaume saoudien pour assainir ses
propres affaires sinistrées par ses
propos inconsidérés à l’égard de ses
bienfaiteurs saoudiens, révélés par
WikiLeaks, ainsi que par sa gestion
calamiteuse de son patrimoine qui le
fera dégringoler au hit parade des
fortunes mondiales.
En pleine tourmente
de la révolte arabe du printemps 2011,
l’homme insensible aux bouleversements
de sa zone, demeurera trois ans en
Arabie saoudite en quête d’un mirobolant
contrat, à l’effet de le renflouer et de
payer ses créanciers ses propres frères
et sœurs, ayant opté pour la séparation
des biens, face à un être aussi
aléatoire.
Crime de lèse
majesté s’il en est, Saudi Oger, la
florissante firme héritée de son père,
accusera trois ans de retard dans la
livraison du projet phare du Royaume «La
route du Roi Abdallah», la grande artère
de la capitale saoudienne, du fait des
sous-traitances multiples de ce projet,
de même que le projet de l’Université
Noura Bent Abdel Rahman (1).
L’ancien premier
ministre cherchera à compenser sa
faillite par une jonglerie financière,
la vente anticipée de l’espace aérien
surplombant les présumés grattes ciels
que sa firme libanaise Solidere se
proposait de construire dans l’espace de
Beyrouth, une transaction sulfureuse de
l’ordre de douze milliards de dollars.
Ambitieux sans
substrat intellectuel, celui qui passe
pour le moins futé des héritiers Hariri
a été choisi, au mépris des règles de la
primogéniture, par le tandem Bandar Ben
Sultan, à l’époque président du Conseil
National de Sécurité, et son beau Frère
Turki Ben Faysal, l’ancien chef des
services de renseignements saoudiens, le
gestionnaire d’Oussama Ben Laden durant
la guerre d’Afghanistan, avec le soutien
actif du vibrionnant Jeffrey Feltman, la
cheville ouvrière américaine de la
contre révolution au Moyen orient.
Son amateurisme en
politique, comme dans la gestion
d’affaires, lui vaudra, toutefois, fait
unique dans les annales politiques du
Royaume saoudien, une volée de bois vert
de la part d’un des éditeurs les plus en
vue du journal pan arabe saoudien «Al
Hayat», Daoud Al Charyane, qui
l’accusera de dilapider le prestige du
Royaume et son capital par sa politique
erratique et de mettre en péril le
sunnisme libanais par l’exaspération des
antagonismes communautaires.
L’éviction des
cercles du pouvoir saoudien de son
compagnon festif, le prince Abdel Aziz
Ben Fahd, le propre fils de l’ancien roi
saoudien et un des gros actionnaires de
Saudi Oger accentuera les tourments de
l’héritier présomptueux. Au point qu’un
prédicateur du vendredi en Arabie se
posera publiquement la question de
savoir s’il était judicieux de confier
les rênes d’un pays à un homme qui ne
sait pas gérer correctement sa propre
société.
La désignation du
Prince Nayef Ben Abdel Aziz comme prince
héritier du Royaume a accentué son
désarroi pour avoir qualifié, au-delà
des règles de la prudence politique, de
«boucher» le propre fils du ministre
saoudien de l’intérieur et son principal
collaborateur dans la lutte anti
Al-Qaïda en Arabie, le prince Mohamad
Ben Nayef.
Ses déboires
financiers ont entraîné le licenciement
de près d’un millier d’employés y
compris dans le fleuron de son groupe la
chaîne TV «Future» et «Radio orient».
Grand vainqueur des
élections législatives qui ont suivi le
retrait syrien du Liban, en juin 2005,
l’homme en guise de baptême de feu,
désertera le champ de bataille durant la
guerre destructrice d’Israël contre son
pays, en juillet 2006. Il traînera alors
comme un boulet le sobriquet de «planqué
de Beyrouth» par allusion à son exil de
six semaines hors du Liban durant les
bombardements aériens israéliens, alors
qu’en sa triple qualité de député, chef
de la principale formation politique de
Beyrouth et héritier du rénovateur de la
capitale libanaise, sa présence sous les
bombes aux côtés de ses électeurs et
néanmoins compatriotes aurait eu valeur
d’exemple, l’exemple du courage dans
l’adversité. Son retour à bord d’un
appareil de l’armée française a
accrédité l’idée d’un homme revenu au
pouvoir dans «les fourgons de
l’étranger».
Pressenti pour le
poste de premier ministre, en juin 2009,
l’homme mettra six semaines pour former
son gouvernement, qu’il laissera en pan
aussitôt la confiance obtenue pour aller
se reposer en Sardaigne, laissant le
pays en proie à des incendies de forêts
particulièrement ravageurs.
Saad Hariri
empruntera le chemin de la fuite, pour
la troisième fois, en novembre 2010, en
plein débat gouvernemental sur le
jugement des faux témoins de l’enquête
sur l’assassinat de son père,
entreprenant une longue tournée
diplomatique de trois semaines au
Koweït, à Abou Dhabi, Téhéran, Moscou et
Paris, pour se donner une contenance
internationale, à défaut de consistance,
accréditant l’idée d’un fugitif.
La 4eme fuite
interviendra, au printemps 2011, au
moment de la publication de l’acte
d’accusation du Tribunal Spécial sur le
Liban pointant du doigt la
responsabilité du Hezbollah dans
l’assassinat de Rafic Hariri.
Le journal
Libération, charitable, se dévouera pour
justifier son absence du Liban par une
mystérieuse tentative d’assassinat dont
il aurait été la cible sur le chemin de
l’aéroport de Beyrouth, alors que le
fugitif n’avait plus mis les pieds dans
son pays depuis plus de trois mois, se
plaçant à l’abri en France pour
s’épargner les retombées politiques de
sa connivence avec la justice
internationale; une connivence marquée
notamment par l’incarcération abusive de
quatre officiers supérieurs libanais
pendant quatre ans sur la base de faux
témoignages présentés par des hommes
aiguillonnés par le clan Hariri.
L’homme a justifié
sa longue absence du Liban par les
menaces physiques contre sa personne,
comme s’il était le seul dirigeant
libanais en danger dans un pays ouvert à
tous les vents, en proie à une quasi
guerre civile, comme si le chef du
Hezbollah libanais Cheikh Hassan
Nasrallah n’encourrait pas de plus
grands risques alors qu’il fait l’objet
d’une traque minutieuse depuis près de
vingt ans par la quasi-totalité des
services israéliens et américains
secondé par les autres services
occidentaux et arabes, sans jamais fuir
son pays.
En dix ans, l’homme
de la relève aura fui quatre fois, soit
une fuite en moyenne tous les deux ans.
N’est pas Invictus (l’Invincible) qui
veut. Le credo quotidien de Nelson
Mandela, scandé depuis sa captivité à
Robben Island (Afrique du Sud), ne
constitue manifestement pas sa
déclamation quotidienne: «Aussi étroit
soit le chemin, Bien qu’on m’accuse et
qu’on me blâme, Je suis le maître de mon
destin, Le capitaine de mon âme»
Signe de son
attachement au Liban, sa famille réside
à Riyad et les vacances familiales du
couple ne se passent jamais au Liban,
toujours dans les pays étrangers en
France, en 2009, dans la foulée de sa
nomination comme premier ministre, en
Sardaigne, en 2010, dans la foulée de la
passe d’armes avec le Hezbollah à propos
des faux témoins du Tribunal Spécial sur
le Liban. Son épouse, Lara Al Azm, fille
de l’homme d’affaires syrien Bachir Al
Azm, un des plus gros entrepreneurs de
travaux publics d’Arabie Saoudite, n’a
jamais fait d’apparition publique au
Liban et ni participé à la moindre
manifestation caritative ou culturelle
dans le pays dont son mari est le chef
du gouvernement.
Son discours
d’investiture: un chef d’œuvre d’humour
et d’érudition
Affligeant
spectacle et consternant. Quiconque aura
assisté au discours d’investiture du
plus jeune premier ministre de
l’histoire du Liban, Saad Hariri, avait
l’impression d’assister à un cours de
lecture pour adulte analphabète.
Égrenant avec difficulté des phrases
écrites en gros caractères, l’homme
était manifestement à la peine, au point
que, faussement charitable, le président
de l’Assemblée nationale libanaise,
Nabih Berri, lui proposera, non sans
malice, l’aide d’un lecteur confirmé.
Pour un pays qui
revendique un taux d’alphabétisme parmi
les plus élevés du Monde arabe, qui joua
un rôle d’avant garde dans la
renaissance culturelle arabe, une ville
dont il est le député, qui abrite quatre
universités dont certaines de réputation
internationale, la performance de
l’héritier laissera sans voix bon nombre
de ses administrés.
Désigné en juin
2009 comme premier ministre, il battra
un record de durée pour la formation de
son gouvernement, n’hésitant pas à
prendre l’avion à tout propos et hors de
propos pour des consultations avec ses
tuteurs saoudiens, accréditant l’idée
d’un homme sous influence. Saad Hariri
(2), 12me fortune arabe, 158 me au
niveau mondial, a été désigné chef du
clan Hariri et héritier politique de
l’ancien premier ministre, en
contradiction avec la loi de
primogéniture, sur injonction de la
famille royale saoudienne.
Sa holding «Saraya»,
qui signifie «Le Sérail» par référence
au siège du gouvernement libanais,
opérait dans l’industrie, les travaux
publics, le bâtiment et les médias, avec
des investissements touristiques à
Akaba, (Jordanie), au Yémen, au sultanat
d’Oman et en Algérie, dans la région de
Mostaganem.
Natif de Riyad, en
1970, le fils cadet de l’ancien premier
ministre est, à l’instar de toute sa
famille, porteur de la nationalité
saoudienne. Ce binational libano
saoudien plus saoudien que libanais
considère sa mandature gouvernementale
comme un ancrage saoudien dans le jeu
politique libanais, la délocalisation du
wahhabisme monolithique vers le Liban
pluraliste.
Se présentant comme
l’alternative à l’extrémisme sunnite
croissant au Moyen orient,
particulièrement dans les camps
palestiniens du Liban autour de Tripoli
(Nord Liban) et autour de Saïda (Sud
Liban), l’homme a élu domicile,
symboliquement au centre de Beyrouth,
dans une résidence présomptueusement
dénommée «Bayt al Wassat», la maison du
juste milieu, située au pied du Sérail,
l’impressionnant siège du gouvernement
restauré par son père, une résidence
usurpée à l’ancien Roi des tissus
anglais de Beyrouth, Mohamad Kheir Beyk
Ayass, fondateur du marché du même nom
«Souk Ayass» (3).
Mais son
amateurisme dans la gestion du groupe
intégriste «Fatah al Islam» dans le camp
palestinien de Nahr el Bared, au Nord
Liban, a failli le carboniser avec
l’ensemble de la configuration dont il
était l’émanation.
Dans le projet
multidimensionnel mis en œuvre par
l’Arabie saoudite et les États Unis, le
groupe intégriste sunnite devait servir
de contre pouvoir à l’effet de
contrebalancer idéologiquement et
militairement la milice chiite du
Hezbollah et conduire à l’implantation
des Palestiniens au Liban en vue de
renforcer démographiquement les
sunnites, la troisième plus grande
communauté libanaise après les chrétiens
42% (toutes communautés confondues), les
chiites 30% et les sunnites qui
représentent pour l’instant 28% de la
population libanaise.
À diverses
reprises, Hariri s’en est servi, plus ou
moins directement, comme d’un levier,
soit pour s’imposer comme alternative à
l’extrémisme, soit pour montrer ses
muscles face au Hezbollah. Mais à chaque
fois, le bilan a été lourd et le jeu a
failli mettre le feu au Liban.
Dans sa volonté de
s’imposer comme leader sunnite, de
garantir son maintien au pouvoir
exécutif et de sécuriser la pérennité de
ses marchés publics, parachevant en cela
l’œuvre de son père, il a procédé à la
mise à l’écart politique des chefs
sunnites de Beyrouth et de Tripoli,
avant de s‘attaquer, en 2009, au symbole
du nationalisme arabe, la famille Saad à
Saïda, Sud Liban.
Dans une démarche à
relent démagogique, il se rapprochera
des groupes extrémistes du Akkar (Nord
du Liban) et du Hermel (centre du
Liban), enjoignant aux échelons locaux
de son parti, le Courant du Futur (Al
Moustaqbal), d’adopter leurs discours,
tout en gardant un discours laïc et
ouvert, au niveau national, à
l’intention des médias étrangers,
provoquant une crispation
communautariste de la base sunnite et
une radicalisation dans les rangs de son
parti.
Le Mufti du Mont
Liban, Cheikh Mohamad el Jouzo,
personnifie le mieux cette dérive
communautariste au sein de l’entourage
de Saad Hariri. Le dignitaire sunnite a
ainsi menacé de retourner à la guerre
civile si les chrétiens continuaient de
réclamer le renforcement des
prérogatives du Président de la
république, qualifiant les maronites,
notamment les habitants du Kesrouan
(fief maronite du Mont Liban) d’«esprit
tordu, constituant le pire danger pour
le Liban». Personnalité controversée
s’il en est, le Mufti a prononcé son
discours le 6 septembre 2009, dans la
foulée de la formation du gouvernement
présidé par Saad Hariri, sans être
désavoué pour des propos qui présentent
pourtant une menace réelle pour la paix
civile.
Alors que les
États-Unis menaient depuis 2001 «une
guerre contre le terrorisme», leur allié
local, le fer de lance de leur
hétéroclite coalition libanaise,
instrumentalisait en toute impunité un
groupe intégriste sunnite dans le Nord
du Liban dans une opération à relent
démagogique à visées électoralistes. Sur
injonction occidentale, il devra lui
couper les vivres, entraînant un
déchaînement de violence. L’armée
libanaise mettra trois mois avec le
soutien logistique de la Syrie pour
neutraliser le camp de Nahr el Bared,
base opérationnelle de Fatah al Islam.
Le verbe lent, à l’embonpoint précoce
pour une juvénile carrière, sans
charisme, son dilettantisme désolera ses
plus ardents parrains internationaux,
affligés par sa couardise et son
inexpérience.
Baha’a Hariri ou
le complexe du lobby juif américain
L’aîné de la
fratrie, Baha’a, gestionnaire d’affaires
entre Riyad et Amman, s’est distingué,
c’est là son unique titre de gloire, par
la création d’un «Centre Rafic Hariri
pour les études stratégiques du Monde
arabe», non à Beyrouth dont le nom est
associe à celui de son père, mais à
Washington qui pullulent d’instituts de
ce genre, -qui plus est rattaché à «The
Atlantic Council»-, un des segments de
l’AIPACC, l’influent lobby juif
américain. Signe d’ouverture d’esprit?
Volonté de favoriser ses investissements
aux États Unis? Indice d’une grave
faiblesse caractérielle? ou Complexe
d’infériorité à l’égard du lobby juif
américain? Baha’a en a confié la
direction à Michelle Dion, une des
activistes les plus fébriles de la cause
de l’état hébreu aux États-Unis. Baha’a
a mis en route ce projet le 21 septembre
2011, en plein printemps arabe, avec
pour objectif déclaré de «favoriser la
promotion de la démocratie dans les pays
arabes», une profession de foi qui a
retenti, au vu de l’affiliation du
Centre à «Atlantic Council» et de la
composition de sa direction comme un
acte de soumission au magistère
israélien de la pensée politique arabe
contemporaine. Pour aller plus loin sur
ce point,
Cf. à ce propos:
http://mobile.agoravox.fr/actualites/politique/article/atlantic-council-l-officine-de-159346http://www.atlanticcouncil.org/programs/rafik-hariri-center-for-the-middle-east
Fouad Siniora,
le gouvernement de l’ombre.
Les piètres
performances de l’héritier feront, bien
qu’il s’en défende, le délice de Fouad
Siniora, dont il en tirera habilement
profit pour valoriser ses propres
compétences. En quatre ans de
responsabilités gouvernementales, le
terne directeur financier du groupe
éponyme avait pris goût au pouvoir, et,
à l’ombre des coulisses, il préfère
désormais les projecteurs de
l’actualité.
Mais le profil bas
qu’il affectionne face aux fauves de la
vie politique libanaise n’est
qu’apparence. Pétrus et cigare de la
Havane relèvent désormais de son lot
quotidien, qu’il consommait,
régulièrement, au bien nommé Bar «Le
Cigare» du luxueux hôtel «Metropolitan»
de Sin El Fil, dans la banlieue
chrétienne de Beyrouth, en compagnie de
Detliv Mehlis, le premier enquêteur du
Tribunal, homme des ténèbres s’il en
est, et maître d’œuvre des faux témoins
que les deux hommes sont suspectés
d’avoir manigancé pour les besoins de
leur procès.
L’ancien
gestionnaire des comptes de Rafic Hariri
est en effet détenteur des lourds
secrets sur les circuits de
lubrification des rapports politiques du
milliardaire. La maîtrise de ce dossier,
particulièrement de la liste des
émargements, lui a conféré une valeur
dissuasive. Il en est conscient. Ses
obligés sans doute aussi.
Redoutable sur le
plan local, cette force de frappe ne lui
saura cependant d’aucune utilité sur le
plan international, notamment pour
forcer la sympathie de Jacques Chirac,
imperturbable en ce domaine, qui le
traitement constamment en ce qu’il aura
toujours été à se yeux, un simple
employé de Rafic Hariri.
L’excès
d’obséquiosité qu’il affecte tant relève
de la comédie du pouvoir. Au choc
frontal, il préfère la dissimulation, la
manœuvre oblique, un véritable mode de
fonctionnement pour cet homme sans
relief, au physique ingrat. Il en a été
ainsi de la saisine du Conseil de
sécurité de l’ONU et de la ratification
de la convention dessaisissant le
pouvoir libanais de ses prérogatives
pour la conduite de l’enquête pénale et
la mise sur pied du tribunal spécial sur
le Liban et le procès Hariri. Sournois,
l’homme avalisera la création du
tribunal spécial sur le Liban, sans
l’accord du Parlement libanais, ni
lavant du Président de la république,
dépositaire des prérogatives
constitutionnelles en la matière, par
une stratégie oblique de contournement,
de même que son financement.
Sous perfusion
permanente occidentale à l’instar du
palestinien Mahmoud Abbas et de l’Afghan
Hamid Kharzaï, l’homme qui module ses
discours d’une tonalité nationaliste
arabe est en fait un des plus zélés
préposés de l’ordre américano saoudien
au Liban, et, sur le plan économique, un
ferme partisan de la «stratégie du choc»
pour la promotion du «capitalisme du
désastre» pour le plus grand bénéfice
d’un ultralibéralisme débridé, dont le
projet immobilier SOLIDERE n’en est que
l’illustration la plus outrageusement
insolente (4).
A Saïda, dans cette
ville sunnite gangrenée par l’intégrisme
islamique que le courant wahhabite a
nourri notamment à sa périphérie dans
les camps de réfugiés palestiniens d’Ain
el Héloué et Miyeh Miyeh, pour
neutraliser le verrou du ravitaillement
stratégique du Hezbollah depuis Beyrouth
vers le sud Liban, l’homme s’est emparé
coup sur coup de la députation et de la
présidence du Conseil municipal, se
vivant d’ores et déjà comme un grand
vizir passé à la postérité, l’homme
chargé de la gestion du volet égyptien
de l’alliance sunnite, le substitut à
une éventuelle défection saoudienne.
Disposant d’un vivier de fonctionnaires
d’autorité qu’il s’est appliqué à
placer, en quatorze ans de pouvoir, aux
postes névralgiques de l’économie, des
finances et la banque, il contrôle la
commission bancaire de blanchiment, via
son homme de confiance Abdel Hafiz
Mansour, la société financière Sokoline
via son associé Mayssar Soucar. Il a
réussi a mettre la main sur la compagnie
de fret aérien TMA, via son homme de
paille, Mazen Bsat, véritable négrier du
transport aérien, la zone franche de
l’aéroport via Mohamad Zaydan, et les
communications via Abdel Moneim Youssef,
son homme au sein d’OGERO, la société au
comportement suspect, gangrenée par les
taupes israéliennes.
Intransigeant sur
le plan communautaire, il considère que
l’insertion des Palestiniens du Liban
relève de la responsabilité sunnite dans
la mesure où la naturalisation de cette
population de trois cent mille
personnes, à majorité sunnite,
modifierait l’équilibre démographique en
faveur de sa propre communauté à l’effet
de la mettre en position de postuler à
la magistrature suprême. Nouvel
incubateur du chef milicien Samir Geagea,
dont il a été l’artisan de sa
résurrection politique, dans la foulée
de l’assassinat de Rafic Hariri, Fouad
Siniora constitue à lui seul un «shadow
cabinet», un gouvernement de l’ombre,
gardien non de l’orthodoxie haririenne,
mais de sa fidélité à la ligne la plus
intransigeante du néo conservatisme
américain de l’administration
républicaine de George Bush jr.
Sur le plan arabe,
par inclination personnelle, il a pris
en charge les rapports avec l’Égypte du
temps de Mohamad Morsi, le contrepoids
de la Syrie au Liban, le substitut à une
éventuelle défection saoudienne. Mais à
l’instar de bon nombre de dirigeants
politiques libanais, tel Walid
Joumblatt, chef druze du parti
socialiste progressiste libanais, Fouad
Siniora fera le pari de chute de Bachar
Al Assad en Syrie, et, dans la foulée de
la destitution du président
néo-islamiste égyptien, le pari discret
du triomphe des djihadistes takfiristes
en Syrie, révélant sa focalisation
extrême sur le sunnisme, malgré la
dangerosité du projet califal, malgré
les graves conséquences qu’une telle
hypothèse pourrait susciter dans un pays
dont il brigue les responsabilités.
Quoiqu’il en soit,
par touches successives, l’homme de
l’ombre s’est positionné pour être -non
l’élément incontournable de l’échiquier
libanais, un privilège réservé à son
rival le Hezbollah- mais la pierre
d’achoppement à tout arrangement qui le
reléguerait au second rôle. Ce
faisant, il s’est doté de moyens le
prémunissant du rôle de «bouc émissaire»
auquel pourrait le destiner son mentor
et leur parrain wahhabite commun. Mais
cet ancien comptable desd eirs de son
patron, érigé à la dignité de grand
argentier de la classe poliique
libanaise du fait de sa corrupion,
maintient, contre vents et marées, son
rôle d’obstruction à tout réglement
négocié de la cise libanaise, comme en
témoigne son rôle dans le magma
tripolitain, sa meimeure police
d’assurance tous risques contre son
évacuation forcée.
http://www.al-akhbar.com/node/225774
Nazek Hariri, la
gardienne de la légitimité chiraquienne.
Dans sa garde
rapprochée, Saad Hariri a choisi ses
cousins Nader et Ahmad, le premier à la
tête de son cabinet, le second à la tête
de son parti, écartant ses demi frères
issus du 2 me mariage de son père, les
enfants de Nazek. Mais la veuve n’a pas
vocation à jouer les reines mères. Elle
se veut et se vit la gardienne du temple
de la mémoire.
La légitimité
chiraquienne lui revient de droit en sa
qualité d’hébergeur de fait, via son
fils Aymane, de l’ancien président de la
République française, quand bien même le
totem néo-gaulliste, en phase
crépusculaire, a perdu de son éclat et
de son aura.
Et, de par la
longue proximité de sa fille, Hind, avec
le trône hachémite, elle a disposé d’un
important levier d’influence en
Jordanie, siège de la plus importante
banque arabe, l’Arab Bank, dont la
famille Hariri détient partiellement la
propriété. La Banque y gèrent
d’importants projets immobiliers pour le
compte du clan, notamment le quartier
huppé d’Abdali dans la zone
résidentielle d’Amman.
Les frasques
amoureuses de roi avec la fille de
l’ancien premier ministre libanais ont
toutefois failli mettre en péril le
ménage royal, l’amputant de son
principal atout, sa meilleure image de
marque, son épouse, la Reine Rania
Al-Yassine de Palestine. Entre Hind et
Rania, la comparaison, il est vrai,
jouait en défaveur de la libanaise, non
pas tant au niveau de l’esthétique,
qu’au niveau du projet politique dont
est porteur la Reine jordanienne de
souche palestinienne, en sa qualité de
futur reine mère du premier roi
hachémite d’origine palestinienne. Né en
1994, le prince héritier Hussein II
constitue la belle revanche des
Palestiniens cinquante ans après les
massacres du septembre noir jordanien, à
l’effet de compenser toutes leurs
souffrances, dans un juste retour de
choses, le retour de la Transjordanie à
la Palestine dont elle fut détachée, en
1948, sur ordre de la puissance
mandataire britannique.
La photo de famille
popularisée à la suite du mariage
ancillaire de Hind avec un membre de sa
garde rapprochée Anas Karout au terme
d’une romance de la veine de Lady
Chatterley ne doit pas faire illusion.
La rivalité feutrée entre l’héritier
politique et la gardienne du temple se
révèle subrepticement au détour des
gestes symboliques de Nazek sur la scène
libanaise notamment sa discrète
satisfaction de l’habileté manœuvrière
du Hezbollah, à contre courant des
positions de son beau fils sur le
mouvement chiite vainqueur d’Israël.
La veuve sera ainsi
créditée de la protection aérienne
accordée par la France au Hezbollah lors
de la première apparition publique
d’Hassan Nasrallah pour la célébration
de la «victoire divine» contre Israël,
en novembre en 2006. Voulant faire
amende honorable à la suite de son
alignement inconditionnel sur Israël et
les États-Unis, durant la guerre
destructrice israélienne du Liban de
juillet 2006, redoutant un raid aérien
israélien contre le chef chiite, dont
les chancelleries occidentales
craignaient qu’il n’entraîne, par
contrecoup, l’éradication politique et
physique de la famille Hariri du Liban,
Jacques Chirac avait alors dépêché une
escadrille aérienne pour assurer la
protection de l’espace libanais durant
le déroulement des festivités de la
victoire.
Forte de ses
prérogatives, elle snobera obstinément
Fouad Siniora, veillant avec un soin
particulier à ce qu’il ne se substitue
au leadership de son mari, et que son
épouse Hoda, ne lui fasse ombrage.
Revendiquant pleinement le legs
politique de son mari assassiné, elle
paraît avoir intégré dans son
raisonnement, l’importance stratégique
que revêt Saïda pour le Hezbollah et la
Syrie pour le Liban.
Par touches
successives, Nazek Audi Hariri a
accrédité ainsi un profil de «sage» dans
le paysage politique libanais, à
l’opposé de la turbulente posture de son
beau fils, et suggère ainsi qu’en dépit
des fastes du pouvoir, elle n’a pas
complètement gommé de sa mémoire les
souvenirs ténus de ses lointaines
racines palestiniennes.
Tiraillé entre sa
belle mère, Nazek, sa tante maternelle
Bahia Hariri, qui pousse ses pions à
Saida pour y ancrer son fils, Ahmad, le
cousin germain de Saad, et Fouad Siniora,
le gardien des secrets des financements
occultes de Rafic Hariri, Saad Hariri a
fait la démonstration de sa fragilité
nerveuse lors d’un conseil des ministres
consacrés à l’examen du cas des faux
témoins du procès de son père, à la mi
novembre 2010. Sans le moindre égard
pour les lieux, le palais de la
présidence de la République, en pleine
conseil des ministres, il n’hésitera pas
à menacer de «régler son compte» à un
ministre qui lui suggérait de résister
aux pressions israéliennes. La cible de
Saad Hariri n’était autre que Charbel
Nahas, un polytechnicien de renom, un
homme de grande intégrité, qui faisait
valoir, en sa qualité de ministres des
télécommunications, l’importance du
noyautage israélien du réseau libanais.
«Cela va te coûter très cher», lui a
rétorqué le chef du gouvernement à
l’évocation de ce sujet.
A l’Automne 2010,
Saad Hariri, au terme de son voyage à
Canossa, faisait face à un terrible
dilemme. Le tribunal ou le gouvernement.
Autrement dit, son attachement à la
juridiction ad hoc que son écurie
politique a instrumentalisée pour
perpétuer sa mainmise politique sur le
Liban ou son maintien à la tête du
gouvernement au sein d’une coalition
nationale. Saad Hariri a admis, tour à
tour, la mise en cause abusive de la
Syrie par les enquêteurs internationaux
sur la base de faux témoignages, de même
que l’existence de faux témoins, sans
toutefois en tirer les ultimes
conséquences de son aveu: le jugement
des faux témoins. Sa rémission, pour
être complète, suppose qu’il boive la
coupe jusqu’à la lie, à l’effet de lui
ouvrir définitivement d’autres chemins
arabes que Riyad, Le Caire notamment,
et de lui assurer une quiétude, gage de
sa pérennité politique. Une nouvelle
fois, face au dilemme, Saad Hariri a
choisi, au printemps 2011, la fuite
laissant à la manœuvre son âme damnée
l’américain Jeremy Feltman et son mentor
Fouad Siniora, pour gérer par
substitution la délicate épreuve de
force qui se joue depuis le Liban à
l’échelle régionale.
Najib Mikati:
Du gigantisme et non de la grandeur (6).
La démission forcée
de Saad Hariri le jour même de sa
réception à la Maison Blanche par Barack
Obama, le 15 janvier 2011, en plein
printemps arabe, a fait vivre à
l’héritier un cauchemar absolu en la
personne de Najib Mikati, désigné pour
lui succéder, dont il vit la montée en
puissance comme un «supplice de
tantale». Diplômé de l’Université
américaine de Beyrouth, de l’INSEAD
français et de Harvard, Nagib Mikati
détient avec son frère aîné, Taha, le
holding M1, présent dans les télécoms
(l’opérateur sud-africain MTN), le
transport aérien, l’industrie
pétrolifère, l’industrie
agroalimentaire, la banque, l’immobilier
ou encore la mode (Façonnable).
L’homme s’est forgé
à la sueur de son front et sa fortune
excède celle désormais dilapidée de
l’héritier. Confondant gigantisme et
grandeur, cet homme grand de taille
s’est révélé à l’exercice du pouvoir
nullement un grand homme. Milliardaire
sunnite, détenteur de diplômes
universitaires, Najib Mikati se voulait
un homme de consensus, mais, à l’instar
des dirigeants sunnites post guerre Irak
(2003), il sera happé par la spirale
confessionnelle et se dépréciera au fur
à mesure qu’il cédait à la démagogie
ambiante. A son entrée en fonction, il
constituait un portrait en creux de Saad
Hariri, dont il faisait figure de
principal concurrent pour le leadership
sunnite au Liban. Son éventuel succès
dans la gestion gouvernementale, à une
période charnière du Moyen Orient,
aurait pu frapper Hariri de relégation,
un déclassement justifié par son
incompétence manifeste et sa trop grande
absence de la scène libanaise en pleine
révolution arabe.
Chadi Al Mawlawi
et Milad Kfouri, les boulets de Najib
Mikati.
Mais l’Arabie
Saoudite, le parrain des sunnites au
Liban, a sauvé la mise à l’héritier
présomptif en sifflant, prématurément,
la fin de la partie pour Mikati le
renvoyant à ses affaires; signe d’une
indiscutable indépendance des dirigeants
sunnites libanais à l’égard de leur
tuteur absolu. Cette évacuation du
Sérail n’était nullement l’effet du
hasard: Depuis la projection de la
guerre de Syrie sur le théâtre libanais,
Najib Mikati en concurrence dans sa
ville natale avec un ténébreux
personnage, le général Achraf Rifi,
ancien patron des forces de sécurité
intérieure (FSI) et actuel ministre de
la justice, a cédé à la démagogie
communautariste, fermant les yeux sur
les agissements d’un de ses hommes de
main, un de ces fameux «chabbiha» décrié
par le groupe atlantiste en Syrie, mais
dont le président Bachar Al Assad n’en
détient pas le monopole.
Chadi Al Mawlawi,
dit Abou Adam, recruteur des Kamikazes
djihadistes libanais pour le compte de
Jabhat An Nosra.
Homme de grande
taille mais nullement un grand homme,
le faux rival potentiel de Saad Hariri
traîne depuis lors comme un boulet les
séquelles de ses mauvaises
fréquentations. Le premier et le plus
grave, Chadi Al-Mawlawi, un «fier à
bras» ancien protégé de l’ancien premier
ministre, qui a fait le coup de feu aux
côtés des djihadistes takfiristes contre
l’armée libanaise à Tripoli, son propre
fief. Capturé, jugé et condamné, il a
été libéré de prison, en Mai 2012, sur
ordre de Najib Mikati. Opérant à nouveau
pour le compte d’Al Qaida à Tripoli, il
a été soustrait à la justice de son pays
par son exfiltration vers le camp
palestinien de Ein el Héloué, banlieue
de Saîda (Sud-Liban), en octobre 2014,
où il assume désormais le rôle de
recruteur des kamikazes libanais et de
coordonnateur des opérations suicides au
Liban pour le compte de Jabhat An Nosra,
depuis le commandement régional du
groupement djihadiste situé dans les
zones grises de la frontière syro
libanaise (le périmètre du Mont Qalmoun
Brital-Ersal).
http://www.al-akhbar.com/node/223960
La deuxième
mauvaise fréquentation aura été Milad
Kfouri, homme de main de Najib Mikati,
un agent triple syro-libano-atlantiste,
à l’origine de l’arrestation de l’ancien
ministre pro-syrien Michel Samaha et
exfiltré hors du Liban une fois son
forfait accompli avec un substantiel
pactole de 5 millions de dollars.
Tout pourtant
désigné Najib Mikati, -sa formation, son
parcours-, à être la relève novatrice
d’un leadership sunnite nécrosé par sa
transfusion permanente wahhabite. Tout,
sauf que l’homme a raté son destin
politique, faute d’envergure. Faute
d’audace politique à se dresser contre
les dérives confessionnelles de sa
communauté. En privilégiant le
primat sunnite, -en tout temps, en tout
lieu-, au mépris de l’intérêt national,
pour en faire la boussole exclusive de
leur navigation dans les eaux
tumultueuses et aléatoires du Moyen
orient, Najib Mikati, à Tripoli au Nord
Liban, avec l’épisode de Chadi al
Mawlawi, Fouad Siniora, à Saida au Sud
Liban, avec l’épisode du prédicateur
salafiste Ahmad al Assir, la dague
sécuritaire des pétromarchies sur le
flanc du Hezbollah, ont apporté la
preuve de leur nanisme politique. Il en
est de même de Saad Hariri, dans les
deux cas, au nord avec l’épisode Fateh
al Islam de Chaker Absi, lui aussi
exfiltré vers l’Arabie saoudite et la
ténébreuse affaire d’Ahmad al Assir, lui
aussi, mystérieusement soustrait à la
justice en dépit du lourd tribut de sang
payé par l’armée libanaise pour mettre
au pas cette marionnette du Qatar.
L’amnésie à
propos de Georges Ibrahim Abdallah
Alors que Hassan
Nasrallah réussissait l’exploit de
libérer des prisons israéliennes
plusieurs dizaines de combattants
pro-palestiniens libanais et arabes,
-notamment le doyen des prisonniers
politiques arabes en Israël, le druze
libanais Samir Kintar, sans le moindre
chiite dans le lot-, aucun des
dirigeants sunnites libanais qui se sont
succédé à Paris ou à Washington n’a osé
soulever auprès de ses hôtes occidentaux
le cas de leur compatriote Georges
Ibrahim Abdallah. Arbitrairement
maintenu en prison au terme de sa
détention, le militant libanais chrétien
pro palestinien a été promu depuis à la
dignité de doyen des prisonniers
politiques dans le Monde, avec
l’Américain Moumia Abou Jamal.
Ni Rafic Hariri, au
faîte de sa puissance lors de la
mandature présidentielle de Jacques
Chirac, ni son fils et successeur Saad
Hariri, pas plus Fouad Siniora que Najib
Mikati que leur ultime successeur Taman
Salam, ni non plus le président chrétien
Michel Souleimane, n’ont osé -ou songé-
évoquer ce sujet avec leurs
interlocuteurs. Signe indiscutable de
leur complaisance avec les puissances
occidentales, preuve manifeste de
l’ingratitude des puissances
occidentales à l’égard de leurs
supplétifs libanais particulièrement les
dirigeants sunnites libanais.
De cette recension
sont exemptés, le président Émile Lahoud
et l’ancien premier ministre sunnite,
originaire du Nord Liban Omar Karamé, en
raison de ses mauvaises relations avec
les occidentaux qui mettront le chrétien
à l’index pour avoir prolongé son mandat
présidentiel de trois ans. Bien trois
ans et non trente comme comme le clan
Bongo (Gabon), ou le clan Kabila (Congo
Kinshasa) ou encore Moubarak (Égypte),
Ben Ali (Tunisie) et Saleh (Yémen). Saad
Hariri, Fouad Siniora et Najib Mikati
sont trois milliardaires qui ont
gouverné le Liban, un pays de grande
misère, sans le moindre projet
économique d’envergure, sans le moindre
projet politique autre que la
satisfaction d’une vanité personnelle de
notoriété.
Compagnon festif du
fils du roi Fahd d’Arabie, rien ne
prédestinait Saad à la direction d’un
pays aussi singulier que le Liban, la
poudrière par excellence du Moyen
orient. Pas plus ses balises que ses
protecteurs, que sa fortune, n’auront
été d’un grand secours à l’héritier
Hariri aux heures décisives, propulsé à
l’épicentre du pouvoir d’un pays
névralgique sans la moindre préparation.
Dirigeant off shore, cas unique dans
l’histoire, Saad Hariri n’a jamais songé
à renoncer à ses indemnités en
compensation de sa longue abstention
parlementaire; un homme complètement
largué, de par son sens civique, ses
options politiques et son expertise
gouvernementale. Alors que le conflit
syrien dégénérait en un conflit
confessionnel attisé par les partisans
de Saad Hariri au Liban, l’héritier se
fracturait le tibia à la suite d’un
accident de ski dans les Alpes
françaises.
Pis au terme de dix
mois d’absence, alors que la
contestation atteignait son comble en
Syrie, Saad Hariri a voulu épater ses
sympathisants innovant en novembre 2011
un dialogue quotidien avec eux, via
twitter, une innovation qui permet le
maintien du contact pour combattre
l’oubli, mais apporte la démonstration
de sa coupure avec sa base, de sa
coupure avec les réalités du terrain du
combat politique, se révélant au rang
d’aléa, le degré ectoplasmique de la
politique.
Son plus redoutable
adversaire sur la scène libanaise, le
chef du Hezbollah chiite libanais,
Sayyed Hassan Nasrallah, l’homme sans
doute le plus recherché du Moyen Orient,
traqué par Israël et la quasi-totalité
des services de renseignements
occidentaux et arabes, rompra la
clandestinité dans laquelle il est
plongé depuis son succès militaire
contre Israël, en 2006, pour se livrer à
un gigantesque bain de foule le 6
décembre 2011, à l’occasion de la
célébration de la fête chiite d’Al
Achoura, commémorant l’assassinat de
Hassan et Hussein, les deux petits fils
du prophète. Un acte de bravade et de
bravoure, un acte de défi qui n’a pas
suscité d’émulation de la part de son
rival sunnite.
Saad Hariri aura
été un héritier présomptueux, dilapidant
en dix ans sa fortune, de même que le
crédit politique de son père.
La biologie comme
mode d’accession au pouvoir, le Liban,
ses combats, son Histoire, tout comme
l’Islam sunnite, méritent mieux que
cela. Les lois de l’hérédité permettent
une accélération de carrière. Elles
n’ont pas vocation à doter son
bénéficiaire d’une compétence innée, ni
de le prémunir forcément de toute
médiocrité.
Pour aller plus
loin
Le Tribunal
Spécial sur le Liban
Références
1- «La caverne de
Saudi Oger» de Ziad Zaatari -Journal
libanais Al Akhbar 23 juillet 2011
2- La Famille
Hariri: De son premier mariage avec une
reine de beauté irakienne Nidal Boustani,
Rafic Hariri a eu trois enfants:
Bahaeddine, Saadeddine et Houssameddine.
Baha Hariri, l’aîné de la famille,
réside habituellement entre Riyad et
Amman, siège de l’Arab Bank dont la
famille Hariri est actionnaire. Sa
fortune est estimée à 2,3 milliards de
dollars. Houssame a été tué dans un
accident de voiture aux États-Unis, à
l’âge de 18 ans.
De son mariage en
deuxième noce avec Nazek Audeh, Rafic
Hariri a eu trois enfants: Ayman, Fahd
et Hind. Ayman Hariri (22me fortune
arabe, 258me au niveau mondial avec un
patrimoine évalué à 2.4 milliard de
dollar), est l’hébergeur de Jacques
Chirac, ancien Président de la
République française, quai Voltaire à
Paris. Marié et père d’un enfant,
citoyen saoudien, il est diplômé en arts
et science de Georgetown University, aux
États-Unis.
Hind Hariri (562me
fortune au niveau mondial) est la plus
jeune milliardaire sur la liste établie
par Forbes avec une fortune évaluée à
1,4 milliard de dollars. Elle a défrayé
la chronique mondaine par une relation
tumultueuse avec le Roi de Abdallah de
Jordanie avant de se marier avec son
ancien garde du corps Anas Karout au
printemps 2009 à Paris.
Fahd réside à
Paris où il dispose d’une galerie d’art.
Nazek, de son
premier mariage avec Moussa Cheikh, un
palestinien, a eu deux enfants Ouddéye
et Joummana, épouse Nizar Dalloul. Nizar
Dalloul, né le 24 avril 1961 à Beyrouth,
est le fils de l’ancien ministre de la
défense, Mohsen Dalloul. Sa sœur a
épousé le fils de Abdel Halim Khaddam,
ancien vice président et transfuge
haririen en exil à Paris. Titulaire d’un
PHD de l’Université de Boston 1986,
ingénieur électronique et dans le
domaine des microsystèmes, il est
fondateur en 1990 de ITT (International
technolgy and integrate) Washington DC.
Au Liban, fondateur de Liban Cell, un
des fournisseurs de téléphonie mobile.
Depuis 2005,
résidant à Paris, il dirige OMNIUM
group, firme internationale de
téléphonie mobile, qui dessert l’Afrique
(Gambie, Côte d’ivoire, Sierra Leone),
le Moyen orient (Irak, Liban) ainsi que
le continent américain.
3- Inscrite sous le
registre foncier N° 105 du secteur de
Mina al Hosn à Beyrouth, la bâtisse a
été édifiée au début du XIX me siècle
par Mohamad Kheir Beyk Iyass, grand
exportateur de tissus anglais à
destination de la haute bourgeoisie
libanaise.
L’immeuble a été
habité par sa descendance, sans
discontinuer, jusqu’en 1987, avant
d’être pillée à la faveur de la guerre
civile inter libanaise. Laissée à
l’abandon du fait des hostilités,
l’immeuble a été inclus dans le
périmètre de réhabilitation du plan
SOLIDERE, la société foncière de la
famille Harri et récupéré par Saad pour
sa résidence officielle, sans
dédommagement des ayants droits, les
familles Anis Zaccaria Nsouli et Youssef
Ahmad Daouk.
4- «La stratégie du
choc, la montée d’un capitalisme du
désastre» par Naomi Klein Lémeac -Actes
Sud, particulièrement pages 556 et 557 à
propos du rôle de Fouad Siniora dans la
conférence de reconstruction de Paris II
(25 janvier 2007) suivant la guerre de
juillet 2006.
5- Fouad Siniora,
«L’Etat de l’ombre» journal Al Akbar
Samedi 21 août 2010 par Samer Ghandour.
6- Najib Mikati:
Entré en politique en 1998 en tant que
ministre des Transports et des Travaux
publics, Najib Mikati a été brièvement
premier ministre, en 2005, pendant la
période de transition qui a suivi le
retrait des troupes syriennes du Liban.
L’homme n’a jamais caché ses ambitions
politiques nationales auxquelles la
ville de Tripoli sert de tremplin. Sa
fondation y emploie des centaines de
personnes. Son groupe familial pèse près
de cinq milliards de dollars.
Des Libanais
impliqués dans le scandale swissleaks
(HSBC):
2.998 clients
enregistrés auprès de HSBC, dont 46%
possèdent un passeport libanais ou
détiennent la nationalité libanaise,
peut-on lire sur le site du Consortium
des journalistes d’investigation (ICIJ).
En terme d’avoirs
totaux par pays, le Liban est en 12e
position avec un total d’avoir de 4,82
milliards de dollars, selon Le Monde. En
tête de ce classement, l’on trouve la
Suisse, le Royaume Uni et le Venezuela.
Parmi les
personnalités libanaises figurant dans
les fichiers on trouve notamment :
- L’ancien
ministre Élias el-Murr qui dirige la
« Fondation d’Interpol pour un monde
plus sûr ».
Sur le site du
Consortium des journalistes
d’investigation (ICIJ), il est indiqué
que M. Murr disposait, en 2004, d’un
compte à la HSBC via une compagnie
appelée Callorford Investments Limited.
En 2006-2007, 42 millions de dollars
étaient sur ce compte, note l’ICIJ. Sur
le site, il est indiqué qu’un
porte-parole du M. Murr a souligné que
les avoirs de la famille Murr étaient
connus, et que cette famille dispose
d’un compte en Suisse depuis bien avant
la naissance d’Élias el-Murr. Le
porte-parole souligne aussi que le
compte n’a jamais été lié au rôle
politique de M. Murr. « Il n’est pas
illégal ou suspicieux qu’un
ressortissant libanais ouvre un compte
où qu’il le souhaite ».
Le quotidien suisse
Le Temps évoque, sans le nommer, « un
ministre libanais » qui « devait se
sentir comme chez lui à la HSBC Private
Bank. Il faut dire qu’en plus d’occuper
des fonctions stratégiques au sein du
gouvernement, il est aussi entrepreneur
à succès. La somme de ses comptes
genevois avoisinerait les 42 millions de
dollars ». Le quotidien suisse poursuit
: « Le compte en question n’était pas
lié à ses fonctions politiques. Son
groupe familial est actif dans la
construction, l’immobilier, l’ingénierie
et l’aviation. Au Liban, affaires et
politiques sont intimement liées. »
- Mohammad
Safadi, député de Tripoli et ancien
ministre des Finances. Selon le
Monde, M. Safadi dispose d’un compte
doté de 75 millions de dollars.
- Edmond Safra,
le célèbre banquier israélite
libanais naturalisé brésilien et
décédé en 1999 à Monaco.
Sur le site du
ICIJ, il est précisé que M. Safra était
lié à sept comptes à la HSBC, pour un
total de 5,3 millions de dollars. Le nom
de son épouse Lily était également
rattaché à plusieurs comptes. Un
porte-parole de Mme Safra a indiqué que
« les comptes de Mme Safra ou de la
fondation Edmond J. Safra ont été ouvert
pour des motifs normaux et légaux visant
à la gestion des affaires commerciales
et de la famille ».
- Le politicien
et industriel Georges Frem
Fondateur du groupe
industriel Indevco. Cet ancien ministre
(dans trois gouvernements) et ancien
député du Kesrouan est décédé en 2006.
Il est indiqué, sur le site du ICIJ, que
M. Frem avait utilisé son passeport
diplomatique pour ouvrir un compte à la
HSBC dont il est devenu le client en
2001. Il était lié à deux comptes
clients. Un des comptes était doté de
3,37 millions de dollars
Reçu de
René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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