MADANIYA
Haytham Manna,
Président de l’opposition démocratique
laïque syrienne
René Naba
Dimanche 13 décembre 2015
Haytham Manna,
Président de l’opposition démocratique
laïque syrienne :
Un triple camouflet
à l’opposition sous tutelle saoudienne,
aux puissances régionales sunnites et à
leurs parrains atlantistes.
L’élection de M. Haytham Manna à la
présidence de la coalition des partis
démocratiques de Syrie, samedi 11
décembre 2015, constitue tout à la fois
un acte de reconnaissance de la part de
ses compagnons de lutte à un opposant
historique au pouvoir baasiste, en même
temps qu’un geste de défi à l’égard des
nouveaux tuteurs saoudiens du combat
anti Assad, doublé d’une démonstration
de force contre leurs parrains
occidentaux, révélatrice de la
détermination de la coalition
démocratique à s’opposer à la
dénaturation de leur combat par une
opposition mercenaire à financement
pétro-monarchique, à propulsion
djihadiste salafiste.
Un triple camouflet
L’élection du chef de file de
l’opposition démocratique laïque
syrienne, réputé pour son indépendance,
constitue un triple camouflet tant à
l’Arabie saoudite, le nouveau parrain de
l’opposition islamiste syrienne, qu’à
ses parrains régionaux, les puissances
sunnites, -la Turquie et les
pétromonarchies du Golfe-, ainsi qu’à
l’alliance atlantiste.
Signe patent de la parité, de la
laïcité et de la mixité de ce
groupement, -autant de valeurs niés par
leurs rivaux pétro monarchiques-,
Haytham Manna a été élu co-président en
tandem avec une grande militante de
l’intérieur, Ihmam Ahmad. Sa
candidature, soutenue par l’Union
Démocratique Kurde ainsi que par des
mouvements arabes et assyriens, porte la
marque indiscutable de l’œcuménisme de
ce groupement.
Tenu dans le Nord de la Syrie, en
contre point de la conférence de
l’opposition pétro monarchique, réuni
-hasard ou préméditation ?- le même jour
dans la capitale saoudienne, le congrès
des démocrates syriens regroupait tous
les exclus de la sélection de Riyad,
ainsi que les objecteurs de conscience,
c’est à dire la sève vivante d’une
future Syrie démocratique et pluraliste,
présents sur le terrain de la lutte,
sans support financier pétro
monarchique, ni encadrement militaire
atlantiste, ni force de frappe
médiatique.
Fondateur du congrès de l’opposition
démocratique du Caire (9 juin 2015) et
du mouvement QAMH (Valeur, Citoyenneté
et Droit) Haytham Manna avait boycotté
le colloque de Riyad, en ce que le
Royaume saoudien était juge et partie,
faisant valoir que «l’Arabie saoudite,
partie prenante au conflit, n’avait pas
renoncé à l’option militaire pour le
règlement du conflit de Syrie».
Soucieux de se démarquer des Frères
Musulmans de Syrie, il a pointé leur
responsabilité dans «la
confessionnalisation du conflit et
l’armement des contestataires»,
criminalisant le nouveau chef de la
coalition de l’opposition laïque et
démocratique pour avoir refusé le
recours aux armes, refusant le suivisme
mercenaire et l’ingérence étrangère.
Les autres arguments
développés par M. Manna
- A – Le fait que la délégation de
l’opposition syrienne sélectionnée
par l’Arabie saoudite pour mener les
négociations avec le gouvernement de
Damas comprend un groupe militaire
mixte constitué de Syriens et de
combattants étrangers proche de
l’idéologie d’Al Qaida, avec
laquelle il participe d’ailleurs à
des opérations conjointes, alors que
le Conseil de Sécurité de l’ONU
réclame le retrait des combattants
étrangers hors de Syrie, nonobstant,
-circonstance aggravante- la
participation de ce groupe militaire
à des opérations conjointes avec les
groupements qualifiés de
terroristes.
- B – Le fait aussi que des partis
démocratiques syriens ainsi que
l’UNION DEMOCRATIQUE SYRIENNE ont
été exclus de la sélection en raison
d’un veto américain, sans doute pour
ne pas mécontenter la Turquie, alors
que les Américains fournissent armes
et expertises à ce dernier parti.
L’intégralité de l’argumentaire de
Haytham Manna sur ce lien
http://www.madaniya.info/2015/12/07/syrie-haytham-manna-a-propos-de-la-conference-de-riyad/
Les pays
Occidentaux: des pompiers pyromanes
Pompiers pyromanes, les Occidentaux
ont confié au Royaume saoudien le soin
de choisir la délégation conjointe de
l’opposition syrienne chargée de
négocier un règlement politique avec
leur bête noire commune le président
syrien Bachar Al Assad.
En un percutant effet de boomerang,
la dynastie wahhabite, le parrain absolu
du djihadisme salafiste erratique, a
vécu cette mission comme la confirmation
de son primat diplomatique régional dans
le conflit de Syrie, éliminant les
contestataires de son hégémonie: les
partis démocratiques et les partis
kurdes de Syrie, ainsi que les
groupements représentant les minorités
ethniques et religieuses de la mosaïque
humaine syrienne, plaçant leurs alliés
occidentaux devant le fait accompli, les
renvoyant à leurs propres turpitudes.
Ahrar Al Sham, dont le commandement
avait été décapité l’été 2014 dans une
ténébreuse affaire, sur fond de
rivalités entre la Turquie et Da’ech, le
nouveau et plus virulent contestataire
de l’ordre régional, émerge comme le
grand vainqueur des conciliabules de
Riyad. En tandem avec les Frères
Musulmans, pourtant criminalisés par le
Royaume et inscrit sur la liste des
organisations terroristes, mais
néanmoins promu partenaire clandestin de
la dynastie wahhabite dans la
désastreuse équipée du Yémen.
Face à Haytham Manna,
le dilemme de la France.
M. Manna a été élu et non imposé
comme ce fut le cas pour la coalition
monochrome saoudienne à soubassement
djihadiste.
Exilé en France depuis 37 ans,
porteur de la nationalité française,
Haytham Manna est l’auteur d’un ouvrage
documenté sur le «Califat de Da’ech», un
connaisseur en somme et non un verbeux
courant le cachet des écrans. Titulaire
d’un diplôme sur la médecine
psychosomatique de l’Université de
Montpellier, ce praticien a exercé au
sein de l’équipe médicale du professeur
Philippe Castaigne au Laboratoire du
Sommeil (Département de
neurophysiologie) du groupe hospitalier
Pitié Salpêtrière à Paris.
Président de l’Institut Scandinave
des Droits de l’Homme (SIHR), il siège
en outre au comité directeur de Justicia
Universalis et de l’Institut égyptien
des études des droits de l’homme;
titulaire de surcroît de plusieurs
distinctions honorifiques dans le
domaine des droits de l’homme: Medal of
Human Rights-National Academy of
Sciences-Washington (1996), Human Rights
Watch (1992).
Il demeure, paradoxalement, malgré sa
probité et sa popularité, frappé
d’ostracisme de la part du pouvoir
français dans ses deux composantes sarko-hollandaises,
indice du dévoiement moral de la France.
Tant le philo sioniste atlantiste
Nicolas Sarkozy que le socialo motoriste
François Hollande lui ont préféré, -pour
présider la coalition de l’opposition
syrienne aux premières lueurs du
soulèvement syrien-, une personnalité
sans relief, Bourhane Ghalioune, un
bi-national franco-syrien salarié de
l’administration française, ainsi que
l’oracle des médias français Basma
Kodmani, astre déchue du cosmopolitisme
des élites mondialisées, frappée
désormais d’un phénomène d’hystérisis.
La France, le plus tonitruant
protagoniste du conflit de Syrie du camp
occidental, a été néanmoins présente à
Riyad. Dans l’ordre de la figuration.
Précisément en la personne de Basma
Kodmani, mandatée pour cette mission
mais arrivée sur les lieux au lendemain
de la conférence, juste à temps pour
figurer sur la photo finale en une
mauvaise réédition de la prosternation
des «Bourgeois de Calais» dans sa
version contemporaine.
Une présence ultra modeste que celle
de l’ancienne salariée de la Ford
Foundation et de l’Institut Français des
Relations Internationales (IFRI), -le
fortin atlantiste de la pensée
stratégique française- qui sera
amplifiée au niveau médiatique par les
habituels relais de la bureaucratie
française, les islamophilistes, ces
nouveaux tontons flingueurs-flagorneurs
de la médiocratie française.
L’ ahurissant
éditorial de Jamal Kahsoogi dans Al
Hayat du Samedi 11 décembre
L’élection de M. Manna est un
camouflet d’autant plus cinglant pour
l’Arabie saoudite qu’elle a coïncidé
avec la parution le jour même d’un
éditorial ahurissant d’un médiacrate
très en cours auprès de la dynastie
wahhabite, M. Jamal Kashoggi, qui se
réjouissait samedi 11 décembre de
«l’absence de Haytham Manna aux
conciliabules de Riyad, lequel, selon le
scribe saoudien, aurait eu le mauvais
goût de «soulever des questions
gênantes, telles le droit des femmes et
le droit des minorités».
Sur ce lien pour les locuteurs
arabophones, l’éditorial de Jamal
Khashoggi : http://bit.ly/1lVG5kU
Ah l’horrible agenda cauchemardesque
que les obscurantistes protégés de
l’Occident auraient eu à débattre et
dont ils ont été dispensés par l’absence
de M. Haytham, comme si à l’ère de la
«société du spectacle» et du «village
planétaire» de tels sujets décisifs pour
l’avenir de la Syrie et du Monde arabe
pouvaient être occultés.
Paru dans le journal Al Hayat, le
texte porte la signature du directeur de
la chaîne trans-frontière «Al Arab», par
ailleurs talent scout du holding
médiatique du prince Walid Ben Talal,
et, surtout, dernier et non le moindre,
un proche du prince Turki Ben Faysal,
l’ancien officier traitant d’Oussama Ben
Laden dans la guerre djihadiste anti
soviétique d’Afghanistan (1980-1989).
Ancien chef des services de
renseignement saoudiens, frère du prince
Saoud Al Faysal, ancien ministre des
Affaires étrangères, Turki prône la
normalisation avec l’Etat Hébreu pour
contre balancer le péril chiite, au
mépris de la négation israélienne des
Droits Nationaux du Peuple Palestinien.
La boucle est ainsi bouclée.
L’éditorial de Jamal Kashoggi signe la
mainmise saoudienne sur l’opposition
hétéroclite syrienne dans sa version la
plus rigoriste, dans la fidélité à
l’esprit du djihad afghan.
Communiqué bourré de fautes
d’orthographes et de fautes de syntaxe,
un langage d’une pauvreté désolante,
téléphones coupés, portables confisqués
dans la digne tradition des conclaves du
Vatican, sauf que, pour filer la
métaphore religieuse, le pèlerinage de
Riyad s’est davantage apparenté à un
voyage à Canossa.
A n’en pas douter « Jabhat an Nosra
fait du bon travail en Syrie » …. au
niveau de la gangrène des esprits.
Haytham Manna président constitue un
message clair au Monde du refus d’une
large fraction de la population syrienne
de transformer leur pays en «République
bananière», d’une société monochrome
aseptisée, anesthésiée et tétanisée par
une application ultra rigoriste de la
Charia; le refus, enfin, du ralliement à
la bannière de la puissance mandataire,
-le choix aberrant de l’opposition
commanditée par les pétro monarchies de
prendre pour emblème le drapeau syrien
du temps du mandat français-, signe
indiscutable d’une servilité absolue, en
guise de symbole de la renaissance d’un
pays, libre et souverain. On aurait rêvé
meilleur choix pour la dignité des
Syriens et de la Syrie, ultime
récalcitrant à une reddition généralisée
arabe à l’imperium israélo-américain.
«La destruction programmée du pays,
l’attaque menée sans discernement contre
l’institution militaire de la part des
groupement extrémistes ont
incontestablement servi les intérêts
d’Israël, de même que le projet de
détruire les armées arabes d’Irak, de
Syrie, d’Égypte et de Libye est un
projet israélien par excellence. Les
groupes extrémistes ont mené cette
mission par procuration. En contrepoint,
souligne-t-il, il est «évident que la
dictature ne saurait libérer le pays en
ce qu’elle a refusé de traiter l’homme
en tant que citoyen», a-t-il observé.
Le nouveau président ambitionne de
«doter la société syrienne d’un projet
de sensibilisation culturel et
civilisationnel en guise de riposte au
niveau intellectuel consécutif à la
défaite des idéologies et à la forte
attractivité exercée par la sauvagerie
dans les rangs de la jeunesse», a t-il
précisé dans une déclaration préalable à
son élection.
M. Haytham Manna «s’engage par
fidélité à la mémoire de ceux qui ont
sacrifié leur vie pour l’édification
d’un état démocratique et civil, en vue
de mener le combat pour l’édification
d’un pays libre qui assume la pleine
protection de ses citoyens, défendre les
valeurs humaines; d’approfondir une
meilleure connaissance des cultures tant
arabes que musulmanes qu’universelles,
ancrer la légalité internationale des
droits de l’homme dans les cœurs et les
esprits, de jeter un pont à tous les
hommes libres d’Orient et de l’Occident
en vue d’édifier une humanité plus
juste, une société civile démocratique,
créer enfin un réseau de relations
internationales dégagé de toute emprise,
domination ou exploitation.
«La Syrie a perdu 350 milliards de
dollars du fait du conflit; une somme
qui excède les capacités de l’Allemagne
et du Royaume Uni. S’impose alors comme
unique solution, l’option politique avec
une caution internationale, une garantie
et des obligations régionales et
internationales», avait il coutume de
dire.
A Riyad, comme à Doha, la rationalité
est absente, de même qu’en France
pourtant pays de la rationalité
cartésienne. Pour le malheur de la
Syrie, des autres pays arabes et de la
France.
Haytham Manna, président de
l’opposition démocratique syrienne, est
le couronnement d’un parcours
exemplaire, du respect de la volonté du
peuple syrien et de sa diversité, du
refus de la vassalisation de la Syrie,
dont il aura payé un lourd tribut
familial (un frère tué sous la torture,
un cousin assassiné).
Un brutal rappel à l’ordre du refus
de la Syrie de devenir une «République
bananière». Un coup de tonnerre dans le
sommeil dogmatique de la plus hideuse et
la plus criminelle coalition de la
polémologie contemporaine.
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